Buchenwald

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51° 01′ 17″ N 11° 14′ 57″ E / 51.0213, 11.24928

Mémorial de Buchenwald par Fritz Cremer
Mémorial de Buchenwald par Fritz Cremer
Buchenwald, 24 avril 1945
Buchenwald, 24 avril 1945
Buchenwald, 16 avril 1945 - Ph. Jules Rouard
Buchenwald, 16 avril 1945 - Ph. Jules Rouard
Buchenwald, 16 avril 1945 - Ph. Jules Rouard
Buchenwald, 16 avril 1945 - Ph. Jules Rouard

Buchenwald fut un camp de concentration nazi créé sur la colline d'Ettersberg près de Weimar, Thuringe, Allemagne, en juillet 1937.

Sommaire

[modifier] Le camp national-socialiste : 1937-1945

[modifier] La création du camp

Le 20 mai 1936, le représentant du Reich en Thuringe, Fritz Sauckel, et l'Inspecteur Rénald Mestenapeo Theodor Eicke prennent la décision de déplacer le camp de concentration de Lichtenburg vers la Thuringe, "pour des raisons de sécurité". Comme le camp de Sachsenhausen prés de Berlin, le futur camp de Thuringe doit être un camp de concentration de type nouveau, combinant "de manière optimale" les intérêts organisationnels, politiques et économiques de la SS.

Le site du camp, prévu pour 8000 détenus, n'est définitivement choisi que quatre mois plus tard : il s'agit de la colline de l'Ettersberg près de Weimar, ville symbole des classiques de la culture allemande Goethe, Schiller, Nietzsche... Le camp sera baptisé Buchenwald (Forêt de hêtres), officiellement KL Buchenwald/Weimar[1] ; le nom Ettersberg d'abord utilisé est abandonné parce que trop fortement associé à Goethe.

Les premières baraques sont construites sur le versant nord entièrement boisé (190 hectares). Le 15 juillet 1937, 149 prisonniers qualifiés pour les travaux de construction sont amenés du camp de Sachsenhausen. Ils doivent défricher, installer les canalisations d’eau et poser les installations électriques, construire les routes et les chemins, les casernes, les casinos, un manége à cheval, les villas des SS... Les conditions de travail et le manque d'équipements adéquats causent de nombreuses victimes. Le camp des prisonniers est parcouru d’un courant électrique de 380 volts ; la porte porte l'inscription en fer forgé : Jedem das Seine ("A chacun son dû").

[modifier] Les prisonniers

[modifier] Prisonniers allemands

Les prisonniers politiques et religieux

L'éventail des prisonniers politiques, qui portent un insigne rouge sur leur uniforme, est très large: sociaux-démocrates, communistes, syndicalistes, libéraux, démocrates, pacifistes, religieux catholiques et protestants, mais aussi des revendicateurs, des objecteurs de conscience, voire des membres du NSDAP. La durée de leur détention varie de quelques mois à plusieurs années pour ceux qui voient leur détention préventive prolongée en emprisonnement pour haute trahison ou pour les parlementaires (18 députés internés jusqu'en 1942).

Le 1er juillet 1937 les politiques représentent 21 % des effectifs (1621 sur 7723 prisonniers). Les membres du parti communiste forment à cette date la majorité des prisonniers politiques.

De 1938 à 1939? la majorité des internements est liée aux préparatifs de guerre. Ce sont alors des objecteurs de conscience qui sont internés, mais aussi d'anciens membres du KPD, du SPD, des syndicats et de partis du centre.

Les Témoins de Jéhovah, qui par conviction religieuse, refusent d’accomplir le service militaire et de prêter serment de fidélité au régime sont aussi internés ; ils portent un insigne violet. Ils sont 477 en décembre 1938, entre 250 et 300 à partir de 1940.

Les criminels professionnels (BV)

Ce sont des personnes antérieurement condamnées à plusieurs reprises pour des actes criminels et détenues par prévention. Ils portent un insigne vert. A Buchenwald se trouvent parmi eux des criminels violents et dangereux qui marquent l'atmosphère du camp, particulièrement en 1937-1938 (Herbert Richter, par exemple). Ils perdent leur influence en 1941, les détenus politiques prenant le dessus.

