Joseph Fouché

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Joseph Fouché
Joseph Fouché

Joseph Fouché, dit Fouché de Nantes, duc d'Otrante, comte Fouché, est un homme politique français né le 21 mai 1759 au Pellerin près de Nantes et mort le 26 décembre 1820 à Trieste.

Sommaire

[modifier] Biographie

Il était préfet des études chez les Oratoriens de Nantes lorsqu'éclata la Révolution française. Il en embrassa la cause avec ardeur, et fut élu député en 1792 par la ville de Nantes à la Convention, où il fit partie du comité de l'instruction publique. Il fit partie du parti des Girondins avant de voter la mort de Louis XVI et de basculer sur les bancs des Montagnards.

Dans la Nièvre et la Côte-d'Or en 1793, il fut l'animateur du mouvement de déchristianisation et de la répression anti-nobiliaire.

Sur proposition de Barère, Jean-Marie Collot d'Herbois et Montaut avaient été nommés par la Convention pour remplacer Dubois-Crancé qui avait pourtant déjà pris le contrôle de l'insurrection lyonnaise. Fouché, alors dans la Nièvre, fut prié de les y rejoindre le 30 octobre 1793 : « Le salut de la patrie vous appelle à Ville-Affranchie, partez, votre patriotisme nous répond de votre zèle et de la fermeté avec laquelle il faut opérer dans cette ville rebelle. » Et il lui conseilla de rapporter discètement son arrêté ordonnant de verser aux comités de surveillance l'or et l'argent monnayés, manière d'en laisser la destination à sa discrétion[1] Ainsi Fouché fut-il chargé de faire exécuter le décret qui ordonnait la destruction de cette ville, et il encouragea les cruautés qui furent commises alors : à cette occasion, il gagna le surnom de « mitrailleur de Lyon », pour avoir substitué à la guillotine, jugée trop lente, l'exécution de masse des habitants jugés suspects par la mitraille (des canons tiraient sur des groupes de plusieurs dizaines de condamnés). Le 2 frimaire (22 novembre), il écrivait avec Collot d'Herbois, à la Convention : « On n'ose pas encore vous demander le rapport de votre premier décret sur l'anéantissement de la ville de Lyon, mais on n'a presque rien fait jusqu'ici pour l'exécuter. Les démolitions sont trop lentes, il faut des moyens plus rapides à l'impatience républicaine. L'explosion de la mine et l'activité dévorante de la flamme peuvent seules exprimer la toute puissance du peuple. Sa volonté ne peut être arrêtée comme celle des tyrans, elle doit avoir les effets du tonnerre. Signé Collot d'Herbois et Fouché[2]. »

Les violences inouïes qui furent perpétrées à Lyon ne pouvaient que satisfaire les vœux du cabinet britannique dont les directives étaient de fomenter à l'intérieur un maximum de troubles, en sorte que la nation française soit déconsidérée aux yeux de l'Europe unie dans une même réprobation, et que les États disposés à la neutralité n'entament aucun pourparler avec les républicains[3].

Dans l'exercice de son mandat, Fouché fut aussi accusé de dilapidations et de détournements, ainsi cet arrêté pris par lui et son collègue Albitte que la Terreur devait enrichir lui aussi : « Les représentants du peuple envoyés à Commune affranchie pour y assurer le bonheur du peuple requièrent la commission des sequestres de faire apporter chez eux deux cents bouteilles du meilleur vin qu'ils pourraient trouver, et en outre, cinq cent bouteilles de vin rouge de Bordeaux, première qualité, pour leur table[4]. »

Au même moment (nivôse an II), il intriguait discrètement par des rapports fallacieux adressés aux comités réunis pour remplacer le citoyen Brillantais à la direction de la grosse manufacture d'arme de Moulins (Allier) et y placer le banquier du gouvernement de William Pitt, William Harris, dit Herries, le principal agent de financement des manœuvres de déstabilisation de la République[5]. Ce banquier politique cité dans la Lettre anglaise (recommandations aux agents anglais de l'intérieur), maintenant bien connu pour son implication dans les affaires intérieures de la France de la Terreur au Consulat, demeura en relation avec Fouché jusqu'au Consulat et peut-être au-delà[6].

