Hugues de Saint-Victor

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Hugues de Saint-Victor est un philosophe, un théologien et un auteur mystique du Moyen-Âge, né en 1096, au manoir de Hartingham en Saxe et décédé le 11 mars 1141.

Après les travaux de Derling et de Hugonin on ne doute plus que Mabillon se soit trompé en déclarant qu'il était né à Ypres, en Flandre. Il était le fils aîné de Conrad, comte de Blankenburg. Son oncle Reinhard, qui avait fait ses études à Paris sous la direction de Guillaume de Champeaux, avait été fait évêque d'Halberstadt à son retour en Saxe. C'est dans le monastère de Saint-Pancrace, à Hamerleve près d'Halberstadt, que Hugues reçut son éducation. Malgré l'opposition de ses parents, il prit l'habit de chanoine de saint Augustin à Hamerleve ; avant la fin de son noviciat, les troubles dans le pays firent que son oncle lui conseilla d'aller au monastère de Saint-Victor à Paris, où il arriva vers 1115. Guillaume de Champeaux, son fondateur, après son élection au Siège de Châlons, en 1112, avait été remplacé par Gilduin, sous la direction duquel le monastère ne perdit rien de sa réputation pour la piété et la hauteur de son enseignement. C'est sous son autorité et ses conseils que Hugues passa le reste de sa vie à étudier, à enseigner et à écrire. Après la mort tragique de Thomas (20 août 1133) Hugues fut choisi pour lui succéder à la tête de l'École de Saint-Victor et sous sa direction elle connut un brillant succès. On parle quelquefois de lui comme d'un autre saint Augustin, en raison de sa familiarité avec les travaux de ce grand Père de l'Église.

Ses propres travaux recouvrent le domaine entier des arts et de la science sacrée qu'on enseignait à son époque. Longtemps, pourtant, la plupart des historiens de la philosophie voyaient en lui un mystique aux vues étroites coupé du monde de la pensée et de l'étude, qui a entravé plus qu'aidé le progrès scientifique et dont le symbolisme fantasque a induit en erreur les générations qui l'ont suivi. Un examen sérieux de ses travaux a conduit à une appréciation plus exacte de celui que Harnack (Lehrbuch der Dogmengeschichte, VI) appelle « le théologien le plus influent du douzième siècle ». Grand auteur mystique, il était aussi un philosophe et un théologien scolastique de premier ordre. Essentiellement, il était un grand professeur et c'est ce qui explique que ses œuvres se soient propagées en même temps que ses anciens auditeurs se dispersaient, qu'on les ait fréquemment incorporées dans les traités ultérieurs et qu'on ait publié sous son nom tant de traités apocryphes. Son enseignement a été une des bases de la théologie scolastique et il a fait sentir son influence sur le développement tout entier de la scolastique, car il était le premier qui, après avoir synthétisé les trésors doctrinaux de l'âge des Pères, les a systématisés et les a réunis en un corps de doctrine cohérent et complet. C'était là le travail d'un génie. Mais son grand mérite à la tête de l'école de Saint-Victor s'est manifesté quand l'hétérodoxie et la témérité dogmatique d'Abélard ont mis en danger la nouvelle méthode qui était appliquée à l'étude de la théologie ; Hugues et ses disciples, par leur modération prudente et leur orthodoxie irréprochable, ont alors rassuré les croyants inquiets et ont acclimaté la nouvelle méthode scientifique dans les écoles catholiques.

