Raymond Lulle

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Raymond Lulle.
Raymond Lulle.

Raymond Lulle (Ramon Llull en catalan) (né v. 1235 à Palma de Majorque — mort en 1315) était un laïc proche des franciscains (peut-être appartint-il au Tiers Ordre des Mineurs), philosophe,alchimiste, poète, mystique et missionnaire majorquin du XIIIe siècle, descendant d'une famille noble catalane.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Une jeunesse profane

Très jeune, il fut page du catalan Jacques le Conquérant, roi d'Aragon avec qui il est initié aux arts de la guerre. Plus tard, il deviendra précepteur du fils du Roi, l'infant Jacques, futur roi de Majorque dont il fut le sénéchal. Son éducation et son esprit sont alors entièrement voués à la chevalerie. À la cour du roi, à Perpignan, il composa le Llibre de la cavalleria, traité des devoirs du parfait chevalier.

[modifier] Conversion

Vers 1267, Raymond affirme avoir eu une suite de 5 visions du Christ, à la suite desquelles il s'est « converti » à une vie religieuse (religieuse, et non cléricale) : « Lorsqu'il était sénéchal de la table du roi de Majorque, Raymond, jeune encore, se consacrait à composer de vaines chansons et des vers et autres vanités mondaines. Une nuit, il était assis près de son lit en train de composer et d'écrire en sa langue vulgaire une chanson pour une dame, qu'il aimait alors d'un amour insensé. Lorsqu'il commença de l'écrire [...], il vit le Seigneur Jésus-Christ. » (Vie de Raymond).

Une légende raconte ainsi la cause de la conversion de Raymond : amoureux d'une femme qui se refusait à lui, Raymond la poursuit à cheval jusque dans une église de Majorque ; afin de le dissuader de l'aimer, cette malheureuse découvrit sa poitrine pour lui offrir le spectacle d'un sein rongé par le cancer.

[modifier] Études, philosophie et prosélytisme

Il étudie à l'université de Montpellier, ville qui appartenait alors au royaume de Majorque. Son éventuel séjour à l'Université de Paris est soumis à débat entre historiens. On sait que Raymond de Penyafort le lui déconseilla fortement.

Dans une ambiance contraignante de Guerre sainte et d'Inquisition, et après sa conversion, la grande originalité de Raymond Lulle est d'avoir courageusement confronté, de façon ouverte et respectueuse, la foi des trois religions monothéistes Christianisme, Judaïsme et Islam, suivant un argumentaire raisonné et méthodique, en laissant de côté le principe d'autorité. Dans son livre de 1271, Le Livre du Gentil et des trois Sages, il prône même la recherche d'un syncrétisme des trois religions, idée qu'il abandonne ensuite en 1290 dans son ouvrage Felix ou Livre des Merveilles, au profit d'une préférence qu'il donne à la foi chrétienne, à cause du dogme de l'Incarnation.

Le prosélytisme de Raymond était tel que, parlant couramment l'arabe, il n'hésita pas à plusieurs reprises à passer de l'autre côté de la Méditerranée pour tenter de convertir les musulmans. En 1307, il a participé aux fameuses "disputes" du philosophe Catalan contre les Oulémas de l'université de Béjaïa en Algérie. C'est d'ailleurs aussi à cela que son œuvre majeure, Ars Magna, sera vouée : il s'agit, par le jeu des combinaisons de toutes les propositions possibles, de pouvoir à coup sûr réfuter les arguments des « infidèles » et, par la force de la seule raison triomphante, de les convertir. « Cet Art a pour finalité de répondre à toute question [...] » L'« Art bref » de Lulle doit aussi bien s'exprimer dans l'art de convaincre un adversaire, que dans le maniement des armes. Lulle préconise ainsi la création d'un ordre monastique et militaire composé de chevaliers du Christ.

Le « Docteur illuminé », fut attaqué par des habitants musulmans. Ils l’abandonnèrent comme mort, sur la place publique[citation nécessaire]. Mais il fut recueilli par des marins génois qui le reconduisirent à Majorque. Il y mourut, soit à bord du bateau qui le transportait, soit une fois arrivé à terre le 30 juin (?) 1315.