Les "réfractaires au travail" (ASR)

Ce sont des hommes aptes au travail qui ont refusé à deux reprises une proposition d’emplois sans raisons valables ou qui ont accepté un emploi mais après une courte période ont démissionné sans motifs valables : mendiants, sans-abri, alcooliques, vagabonds. Les premiers internés de ce type entrent au camp de Buchenwald dans la dernière semaine de 1938 ; l'effectif s'accroît alors de 4000 nouveaux travailleurs forcés pour la construction du camp.

Les Juifs

Parmi les 2378 hommes qui entrent à Buchenwald entre le 14 et le 19 juin 1938, 1256 sont juifs. L’Action-juin est la première arrestation massive de juifs en Allemagne et en Autriche, en liaison directe avec la politique d’émigration forcée des juifs de 1938.

Les homosexuels

Pour les nazis qui affirment que la reproduction est le seul but de la sexualité, l’homosexualité ne constitue pas seulement une atteinte à la normalité, mais surtout une menace biologique pour la Communauté du Peuple. En faible nombre (30 en 1938, 189 en 1944), ils restent isolés et bannis au sein de la communauté des prisonniers.

Les Roms

Des centaines d’entre eux sont amenés à Buchenwald à la suite des arrestations massives de juin 1938 et sont classés par les SS dans la catégorie ASR. Beaucoup meurent des violences quotidiennes et du travail forcé. Dès leur arrivée en juin 1938, ils sont publiquement fouettés ou maltraités. Un tiers d’entre eux meurt pendant l’hiver 1939-40. A partir de 1940, les SS les envoient au camp de Mauthausen pour les faire mourir dans la carrière.

Les Autrichiens

Les premiers prisonniers étrangers, quoique déportés en tant que Reichsdeutsche ("Allemands du Reich"), sont des Autrichiens amenés à Dachau en septembre 1938. Début octobre 1938, les prisonniers arrivent de la prison de Vienne, avec parmi eux des hauts fonctionnaires.

[modifier] Prisonniers des pays occupés

Le nombre des prisonniers de Buchenwald est multiplié par dix d’avril 1942 (environ 8400 prisonniers) à la fin septembre 1944. A partir de 1943? le camp est habité par deux grandes catégories de prisonniers: les travailleurs contraints d’Union Soviétique et de Pologne, et les prisonniers politiques de l’Europe occupée. Plus de la moitié des prisonniers de Buchenwald ont en décembre 1944 moins de vingt ans.

Les prisonniers du Protectorat de Bohême-Moravie (1939)

Fin septembre 1939, arrivent de Dachau 700 prisonniers provenant de Tchécoslovaquie occupée (la partie ouest, rebaptisée "Protectorat de Bohême-Moravie", la Slovaquie devenant indépendante). Les mesures répressives instaurées en 1942 après l’attentat réussi contre Reinhard Heydrich font passer le nombre de Tchèques de 600 à la mi-1943 à 5000 en octobre 1944. 773 des 7800 Tchèques internés mourront à Buchenwald.

Les Polonais (1939)

Plus de la moitié des 4514 Polonais internés à Buchenwald jusqu’à la fin 1941 sont arrêtés dès le début de l’occupation en septembre 1939. Beaucoup d’entre eux meurent lors des premiers mois, d’autres partent début mars 1940 pour Mauthausen. Considérés comme race inférieure ils sont tolérés tant qu’ils peuvent travailler. En avril 1944, ils sont 22120 (?).

Les prisonniers de guerre (1940)

Une place spéciale parmi les prisonniers étrangers est tenue par les prisonniers de guerre livrés par la Wehrmacht en vue d'exécution. Le 18 avril 1940, la Gestapo de Kassel livre 56 prêtres officiers polonais.

Les Hollandais (1940), les Belges et les Luxembourgeois

A la déportation de 232 otages hollandais, dont 14 femmes conduites au camp de Ravensbrück les 21 et 22 juillet 1940, s'en ajoutent 124 autres jusqu’en octobre 1940 . Ils bénéficient de conditions de détention spéciales : ils sont isolés, peuvent recevoir des colis et ne travaillent pas.

Suite à la mort d'un policier allemand, 400 hommes juifs de 25 à 30 ans de Rotterdam et Amsterdam sont déportés. 389 entrent à Buchenwald le 28 février 1941. Les conditions des juifs hollandais sont insupportables.

Les premiers Luxembourgeois de Buchenwald sont 26 membres de la police volontaire qui en août (?) se sont refusés à combattre les partisans.

L’augmentation du nombre d'internements de Belges et de Hollandais en 1944 tient avant tout à l’intensification des mesures de représailles de la police pour combattre la résistance. Le 15 novembre 1944 2354 Belges, 595 Hollandais et 82 Luxembourgeois se trouvent dans le camp.

