Massacres des Polonais en Volhynie

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Le Massacre de Polonais en Volhynie (en polonais : Wołyń) a été une épuration ethnique pendant la Seconde Guerre mondiale. On pense qu'à cette occasion jusqu'à 80 000 Polonais ont été massacrés par des éléments de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (Ukrainska Povstanska Armiya, ou UPA, Українська Повстанська Армія). L'affaire est survenue en 1943 et 1944, avec un pic de victimes pendant l'été et l'automne 1943.

Sommaire

[modifier] Arrière-Plan

Civils exécutées en Volhynie
Civils exécutées en Volhynie

[modifier] Population à la veille de la Ière Guerre mondiale

La Volhynie, région peuplée majoritairement d'Ukrainiens (paysans avant tout) faisait partie de l'Empire russe qui y mena une forte politique de russification à la différence de la Galicie autrichienne dont le gouvernement à Vienne permit le développement d'une certaine autonomie culturelle voire politique - Lemberg (Lviv), et non Cracovie, en était le siège du parlement local où existait une sur-représentation des propriétaires terriens polonais avant la Première Guerre mondiale. Y vivaient également de nombreux Juifs et Polonais.

La présence des premiers remonte au Xe siècle et leur installation progressive, surtout dans les villes et bourgs, par la volonté colonisatrice des maîtres de ces contrées (la Rus' de Kiev et ses successeurs, les principautés russes, les Mongols, le Grand Duché de Lituanie, héritier de la première civilisation russe et surtout le Royaume de Pologne) n'est interrompue que pendant de courtes périodes. Ils sont expulsés de Lituanie entre 1495 et 1503, massacrés ou noyés avec les catholiques et les Karaïms (Karaïtes) lors de la révolte cosaque de l'hetman Chmielnicki (Khmielnitski)en 1648-1649 contre le pouvoir polonais. Ils obtiennent des privilèges (XIVe siècle) et même le statut d'égalité (XVIe siècle) avec les chrétiens de la part des ducs de Lituanie et rois de Pologne dans les villes comme Kowel ou Luck. La Diète de 1775 permettait aux Juifs la liberté d’acquérir la terre et le pouvoir russe entama dès la première moitié du XIXe siècle une politique de colonisation juive des campagnes dans les provinces occidentales (selon Léon Babicki : 33 000 agriculteurs juifs en 1859, chiffre contesté par certains historiens) mais qui fut stoppée à partir de 1861). Ils constituaient la majorité des habitants de villes et bourgades (en 1897 : 48 % à Kowel et 60 % à Luck). Victimes de pogroms opérés lors des passages de l’armée de la RPU ou de ses détachements dirigés par des « atamans », comme ce fut le cas plus à l’Est (cf. « Petlioura »). Toutes les communautés juives ont été anéanties en 1942 (cf. Shoah par balles, l'histoire oubliée, le documentaire de Romain Icard passé le 12.03.2008 sur France 3).

La présence des seconds est due aux siècles de la domination polonaise. La noblesse locale fut polonisée et se convertit au catholicisme, déjà avant les partages de la Pologne. Une partie de la noblesse, qui était originaire d'outre Bug, rivière séparant grosso modo le monde catholique du monde orthodoxe ainsi que des paysans invités par elle à défricher et travailler la terre, reçut des donations royales qui, ces dernières, étaient destinées aussi aux institutions ecclésiastiques catholiques, à partir de l'Union de Lublin. Les grandes familles princières ruthènes constituaient une petite minorité de magnats détenant des grandes propriétés terriennes (latifundia) comme par exemple les Czartoryski, les Rzewuski, les Czacki ou les Wiśniowiecki (encore en 1830 les maréchaux de la noblesse de Volhynie étaient tous des Polonais). Ouverts à la culture occidentale, parlant français, ils habitaient des résidences entourées de parcs et jardins comparables à celles des grandes familles aristocratiques françaises d'avant la Révolution. Certaines familles pratiquaient le mécénat et permirent le fonctionnement des institutions ecclésiastiques et scolaires. Tadeusz Czacki, par exemple, est à l'origine de la fondation en 1803 du lycée de Krzemieniec, appelé l'« Athènes de Volhynie », une sorte d'université polonaise, fréquentée par Juliusz Słowacki (ce grand poète romantique aux yeux des Polonais est aussi l'auteur d'un drame consacré à un héros ukrainien, Mazepa). Mais les milliers de nobles qui reçurent une formation intellectuelle dans les établissements scolaires polonais, laïques ou ecclésiastiques s'étaient appauvris durant le XVIIIe et le XIXe siècles, victimes des aléas de la vie mais aussi des répressions russes après les insurrections de 1831 et 1863 (confiscations et déportations). Il faut rappeler ici que ces hobereaux, cultivant eux-mêmes parfois la terre (leur habitat, encore dans l'entre-deux-guerres, se distinguait clairement de celui des anciens serfs par la présence de deux colonnes à l'entrée, à l'image du typique manoir noble) constituaient une élite dans ces territoires face aux paysans ukrainiens, asservis jusqu'en 1861, corvéables à merci et analphabètes. Alors que les bâtiments ecclésiastiques catholiques, fondations des nobles, étaient construits en pierre et brique, les églises orthodoxes, souvent l’œuvre de la piété populaire, étaient de petite taille et en bois. La moitié des latifundia passa après 1863 aux mains russes par le biais de confiscation ou de vente. Leur parcellisation permit l'achat de petits lots par les colons tchèques et allemands appelés par le pouvoir tsariste afin de contrer la présence polonaise, alors que les masses paysannes ukrainiennes souffraient du manque de terre. Certains propriétaires polonais réussirent à garder la main sur leurs terres par le biais d'achats fictifs, opérés grâce aux intermédiaires juifs qui les administraient en leur nom, alors que l'oukase impérial interdisait l'installation de Polonais catholiques en Volhynie. Suite à la première révolution (1905) l'édit impérial de tolérance de 1906 autorisa la construction des églises catholiques en ville alors que celles confisquées au profit des orthodoxes avaient subi des transformations de style.

A côté de ces deux catégories de population on trouvait des Tchèques et des Allemands, déjà évoqués, des Russes associés à l'occupation, des Arméniens, originaires de la Crimée, présents ici, comme les Karaïms, depuis le XIVe siècle. En 1914, à titre d'exemple, la capitale de la région, siège du gouverneur russe, Luck comptait 30 000 habitants dont 24 000 Juifs, 2 300 Russes, 2 000 Polonais, 170 Allemands, 150 Karaïms, 100 Tchèques et une dizaine de familles arméniennes et musulmanes (Tatars).

[modifier] « Triangle volhynien » - Histoire de relations entre Ukrainiens, Polonais et Russes

La République des Deux Nations

Suite à l’Union de Lublin de 1569 les territoires de l’Ukraine d’aujourd’hui furent incorporés à la Couronne de Pologne malgré la protestation des députés ruthènes du Grand Duché de Lituanie (Etat jusqu’à là en union personnelle avec le Royaume de Pologne). La voïévodie de Volhynie (capitale Luck) devint la propriété du roi. En 1596 les évêques ruthènes (ukrainiens) orthodoxes furent contraints par le roi de la nouvelle dynastie des Vasa, d’origine suédoise, Sigismond III, de signer une autre fois l’Union lors du synode de Brest Litovsk (Brześć Litewski) et d’accepter l’autorité du pape. Cette réunion des évêques créait l’Eglise ukrainienne gréco-catholique (uniate) à l’image de celle déjà existante en Russie Rouge qui appartenait à la Pologne depuis le XIVe siècle.

