Histoire de la chirurgie

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La chirurgie est l'un des plus anciens arts médicaux. Son efficacité a été très longtemps freinée par trois facteurs :

  • l'ignorance de l'anatomie : sans connaissance précise de l'intérieur du corps, les interventions étaient limitées aux organes périphériques et aux plaies ;
  • l'infection, qui causait de nombreux décès : la découverte des microbes par Louis Pasteur permit le développement de l'hygiène et fit donc chuter la mortalité post-opératoire ;
  • la douleur : cela se résolut avec la découverte de l'anesthésie.

Sommaire

[modifier] L'époque préhistorique

Il nous reste des pièces squelettiques fossiles qui témoignent de certains gestes chirurgicaux. C'est le cas des craniotomies, avec des résections parfois larges sur la voûte crânienne et des signes de cicatrisation osseuse qui permettent d'affirmer que l'opéré a survécu longtemps au-delà du geste chirurgical. Ces craniotomies étaient-elles motivées pour des soins ou des gestes rituels ? Il est bien difficile de trancher.

Le pansement primitif, en particulier à l'argile sur les doigts gelés ont laissé des empreintes sur les parois des cavernes de l'époque magdalénienne. Les civilisations dites « primitives » en Afrique ou en Indonésie utilisent toujours des substances végétales ou minérales pour les soins des plaies.

[modifier] L'Antiquité

Les civilisations qui possédaient l'écriture nous ont laissé des documents importants. Trois papyrus égyptiens rapportent des observations pathologiques ainsi que des éléments de techniques chirurgicales (craniotomies, soins des plaies et des brûlures, ablations de tumeurs superficielles…). En Grèce un personnage va dominer tous les autres, c'est bien sûr Hippocrate (Ve siècle av. J.-C. et IVe siècle av. J.-C.). Il crée une école médico-chirurgicale, mais sous l'influence de Platon, la maladie est surtout pour lui une base de réflexion et d'analyse, le résultat thérapeutique est encore très accessoire. Hippocrate publie environ soixante livres dont six sur la chirurgie. C'est le traitement des fractures et des luxations qui restera le plus célèbre, avec la création d'un appareillage qui sera utilisé jusqu'au XVIIe siècle en Occident.

[modifier] L'Inde au Ier siècle av. J.-C.

Il y a une véritable unité médico-chirurgicale et des écoles avec un apprentissage technique sur les animaux. La réparation plastique de l'amputation nasale par un lambeau cutané frontal est mise au point, et reste toujours pratiquée sous l'appellation de lambeau indien.

[modifier] À Rome

La pratique chirurgicale se développe pour les besoins de l'armée et des jeux du cirque, plusieurs techniques apparaissent (la césarienne, l'ablation des varices, le traitement des plaies, l'amputation des membres…). Galien est le personnage le plus marquant, par ses découvertes anatomiques et ses innovations techniques, mais par conviction religieuse, il va faire interdire la dissection anatomique, ce qui va engendrer une perte de la connaissance anatomique pendant des siècles. En Occident, l'influence religieuse empêchera tout progrès chirurgical pendant pratiquement mille ans ; les médecins continuent à appliquer les principes d'Hippocrate et de Galien, sans les vérifier...

[modifier] Au Moyen Âge

[modifier] En Orient

Au Moyen Âge, l'Orient connaît une période favorable avec le développement des universités arabes. Le personnage le plus marquant est Abu Al-Qasim au IXe siècle dans le califat de Cordoue ; il laisse un livre important le Tarsif et prône l'utilisation de cautères pour faire l'hémostase. L'usage de la cautérisation va se propager, et parfois même de façon exagérée, pendant des siècles.

[modifier] En Europe

Au Moyen Âge, des écoles chirurgicales s'ouvrent en Italie dès le IXe siècle à Salerne puis à Bologne. La première école chirurgicale en France est fondée à Montpellier au XIIIe siècle, c'est de celle-ci que sera issu Guy de Chauliac qui publie en 1368 la Grande Chirurgie, premier ouvrage chirurgical en français. À Paris au XIVe siècle, Lanfranc de Milan crée la première école de chirurgie de la capitale qu'il nomme la Confrérie de Saint-Côme.

Mais très vite celle-ci va entrer en conflit avec la faculté de médecine ; un procès va durer pendant trois siècles et aboutir à la déchéance de la Confrérie de Saint-Côme en 1660 ; les chirurgiens n'ont alors pas le droit d'être bacheliers, ni docteurs. L'école chirurgicale de Paris disparaît. Les conciles de Tours puis de Latran en 1215 interdisent aux prêtres toute activité chirurgicale, même la saignée, sous prétexte que « l'Église a horreur du sang ». Le monde médico-chirurgical du Xe siècle comprend :

  • Les médecins, qui généralement sont des clercs, parlant latin et possédant la science.
  • Les barbiers, qui en plus de leur activité de coiffeurs effectuent quelques gestes chirurgicaux (traitement des plaies, d'abcès superficiels…)
  • Les inciseurs nomades, (généralement de redoutables charlatans)
  • Les barbiers chirurgiens, qui sont les véritables chirurgiens.