Le travail de classification théologique fit de grands progrès au temps d'Abélard, et dans les « Summæ » furent condensés les résumés encyclopédiques de toute la théologie. Le « Sic et Non » d'Abélard avait tracé les plans sur lesquels ont été bâties les « Summæ » ; mais elles ont reproduit les désavantages de l'œuvre dont elles étaient sorties et où les difficultés exposées dans les pros et les contra étaient souvent laissées sans solution. L'introduction de processus d'une logique plus sévère a culminé dans la fusion de l'érudition patristique et de la spéculation rationnelle réalisée par la nouvelle méthode de dialectique constructive. Après que le dogme avait été établi par l'interprétation des Saintes Écritures et des Pères de l'Église, on cherchait à en monter le caractère rationnel à l'aide de la philosophie. Cette application de la dialectique à la théologie mena Abélard jusqu'à l'hérésie et les théologiens du XIIe siècle se divisèrent profondément quant à sa légitimité. Elle fut défendue par les Écoles abélardienne et victorienne et c'est d'elles que vient ce qui est connu au sens propre sous le nom de théologie scolastique. L'École abélardienne de théologie continua son existence même après la condamnation de son fondateur en 1141, mais resta sous l'influence de l'École victorienne, laquelle à son tour sentait l'influence de l'École abélardienne, mais sut se conserver dans les limites de l'orthodoxie. Ainsi toutes deux contribuèrent au triomphe de la scolastique.

Quiconque essaierait de faire une synthèse de l'enseignement de Hugues devrait d'abord examiner de façon critique l'authenticité des traités qu'on a inclus dans l'édition de ses travaux, et certains des historiens les plus autorisés en philosophie et en théologie se sont lourdement trompés pour n'avoir pas observé cette précaution élémentaire. D'autres encore ont concentré leur attention sur ses écrits concernant la théologie mystique, là où règne en maître absolu le surnaturel, si bien qu'ils ont essayé d'apprécier l'enseignement philosophique d'un auteur à partir des données fournies par ses tentatives pour expliquer ce qui se passe dans l'âme possédée par la charité parfaite ; tout cela ne peut qu'embrouiller. Hugues nous a laissés un matériel suffisant, en philosophie et en théologie, où les explications rationnelles voisinent avec l'enseignement révélé, pour nous permettre de nous former une opinion solide sur sa position comme philosophe, comme théologien et comme mystique.

[modifier] Œuvres

  • Michel Lemoine, Hugues de Saint Victor, L'art de lire, Didascalicon, introduction, traduction et notes, Paris, Cerf, 1991

[modifier] Bibliographie

  • Barthélemy Hauréau, op. cit. and Notices et extraits des manuscrits latins de la Bibliothèque Nationale, passim
  • De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale (Louvain, 1900), pp. 220-221
  • article par H Denifle in Archiv für Literatur und Kirchengeschichte des Mittelalters, iii. 634-640 (1887)
  • A Mignon, Les Origines de la scholastique et Hugues de St Victor (Paris, 1895)
  • J Kilgenstein, Die Gotteslehre des Hugo von St Victor (1898)
  • Ivan Illich, In the Vineyard of the Text: A Commentary to Hugh's Didascalicon (University of Chicago Press, 1993) ISBN 0-226-37235-9. Version française dans les Oeuvres complètes, Volume 2 (Fayard, 2005) ISBN 2-213-61954-9
  • R. Moore, Jews and Christians in the Life and Thought of St. Victor (USF, 1998) ISBN 0-7885-0426-6
  • Hugh of St. Victor (c. 1096 - 1141)
  • Dan Graves, Scientists of Faith Kregel Publications(1996) ISBN 082542724X
  • Rudolf Goy, Die Überlieferung der Werke Hugos von St. Viktor. Ein Beitrag zur Kommunikationsgeschichte des Mittelalters, Stuttgart: Hiersemann, 1976 (= Monographien zur Geschichte des Mittelalters, 14)
  • Jean Longère (ed.), L'abbaye parisienne de Saint-Victor au Moyen Âge. Communications présentées au XIIIe Colloque d’Humanisme médiéval de Paris (1986-1988), Paris / Turnhout, 1991 (Bibliotheca Victorina, 1)
  • Mary Carruthers, The Book of Memory – A Study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, New York, Melbourne: Cambridge UP, 1990 (= Alastaire Minnis (Hg.): Cambridge Studies in Medieval Literature, 10)
  • Kurt Ruh: Die Grundlagen durch die Kirchenväter und die Mönchstheologie des 12. Jahrhunderts, München: Beck 1990 (Kurt Ruh: Geschichte der abendländischen Mystik, 4 Bde., 1)


À l'origine de cet article se trouve une traduction de l'article correspondant de l' Encyclopedia Catholica de 1907 (domaine public), Hugh of St. Victor.

[modifier] Articles connexes