L’Ukraine fut le théâtre de nombreux soulèvements de Cosaques (p.ex. celui de Nalewajka, lis : Nalévaïka, en 1637-1638) écrasés par les Polonais. Ils exprimaient le plus souvent le mécontentement de nature sociale (cf. révolte sociale des « Haïdamaks ») comme l’assujettissement des paysans ukrainiens libres aux seigneurs polonais qui s’étaient taillé des grands domaines (latifundia) ou religieuse, bien que la politique du gouvernement polonais à l’égard des orthodoxes fût relativement tolérante dans la première moitié du XVIIe siècle. Le plus important fut celui de Bohdan Chmielnicki-Khmielnitski (considéré comme le premier chef de l’État ukrainien indépendant par les Ukrainiens eux-mêmes) qui, commandant en 1647 une « sotnia » cosaque (détachement), organisa un putsch militaire, une révolte locale dont le prétexte était le refus de la Diète d’augmenter le nombre de Cosaques « enregistrés », promesse du roi Ladislas IV Vasa lors des préparatifs de guerre conte l’Empire ottoman, et qui se transforma en insurrection générale de toutes les terres ukrainiennes gagnant la bourgeoisie des villes et le bas clergé. La raison donnée était la défense de l’orthodoxie contre les « persécutions » des catholiques polonais mais en réalité il s’agissait, pour les Cosaques Zaporogues (transdniepriens), de la restauration des « libertés » confisquées 10 ans plus tôt. Khmielnitski se fit élire « hetman », signa une alliance avec les Tatars de Crimée et attaqua la Volhynie et la Russie Rouge avec des milliers de paysans ukrainiens révoltés contre les seigneurs polonais. La haine des Polonais et des Juifs fut à l’origine des pogroms perpétrés lors de traversées d’armées cosaques. Les échos de cette catastrophe atteignirent, par le biais de commerçants juifs, l’Europe occidentale et sont encore présents dans les chants hassidims. On connaît l’histoire de la petite armée du grand seigneur polonais de Volhynie, « kniaz » (prince) Jeremi Wiśniowiecki qui, pénétrant par le nord, repoussa momentanément les armées de Khmielnitski et permit aux nombreux Juifs d’être sauvés. Le prince, piètre stratège, comme écrit Paweł Jasienica suivant l’opinion de ses contemporains, se fit connaître par sa cruauté à l’égard des paysans révoltés, faits prisonniers (décapitations, pendaisons et empalements sur les places de villes et bourgades) mais ce n’était que la réponse aux exactions commises sur les prisonniers nobles par le chef cosaque Maxime Krzywonos (Nez Tordu). Il faut rappeler que les Juifs installés dans ces territoires par le pouvoir polonais, servaient souvent d’intermédiaires entre les paysans asservis et les grands seigneurs, aubergistes à qui on avait octroyé le privilège de vente d’alcool, commerçants concurrents des chrétiens, artisans dans les villes et bourgades, ils étaient aussi des collecteurs d’impôts pour le compte des princes. Ainsi la fureur paysanne, soutenue par le clergé orthodoxe se dirigea contre ces « Judas déicides ». Léopol (Lwów-Lviv) fut assiégée et l’armée de Khmielnitski atteignit le Bug, frontière de la Petite-Pologne. Les accords temporaires signés à Zborov-Zbaraż (août 1648), après la défaite polonaise à Pilawce (lis Pilavtsé), prévoyaient l’enregistrement de 40.000 Cosaques qui devaient résider dans les voïévodies de Kiev, Braclav et Tchernihev, interdisaient le maintien des troupes de la Couronne dans ces territoires, abolissaient l’Union des Églises, expulsaient Juifs et jésuites et donnaient l’administration de ces voïévodies aux nobles orthodoxes. C’était, certes, une victoire des Cosaques Zaporogues qui en fait aspiraient à l’assimilation à la noblesse polonaise mais pas celle des revendications paysannes, le régime social n’étant pas remis en question, ni celle des ambitions de l’hetman.

Pendant les guerres cosaques naquit l’idée de la fédération des Trois Nations (idée prônée par le voïévode de Kiev, Marian Kisiel et le nouveau roi, Jean Casimir Vasa), les Ukrainiens étant son troisième élément, mais la noblesse polonaise et lituanienne s’y opposa et à Péréïaslav, en 1654, les délégués du tsar et de l’hetman négocièrent le traité final qui fit basculer du côté russe toute l’Ukraine orientale (rive droite du Dniepr). La guerre polono-russe fit diviser les Cosaques et en 1658 une partie d’eux opta pour la fédération, la République des Trois Nations qui resta lettre morte. L’armistice d’Androuchovo (1667), qui mit un terme au conflit entre la Pologne et la Moscovie, consacra le fait, alors que le traité de Karłowiec-Karlowitz de 1699 qui fixait la frontière sur le Dniestr donnait une partie méridionale à l’Empire ottoman (Bukovine et Bessarabie). La frontière entre les trois États resta stable pendant un siècle.

L’assimilation de l’Ukraine orientale s’accéléra. Le métropolite orthodoxe de Kiev reconnut, après l’assentiment du patriarche de Constantinople, l’autorité du patriarche de Moscou en 1684. Durant la guerre du Nord (1700-1709), opposant la Russie de Pierre le Grand à la Suède de Charles XII, apparut un chef cosaque ambitieux, Ivan Mazepa, qui lié d’abord à la Russie passa ensuite un accord avec la Pologne de Stanislas Leszczyński, soutenu par le roi de Suède, et avec Charles XII, lui-même, qui reconnut l’indépendance de l’Ukraine transdnieprienne contre l’appui des troupes cosaques zaporogues. Peu suivi par la population il fut frappé d’anathème par le clergé orthodoxe, soumis déjà à Moscou, et qui y voyait une alliance contre nature, vu la religion protestante du monarque suédois et le catholicisme de son protégé polonais. Le gouvernement russe ne considérait pas l’Ukraine autrement que comme une province russe, dans laquelle une armée cosaque, déjà mercenaire, gardait un statut d’autonomie ; il ne pouvait pas admettre la naissance d’un nouvel Etat indépendant. Les plans de Mazepa s’effondrèrent à Poltava (défaite suédoise, 1709) et son armée dut se réfugier chez le Turc. Les Russes en profitèrent pour accentuer la politique d’assimilation de l’Ukraine transdnieprienne. En 1720, un oukase interdit l’usage de la langue littéraire ukrainienne sauf, et avec réserves, pour les ouvrages religieux. Il s’agissait d’une langue assez artificielle, qui avait peu d’utilisation, à vrai dire, et qui comptait peu aux yeux des bureaucrates de l’entourage du tsar. Les parlers populaires n’étaient pas menacés puisqu’elles n’avaient guère d’expression écrite.

Le pays, dont la langue officielle était le russe, fut soumis à une politique centralisatrice et « uniformisatrice » qui s’appuyait sur les cadres nobiliaires. En 1764 le gouvernement supprima l’institution d’hetmanat et les régiments cosaques furent transformés en 10 régiments de carabiniers devant 6 ans de service. Les Cosaques du rang formèrent une catégorie de paysans libres alors que les paysans dépendant de la noblesse cosaque furent définitivement liés à la terre. Le servage s’étendit sur une bonne partie de l’Ukraine, comme c’était déjà le cas en Pologne, alors que l’Église ukrainienne, dont les biens furent sécularisés, suivait le sort de l’Eglise orthodoxe. Cependant l’Eglise de Kiev continua à jouer en Russie, au moins jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le rôle de la métropole intellectuelle des Slaves de l’Est en un temps où l’instruction était la chose de l’Église. Son Académie ecclésiastique, dont les cours étaient dispensés en latin, resta fort active et fournit à Moscou des prêtres instruits en y créant l’Académie gréco-slavo-latine en 1687 qui, il est vrai, devint bien vite un instrument de censure.

Partages de la Pologne

En 1772 la République des Deux Nations, dont le roi élu par la noblesse était Stanislas Poniatowski, amant et favori de Catherine II la Grande, subit le premier partage entre les trois puissances voisines, Russie, Prusse et Autriche. Cette dernière occupa la Petite Pologne et la Russie Rouge (Ruthénie) dont la capitale, Léopol, en lui donnant un nouveau nom de «royaume de Lodomérie et Galicie », à l’exception de Cracovie, restée polonaise, mais qui fut annexée plus tard, après l’insurrection de 1846. L’Ukraine, dont la Volhynie, resta polonaise, cependant en 1782 les Habsbourg lui arrachèrent illégalement une petite partie méridionale de cette dernière (district de Krzemieniec, lis-Kchémiéniets) en l’incorporant à la Galicie. Le 2e partage de 1793 fit entrer l’Ukraine dont la Volhynie, la Russie blanche, la Russie noire et la Polésie (territoires de la Biélorussie actuelle) dans le giron russe (cf. les cartes). Le 3e partage ne concerna pas les terres ruthènes mais les guerres napoléoniennes modifièrent les possessions russes qui avancèrent à l’Ouest (la partie méridionale de la Volhynie revenant à l’Empire moscovite). Les frontières dans ces régions restèrent stables ensuite (cf. la Sainte Alliance, née du Congrès de Vienne) jusqu’à la Première Guerre mondiale.