Les Yougoslaves et les Croates (été 1941)

Dans les statistiques du camp, les SS font une différence entre les Yougoslaves et les Croates. Les premiers Yougoslaves arrivent durant l’été 1941. Ils restent isolés. Un transport de Flossenburg en octobre 1943 fait passer leur effectif à 759. A la mi-juin 1944, 575 Yougoslaves et 327 croates se trouvent à Buchenwald.

Les prisonniers civils d’Union soviétique (1942)

De la mi-1942 au début 1943, la Gestapo de Thuringe, Hesse, Saxe et Rhénanie interne 400 travailleurs forcés soviétiques. Ils sont particulièrement mal traités par les SS et subissent des privations de nourriture. Ils sont quasiment tous affectés au commando X, le commando chargé de la construction des usines d’armement du camp ou à la carrière. La mortalité est telle que les SS renoncent à enregistrer officiellement leur décès. Ils seront plus de 17 000 au total.

Les Français (1943)

Parmi les prisonniers de près de 30 pays, les Français constituent, au début de 1944, le groupe le plus important. Dès le 10 avril 1942, l’état-major militaire en France décide, sur un ordre d’Hitler, que „ pour chaque attentat, en plus de l’exécution de certaines personnes, 500 communistes et juifs seront à remettre au Reichsführer et chef de la police du Reich pour être déportés“. Internés à Compiègne, environ 50 000 personnes partent pour Auschwitz et à partir de 1943 pour d’autres camps, dont Buchenwald : Tous ne sont pas communistes. De juin 1943 à août 1944 arrivent 10 convois transportant plus de 13000 prisonniers. Au total le nombre des Français déportés à Buchenwald est estimé à 25000. De plus, environ 1000 Français se trouvent dans des commandos extérieurs. Ils jouent un rôle significatif dans la résistance des prisonniers étrangers.

Les Italiens (septembre 1943)

Les premiers Italiens de Buchenwald arrivent de la prison de Sulmona près de Rome après le cessez-le-feu signé entre les Italiens et les alliés en septembre 1943. En 1944, ont lieu des transports de prisonniers politiques venant en particulier de la prison La Risiera à San Sabba près de Trieste. De juin à novembre 1944, les SS internent 1290 Italiens à Buchenwald. D’autres Italiens notamment ceux ayant participé à la guerre d’Espagne dans les Brigades internationales arrivent dans les transports de Compiègne. Environ un tiers des 3500 italiens déportés meurent à Buchenwald .

Les étudiants norvégiens (novembre 1943)

Le 30 novembre 1943, environ 1250 étudiants de l’université d’Oslo sont arrêtés et internés dans un camp en Norvège. Comme ils ont protesté contre la nazification de l’université, ils doivent servir d’exemple pour le programme de rééducation. 348 sont conduits à Buchenwald. En juillet 1944. le premier étudiant quitte Buchenwald, le dernier part en octobre. 17 d’entre eux sont morts.

Les militaires alliés (août 1944)

En août 1944, le commandement de la police de sécurité en France, ordonne de vider les prisons parisiennes et le camp de Compiègne des prisonniers alliés s’y trouvant. La majorité des prisonniers sont déportés le 20 août 1944 à Buchenwald. Parmi eux 167 pilotes abattus en France dont 82 américains, 48 Britanniques, 26 Canadiens, 9 australiens, 2 Néo-zélandais et 1 jamaïcain. Parmi les prisonniers qui arrivent le 17 août 1944 se trouvent aussi 37 membres des services secrets, arrêtés en France. Le Bureau central de la Sécurité du Reich ordonne pour eux „ un traitement spécial“. De début septembre à la mi octobre, 34 d’entre eux sont pendus dans la cave du crématorium. Seuls trois pourront être sauvés.

Les policiers danois (septembre 1944)

Les militaires allemands commencent à craindre la police danoise vers la fin de l’été 1944. Le 19 septembre 1944 à 11 heures les Allemands pénétrent avec violence dans les préfectures de police de tout le pays. Les policiers arrêtés sont envoyés à Neuengamme en octobre 1943 puis à Buchenwald (block 57 du petit camp). 60 meurent à Buchenwald.

[modifier] Prisonniers de haut rang

A Buchenwald, hors de l'enceinte du camp des déportés, se trouvaient des villas où une cinquantaine de personnalités, dont les Français Léon Blum et Georges Mandel, ont été internés dans des conditions très différentes de celles des déportés du camp de concentration.