Rappelé à Paris le 7 germinal (27 mars 1794) à la demande de Robespierre malgré la protection de Billaud-Varenne, Fouché réintégra la Convention le 17 germinal (8 avril), qui renvoya son rapport au comité de salut public. À son retour, il eut une entrevue avec l'Incorruptible :

« Mon frère lui demanda compte du sang qu'il avait fait couler et lui reprocha sa conduite avec une telle énergie d'expression que Fouché était pâle et tremblant. Il balbutia quelques excuses et rejeta les mesures cruelles qu'il avait prises sur la dureté des circonstances. Robespierre lui répondit que rien ne pouvait justifier les cruautés dont il s'était rendu coupable ; que Lyon, il est vrai, avait été en insurrection contre la Convention nationale, mais que ce n'était pas une raison pour faire mitrailler en masse des ennemis désarmés[7]. »
    — Charlotte Robespierre, Mémoires

Par la suite, après le reflux de la Terreur, il chercha à rejeter la faute sur Collot d'Herbois.

Se justifiant devant les Jacobins, il parvint à se faire élire à la présidence du club le 16 prairial (4 juin), en l'absence de l'Incorruptible. Toutefois, quand des délégations de Nevers et du Morvan vinrent l'accuser, celui-ci l'attaqua ouvertement aux Jacobins. Celui-ci l'accabla de reproches, particulièrement l'usage infâme des pouvoirs qu'on lui avait confiés et il lui dit qu'il lui serait demandé des comptes du sang dont il s'était couvert. Chassé le 24 prairial (12 juin) des Jacobins Fouché complota dans l'ombre pour sauver sa tête, cherchant à rallier à sa cause tous les députés à mauvaise conscience, où ceux dont il assurait que Robespierre les avait inscrits sur une liste de proscription.

Après le 9-Thermidor, Fouché fut marginalisé, et il se rapprocha de Gracchus Babeuf qui avait formé un groupe d'opposition aux Thermidoriens. Menacé après les insurrections du 12 germinal et du 1er prairial an III, il obtint la protection de Barras et bénéficia de l'amnistie de brumaire an IV. Discrédité, sans emploi, Fouché vécut quelque temps d'expédients. Chargé d'une mission dans les Pyrénées-Orientales pour la délimitation des frontières franco-espagnoles, il fut employé ensuite par le Directoire dans sa police secrète. Puis il fit des affaires avec les banquiers Ouvrard et Hainguerlot et obtint, grâce à Réal, une participation dans une compagnie de fournisseurs aux armées.

Nommé le 11 vendémiaire an VII (1er octobre 1798) ministre plénipotentiaire près la République cisalpine, il fut remplacé dès le 26 frimaire (16 décembre) et dut de nouveau se cacher. Faisant sa réapparition après les élections de l'an VII, Barras le fit nommer ambassadeur auprès de la République batave le 16 messidor (4 juillet 1799). Il y préparait un coup d'État avec le général Brune quand il fut nommé ministre de la police le 2 thermidor (20 juillet) pour s'opposer à l'agitation jacobine et mettre fin à l'activité du club du Manège.

Il déploya dans ce poste une grande activité ainsi qu'une sagacité rare, et rendit service à Napoléon Bonaparte lors du coup d'État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) ne prenant aucune mesure contre lui. Sans avoir confiance en sa probité, le premier Consul le maintint dans son poste et il conserva ainsi son portefeuille de ministre.

Mais le 26 fructidor an X (13 septembre 1802), critiqué par Talleyrand, son ennemi de toujours, et les frères de Bonaparte, il fut congédié, le ministère fut dissous, conservant toutefois un rôle dans l'arrestation de Pichegru, Moreau et du duc d'Enghien. À titre de compensation, Napoléon lui offrit un siège au Sénat conservateur, la Sénatorerie d'Aix et un million deux cent mille francs de gratification.

Il redevint ministre de la police en juillet 1804 et le resta jusqu'en juin 1810.

Comte d'Empire en 1808, duc d'Otrante en 1809, il fut à nouveau disgracié pour avoir essayé de soumettre des propos de paix avec l'Angleterre auprès du ministre Arthur Wellesley.