En 1769 éclata la guerre contre l’Empire ottoman et les Russes occupèrent la Bukovine, qu’ils évacuèrent après le traité de Koutchouk-Kaïnardji (1774), mais les Autrichiens prirent leur place et se firent céder par la Porte (1775) cette province. L’Autriche donna officiellement au pays le nom de Bukovine (nom slave qui veut dire« pays des forêts de hêtres »). Elle dépouilla entièrement l’Église orthodoxe de ses biens immenses et s’appliqua à peupler sa nouvelle province en y faisant venir des colons de Saxe et de Wurtemberg. Jusqu’en 1786 l’administration fut purement militaire. En 1787, la Bukovine fut réunie à la Galicie.

Territoires annexés par la Russie

Les Russes créèrent 3 grandes provinces ukrainiennes dirigées par un gouverneur nommé par Saint Pétersbourg, celles de Kiev, de Volhynie avec la capitale Zytomir-Zytomierz et de Podolie (Kamieniec Podolski). Au début il n’y eut pas de bouleversement social : Catherine II garantit aux nobles polonais leurs « droits » sur les paysans ukrainiens. Le nouveau pouvoir considérait les Ukrainiens comme une des branches du peuple russe (rossiïski, grand-russe et non ruski, ruthène) mais au début de l’occupation le pouvoir ne combattit pas avec acharnement le mouvement national ukrainien naissant. L’administration était à peine en formation et l’élément dominant à affaiblir était plutôt les propriétaires terriens polonais, surtout à partir de l’insurrection de 1831 (organisée par l’élément nobiliaire), qui éclata dans le royaume de Congrès et se propagea au-delà de sa frontière, dans les territoires lituaniens, biélorusses et ukrainiens.

C’est à l’extrême fin du XVIIIe siècle que l’on vit apparaître la langue littéraire ukrainienne par la publication de l’« Enéide travestie » d’Ivan Kotljarevskiï (1798) qui est considéré comme le véritable créateur de la langue ukrainienne moderne, dégagée d’un vocabulaire littéraire encombré de slavon et russe. Dans les milieux universitaires de Kharkov et Kiev et on s’intéressa à l’histoire et aux traditions populaires du pays. Certains s’engagèrent dans le mouvement décabriste, décapité en 1825, alors que d’autres étaient animés par un esprit panslave (cf. la confrérie de Cyrille et Méthode, société clandestine prônant le fédéralisme et l’égalité des peuples slaves, liquidée par le pouvoir en 1846) auquel on peut associer l’activité révolutionnaire et violemment anti-tsariste de Taras Chevtchenko, poète romantique, condamné à 10 ans de déportation en Sibérie (cf. le film de 1951 du même titre de Savtchenko, terminé par son élève, Mikhaïl Parandjanov qui réalisa aussi « Rhapsodie ukrainienne » et surtout en 1965 « Chevaux de feu », révélation et triomphe international ; source Larousse, Dictionnaire du cinéma, 1995). En parallèle se développèrent dans les années 1830-1850 les études historiques ayant pour but de connaître le passé de la l’Ukraine. La publication en 1846 d’un faux patriotique « La légende historique de l’Ukraine », œuvre extraordinaire, autant par ses falsifications que par l’exposé ordonné des faits indubitables, et qui retrace le passé du pays depuis le royaume de Kiev jusqu’à la cosaqueries au XVIIIe devint « un plaidoyer historique et politique en faveur d’une Ukraine autonome, seule héritière de la Russie pré mongole, opposée à la Pologne catholique et à la Moscovie tatare ». (cf. E.Borchtchak, La légende historique…).

Mais la première manifestation d’une conscience nationale ukrainienne est le Livre de la Génèse du peuple ukrainien de Kostomarov, écrit en ukrainien et traduit en russe pour marquer la différence les deux « nations ». Au milieu du siècle les travaux du comparatiste F.Miklosich et du philologue Oleksander Potebnia, fondateur de la langue scientifique, élevèrent définitivement l’ukrainien au statut de langue. L’insurrection de 1863 mit fin à cette relative tolérance, la question ukrainienne étant considérée par les insurgés comme polonaise. Le gouvernement russe affecta de croire à des menaces de séparatisme (qualifié de « mazepisme »).

Aussi l’année 1863 inaugura-t-elle une nouvelle politique de répression, appuyée par les milieux russes les plus nationalistes et définie par la circulaire de Valouïev de 1863. Les revues existantes furent supprimées, la censure sur la langue ukrainienne, renforcée ( voici l’exemple du point de vue officiel : « … il n’y a jamais eu de langue petite-russe il n y en a pas et il ne peut pas y en avoir. La langue employée par le bas peuple n’est autre chose que du russe corrompu par l’influence polonaise «). Le nom d‘Ukraine comme celui de Pologne disparurent pour être remplacés par « Région du Sud-Ouest » et «  Pays de la Vistule ». L’oukase d’Ems de 1876 interdit toute publication en ukrainien.

L’industrialisation du pays fit grandir l’importance d’une bourgeoisie ukrainienne, attachée aux valeurs nationales, et grossir le nombre de patriotes actifs. En 1897 se tint un congrès illégal des « hromadas » (sociétés secrètes radicales à l’origine des nationalistes ukrainiens) d’où émergea une organisation générale qui se métamorphosa plus tard en Parti démocrate ukrainien (en 1904). L’année suivante à Poltava la commémoration du centenaire de la publication de l’« Enéide » de Kotljarevski se transforma en manifestation politique lorsque, après l’intervention des délégués de Galicie et de Bukovine dont l’adresse en ukrainien souleva l’enthousiasme des auditeurs, le délégué russe voulut à son tour s’exprimer dans sa langue maternelle, il se vit l’interdire par le représentant du gouvernement. Tous les délégués déchirèrent leurs adresses mais le scandale n’entraîna pas de sanctions. L’interdiction de présenter des rapports en ukrainien au congrès de l’archéologie de Kiev en 1899 suscita une vague de protestations dans les grandes villes. Les municipalités et un certain nombre de « zemstvo » (représentations de nobles) réclamèrent au gouvernement l’introduction de l’enseignement en ukrainien dans les écoles élémentaires. La jeune génération, plus radicale, cherchait à se rapprocher des mouvements révolutionnaires ou lançait des revendications extrémistes comme celle de Nicolas Mikhnovski d’une Ukraine « …seule, indivisible, libre, indépendante, des Carpates au Caucase », devise désavouée par son propre Parti révolutionnaire ukrainien dont le programme n’allait pas jusqu’une rupture complète avec l’Empire. Mikhnovski fonda par la suite un nouveau parti (Pari national ukrainien).