[modifier] L'organisation du camp

[modifier] L’administration SS

Section I, la Kommandantur du camp

Buchenwald a eu deux commandants (nommés par l’Inspection des camps de concentration) :

  • Le SS-Standartführer Karl Koch, de juillet 1937 à décembre 1941,
  • le SS-Oberführer Hermann Pister, de janvier 1942 à avril 1945.

Ils sont tous deux issus de milieux sociaux modestes, ont eu des parcours scolaires moyens, ont été des combattants de la première guerre mondiale et sont devenus membres des SS avant 1933. Leurs commandements sont cependant très différents, non seulement en raison de leurs différences de caractère et de parcours au sein de la SS, mais aussi en raison des conditions générales qui transforment le camp de concentration en camp de travail. Cette évolution rend le brutal Karl Koch superflu et favorise le bureaucrate Pister.

Koch a successivement eu 5 adjoints : Harting Block (1937), Johannes Wellershaus (1937), Hans Hüttig (1938-39), Hermann Hackmann (1939-40) et Heinz Büngeler (1941-42). Parmi eux, Hermann Hackmann a une réputation de SS particulièrement corrompu et dangereux. Il est condamné avec Koch en 1944 par un tribunal spécial pour vol aggravé de biens du Reich, et est exclu de la SS. Sous le règne de Koch, les blockführer et kommandoführer sans scrupules et corrompus ont une grande chance de promotion et n’ont rien à craindre si un prisonnier est mal traité ou exécuté "pendant une évasion".

Après le départ de Büngeler, Pister n’aura qu’un adjoint: Hans Schmidt.

Section II, la section politique

L’annexe de la Gestapo dans le camp porte le nom de section politique (politische Abteilung). Les policiers interrogent et torturent les prisonniers. Jusqu’en 1942, les SS mènent personnellement les interrogatoires, bien souvent par la violence. En plus de ses fonctions, elle surveille les activités politiques des prisonniers en se servant d’un réseau d’espions.

De 1942 à 1945; le responsable est Walter Serno.

Section III, la direction du camp d'isolement.

La section III établit l’emploi du temps des prisonniers et obtient leur soumission absolue. Chaque jour commence et se termine par le long comptage qui a lieu sur la place d'appel, où la quasi totalité des prisonniers doivent être présents, jusqu'à ce qu’ait lieu l'enregistrement de l'effectif.

Le premier Lagerführer, le SS le plus puissant après le commandant, règne sur le camp. Il nomme les prisonniers fonctionnaires, ordonne les contrôles des blocks et dicte les mesures de terreur quotidienne. Les Führer successifs du camp d'isolement de Buchenwald sont décrits comme d'un caractère brutal et fantasque, parfois comme des ivrognes notoires. Parmi eux Jakob Weiseborn, Arthur Rödl, Hermann Florstedt et Hans Hüttig ont été plus tard nommés commandants d'autres camps de concentration.

Comme dans d'autres camps, les SS recrutent parmi les prisonniers le personnel qui doit effectuer à leur place le travail routinier. Ils délèguent à certains prisonniers une partie du travail d'administration et d'intendance. Ainsi apparaît une classe de prisonniers fonctionnaires, qui en fonction de leurs compétences et de leur poste se répartissent en 3 groupes:

  • Les prisonniers fonctionnaires responsables de groupes ayant un pouvoir de sanction : doyens de camp, doyens de block, kapos et contrôleurs ;
  • Les prisonniers fonctionnaires travaillant dans les bureaux, les entrepôts, les cuisines et les infirmeries des prisonniers ;
  • les prisonniers fonctionnaires accomplissant des travaux particuliers, artisans du camp, courrier, coiffeurs et hommes de corvées.

Jusqu'en 1939, les Juifs sont exclus de toutes les fonctions. La nomination de doyens de block juifs n'est dû qu'à des considérations pratiques. Les autres catégories de prisonniers comme les Sintés et Roms, les homosexuels et la majorité des "asociaux" sont exclus systématiquement des fonctions importantes.

Section III E, l'affectation au travail.