Les écrits de Lulle, fortement critiqués par l'Église après sa mort, ne furent considérés favorablement par la Papauté qu'en 1419, par le Pape Martin V. Il écrivit son oeuvre en catalan, latin et arabe. Il est d'ailleurs le fondateur de la littérature catalane et par ses écrits en catalan il fut le premier auteur européen à utiliser une langue dite vulgaire (ni grec, ni latin) à des fins philosophiques.

[modifier] Héritage et postérité

Un philosophe espagnol des années 1500, Jerónimo de Carranza, sera le fondateur d'une philosophie des armes et d'une méthode d'escrime dans la droite ligne de la pensée lullienne.

Le jugement de Descartes selon qui l'Art de Lulle sert plus « à parler, sans jugement, [de choses] qu'on ignore, qu'à les apprendre [...]» (Discours de la méthode), a gravement nui à la réputation de Raymond Lulle. Jean-Jacques Rousseau porte un jugement semblable, certainement inspiré par celui de Descartes : il parle de « l'art de Raymond Lulle pour apprendre à babiller de ce qu'on ne sait point » (Émile ou De l'éducation, livre V).

Il est pourtant aujourd'hui considéré comme un génial précurseur de la logique combinatoire (cf. Leibniz), voire de l'idée d'Intelligence artificielle, à ceci près qu'il comptait utiliser la logique déductive et non la logique inductive pour conduire des « raisonnements automatiques » au moyen de roues pivotantes. C'est à lui que l'on doit le sentiment de l'accession de la langue catalane au rang de langue de pensée et littéraire distincte de l'occitan. On oublie aussi que Lulle est un philosophe de l'action.

L'idée de la « machine à raisonner » de Lulle marquera les esprits. La pascaline en constituera un premier début de réalisation, qui s'améliorera jusqu'à donner l'ordinateur moderne. Le paradoxe de la chambre chinoise de John Searle constitue un paradoxe inspiré de cette « pensée assistée » souhaitée par Lulle.

Sous le nom de « Raymond Lulle », un vaste corpus de textes alchimiques se constitua à partir du XIVe siècle et ne cessa de se développer. Dans le sillage de son prodigieux succès en tant que philosophe, des « lullistes » anonymes se mirent à composer sous son nom un nombre croissant de traités d'alchimie.

[modifier] Œuvre

Parmi plus de quatre cents ouvrages :

  • Le Livre du Gentil et des trois Sages (trad. éditée en 1992 par les Editions de l'Eclat)
  • L'arbre de la Philosophie d'Amour
  • Le livre de l'Ami et de l'Aimé (Libre d'Amic e Amat)
  • Grand Art (Ars Magna)
  • Félix ou le Livre des merveilles (traduit du catalan par P. Gifreu, - éditions du Rocher, Monaco 2000)
  • Le testament (Disponible dans toutes les bonnes librairies - édité en 2006 par les Editions Beya)
  • Blaquerne (traduit du catalan par P. Gifreu, - éditions du Rocher, Monaco, 2007)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Raymond Lulle et le pays d'Oc, Cahiers de Fanjeaux no 22 (1987, réédité en 1995), Privat, Toulouse (ISBN 270893421X)
  • Dominique Urvoy, Penser l'Islam. Les présupposés islamiques de l'Art de Lulle, Paris, Vrin, 1980.
  • Armand Llinares, Raymond Lulle, philosophe de l’action, Paris, 1963.

On peut éventuellement lire, mais avec un certain recul critique :

  • Dominique Courcelles,La parole risquée de Raymond Lulle, Vrin, 1999.

[modifier] Liens externes


Philosophie médiévale ( Modifier ce cadre)

Augustin d'Hippone · Boèce · Pseudo-Denys l'Aréopagite · Proclos · Al-Kindi · Al-Farabi . Avicenne · Averroès · Ibn Khaldoun · Maïmonide · Jean Scot Erigène · Anselme · Pierre Abélard · Albert le Grand · Thomas d'Aquin · Thomisme · Scolastique · Hugues de Saint-Victor · Roger Bacon · Bonaventure · Raymond Lulle · Mysticisme · Maître Eckhart . Duns Scot · Nominalisme · Guillaume d'Occam · Buridan · Al-Biruni · Nicolas de Cues ·