À la faveur d'un retour en grâce et après la campagne de Russie, il fut nommé gouverneur des Provinces illyriennes en 1813, poste fort difficile. Une fois dans les Provinces, il y montre de la modération, il y plaide pour l'abolition totale du servage, joue pleinement son rôle de gouverneur en organisant des réceptions pour les notables locaux, et en s'intéressant aux problèmes de la population. Il ne s'enfuit de Laybach (aujourd'hui Ljubljana) que quelques jours avant l'arrivée des Autrichiens pour continuer à faire croire à la population qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il trahit de nouveau l'Empereur avec Joachim Murat en 1814, et se trouva à Paris pour offrir au comte d'Artois (le futur Charles X) la lieutenance générale du royaume après la défaite impériale.

Il fut nommé à nouveau ministre de la police pendant les Cent-Jours. Après la défaite de Waterloo, il devint président du gouvernement provisoire, et négocia avec les puissances alliées. Le 9 juillet 1815, il devient ministre de Louis XVIII. Ce dernier le nomma, pour l'éloigner, ambassadeur à Dresde.

« Ensuite, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre: entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment. »
    — François-René de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-tombe

Frappé par l'ordonnance du 12 janvier 1816, comme ayant voté la mort de Louis XVI, il fut proscrit et exilé en tant que régicide. Il mourut en exil à Trieste en 1820, assisté par le prince Jérome Bonaparte, qui, sous ses ordres et sa surveillance, brûla, durant cinq heures, tous ses papiers. Ainsi disparaissait sans doute l'histoire secrète du Directoire, du Consulat et du Premier Empire.

Le 14 juin 1875, ses cendres sont transférées au cimetière de Ferrières-en-Brie, en Seine-et-Marne.

On a fait paraître sous son nom en 1824 des Mémoires, d'un certain intérêt au plan historique, mais déclarés apocryphes par sa famille qui, protégée par Bernadotte, deviendra suédoise (seul titre ducal de Suède). Toutefois, suite aux travaux de Louis Madelin, André Castelot considère que ces Mémoires sont bien de la main de Joseph Fouché.

[modifier] Notes

  1. Bibliothèque nationale, Manuscrits, Fichier Charavay, lettre du 30 octobre 1793.
  2. Philippe Buchez et Charles-Prosper Roux, Histoire parlementaire de la Révolution, vol. XXX, p.400
  3. Texte et nouvelle traduction des lettres et notes anglaises (...) imprimée par ordre de la Convention nationale, à Paris, imprimerie nationale, 1793.
  4. Buchez et Roux, Histoire parlementaire de la Révolution, vol. XXXII, p. 41
  5. AN, AF*II/121 et Camille Rochard, Le Comité de salut public et les fabrications de guerre sous la Terreur, Paris, 1922, 131-135
  6. C'est le même Harris, dit « Herries-Herrissé » en français, qui est présenté au ministre de la marine et des Colonies comme en liaison avec les hommes qui ont le plus marqué dans le parti ministériel britannique (AN, F/7/6151, pl.XI, dos. 821) et qui finança un certain nombre d'« opérations » essentielles dont l'évasion de Sydney Smith quand Fouché était ministre: interrogatoire de John Keith, négociant en France, chargé de procuration d'Harris depuis 1793 (AN, F/7/6187, n°2302), voir Bouchary, Les Manieurs d'argent à Paris pendant la Révolution, vol. II, et A. Mathiez, La Révolution et les étrangers, Paris, 1929, p. 144
  7. Charlotte Robespierre, Mémoires, rééd. Paris, Nouveau Monde Éditions, 2006, p. 106

[modifier] Ministères

[modifier] Descendance de Joseph Fouché

Joseph Fouché épousa Bonne-Jeanne Coignaud (1792). De cette union naquit :

  • Joseph-Liberté Fouché (1796-1862) 2e duc d'Otrante
  • Armand Fouché (1800-1878), 3e duc d'Otrante
  • Joséphine-Ludmille Fouché (1803 - 1893 )

De sa descendance est issue Virginie Coupérie mariée en 1985 au chanteur Julien Clerc

Veuf, Joseph Fouché épousera en 1818, Gabrielle-Ernestine de Castellane. Aucun enfant ne naîtra de cette union.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Sources partielles

[modifier] Liens externes

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Joseph Fouché.

Précédé par Joseph Fouché Suivi par
Emmanuel Crétet, comte de Champmol
Ministre français de l'Intérieur
Jean-Pierre Bachasson, comte de Montalivet