Jusqu’au début de la guerre, environ 90% des prisonniers travaillent à la construction du camp. Sous le commandement de Koch, le travail des prisonniers est un instrument de terreur très prisé. La productivité et le zèle des prisonniers sont alors secondaires. Avec la fin de la première phase de construction, les réflexions sur l’exploitation économique du travail des prisonniers sont mises en avant. Le commando des "statistiques du travail" (Arbeitsstatistik, où est affecté Jorge Semprún durant sa détention) est chargé de la comptabilité, de la facturation du travail effectué par les prisonniers, de la rédaction de rapports mensuels et de justificatifs. Dans ce commando, travaillent trois prisonniers en 1938, mais plus de 70 fin 1944.

Section IV, l’administration

Le département IV que dirige successivement Mohr (1937), Karl Weichdorfer (1937-42) et Otto Barnewald est responsable de l’approvisionnement des SS et du camp de concentration, en nourriture, eau, électricité, combustible, vêtements, équipement et de l’aménagement des casernes et des baraques. De lui dépendent les cuisines et les entrepôts du camp. Il participe à l’extorsion des biens des prisonniers, au détournement de fonds et au trafic de nourriture. A partir de 1940, la section s’occupe du prélèvement des dents en or. Le camp de Buchenwald expédie 383 grammes d’or en mars 1944, 504 grammes en avril.

[modifier] La médecine au camp de Buchenwald

Du temps de Karl Koch, les médecins du camp, qui sont responsables du suivi médical des membres de la SS et des prisonniers ainsi que de l’hygiène changent souvent. L’infirmerie des prisonniers, aussi appelée Revier, apparaît dans les premiers mois du camp comme lieu de soin pour les maladies simples. La construction d’une infirmerie avec plusieurs baraques et des salles d’opération résulte non pas d’un souci de la santé des prisonniers mais de la volonté des SS de ne plus être dépendants de l’hôpital de Weimar et de la clinique universitaire de Jena. La salle d’opération du Revier remplit toutes les conditions pour des opérations stériles, des stérilisations, des émasculations. L’agrandissement de l’infirmerie est favorisé par des épidémies et des arrivées de prisonniers. Du temps du commandant Koch, les prisonniers médecins n’ont pas le droit d’exercer dans l’hôpital.

Suite à la surpopulation du camp en 1938, la première épidémie de typhus se déclare et conduit à une quarantaine générale d’une semaine. Un an plus tard, alors que le camp est de nouveau surpeuplé, une épidémie de dysenterie provoque de nombreux décès parmi les prisonniers.

Les médecins du camp

Waldemar Hoven est le médecin du camp le plus longtemps en fonction à Buchenwald. Que les prisonniers écrivent la thèse qui le fera docteur en 1943, peu avant son arrestation, caractérise parfaitement bien sa carrière. Il participe aux expériences médicales, aux assassinats de malades, aux sélections pour l’extermination et se laisse corrompre par le commandant Koch et par les prisonniers.

Au coté de Hoven, la majorité des médecins SS. participe aux crimes contre les prisonniers. Ainsi le docteur Werner Kirchert (1937-38) mène des "tests d’intelligence" et fait des demandes de stérilisation devant les tribunaux chargés des maladies héréditaires pour les prisonniers ne réussissant pas avec succès ces tests. Il contraint des homosexuels à se porter volontaires pour être émasculés.

Sous le Dr Erwin Ding (1938-39) commencent des expériences sur la fièvre jaune à Buchenwald.

Le Dr Hans Müller initie le découpage, le tannage et la réparation des peaux tatoués et ce dans une telle quantité que le docteur Hoven interdit, après le départ de celui-ci en 1942 que continue la fabrication de cadeau en peau humaine.

Le Dr Hanns Eisele, particulièrement dépourvu de scrupules envers les juifs, est surnommé par les prisonniers "docteur-seringues" ou "la mort blanche".

[modifier] Massacres et mortalité dans le camp

Massacre de 8000 prisonniers de guerre soviétiques.

Le massacre, de l'été 1941 à l'été 1942, de prisonniers de guerre soviétiques dans les camps de concentration fait partie des crimes organisés par les nazis. Des commandos spéciaux de la police chargée de la sécurité (Sicherheitspolizei, SIPO ?) sont envoyés dans les camps de prisonniers pour "évacuer les éléments politiquement indésirables". Ils sont alors amenés dans des camps de concentration pour être exécutés. Une installation spécifique est aménagée à Buchenwald et à Sachsenhausen dans l'écurie où une pièce est aménagée en cabinet médical : le prisonnier, au moment où on fait semblant de le mesurer, est abattu d'une balle dans la nuque à travers un orifice percé dans la toise et derrière laquelle se trouvent un ou deux SS. Au moins 7000 personnes sont ainsi exécutées, parfois 400 en une nuit.