La diversité des positions et l’émiettement d’un mouvement qui restait celui de minorités cultivées et engageait peu les masses populaires, sont les caractéristiques de la situation politique de l’Ukraine vers 1900. Le sort des paysans, la condition ouvrière, les libertés fondamentales et la participation au pouvoir étaient les préoccupations plus importantes à l’échelle de l‘Empire qui en plus commençait à réaliser les dangers apparus à l’échelle européenne et mondiale. La révolution de 1905 fit trembler le régime et obligea Nicolas II à des concessions. Les revues ukrainiennes se multiplièrent, la langue ukrainienne était enseignée à tous les niveaux, les œuvres de Chevtchenko et d’autres, publiées, et en 1907, l’Académie impériale reconnut que l’ukrainien n’était pas un simple dialecte du russe, mais une véritable langue. La première Douma, composée de 98 membres, comporta 40 députés ukrainiens, dans la deuxième ils étaient 47 mais dans la 3e, celle des « seigneurs », élue de façon moins démocratique, les Ukrainiens ne disposaient plus d’une tribune politique. La crainte de la guerre et le nationalisme grand-russien, poussa le gouvernement à rogner les libertés accordées. En 1910 ne paraissait qu’un seul quotidien en ukrainien, la « Rada » et la répression s’abattit sur le « séparatisme » ukrainien. Les hommes et les publications se réfugièrent de nouveau dans la clandestinité ou retrouvèrent le chemin de l’exil à l’étranger (Galicie ou Bukovine, Prague, Vienne ou Suisse). L’année 1914 à l’occasion du centenaire de la naissance de Chevtchenko fut le théâtre d’affrontements entre les nationalistes russes et ukrainiens. La presse gouvernementale, ultra nationaliste et cléricale déchaîna une campagne anti-ukrainienne, dans laquelle la Galicie orientale était perçue comme le »Piémont de l’Ukraine » : journaux restants interdits, ecoles, bibliothèques, institutions scientifiques fermées. Un rapport au grand-duc Nicolas déclara : « l’ukrainisme n’est qu’une armée forgée par le gouvernement de Vienne ». La langue russe remplaça l’ukrainien et le clergé orthodoxe russe, venu de Kiev, exerça une forte pression sur le clergé uniate en vue de le rallier. Le métropolite E.V. Cheptytski, résidant à Lviv (Léopol), fut puni pour sa résistance et déporté en Russie, à Souzdal, dans la prison réservée aux ecclésiastiques. Ces mesures provoquèrent des protestations à la Douma dont celles de Milioukov et plus tard de Kerenski. Les empires centraux en allaient faire un bon usage pendant la Grande Guerre en soutenant un Comité de libération de l’Ukraine, créé à l’étranger et publiant des cartes du pays à libérer couvrant 900 000 km2 et s’étendait jusqu’à la Caspienne.

Territoires annexés par l’Autriche

La situation des Ukrainiens se présentait tout autrement en Galicie autrichienne. Dans la première phase le processus de polonisation se poursuivit et le seul centre de développement du mouvement ukrainien était l’Eglise uniate, elle aussi, fortement polonisée. L’attitude des Polonais ressemblait à celle des Russes, c’est-à-dire, les Ukrainiens ne représentaient pas un cas particulier mais constituaient une branche ruthène du peuple polonais. C’est seulement lorsque les Ukrainiens apparurent comme une force politique puissante (après le Printemps des peuples et la création de la Hlovna Rada Ruska – Conseil principal ruthène) que Vienne décida de la politique de division et de détournement du sentiment national ukrainien contre les Polonais.

La Bukovine fut attchée en 1787 à la Galicie. La région, dont le fond était slave (Ruhènes des basses terres et les montagnards, appelés Huculs, lis-Houtsouls, et apparentés aux Ruthènes ; cf. déjà cité ci-dessus le film de Parandjanov « Chevaux de feu ») et moldave, et qui s’était enrichie entre le XIVe et XVIIe siècle d’éléments divers : roumanophones, arméniens, hongrois, polonais et juifs, avait déjà donc un caractère multiethnique, lorsque l’Autriche s’en empara. Les colons allemands et polonais (des montagnards de Silésie autrichienne, venus au début du XIXe s. puis d’autres tant que le pays appartenait à la Galicie) ainsi que les juifs fuyant l’Ukraine russe renforcèrent encore le caractère particulier de cette contrée. L’empereur Joseph II, qui nommait toute l’administration locale et les dignitaires ecclésiastiques, permit un certain développement de l’instruction en plusieurs langues (ukrainienne, roumaine, allemande, polonaise, hongroise et juive). Depuis 1849, elle forma, sauf dans une courte période (1859-1861), une province particulière de l’Empire sous le nom de «duché de Bukovine », avec un parlement local (LandtagCzernowitz. Sous François-Joseph Ier la vie culturelle de différentes communautés fut encouragée et sa capitale, Czernowitz en profita pour se moderniser (système de canalisation, électricité, pavement de rue et même tramway). Les ingénieurs polonais de Léopol construisirent le chemin de fer reliant la capitale de la Galicie à Jassy (en Roumanie) qui passait par Suczawa (Suceava en roumain) et Czernowitz et qui permettait la liaison mer Baltique-mer Noire. En 1875 on ouvrit dans la capitale du duché une université où se créèrent des organisations d’étudiants en fonction de leur appartenance ethnique dont « Soïouz »(Union) ukrainienne, « Allemania » et « Austria », « Ognisko » (Foyer) et « Lechia » polonaises ou encore « Karima » sioniste et « Zefira » et »Hebronia juives.

Selon le recensement de 1857 la Bukovine comptait 455 800 000 habitants dont 44.6 % de Roumains, surtout au Sud, aux fortes différences sociales ; 38.2 % de Ruthènes et Huculs, pauvres paysans et bergers sans tradition citadine ; 6.4 % d’Allemands, employés, artisans qualifiés, ingénieurs de mine et de métallurgie ; 6.5 % de Juifs, habitant villes et bourgades, commerçants et artisans, médecins, avocats et journalistes ; 3 % de Polonais, citadins qui constituaient le 2e groupe ethnique dans la capitale après les Juifs ; 1.6 % de Hongrois ; 0.57 % de Russes vieux-croyants ayant fui les persécutions ; 0.1 % d’Arméniens. Trois quarts de la population, en majorité analphabète, vivaient des activités agricoles et pastorales en 1880 et ce jusqu’à la fin du XIXe siècle. Comme la majorité (60 %)des paysans n’avaient pas plus de 2 ha alors que 40 % des terres étaient détenues par les grands propriétaires il en résulta une forte émigration aux États-Unis et au Brésil (cf. « Bukovina Society of Americas » qui fonctionne encore aujourd’hui). Au début du XXe siècle la composition confessionnelle se présentait comme suit : orthodoxes (Roumains et Ukrainiens) – 68.44 % ; israélites – 12.86 % ; catholiques (Polonais, Hongrois et Allemands) ; calvinistes et luthériens (Allemands et Hongrois) – 2.56 %, sans compter les les vieux-croyants russes, les Arméniens catholiques et de rite oriental et les Roms (6000 ?). Un des représentants des Juifs de Bukovine est l’écrivain israélien Aharon Appelfeld dont de nombreux livres ont été publiés en France comme par exemple son autobiographie « Histoire d’une vie » qui évoque la patrie perdue (une excellente bibliographie existe, malheureusement pour les francophones, en polonais (cf. Bukowina de Wikipédia).

La Ruthénie transcarpatique, appelée aussi subcarpatique par les Roumains et les Hongrois, relevait de Budapest depuis le XIIIe siècle et englobait la haute vallée de Cisa (Tisza en hongrois). Selon le recensement de 1846 la population comptait 469 000 habitants comme suit : 235 000 Ruthènes, 120 000 Hongrois, 65 000 Juifs, 14 000 Slovaques, 10 000 Allemands. Les Autrichiens y créèrent un réseau d’écoles primaires avec deux langues : ruthène et slovaque. La région subit des destructions dues aux révoltes et l’insurrection hongroise de 1848 et fut transformée momentanément en district ruthène séparé de la monarchie hongroise (1849-1850). Extrêmement pauvre, elle devint dans la seconde moitié du XIXe siècle une terre d’émigration vers les États-Unis, l’Uruguay, l’Argentine et l’Australie (entre 200 000 et 400 000 personnes). Le recensement de 1880 donna 59.5 % de Ruthènes, 25.7 % de Hongrois, 7.8 % d’Allemands, 4.1 % de Roumains, 2.1 % de Slovaques et Tchèques, 0.5 % pour les autres.

