Forest Frederick Edward Yeo-Thomas

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Forest Frederick Edward Yeo-Thomas (17 juin 1901 - 26 février 1964) fut un agent secret britannique du Special Operations Executive (SOE) pendant la Seconde Guerre mondiale. Au sein de la section RF, en liaison avec la France libre, il effectua trois importantes missions clandestines en France (baptisées SEAHORSE, MARIE-CLAIRE et ASYMPTOTE), fut arrêté par les Allemands, emprisonné, torturé et déporté en camp de concentration, dont il réchappa.

Nom de guerre : « Shelley ».
Surnom : Le Lapin blanc (The White Rabbit).

Note : pour accéder à des photographies de Yeo-Thomas, se reporter au paragraphe Sources et liens externes, plus loin, en fin d'article.

Sommaire

[modifier] Famille

  • Son père : John Yeo-Thomas, marchand de charbon.
  • Sa mère : Daisy Ethel Yeo-Thomas, née Burrows.
  • Sa femme : Lillian Margaret Walker épouse Yeo-Thomas

[modifier] Biographie

[modifier] Les débuts

1901. Le 17 juin, il naît à Holborn, Londres.

Pendant son enfance, sa famille déménage à Dieppe.

Études au collège de Dieppe, puis au lycée Condorcet, à Paris. Grâce à cela, il parlera parfaitement le français et l’anglais.

1917. Il s’engage dans la Légion américaine.

1919-1920. Il connaît l’action pour la première fois pendant la guerre soviéto-polonaise, en combattant les bolcheviks aux côtés des Polonais. Capturé par les Soviétiques, il réussit à s’échapper et à éviter ainsi l’exécution.

1922. Mécanicien chez Rolls-Royce.

Années suivantes : il travaille dans une agence de voyages, dans plusieurs banques et dans une compagnie pétrolière.

1927. Naissance de sa fille ainée Evelyn

1930. Naissance de sa deuxième fille Lillian

1932. Yeo-Thomas est directeur de la célèbre maison de couture parisienne Molyneux.

[modifier] La guerre

1939.

  • 4 septembre. Il se présente à l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris et demande à servir dans la RAF. L'attaché de l'air lui déclare que l'armée ne recrute plus.
  • Il cherche à s'engager dans la Légion étrangère. Mais les ordres veulent qu'on n'y prend pas d'Anglais.
  • 27 septembre. Finalement il est accepté dans la RAF. Il est nommé interprète, avec le grade de caporal, puis sergent.
  • Fin de l'année. Il est convoqué au QG de l'aviation de chasse, à Stanmore. Il y rencontre Barbara. Pendant la drôle de guerre, il est officier de liaison auprès des forces françaises.

1940.

  • Lors de l'offensive allemande, il est affecté à la liaison avec un groupe de bombardement français au Bourget.
  • Après la défaite de la France et à la veille des évacuations cahotiques de Dunkerque, il s’échappe (via Paris, Tours, Limoges, Bordeaux, la Pointe de Grave). Juste avant le départ, il envoie une carte postale à une amie d'enfance, Josée Dupuis, où il écrit : « Nous reviendrons. » Il retourne par cargo en Angleterre. Il commence par travailler comme interprète à Odiham, où sont formés les pilotes français des FAFL[1].
  • Octobre. Il est promu officier, et affecté comme officier de renseignements à la 308e escadrille de chasse polonaise libre, à Badington, près de Coventry.

1942. Ses talents sont remarqués par le Special Operations Executive (SOE). Le 3 février, il rejoint la section RF comme officier de liaison entre le SOE et le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA), agence de renseignements de la France libre. Yeo-Thomas établit rapidement des liens avec le Major Pierre Brossolette et André Dewavrin (plus connu sous son nom de code « Passy »).

1943.

Première mission en France (opération SEAHORSE) : il accompagne André Dewavrin « Passy », chef du BCRA, (mission ARQUEBUSE) et Pierre Brossolette, son adjoint, (mission BRUMAIRE) dans leur mission ARQUEBUSE-BRUMAIRE. Ils viennent enquêter sur la Résistance, ses capacités paramilitaires, ses projets politiques et sa position vis-à-vis du Général de Gaulle, ainsi que sur l’état d’esprit des Français.
  • 25 février. Il est parachuté en France avec « Passy ». Il fait preuve de courage et d’initiative durant sa mission, notamment en permettant à un officier français qui était suivi par un agent de la Gestapo à Paris de se retrouver en sûreté et de reprendre son activité clandestine ailleurs. Il prend aussi en charge le Captain Ryan, un pilote américain dont la forteresse volante a été descendue et qui, ne parlant pas français, court le risque d’être capturé.
  • 15 avril. Dans la nuit du 15 au 16, il retourne en Angleterre par Lysander, avec « Passy », Brossolette et l’officier américain.
Bilan de la première mission : en sept semaines, la mission ARQUEBUSE-BRUMAIRE a mis en place les éléments essentiels de l'unification de la Résistance en France, en obtenant un accord pour la mise en place d'une organisation militaire qui réunisse tous les mouvements (préparant ainsi la future Armée Secrète), en obtenant également la création du Comité de coordination des mouvements de Résistance de la zone Nord, ainsi qu'un accord sur la création et la composition du CNR. À Londres, les rapports de Yeo-Thomas sur les forces résistantes et sur les sentiments gaullistes nourris par nombre de Résistants et de Français confortent ceux qui s’opposent à ce que Churchill cède aux Américains et lâche de Gaulle.
  • 20 mai. Le général de Gaulle demande à le voir et lui dit : « Je vous félicite pour votre mission... Je vous remercie pour ce que vous avez fait pour la France. »