Sélection et exécution des prisonniers "non-viables"

L'extermination des prisonniers juifs et les handicapés inaptes au travail fait partie de l'action 14f13 qui débute en 1941. Au moins 571 prisonniers juifs de différentes nationalités sont envoyés pour être exterminés aux stations d'euthanasie de Bernburg et de Sonnnstein.

Déportation et extermination des prisonniers juifs

Le 19 janvier 1942, prend effet un ordre de l'inspecteur des camps de concentration, selon lequel les prisonniers juifs inaptes au travail se trouvant dans des camps de concentration doivent tous être envoyés au camp de Lublin. Le 8 octobre 1942, le commandant annonce 405 prisonniers juifs pour être transportés à Auschwitz.

Livraison des prisonniers des prisons pour „l’extermination par le travail“

Fin 1942 commence la livraison de 2300 "criminels" détenus préventivement à Buchenwald pour exécuter les travaux les plus durs : la moitié meurt.

Déportations et internements pour exécution

Pendant la guerre, le bureau central de la sécurité du Reich peut sans procès et sans condamnation à mort ordonner l’exécution de personnes détenues par la police ou modifier les décisions de justice. Cela concerne parfois des Polonais qui ont une relation avec une femme allemande. La majorité des exécutions n’a pas lieu devant les prisonniers mais dans le stand de tir prés de la DAW, quelquefois aussi dans le chenil de la Kommandantur, le plus souvent dans la cour ou dans la cave du crématorium, où sont accrochés à cette fin comme dans un abattoir 48 crochets. Le SS-Kommandoführer Hermann Helbig reconnaîtra avoir pendu plus de 250 personnes. Eugen Kogon parle de 1100 hommes et femmes assassinés dans la cave.

À l’automne 1944, les SS pendent 34 Français, Belges, Anglais et Canadiens, appartenant aux services secrets alliés. Sont aussi exécutés des officiers polonais en 1943. Enfin le député du Parlement et chef du parti communiste allemand Ernst Thälmann est abattu dans la nuit du 17 au 18 août 1944 dans la salle des fours crématoires.

Convois de la mort

Les SS ne se privent pas d’éliminer les malades et les faibles en les envoyant dans d’autres camps ou en les assassinant par injection de phénol, d’évipan ou d’air. La destination est d’abord le camp de Majdanek. Les 15 janvier et 6 février 1944, les SS y envoient 1888 malades et faibles de Dora. Des transports semblables partent entre 1943 et avril 1944 des camps de Dachau, Flossenbürg, Mauthausen, Neuengamme, Auschwitz, Ravensbrück et Sachsenhausen.

Le mouroir du Petit camp

La création de zones spéciales sert depuis 1938 avant tout à décharger le camp d’une surpopulation qui pourrait nuire à son fonctionnement. Au Petit camp de Buchenwald, les SS installent des écuries de la Wehrmacht de 40 mètres de long sur 10 de large, dans lesquelles se trouvent deux rangées de 3 ou 4 couches superposées. À partir de 1943, tous les déportés y subissent une période de quarantaine. Celle-ci dure de 4 à 6 semaines.

De mai à septembre 1944, ils dressent 5 tentes militaires à l’intérieur du Petit camp. Ces 5 tentes restèrent les seuls abris possibles. 200 à 300 enfants, vieillards et malades y dormaient. Les autres devaient vivre autour par n’importe quel temps.

En décembre 1944, les SS font construire 17 baraques dans le Petit camp et font enlever les tentes. De 1800 à 1900 prisonniers vivent dans 500 mètres carrés. En janvier 1945, 6000 prisonniers se trouvent dans le Petit camp. La faim, la saleté, des combats désespérés pour survivre, des maladies contagieuses règnent sur cet endroit. Une mortalité massive en est la conséquence. 5200 personnes environ meurent en cent jours.

[modifier] Les expériences médicales

En raison des épidémies de typhus qui se répandent dans les camps de prisonniers de guerre, les SS proposent de tester différents vaccins sur les déportés. Les expériences sont menées conjointement par la SS, la Wehrmacht, la société IG Farben et l'Institut Robert Koch au block 46. Des vaccins contre la plupart des maladies contagieuses seront expérimentées. En 1943, le "Département de recherche sur le typhus et les virus" de l'Institut d'hygiène de la Waffen SS s'installe au Block 50.