Après avoir signé un compromis avec les Polonais en 1861 (l’autonomie de Galicie consistait en la création du parlement local, Landtag, à Léopol, la polonisation de l’administration et de l’instruction ainsi que de l’université et de la polytechnique de Léopol et enfin la nomination du gouverneur polonais) contre leur appui au parlement de Vienne, les Autrichiens considérèrent le problème ukrainien comme une affaire interne polonaise. Néanmoins les Ukrainiens vivant sous la domination polonaise disposaient de bien meilleures conditions de développement de leur culture nationale que leurs frères vivant sous le joug tsariste. Autre raison de ce développement était le niveau de vie supérieur et ainsi que plus grand taux d’urbanisation en Lodomérie-Galicie. Les Ukrainiens habitaient sa partie orientale (Galicie orientale ou Ruthénie) avec Léopol et Przemyśl, mais constituaient une minorité dans les villes dominées par les Juifs et les Polonais. Ils revendiquaient la division de la Galicie, où à l’Est ils auraient la majorité, et le suffrage démocratique. Jusqu’à la fin de l’Empire austro-hongrois la vie politique de la Galicie fut dominée par les conservateurs, partisans du compromis mais l’éclosion des mouvements nationalistes préparait un sombre avenir.

Un courant russophile très fort portait l’intelligentsia ukrainienne vers le grand voisin de l’Est. Le fait qu’elle fût en partie cléricale et composée de prêtres uniates, frères de l’Eglise orthodoxe, n’affaiblit pas ce courant, alors que leurs positions étaient plutôt de nature conservatrice, les régimes monarchiques étant perçus par eux comme protecteurs de la tradition. Un de leurs représentants (père Ivan Naumovitch) ne déclara-t-il pas : « Placés devant un choix, nous préférons nous noyer dans l’océan russe que dans le marais polonais » ? Malgré la loi d’autonomie (1861) et le régime constitutionnel dualiste (Ausgleich, 1867) les Ukrainiens conservèrent un certain nombre de libertés inconnues de l’autre côté de la frontière, en particulier l’emploi de la langue dans les écoles primaires et reçurent des droits théoriquement égaux à ceux des autres nationalités. La Galicie continua à être dominée par une riche aristocratie polonaise de grands propriétaires (1500 familles possédaient 42 % du sol) ayant le monopole de la fabrication et de la vente de la vodka, et par une bourgeoisie urbaine polonaise et juive. Le système électoral des « curies », du Parlement de Vienne à la Diète de Galicie, défavorisait les Ukrainiens qui n’étaient représentés que dans les curies paysannes. En dépit de cette situation politique médiocre, qui recouvrait en plus une situation sociale misérable de la paysannerie analphabète en majorité, la Galicie autrichienne jouissait d’un régime relativement libéral qui permettait dans une grande mesure l’expression du nationalisme ukrainien.

Les dirigeants ukrainiens de Galicie se partageaient en deux tendances, toutes les deux hostiles au gouvernement de Vienne dont l’une était favorable à la Russie, autour du journal « Slovo » (Parole), l’autre – populiste – recherchant un accord avec les Polonais en vue d’un partage de la Galicie. L’échec de cette dernière amena ses dirigeants à se rapprocher de ceux de l’autre tendance. Le mouvement populiste s’appuyait sur des organisations (hromadas) secrètes (la première se forma à Léopol en 1863), mais le libéralisme du régime autorisa la création en 1868 de la société « Prosvita » (Lumières), puis de « Ridna chkola » (société de pédagogie), Association des Sciences « Chevtchenko », « Sokil » (faucon) et « Sitch » (associations d’éducation sportive et para-militaires et enfin « Luh » (association de gymnastique et de pompiers) dont le but était d‘élever le niveau intellectuel et d’éveiller la conscience nationale. Des intellectuels comme Ivan Franko (savant et poète), M.I.Pavlik (écrivain et homme politique), Mykhaïlo Hruchevski (historien), Kost Levytski (homme politique) et des artistes comme Solomiya Kruchelnytska y travaillaient sans entraves ni censure. L’université de Léopol possédait des chaires ukrainiennes. En 1890 Franko et Pavlik fondèrent le Parti radical ukrainien qui répondait plus aux aspirations de nouvelles générations déçues du populisme. Les revues « Narod » (peuple, nation) et « Khliborod » (paysan) devaient devenir le nouvel instrument d’éducation de la masse paysanne et de propagande socialiste et nationale. Elles menaient une campagne d’opposition à la fois au gouvernement et à la tendance populiste. En 1895 le parti réclama l’indépendance du peuple ukrainien mais se scinda vers 1900 en trois tendances : radicale, national-démocrate et social-démocrate.

Il en était de même du côté polonais. Grâce au nouveau statut d’autonomie le gouvernement local, toujours dirigé par un Polonais, disposait de libertés dans les domaines de l’économie locale, transport et communication, instruction et santé et la Lodomérie-Galicie devint le principal centre politique du mouvement national (les territoires polonais aux mains des Prussiens et Russes ne disposaient pas de telles libertés et subissaient une politique de germanisation ou russification, la scolarité étant dans la langue de l'occupant). Les partis politiques ainsi que les associations de tout type fonctionnaient ici à l’instar de ceux des Ukrainiens : « Sokól » (qui veut dire faucon, organisation créée d’abord en Bohême par Miroslav Tyrs en 1862), « Strzelec » (tireur), « Drużyny Bartoszowe » (organisations para-militaires). Elles servirent à la formation des « Légions polonaises», dont le chef Joseph Piłsudski les engagea comme détachements séparés dans l’armée autrichienne pendant la Ière Guerre mondiale.

La Ière Guerre mondiale et ses conséquences

Les Polonais et las Ukrainiens servirent durant la Grande guerre des deux côtés du front au nom du loyalisme monarchique, mobilisés comme tous les hommes valides par les Empires centraux et l’Empire russe. Les soldats polonais et ukrainiens restèrent fidèles en leur majorité aux gouvernements respectifs durant presque tout le conflit.

La région de Volhynie fut victime de grandes destructions durant la guerre, surtout au moment de l’offensive des armées des puissances centrales en août – septembre 1915. Les armées russes en retraite détruisirent villes et villages, manoirs et châteaux en déportant la population à l’Est (stratégie de la terre brûlée pratiquée lors de la campagne napoléonienne en Russie, répétée, plus tard, en été 1941 face à l’offensive nazie). Les deux contre-offensives russes firent reculer les Autrichiens et le front traversait la région du nord au sud. Le traité de Brest-Litovsk donna à l’Etat ukrainien fantoche la Volhynie en même temps que la terre de Chełm et la Polésie. Il en résulta le retrait de l’armée autrichienne remplacée par l’armée allemande qui occupa la région ainsi que toute l’Ukraine jusqu’en décembre 1918 puis s’en emparèrent les partisans de Petlioura.

En 1918 la Pologne devint de nouveau indépendante mais ses frontières n'étaient pas fixées à l'Est. Les Alliés étaient favorables à une suggestion du secrétaire du Foreign Office, lord Curzon, qui proposait de les limiter aux territoires purement polonais (ligne Curzon), chose irréalisable vu le caractère de mosaïque du peuplement de ces régions (Ukrainiens-orthodoxes des territoires russes, dits Ruthènes-uniates en Galicie autrichienne, Polonais catholiques et autres). Les Polonais, au nom de leurs "droits historiques", voulaient revenir aux frontères antérieures au "premier partage de la Pologne" en 1772 et annexer la partie occidentale de l'Ukraine (la Galicie orientale autrichienne et la Volhynie russe, occupées par les puissances centrales avant leur défaite en 1918).

L’Etat polonais, renaissant des trois parties distinctes n’ayant pas connu pendant plus d’un siècle la même expérience politique et économique des puissances occupantes (Autriche, Prusse et Russie), n’avait pas encore concrétisé en novembre 1918 la forme de son régime politique. Son gouvernement à Varsovie, reconnu par les Alliés seulement en janvier 1919, a déclaré qu’en attendant l’élection d’une assemblée (Diète) constituante Joseph Piłsudski était le chef de l’Etat aux larges pouvoirs législatifs et exécutifs et que cet Etat avait pour régime la république. Le manifeste du gouvernement (21.11.1918) en faisait un régime à caractère populaire (décrets de la journée de 8 huit heures et assurance maladie pour les ouvriers) et annonçait «  une réforme agraire radicale et les nationalisations des branches mûres à cet effet de l’industrie » dont les modalités seraient votées par l’assemblée constituante à venir). En même temps le gouvernement se détachait de l’idée de la révolution et proclamait la volonté de fonder un régime de démocratie parlementaire (l’ordonnance électorale garantissait le scrutin universel égal, secret et proportionnel à tous les habitants du pays de plus de 21 ans sans distinction de sexe). Les élections ont été convoquées pour le 26.01.1919 mais le gouvernement ne contrôlait, à ce moment-là, que la partie russe de la Pologne (ancien royaume du Congrès, créé en 1815).