Deuxième mission en France (opération MARIE-CLAIRE) : avec Pierre Brossolette, il recense les moyens de l’action armée en France et les besoins en armes des maquis. Il travaille à renforcer l’organisation paramilitaire de la Résistance.
  • 17 septembre. Yeo-Thomas et Pierre Brossolette retournent en France. Il sont déposés en Lysander près d'Angoulême. Peu après leur arrivée, de nombreux patriotes sont arrêtés. Sans se laisser décourager, ils continuent les enquêtes et obtiennent des renseignements qui permettent de rectifier la situation. En six occasions, Yeo-Thomas manque d’être arrêté.
  • 6 octobre. Ils réunissent à Paris les responsables des mouvements et ceux du Bureau des opérations aériennes en zone nord pour une séance de conciliation.
  • 26 et 27 octobre. Ils réunissent les chefs régionaux de zone sud du Service national maquis, puis le Comité militaire de zone nord.
  • 15 novembre. Rappelé à Londres, Yeo-Thomas retourne en Angleterre par Lysander. Il apporte des archives du Renseignement britannique qu’il sauve d’une maison surveillée par la Gestapo. Pierre Brossolette reste sur place.
Bilan de la deuxième mission : jalon dans le développement des forces paramilitaires clandestines et dans leur coopération avec les Alliés.

1944.

  • 1er février. Yeo-Thomas est appelé au 10, Downing Street. Pendant une heure, il plaide auprès de Winston Churchill en faveur de la Résistance. Churchill se rend à ses arguments : deux jours après, la section RF disposera désormais de nombreux avions (22 Halifax, 12 Liberators, 36 Stirlings, 6 Albermarles et de nombreux petits avions).
  • Il apprend l'arrestation de Brossolette.[2]

Troisième mission en France (opération ASYMPTOTE) : sous le nom de guerre « Shelley », il tente de faire évader Pierre Brossolette.[3]
  • 24 février. Dans la nuit du 24 au 25, il est de nouveau parachuté en France (par nuit noire !) aux alentours de Clermont-Ferrand. Il prépare le coup de main contre la prison de Rennes. En dépit des précautions de sécurité, il est trahi.
  • 21 mars. À 11 heures, alors qu'il a rendez-vous avec un contact à la station de métro Passy à Paris, il est capturé par la Gestapo. Il est emmené au quartier général du 84 Avenue Foch et y est poussé dans un bureau aux cris de « Wir haben Shelley[4] ! ». Se voyant identifié, il applique les consignes : il décline son identité véritable et reconnaît sa qualité d'officier britannique, avec rang de squadron leader dans la RAF. Bien que cela lui permette, en théorie, de bénéficier des lois de la guerre, il est soumis pendant quatre jours à la torture brutale qui ponctue son interrogatoire : immersion dans l’eau glacée (qui exige ensuite une respiration artificielle), pieds et bras enchaînés, électrocution des parties génitales, innombrables passages à tabac.
Bilan de la troisième mission : échec.[5]
  • L’interrogatoire de Yeo-Thomas se poursuit pendant deux mois. Les Allemands lui proposent la liberté contre des renseignements sur le chef du secrétariat de la Résistance. Ayant été blessé par les chaînes qui lui liaient les poignets, il contracte une gangrène qui manque de lui faire perdre le bras gauche. Il fait deux tentatives d’évasion, osées mais infructueuses.
  • Il est envoyé à la prison de Fresnes en isolement, dont quatre semaines au mitard.
  • 17 juillet. N’ayant fourni aucune information, il est transféré à la prison de Compiègne, d’où il cherche à s’échapper à deux reprises.
  • 8 août. Lui et 36 autres sont déportés au camp de concentration de Buchenwald. Sur le chemin, ils s’arrêtent à Saarbrücken, où on les bat et on les garde dans une minuscule cabane, avant de repartir vers Buchenwald.
  • 16 août. Ils arrivent au camp. Malgré la perspective d’être exécuté et de finir au four crématoire, et ce sera le cas pour seize d’entre eux le 10 septembre, Yeo-Thomas commence à organiser la résistance à l’intérieur du camp et tente une nouvelle fois de s’évader. Repris, il prend l’identité d’un Français mort. Il est aidé par l’Anglais Harry Peulevé et le Français Stéphane Hessel.

1945.