Lors d'une expérience sur le typhus, menée par la firme Hoechst, 21 prisonniers sur 39 meurent. Certains prisonniers "transmetteurs" sont utilisés pour maintenir les virus vivants et à disposition. Leur sang est utilisé pour la contamination artificielle d'autres prisonniers. 35 séries d'expériences sont menées d'août 1942 à octobre 1943. La majorité concerne le typhus mais aussi les brûlures au gaz, la fièvre jaune, la résistance au vaccin contre le typhus, les paratyphus A et B, la diphtérie, différents poisons, l'efficacité des sérums sanguins conservés et traitements contre les brûlures. Avec le soutien d'Himmler, le Dr Carl Vaernet mène des expériences sur 5 homosexuels. Au moins un millier de prisonniers ont servi de cobayes aux SS, un nombre encore inconnu en meurt.

La famine, des expérimentations médicales (voir Aribert Heim) et la dureté des conditions de travail firent mourir autour de 60 000 prisonniers.

[modifier] Les usines et les commandos extérieurs

Un certain nombre de prisonniers travaillaient dans les usines proches du camp : en particulier celles des entreprises Gustloff (fabrication d'armes), Mibau et DAW (Deutsche Ausrüstung Werke).

Buchenwald a compté de nombreux kommandos annexes dont Langenstein et Laura.

Fin août 1943, le commando de Dora est créé à proximité de la ville de Nordhausen, à 80 km au nord. D'abord rattaché à Buchenwald, il devient un camp de concentration à part entière en octobre 1944 sous le nom de KZ-Mittelbau. Des milliers de Français y ont été déportés, dont plus de la moitié sont morts.

[modifier] La résistance et la libération

Le « Comité international clandestin » de Buchenwald voit le jour l'été 1943 suite à une réunion secrète. Le colonel Frédéric-Henri Manhès, déporté en 1943, et Marcel Paul, dirigeant communiste français, déporté à Auschwitz, puis à Buchenwald, y représentent les intérêts des déportés français.

Début avril 1945, les nazis tentent d'évacuer le camp alors que les troupes américaines approchent et jettent des milliers de déportés sur les routes, sur les "marches de la mort". Cependant, l'organisation clandestine du camp parvient à limiter le nombre des départs et à prendre le contrôle du camp sur les SS le 11 avril 1945, quelques heures avant l'arrivée des blindés américains.

Les habitants de la ville voisine de Weimar, distante d'environ 5 km, sont réquisitionnés pour l'évacuation des corps de déportés, la plupart d'entre eux disant qu'ils ignoraient ce qu'il se passait alors à Buchenwald. Le Général Eisenhower, libérateur du camp de Buchenwald a souhaité que les habitants de Weimar se rendent au camp, afin que chacun puisse constater l'horrible réalité du régime porté au pouvoir en 1933.

[modifier] Personnalités

[modifier] Quelques tortionnaires

[modifier] Détenus connus

Dans le camp de concentration


Hors camp de concentration, en simple détention

Les conditions de détention de ces "prisonniers d'honneur" n'avaient rien à voir avec celles d'un camp de concentration.

[modifier] Après la libération

[modifier] Le camp spécial nº2 de Buchenwald

Entre mai 1945 et 1950, le camp servit à l'emprisonnement d'opposants politiques au régime soviétique, tout comme trois autres camps de concentration nazis (dont Torgau).

Le camp spécial (Speziallager) numéro 2 de Buchenwald fut créé en 1945 à l'endroit même où se trouvait l'ancien camp de concentration. Il fut utilisé jusqu'en 1950 comme camp d'internement.

Comme dans la plupart des camps, les détenus libérés des camps de concentration de l'époque nazie ne purent pas tous regagner tout de suite leur pays. Il s'est écoulé des jours, parfois des mois. Le camp de concentration de Buchenwald avait été libéré par les troupes américaines, mais faisant partie de la zone d'occupation soviétique, il fut remis aux troupes soviétiques.

Les Soviétiques utilisèrent l'infrastructure du camp de Buchenwald, comme les Américains à Dachau par exemple, pour interner des nazis, membres du NSDAP, des collaborateurs et des criminels de guerre, dans le cadre du travail de dénazification fixé par les accords interalliés. Contrairement à ce qui a été affirmé peu après la chute du Mur de Berlin, il n'est pas avéré que des opposants politiques à l'occupant soviétique y aient été internés. Au total, 28000 personnes (dont environ 1000 femmes) serait passées dans le camp spécial. 7000 seraient morts pendant leur détention, une surmortalité due particulièrement au manque de nourriture à l'hiver 46/47.