Les derniers mois d’occupation autrichienne en Galicie virent s’opérer un changement de la politique à l’égard de la cause ukrainienne. Certains éléments considéraient que, si les Polonais aspiraient à l’indépendance (le 15.10.1918 les députés polonais de Galicie autrichienne avaient retiré leur allégeance à la couronne d'Autriche pour se joindre à la nouvelle Pologne), il devait être de même pour les Ukrainiens (qui par ailleurs pouvaient s'estimer brimés par le "double joug austro-polonais", surtout dans la partie orientale) qui, coincés entre la Russie bolchevique et la Pologne renaissante, allaient préférer se placer du côté autrichien. Ainsi les généraux autrichiens, sans consulter l’état-major, ont-ils concentré des détachements militaires où dominait l’élément ukrainien dans la partie orientale et surtout à Léopol), capitale de la Galicie, siège du parlement local. La nuit du 30.10. au 1.11.1918 les Ukrainiens, dont les délégués de Galicie orientale mais aussi ceux de la Bukovine, de la Ruthénie transcarpatique, jadis administrées par Budapest, au nom de l'Ausgleich de 1867, s’y réunirent, s’en emparèrent et proclamèrent la République Populaire d’Ukraine Occidentale (RPUO). Certains quartiers de la ville, peuplée en majorité de Polonais (alors que les campagnes environnantes étaient habitées par les Ukrainiens), organisèrent la défense et des combats acharnés opposèrent les deux parties. Le secours polonais venu de l’Ouest (Przemyśl) permit la reprise totale de la ville (22.11.) et de la ligne du chemin de fer la reliant à la Galicie occidentale, alors que la guerre polono-ukrainienne sévissait plus à l’Est. Dans la mémoire polonaise s’est gravé pour toujours le sacrifice des enfants de 13 à 17 ans ayant pris part aux combats (« Aiglons de Lwów » dont on a dressé le monument funéraire après la guerre et qui a été récemment restauré par les soins de la Pologne et des Polonais restés à Lviv après la IIe Guerre mondiale en accord avec le gouvernement de l’Ukraine indépendante, mais dont la réalisation avait été bloquée longtemps par les autorités de la ville).

La RPUO entra en contact avec Kiev où Simon Petlioura s'établit au nom de la Rada, après l'effondrement du régime germanophile de l'hetman Pavel Skoropadsky qui ne survécut pas à la défaite de ses protecteurs (les Allemands avaient créé après le traité de Brest-Litovsk un Etat ukrainien fantoche afin de pouvoir exploiter sans limites les richesses agricoles et minières du pays) et s’enfuit le 14 décembre. Le 22 janvier 1919 la Rada de Kiev ratifia l'union des deux républiques ukrainiennes sous une forme fédérale. C'était du wishful thinking car, dès le 15 novembre 1918, les éléments galiciens de la nouvelle Armée polonaise prirent toute la Galicie et Léopol tomba le 21. Peu après les bolcheviks déclenchèrent une offensive qui les ramena à Kiev le 5 février. La Rada s'enfuit à l'Ouest.

A la fin du mois de décembre 1918 le gouvernement de Varsovie contrôlait la région de Léopol mais les frontières étaient loin d’être stabilisées et encore moins reconnues. Des masses de prisonniers de guerre la traversaient, Russes en direction de l’Est et Allemands en direction de l’Ouest, sans compter les Polonais et les Ukrainiens revenant de captivité en Allemagne ou de déportation en Russie. Le nouveau pouvoir de gauche était contesté par les nationalistes polonais (ND de Dmowski) dont les critiques se dirigeaient plutôt contre le gouvernement que contre le chef de l’Etat, Piłsudski, qui originaire de Lituanie, rêvait d’une fédération des Etats recouvrant les territoires d’avant les partages de la Pologne, idée, déjà caduque, vu les aspirations nationales des peuples qui les habitaient et avaient proclamé le désir d’une existence indépendante de la Pologne (grâce à la présence de l’armée allemande on proclama en mars 1918, à Minsk, la République Populaire de Biélorussie et en octobre, à Vilna, la République de Lituanie, combattues toutes les deux par les bolcheviks afin de récupérer ces territoires de l’Empire russe et qui, après la victoire temporaire, instaurèrent la République Socialiste lituano-biélorusse des Soviets le 27.02.1919 en y commettant des exactions et en éliminant les éléments potentiellement contre-révolutionnaires).D’autre part les partis révolutionnaires polonais rejetaient aussi toute l’idée d’autonomie et d’autodétermination réclamant plus de pouvoir aux soviets, rejetant l’élection de l’assemblée constituante et prônant la dictature du prolétariat.

Sur le plan international (la conférence de Paris commença ses travaux de préparation des traités de paix en janvier 1919) la France voulait jouer un rôle double de la protectrice de la Pologne mais aussi de l'Ukraine (grenier à blé) partant du postulat que les deux gouvernements étaient à la fois anti-allemands et anti-bolcheviques. Tandis que la Grande Bretagne se méfiait de l’influence française dans cette région et du nationalisme polonais et, ignorant la réalité du terrain (Churchill à qui on présenta en 1919 une carte physique des confins biélorusses la prit pour une carte ethnique, difficile à réaliser par ailleurs à l’époque, et déclara que ce qui était vert foncé relevait des Biélorusses et le vert claire des Polonais), prônait les solutions de séparation ethnique (cf. ligne Curzon, ligne Foch et ligne Botha). Les Alliés tentèrent d'imposer un armistice entre Polonais et Ukrainiens (ligne Botha), mais la grande offensive polonaise au-delà du Dniepr fut lancée le 16 mai 1919 avec le concours de l'armée Haller, transférée du front occidental et équipée par la France démobilisée, à qui on avait interdit toute implication dans ce conflit (le maréchal Foch en était responsable sur place). La situation se compliquait encore plus et les Alliés, voulant empêcher la jonction des forces bolcheviques aux troupes de la République soviétique de Hongrie en juin-juillet, autorisèrent la Pologne à occuper militairement toute la Galicie, sous réserve de régler le sort de sa partie orientale ultérieurement (on y allait recenser en 1921 : 3 132 000 Ruthènes ou Ukrainiens, 2 144 000 Polonais, y compris 659 000 Juifs).

Le 1er septembre 1919 le gouvernement de la RPU de Kiev opéra un rapprochement avec les Polonais afin de signer un accord d’action commune contre l’Armée Rouge et de garder les arrières libres. Mais l'offensive des forces blanches de Denikine soutenues par la France et la Grande Bretagne (Kiev fut prise le 31.08. et Orel atteinte le 20.10.) obligea l'hetman Petlioura en mauvais termes avec les Galiciens orientaux (RPUO) à franchir les lignes polonaises avec les débris de ses troupes. Il conclut avec Piłsudski un accord abandonnant à la Pologne la Galicie orientale et la Volhynie occidentale avec Równe et Krzemieniec moyennant l'aide polonaise pour la reprise de l'Ukraine orientale alors que les bolcheviks avaient repris Kiev le 16 décembre 1919. Le traité (Umowa Warszawska) signé le 21 avril 1920 garantissait les mêmes droits aux Ukrainiens restés en Pologne et aux Polonais habitant l’Ukraine orientale. Mais le traité de Riga, qui marquait la fin de la guerre russo-polonaise, en reconnaissant la RSFS de Russie et la RSS d’Ukraine annulait de fait les accords précédents signés avec la RPU. Pour les Ukrainiens c'était la trahison.

La IIe République de Pologne

La Diète constituante qui se réunit pour la première fois en février 1919, mais au complet seulement au milieu de l’année (394 députés dont 70 élus de Galicie occidentale et 28 anciens députés de Galicie orientale issus du parlement autrichien, étant donné les combats poursuivis dans cette zone contre l’armée de la RPUO et en Volhynie contre les forces de la République Populaire d’Ukraine de Kiev (RPU) contre lesquelles les bolcheviks avaient lancé une contre-offensive, est dominée par les nationalistes polonais (140 députés, 30,5% des suffrages exprimés lors des élections). Dans cette assemblée sont absents les représentants de la minorité ukrainienne et biélorusse alors qu’il y a 11 députés juifs et 2 allemands.