  • Janvier. Il est transféré au camp de Rehmsdorf. En tentant de s’échapper, il est intercepté par une patrouille allemande. Proclamant sa nationalité française, il est transféré dans un camp pour prisonniers de guerre français près de Marienburg.
  • 16 avril. Il conduit un groupe de 20 dans une tentative d’évasion extrêmement courageuse, en plein jour. 10 sont tués par les gardiens. Les autres se dispersent en petits groupes. Yeo-Thomas se sépare de ses compagnons après trois jours sans nourriture. Il continue seul pendant une semaine. Il est repris à 800 yards des lignes américaines. Quelques jours plus tard, il s’échappe avec un groupe de dix prisonniers de guerre français, qu’il conduit au milieu des patrouilles allemandes jusqu’aux lignes américaines.
  • 8 mai. C'est le jour même du VE-day qu'il arrive à Paris. Il dîne en compagnie du major Thackwaite et de Josée Dupuis, au club des officiers britanniques du faubourg Saint-Honoré.

[modifier] Après la guerre

  • Procès de Nuremberg : Yeo-Thomas est un témoin important pour identifier les responsables de Buchenwald et pour la défense du commando allemand Otto Skorzeny.

Yeo-Thomas est délégué pour la France de la Federation of British Industries.

1964. Le 26 février, âgé de 62 ans, il meurt dans son appartement parisien des suites d’une hémorragie.

[modifier] Reconnaissance

[modifier] Décorations

[modifier] Stèle

[modifier] Références

  • Leo Marks, Between Silk and Cyanide: A Codemaker's Story 1941-1945.
  • Brigitte Friang, Parachutes and Petticoats.
  • Kenneth More a joué le rôle de Yeo-Thomas dans le documentaire télévisé BBC The White Rabbit, (1967). Voir la fiche (en) IMDB 'The White Rabbit'.

[modifier] Sources et liens externes

  • Photographies de Yeo-Thomas sur le site Special Forces Roll of Honour
  • Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008, ISBN : 978-2-84734-329-8 / EAN 13 : 9782847343298. Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France. Une référence essentielle.
  • Article de langue anglaise.
  • Sous la direction de François Marcot, Dictionnaire historique de la Résistance, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2006.
  • Bruce Marshall, The White Rabbit. Traduction en français : Le Lapin blanc, traduction de l'anglais par Pierre Frédéric, préface de Gilberte Pierre-Brossolette, Gallimard, 1953.
  • François Musard, Les Glières, 26 mars 1944, Robert Laffont, 1965.
  • George Cross Database.

[modifier] Notes

  1. FAFL : Forces Aériennes Françaises Libres, du général de Gaulle.
  2. Pierre Brossolette a été arrêté le 3 février près de Douarnenez alors qu'il rentrait à Londres.
  3. L'affaire est urgente. Les Allemands ignorent que c'est Brossolette qu'ils ont fait prisonnier. Mais ils savent qu'il a une mèche blanche dans sa chevelure foncée. La mèche étant teinte, Yeo-Thomas doit délivrer Brossolette avant que la mèche ne le trahisse en réapparaissant.
  4. « Nous avons Shelley ! »
  5. Non seulement Yeo-Thomas est arrêté, mais Pierre Brossolette, que les Allemands ont identifié et ramené à Paris, sous la torture et ne voulant pas parler, s'est suicidé le 22 mars en se jetant par la fenêtre.
  6. Sur la stèle, on peut lire le texte gravé suivant :
    « UNE PORTE OUVERTE SUR LE MAQUIS
    En l'an 1943, en pleine France occupée par l'ennemi nazi, a pris naissance ici le groupement sud des maquis et de l'Armée secrète de l'Ain. Ces patriotes, dissimulés aux lieudits Morez, les Combettes, Pré-Carré, Deschapoux, les Bergonnes, le Sèche, ont entrepris avec l'aide de la population, une lutte armée contre l'envahisseur et ses complices pour l'Honneur et la Libération de la France.
    Fin septembre 1943, les membres de la mission interalliée MUSC partis de Londres ont évalué le potentiel des combattants du maquis regroupés ici. Le Wing Commander YEO-THOMAS du Special Operations Executive et Michel Brault, chef du service National Maquis, après avoir inspecté plusieurs camps des maquis, dont celui de Morez, à la mi-octobre 1943, convainquirent Winston CHURCHILL de leur importance au début de l'année 1944 et qu'il fallait les armer en prévision du débarquement en France.
    À ceux qui n'ont pas survécu, victimes de cette tragique époque, ainsi qu'à leurs chefs « Romans » (Henri Petit), « Chabot » (Henri GIROUSSE), Pierre Marcault, à la Mission Interalliée CANTINIER-ROSENTHAL, « Xavier » (Richard Harry Heslop), « Paul » (Owen Denis JOHNSON), et à tous les volontaires héritiers des soldats de l'an Il de la République, cette stèle exprime une juste reconnaissance. Elle rend aussi hommage à la population d'Hotonnes et du Valromey. »
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