[modifier] La Renaissance

Elle apporte des progrès artistiques et techniques multiples en particulier dans l'armement avec la généralisation des armes à feu qui provoquent des blessures plus graves que par arme blanche, au niveau de la peau, des vaisseaux et du squelette. Ces lésions sont responsables de complications de type gangrène, et obligent les chirurgiens à développer davantage les amputations. Les études anatomiques qui ont été inexistantes pendant plus de mille ans reprennent avec les artistes italiens (Léonard de Vinci) et surtout avec le Bruxellois André Vésale. Parmi les chirurgiens de la Renaissance, Ambroise Paré est le plus marquant. Son activité alterne entre la chirurgie de guerre et la pratique civile ; il est promu chirurgien de quatre rois de France ; il innove et applique de nombreuses techniques chirurgicales ; il fait admettre la nécessité de la ligature des vaisseaux au détriment de la cautérisation. Très créatif, il est à l'origine de nombreux instruments et publie des ouvrages très originaux.

[modifier] Les XVIIe et XVIIIe siècles

Les progrès chirurgicaux vont ensuite stagner pendant le XVIIe siècle suite à la dissolution de la Confrérie de Saint-Côme. Mais deux évènements royaux vont remettre la chirurgie à l'honneur : en effet lorsque Marie-Thérèse d'Autriche, l'épouse de Louis XIV, a un abcès à l'aisselle en 1683, Daquin, médecin du roi, s'oppose à ce que Dionos, le chirurgien, pratique une incision, ce qui aurait empêché l'abcès de s'ouvrir dans la poitrine. La reine en meurt. Puis Louis XIV est atteint d'une fistule anale en 1686, et toute les tentatives médicales ne donnent aucun résultat. Il fait alors appel à son chirurgien, un dénommé Felix Tassy qui le guérit, ce qui permet de redonner un crédit aux chirurgiens par rapport aux médecins.

Le XVIIIe siècle est l'une des plus grande période de progrès chirurgicaux car en 1731, Louis XV inaugure l'académie royale de chirurgie à Paris, et en 1742 il rétablit l'égalité hiérarchique entre médecins et chirurgiens, alors que les médecins disaient auparavant : « Qu'il y avait de la folie d'imaginer que le chirurgien soit l'égal du médecin ».

Trois personnalités vont se succéder comme premier chirurgien du roi : Maréchal, La Peyronie et Pichault de la Martinière. C'est alors une période de créativité, de liberté d'action et de pensées, et donc d'émulation, pendant laquelle Paris est considérée comme la capitale mondiale de la chirurgie. On vient de toute l'Europe pour se faire opérer par les chirurgiens parisiens. Parmi les techniques novatrices, on peut citer l'évacuation de l'hématome extra-dural, l'évacuation de l'abcès cérébral, la trachéotomie dans la diphtérie, l'extraction des lithiases du rein, le traitement de la cataracteJean-Louis Petit et Pierre-Joseph Dessault sont les deux grands praticiens de cette période. L'Académie royale de chirurgie est dissoute en 1793 par les révolutionnaires.

[modifier] La Révolution et l'Empire

Entre la Révolution et l'Empire, 20 ans de guerre créent la chirurgie et la médecine militaires. Les maladies (typhoïde, paludisme, typhus…) déciment les armées plus que les blessures, néanmoins le travail des chirurgiens est important et on crée des écoles de santé pour former non plus des docteurs mais des officiers de santé. En France, sous le Premier Empire, Dominique Larrey et Percy sont les chirurgiens les plus illustres. En particulier Larrey, adulé par les soldats, qui développe le traitement précoce des blessures et rapporte des observations de troubles amnésiques et épileptiques à la suite des plaies crânio-cérébrales. Les plaies du thorax sont traitées, les fractures des membres sont immobilisées en attelles, mais on ne sait toujours pas soigner efficacement les plaies et les fractures ouvertes des membres qui font l'objet d'une amputation systématique. Lors de la bataille de Borodino, Larrey aurait effectué 200 amputations en 24 heures, avec une mortalité de 3 sur 10. Les complications des plaies de guerre sont nombreuses (choc traumatique, gangrène gazeuse, tétanos…). La marine impériale connaît aussi son lot de souffrances. Ainsi en son sein, notamment dans les hôpitaux des grands ports, sur les vaisseaux, mais aussi sur les pontons anglais où s'entassaient dans le plus grand dénuement les prisonniers de la défaite de Trafalgar, s'illustra un chirurgien : Pierre Lefort. Il se distingua également par de remarquables travaux sur la fièvre jaune dont il tentera de préserver les habitants de la Martinique.