Le traité de Versailles fut signé le 26 juin 1919 par l’Allemagne mais aussi par la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie qui devaient signer également un traité complémentaire ("petit traité de Versailles") concernant le respect des minorités alors qu’une telle contrainte ne fut pas formulée à l’égard de la République de Weimar. Ainsi les minorités habitant ces Etats recevaient le droit d’adresser à la SDN des plaintes contre leurs gouvernements. La cause polonaise redevint séduisante pour les Occidentaux, traditionnel ante murale ! Le Conseil Suprême des Alliés qui au départ comptaient sur la soumission des Ukrainiens au pouvoir des Russes blancs, vainqueurs des bolcheviques, décida après les succès de ces derniers, de confier à la Pologne un mandat de 25 ans sur la Galicie orientale le 21 novembre 1919 ce que Varsovie refusa et la proposition fut retirée le 22 décembre. Les péripéties de la guerre russo-polonaise firent passer l'affaire sur l'arrière-plan. Elle réapparut au sein de la SDN en février et en septembre 1921 mais le traité soviéto-polonais de Riga (18.03.1921) reconnut à la Pologne toute la Galicie avec Lwów (Léopol). La conférence des Ambassadeurs (15.03.1923) en prit acte en demandant à Varsovie des mesures d'autonomie en faveur des Ruthènes-Ukrainiens.

Le 15.05.1923 la Pologne annexa la Galicie orientale ou l'ex-Ukraine occidentale. Ainsi la Volhynie comme la Galicie orientale furent incorporée à la Pologne qui au départ promit de respecter l'autonomie locale de ces territoires peuplés en majorité d'Ukrainiens. La Diète constituante vota en juillet 1919 un début de la réforme agraire sous l’influence des partis paysans et socialistes mais, si le maximum était de 60 à 180 ha selon la catégorie de la terre à l’Ouest du pays, il fut augmenté à 400 ha à l’Est (Kresy) voire à 700 ha, si les exploitations étaient industrialisées. Les bénéficiaires prioritaires étaient les soldats et invalides de guerre, et ensuite les ouvriers agricoles et petits paysans. Ainsi dès la fin de la guerre russo-polonaise 10.000 soldats de l’Armée polonaise furent-ils installés dans les voïévodies orientales. Cette première colonisation militaire fut stoppée car s’y opposèrent aussi bien le parti national-démocrate (ND) qui défendait les intérêts des grands propriétaires terriens que le parti paysan, «PSL- Wyzwolenie » au nom de la protection des minorités puisque la colonisation changeait le rapport inter-ethnique au profit des Polonais. Selon le recensement de 1921 les campagnes de Volhynie étaient habitées par la majorité de paysans ukrainiens orthodoxes souvent analphabètes, c’est-à-dire 74.6 %, alors que les catholiques, donc les Polonais (paysans, bourgeois, nobles, et colons récemment installés) ne représentaient que 11.5 %. Les Juifs constituaient 59 % des habitants de villes dans cette voïévodie où on trouvait des Tchèques (la plus forte minorité du pays et non, comme on aurait pu croire, dans la partie polonaise de la Silésie autrichienne de Teschen-Cieszyn)et des Allemands.

Les partis de gauche exigeaient l’égalité des droits pour les minorités et en 1922 la République de Pologne la promit ainsi que la création d’une université ukrainienne à Léopol, mais une fois la décision du Conseil des Ambassadeurs reconnaissant sa frontière orientale prise, les promesses restèrent lettre morte, et ce malgré la Constitution (dont le modèle était le régime de la IIIe République française) votée en mars 1923 qui la garantissait. Dès le mois d’avril le nouveau gouvernement limitait le développement de l’instruction en ukrainien et biélorusse, entravait les publications et soulignait les différences entre Ruthènes et Ukrainiens dans les voïévodies orientales. Les conflits du passé entre les nationalités habitant ces régions se maintenaient et pesaient lourdement dans ce nouvel Etat en formation. La peur de mouvements centrifuges conduisait à la prise de décision rendant la situation de plus en plus aiguë.

Les élections, boycottés par une majorité des Ukrainiens de Galicie, suite à l’appel du gouvernement en exil d'Evhen Petruchévitch, au suffrage universel à la proportionnelle, à la Diète du 5.11.1922, permirent l’arrivée des députés de minorités (18.7 % dont seulement 4.6 % d’Ukrainiens) alors qu’au Sénat, élu le 12.11.1922, les minorités augmentèrent encore les effectifs, les portant à 24.3 %. L’élection du premier président de la République, Gabriel Narutowicz, grâce aux voix des minorités, exaspéra la droite nationaliste et poussa une semaine plus tard un déséquilibré, lié aux milieux extrémistes, à commettre un attentat meurtrier. Le gouvernement du centre-droit dut faire face à la crise économique (cf. la situation en Allemagne et les tentions entre les Alliés à ce sujet en 1923), à la contestation sociale et aux agitations des extrémistes de gauche (communistes) que de droite (mouvements fascisants) jusqu’à déclarer l’état d’exception. L'influence de Joseph Piłsudski diminuant tandis que celle des nationalistes de Roman Dmowski augmentant, le gouvernement opéra un changement de politique face aux minorités en supprimant certains de leurs droits comme, par exemple, celui de l'enseignement en langue maternelle. Les conflits et les tensions avec l'Église orthodoxe se multiplièrent également. (la suite en rédaction par l'auteur du texte ci-dessus).

Entre 100 000 et 300 000 colons polonais s'installèrent dans ces territoires ukrainiens et, bien que la majorité de la population fût ukrainienne, pratiquement tous les fonctionnaires (y compris dans la police locale) furent polonais. Cent quatre-vingt-dix églises orthodoxes furent détruites et 150 transformées de force en églises catholiques (même pas uniates), tandis que les bibliothèques et les salles de lecture ukrainiennes furent incendiées par les foules polonaises sans que la police polonaise n'intervînt. Les jeunes Polonais qui habitaient sur place s'organisèrent en strzelcy (francs tireurs) afin de terroriser la population ukrainienne sous prétexte de maintenir l'ordre. Malgré cette domination, les Polonais ne perpétrèrent pas de massacres de civils ukrainiens.

En septembre 1939, en accord avec les clauses secrètes du pacte germano-soviétique, la Pologne est occupée à l'ouest par les Allemands et à l'est par les Soviétiques. La Volhynie se trouva dans la zone soviétique. Les Ukrainiens commencent à entreprendre des actions hostiles vis-à-vis des Polonais à l'instigation de la propagande soviétique, mais très vite c'est le NKVD qui fait la loi. La situation s'aggrave en 1941 après l'attaque de l'Union Soviétique par les troupes allemandes (Opération Barbarossa). Une partie de la communauté ukrainienne, en espérant la formation d'un pays indépendant, collabore avec les nazis (cf. participation dans la Division SS Galizien) ou s'engage dans les actions hostiles aux autres groupes ethniques dans la région (Polonais, Juifs, Tchèques). Les Ukrainiens commencent à former des groupes de résistance qui deviennent une véritable armée de guérilla.

[modifier] Massacres

En février 1943, les nationalistes ukrainiens commencent à attaquer les villages polonais (p.ex.: Parośło), le 23 avril les unités de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne(UPA) tuent environ 600 habitants à Janowa Dolina. Ces actions étaient le fait de quelques unités. Des délégués du gouvernement polonais en exil, J. Z. Rumel et K. Markiewicz, appuyés par un groupe d'officiers de l'Armée de l'Intérieur polonaise (AK) opérant dans la région, essaient de négocier avec les chefs de l'UPA, mais, le 8 juillet 1943, ils sont retrouvés assassinés.

Au bout de trois jours, le 11 juillet, une série de massacres commence, grâce aux nombreux témoignages on apprend que des unités de l'UPA en allant de village en village, assassinent les civils polonais. Les massacres durent 5 jours, jusqu'au 16 juillet. La population (hommes, femmes, enfants) de plus de 60 villages est exterminée, les villages sont, la plupart de temps, brûlés après avoir été pillés.