En RDA, le souvenir du camp spécial ne donnait pas lieu à commémoration. C'est seulement après la disparition de la RDA, que les autorités de l'Allemagne fédérale ont encouragé l'étude et la commémoration de cet épisode, ce qui conduisit à la conception d'une exposition permanente sur le Speziallager Nr. 2 sur l'Ettersberg à côté de celle consacrée au camp de concentration. Cette exposition a rencontré la vive opposition des associations d'anciens déportés de tous les pays et du Comité international de Buchenwald, qui considèrent que tout amalgame représente un dangereux révisionnisme.

[modifier] Le chêne de Goethe

Les nazis ont fait abattre par leurs prisonniers des dizaines d'hectares de forêt pour la construction du camp de construction de Buchenwald. Un arbre, un chêne ou un hêtre, placé au milieu du camp, qui selon la légende était celui sous lequel le poète, philosophe et dramaturge Goethe (qui vécut et mourut à Weimar) avait l'habitude de se reposer, méditer et travailler, fut épargné, étonnant symbole d'une Allemagne humaniste au coeur de l'horreur concentrationnaire nazie. L'arbre a été brûlé lors du bombardement allié de juillet 1944. Un proverbe circulait parmi les déportés: l'Allemagne nazie devrait disparaître quand le chêne de Goethe s'abattrait.

[modifier] Buchenwald (avril 1945) photographies de Jules Rouard

[modifier] Bibliographie

  • Colonel Frédéric-Henry Manhès, Buchenwald : L’organisation et l’action clandestines des déportés français, 1944-1945 (1947), mis en ligne par le Corpus Etampois.
  • Général Louis Artous dit "commandant de la Treille" :"matricule 81 491, témoignage sur le bagne de Buchenwald> Tanger 1946 disponible en réedition sur demande http:www.xaviercaron.com"
  • Léon Blum : Le Dernier mois, Arléa 2000, (ISBN 2-86959-506-9)
  • Léon Blum : Lettres de Buchenwald, Paris, Gallimard, 2003, (ISBN 2-07-076335-8)
  • Thomas Heimann : Bilder von Buchenwald : die Visualisierung des Antifaschismus in der DDR (1945 - 1990), Cologne - Weimar - Vienne, Böhlau-Verlag, 2005, (ISBN 3-412-09804-3)
  • Ritscher Knigge, Bodo Volker (Hrsg.) : Totenbuch. Speziallager Buchenwald 1945-1950, Weimar, Stiftung Gedenkstätten Buchenwald und Mittelbau Dora, 2003, (ISBN 3-935598-08-4)
  • Eugen Kogon : L'État SS, Seuil, 1993, (ISBN 2-02014136-1)
  • Ritscher Knigge, Bodo Volker (Hrsg.) : Das sowjetische Speziallager Nr. 2 1945-1950. Katalog zur ständigen historischen Ausstellung, Göttingen: Wallstein, 1999, (ISBN 3-89244-284-3)
  • Walter Spitzer : Sauvé par le dessin : Buchenwald, Favre, 2004, (ISBN 2828908054)
  • Agnès Triebel : Les Français à Buchenwald-Dora, Association française Buchenwald Dora et Kommandos, Paris 2005
  • Olivier Lalieu : La zone grise ? : La résistance française à Buchenwald, Taillandier, Paris, 2005
  • Pierre Durand : La chienne de Buchenwald, Messidor, Paris, 1982
  • Pierre Durand : La Résistance des Français à Buchenwald-Dora, Messidor, Paris, 1991
  • Jorge Semprún : L'écriture ou la vie, Gallimard, 1994, (ISBN 2-07-040055-7)
  • Jorge Semprún : Quel beau dimanche !, Grasset, 1980
  • Jorge Semprún : Le mort qu'il faut, Gallimard, 2001
  • Robert Antelme: L'espèce humaine, Gallimard, 1957, (ISBN 2-07-029779-9)
  • Daniel Rochette & Jean-Marcel Vanhamme: Les belges à Buchenwald, Pierre de Méyère, 1976

[modifier] Notes et références

  1. Cf. Jorge Semprún, Quel beau dimanche !, Grasset, 1980, page 22
  2. Cf. le timbre du 30e anniversaire de la libération des camps de concentration.

[modifier] Liens externes

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