Après la chute de l'Empire en 1815, la pratique civile reprend ses droits. Dupuytren est la personnalité la plus marquante de cette époque ; sa mortalité opératoire est inférieure à celle de Larrey (1/15) ; il traite de façon innovante de nombreuses pathologies (les fentes labio-palatines…). Récamier développe la gynécologie moderne et met au point l'hystérectomie par voie vaginale. La deuxième moitié du XIXe siècle connaît à nouveau une phase de régression à cause de la fréquence des infections. Les locaux, le mobilier, le comportement des chirurgiens et des soignants favorisent l'infection, qu'ils considèrent comme une fatalité. On atteint 84% de décès post-opératoires ! Les progrès viennent d'Angleterre, avec des locaux plus aérés, et moins de promiscuité entre les malades ; les Anglais ont seulement 48% de décès post-opératoires… Malgré la fréquence et la gravité des infections post-opératoires, les techniques continuent de se développer, en particulier les ténotomies. Ce type de pratique (section d'un tendon) a été alors très largement utilisé pour la correction des déformations (correction du pied bot bien décrit par Flaubert dans Madame Bovary), mais aussi dans des tentatives de correction des déformations vertébrales. C'est aussi l'époque de développement de l'hystérectomie par voie abdominale, de la chirurgie du larynx, de l'ablation de la rate en 1857, de l'ablation du rein en 1869… Le matériel et les instruments chirurgicaux s'améliorent avec les pinces crantées de Péan puis de Kocher. L'orthopédie devient peu à peu une spécialité chirurgicale avec la mise au point des techniques de raccourcissement des membres, le traitement de la luxation congénitale de la hanche, l'arthrodèse des articulations, les greffes osseuses autologues, et l'ostéosynthèse au fil d'argent.

[modifier] Dans la deuxième moitié du XIXe siècle

Un stérilisateur d'antenne chirurgicale avancée de la Première Guerre mondiale
Un stérilisateur d'antenne chirurgicale avancée de la Première Guerre mondiale

Deux découvertes vont révolutionner la pratique chirurgicale et ses résultats : l'anesthésie et l'asepsie. L'anesthésie naît aux États-Unis, où Faraday découvre les propriétés anesthésiques de l'éther. La première utilisation humaine est réalisée par William Thomas Green Morton, un dentiste de Boston, en 1846. L'anesthésie arrive à Londres en 1847, où elle est utilisée par Liston ; puis à Paris la même année. L'éther par ses propriétés hypnotiques et analgésiques va transformer les conditions opératoires ; les opérations cessent d'être des séances de tortures. Louis Hubert Farabeuf dira : « Désormais il faut opérer bien et non plus opérer vite, le temps ne compte plus ».

L'antisepsie est initiée par Semmelweis à Budapest en 1847. Il est obstétricien, et observe que la fièvre puerpérale, responsable d'1/3 des décès en post-partum, est transmise par les mains des accoucheurs et des étudiants qui viennent d'effectuer des autopsies. Il utilise pour la première fois le chlorure de chaux pour le lavage des mains, il fait ainsi réduire les taux d'infection à quelques pourcents seulement. Mais sa situation sociale et politique ne lui donne aucune crédibilité. Joseph Lister en 1867 applique les découvertes de Louis Pasteur, et opère dans un spray d'acide phénique, sa mortalité opératoire passe alors de 48 % à 10 %. L'asepsie est ensuite mieux appliquée par l'usage des gants de caoutchouc, la conception de bloc opératoire n'arrive à Paris qu'en 1912.

[modifier] Du XXe siècle à nos jours

Avant la Première Guerre mondiale on trouve une période de mise au point des principales techniques chirurgicales (chirurgie de la paroi de l'abdomen, du tube digestif, du thorax, de la gynécologie…). Par la suite tout le XXe siècle verra l'explosion des progrès et des techniques chirurgicales qui ne cessent alors de s'accélérer : microchirurgie, greffe d'organes, endoscopie, multiplication des implants prothétiques, assistance informatique… avec l'aide indispensable de l'imagerie médicale, de l'anesthésie et de la réanimation. Les spécialités chirurgicales se sont multipliées, ainsi que la notion d'équipes médicales et para-médicales spécialisées.

[modifier] Conclusion

Au cours du temps, l'évolution de la chirurgie a été très inégale. Trop longtemps l'acte chirurgical et les chirurgiens ont été dévalorisés par la religion et relégués à une caste inférieure la séparant du monde médical, limitant la recherche et l'enseignement. Si quelques personnages ont permis le progrès, c'est surtout le regroupement médico-chirurgical et la connaissance anatomique (voir histoire de l'anatomie) qui ont été très bénéfiques ; puis l'anesthésie et l'asepsie.

[modifier] Voir aussi

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