L'UPA continuera le nettoyage ethnique, particulièrement dans les zones rurales, jusqu'à ce que la plupart des Polonais eussent été déportés, tués, expulsés ou en fuite.

Pendant la période de Noël 1943, une nouvelle vague d'attaques sur la population polonaise a eu lieu dans les cantons (powiat) de Rówień, Luck, Kowel et Włodzimierz. Des unités de combat de l'UPA avec l'aide directe de la population civile ukrainienne, ont attaqué les habitations polonaises. Après les massacres, les groupes de civiles (composés essentiellement de femmes) qui suivaient, pillaient systématiquement les domiciles des victimes.

En 1944 l'ampleur des massacres diminue.

L'armée et les forces de police allemandes voulaient ignorer presque toujours ces conflits ethniques, même s'il existe des rapports selon lesquels les Allemands fournissaient des armes aussi bien aux Ukrainiens qu'aux Polonais. Ces rapports ne sont toutefois pas fondés sur des preuves incontestables. Des unités allemandes spéciales, constituées de policiers ukrainiens ou polonais, qui collaboraient avec eux, ont aussi trempé dans l'affaire et certains de leurs crimes ont été attribués à l'AK ou à l'UPA.

On discute pour savoir si ces actions ont été ordonnées par les autorités de l'UPA ou si elles viennent de décisions indépendantes, prises par des chefs locaux. Aucune preuve de tels ordres émanant de l'UPA n'a été trouvée. Des documents ont été produits par des historiens polonais, mais il a été démontré qu'il s'agissait de faux.

Les invasions soviétique et nazie de ce qui était avant la guerre la Pologne orientale, les massacres de Polonais par l'UPA et les expulsions des Soviétiques après la guerre ont contribué à l'élimination quasi totale de la présence polonaise dans la région.

[modifier] Nombre de victimes

Le nombre exact de victimes civiles polonaises reste inconnu, les différentes estimations varient entre 35 000 et 60 000 pour la Volhynie et, selon les sources, entre 100 000 et 500 000 pour l'ensemble du territoire de l'Ukraine. Les actions de représailles entreprises par l'Armée de l'intérieur (Armia Krajowa) polonaise ont également coûté la vie de 10 000 à 60 000 civils Ukrainiens. Une partie des morts peut également être attribuée à l'action de la police sous les ordres des Allemands ou aux partisans soviétiques qui ont aussi opérés dans la région.

Actuellement en Pologne l'Institut de mémoire nationale (IPN) conduit des investigations à ce sujet et a déjà collecté quelque 10 000 pages de documents et rapports.

Des efforts ont lieu actuellement pour arriver à une réconciliation entre Polonais et Ukrainiens au-delà de ces événements tragiques.

[modifier] Bibliographie

  • Daniel Beauvois, "Le triangle ukrainien", 2006 (excellent ouvrage en français et en polonais sur les relations complexes entre Polonais, Russes et Ukrainiens entre 1793 et 1914, réalisé par cet historien et écrivain français, poloniste et du russiciste, fin connaisseur des cultures russe, ukrainienne et polonaise, directeur du Centre d'études polonaises à Lille puis, du Centre d'histoire slave à la Sorbonne, membre des Académies Polonaise et Ukrainienne des Sciences).
  • Konferencje IPN, "Antypolska akcja OUN - UPA,1943-1944", Fakty i interpretacje, Warszawa 2003 (Conférences de l'Instutut memoire nationale, "Action anti-polonaise de l'OUN - UPA, 1943-1944" dans Fakty ... . Beaucoup de controverses)
  • Aleksander KORMAN, "Stosunek UPA do Polaków na ziemiach poludniowo-wschodniej II Rzeczypospolitej" (L'attitude de l'UPA face aux Polonais des territoires du Sud-Est de la IIe République), NORTON-Wrocław, 2002; (l’auteur a répertorié 362 méthodes de torture pratiquées par les nationalistes ukrainiens sur les Polonais et façons de leur infliger le coup mortel).
  • Filip OZAROWSKI, Wolyn Aflame, Publishing House WICI, 1977, ISBN 0965548813.
  • Tadeusz PIOTROWSKI, Genocide and Rescue in Wolyn: Recollections of the Ukrainian Nationalist Ethnic Cleansing Campaign Against the Poles During World War II, McFarland & Company, 2000, ISBN 0786407735.
  • Tadeusz PIOTROWSKI, Vengeance of the Swallows: Memoir of a Polish Family's Ordeal Under Soviet Aggression, Ukrainian Ethnic Cleansing and Nazi Enslavement, and Their Emigration to America, McFarland & Company, 1995, ISBN 0786400013.
  • Wiktor POLISZCZUK, "Bitter truth": The criminality of the Organization of Ukrainian Nationalists (OUN) and the Ukrainian Insurgent Army (UPA), the testimony of an Ukrainian, ISBN 0969944497
  • Wiktor POLISZCZUK, "Gorzka prawda-cień Bandery nad zbrodnią ludobójstwa" (Verité amère-ombre de Bandera sur le génocide), Toronto 2004
  • Wiktor POLISZCZUK, "Dowody zbrodni OUN i UPA" (Preuves des crimes de l'OUN et l'UPA), Toronto 2000
  • Wiktor POLISZCZUK, "Ludobójstwo nagrodzone" (Le génocide récompensé), Toronto 2003
  • Edward PRUS, "Holocaust] po banderowsku" (Holocauste à la Bandera), NORTON-Wrocław,2001; (Le livre, bien documenté, trace la martyrologie des Juifs et Polonais, assassinés par les nationalistes ukrainiens, d'abord sous le commandement allemand puis seuls).
  • Edward PRUS, "Stepan Bandera (1909-1959). Symbol zbrodni i okrucieństwa" (... Symbole du crime et de la cruauté), NORTON-Wrocław, 2004
  • Edward PRUS, "Banderomachia", NORTON-Wrocław, 2007; (génèse et conséquences de la naissance du "gouvernement" Stećka, créé par les nationalistes ukrainiens à Lwów-Lemberg-Lviv en juillet 1941, peu de temps après l'entrée des troupes allemandes dans la ville).
  • ((pl.)) Andrzej L. SOWA, Stosunki polsko-ukraińskie 1939-1947, Kraków 1998, ISBN 839093158
  • Władysław SIEMASZKO, Ewa SIEMASZKO, The Reconstruction of Nations: Poland, Ukraine, Lithuania, Belarus, 1569-1999, Yale University Press, New Haven, 2003."Ludobójstwo dokonane przez nacjonalistów ukraińskich na ludności polskiej Wołynia 1939-1945, Wydane przy pomocy finansowej Kancelarii Prezydenta Rzeczpospolitej Polskiej, Warszawa 2000, ISBN 83-87689-34-3
  • Timothy SNYDER, The Reconstruction of Nations: Poland, Ukraine, Lithuania, Belarus, 1569-1999, Yale University Press, New Haven, 2003.
  • Bronisław SZEREMTA, "Watażka - wspomnienia nierozstrzelanego i jego zbrodnie" (Vatajka-chef de bande tartare ou cosaque- souvenirs d’un non-fusillé et ses crimes), Toronto 2001, [ sur Dimitr Kupiak, cryptonyme « Klej » - chef des Services de Sûreté de l'UPA, connu pour ses crimes cruels prepétrés sur les Polonais et les Ukrainiens désobéïssants, s’est réfugié au Canada après la II e GM et n’a pas osé retourner dans l’Ukraine indépendante, auteur de "Spohady nerostrilanoho" (Confessions du non-fusillé)]
  • Mikolaj TERES, Ethnic Cleansing of Poles in Volhynia and Eastern Galicia, Alliance of the Polish Eastern Provinces, 1993, ISBN 0969802005
  • ((ru.-ukr.)) Zerkalo Nedeli (the Mirror Weekly), Feb. 15-21, 2003, the issue devoted to the 60th anniversary of the events. Available online in Russian and in Ukrainian.

[modifier] Liens Externes