Duchesse Anne (voilier)

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Duchesse Anne
Le Duchesse Anne amarré devant le Musée portuaire dans le bassin du commerce du port de DunkerqueLe Duchesse Anne amarré devant le Musée portuaire dans le bassin du commerce du port de Dunkerque
Gréement : Trois-mâts carré
Débuts : 17 mars 1901
Longueur hors-tout : 92 m (hors-tout)
78 m (coque)
Maître-bau : 11,90 m
Tirant d'eau : 5,60 m
Déplacement : 1260 T
Voilure : 2060 m2
pour 25 voiles et 3 focs
Architecte : M.G.W Claussen
Équipage : 15/20 encadrants
et 130/200 cadets et élèves

Le (ou la) Duchesse Anne[1], ex Grossherzogin Elisabeth [2], est le dernier trois-mâts carré français. Il est construit en 1901, avec une coque en acier, par le chantier Johann C. Tecklenborg de Bremerhaven-Geestemünde (Brême) selon les plans dessinés par M.G.W Claussen. Pour l'époque, ils sont considérés comme un chef-d’œuvre[3]. Le Duchesse Anne a d'ailleurs trois siters ships. Ancien navire école de la marine marchande allemande passé sous pavillon de la Marine nationale française, c'est aujourd'hui un bateau musée, visible dans le port de Dunkerque. C'est le plus grand voilier français préservé. Il est classé monument historique.

Sommaire

[modifier] Voilier école allemand pendant 35 ans

Le voilier est d'abord un bateau école sous pavillon allemand. Il porte alors le nom de "Grossherzogin Elisabeth" (Grande Duchesse Elisabeth) en l'honneur de sa marraine la Duchesse d'Oldenbourg qui, parce qu'elle était souffrante, ne pu cependant être présente le jour du lancement, le 7 mars 1901. Exploité par son armateur qui en avait passé commande, l'association des voiliers écoles allemands (Deutscher Schulschiff Verein) présidée par le Grand Duc d'Oldenbourg, le voilier est alors placé sous le commandement du Capitaine Ragener. L'équipage comprend vingt hommes, parmi lesquels un officier, 6 sous-officiers et 7 matelots chargés de l'encadrement des jeunes apprentis.

Le Duchesse Anne à Dunkerque
Le Duchesse Anne à Dunkerque

Le navire est en effet affecté à la formation d'officiers et de marins de la marine marchande. A partir d'Esfleth, sont port d'attache, il effectue régulièrement ses voyages de formation, l'été en Mer Baltique et, l'hiver, vers les eaux chaudes de l'Afrique et de l'Amérique du Sud. Les cadets et les élèves y suivaient un enseignement où alternaient les cours pratiques (navigation, maniement du bateau, matelotage...) et les cours théoriques (allemand, géographie...).

Dés après son lancement, l’empereur Guillaume II avait visité le navire en juillet 1901 lors d’une escale à Travemünde (port de Lübeck). En 1903, le voilier recevra également la visite du Tsar de Russie, Nicolas II, lors d'un voyage à Saint Petersbourg.

Lors de la première guerre mondiale, il est mis à l'abris à Stettin jusqu'à la fin du conflit. Il reprend son service en 1921. En 1928, il est endommagé par un incendie. En 1931, il entre en collision avec un cargo anglais nommé L'Evermore. Victime de la crise de la marine marchande à voile, l'association le désarme en 1932. Il est alors vendu à l'école de navigation de Hambourg, où il est utilisé comme navire école à point fixe, y compris pendant la seconde Guerre mondiale. A la fin du conflit, le "Grossherzogin Elisabeth" est cependant remorqué en septembre 1944 jusqu'à la rade de Fehmmarn où il est attaqué par l'aviation anglaise. Abandonné par son équipage, il est saisi en mai 1945 par la Royal Navy.

[modifier] Un butin de guerre sauvé de l'abandon

Le voilier fut rétrocédé en 1946 à la France en compensation des dommages de guerre à l'issue de la seconde guerre mondiale. Il est ainsi remis le 15 août 1946 à Kiel au commandant du croiseur des Forces Françaises Libres « la Surprise ». Le voilier est alors remorqué jusqu'à Brest où il arrive le 16 septembre en partie démâté (la mâture haute avait été déposée pour passer sous les ponts du canal de Kiel). Le 26 novembre 1946, il est rebaptisé Duchesse Anne en l'honneur d'Anne de Bretagne [2]. Cependant, la Marine nationale ne sait qu'en faire et le trois-mâts ne reprendra pas la mer, servant d'appoint ici ou là. Il est d'abord basé à Lorient où il sert de logement pour les équipages de sous marins jusqu’en août 1947. Il fait ensuite office de dortoir pour colonie de vacances, de caserne pour l’équipage du Brazza et de ponton. Puis, de nouveau basé à Brest, il est utilisé comme bâtiment base à l’école de manœuvres, annexe du Croiseur Tourville. A partir de 1956, il ne sert plus qu'épisodiquement que comme dortoir et il finit par être abandonné dans un coin du port de Brest à la dégradation du temps. En 1961, il est proposé à la démolition.

Vestige du temps passé : la cloche de quart  du Duchesse Anne
Vestige du temps passé : la cloche de quart du Duchesse Anne

De nombreux nostalgiques de vieux voiliers se mobilisent néanmoins pour sauver le vieux trois-mâts, parmi lesquels les commandants Luc Marie Bayle, et Jean Randier. Les projets se succèdent. En 1975, le projet avorté de musée de l’Atlantique à Port-Louis sauve ce qui reste du voilier de la démolition. Il subit un premier carénage et appareille en 1977 pour l’arsenal de Lorient où il est de nouveau laissé à l'abandon suite à l'échec du projet.

Quatre ans plus tard, il est finalement racheté pour le franc symbolique par la ville de Dunkerque en 1981. Après un carénage sommaire il est acheminé par la Marine nationale, avec le soutien de deux remorqueurs de type Chamois, vers son nouveau port d'attache où il arrive le 10 septembre 1981. Le voilier est alors dans un état général pitoyable proche d'une épave. Il est démâté (en réalité depuis 1949), rongé par la rouille et avait été pillé en grande partie. L'un des seuls vestiges restant de son époque flamboyante est la cloche de quart.

L'Association des Amis de la Duchesse Anne se constitue alors sous la présidence de Benoît Venturini pour entreprendre sa restauration. A partir de 1982, le voilier est ainsi soigneusement et patiemment remis en état dans l'optique d'en faire un bateau musée. Les travaux sont financés par l'Etat, la Région du Nord-Pas-de-Calais, le Département du Nord, la Ville puis la Communauté urbaine de Dunkerque qui en est devenue propriétaire entre temps.

[modifier] La renaissance comme bateau musée

Une fois restauré, remâté et repeint dans ses couleurs d'origine (blanc, vert, marron), le Duchesse Anne est remorqué en août 1998, après un passage en cale sèche, jusqu'à sa destination finale. Il est désormais amarré dans le bassin du commerce du port de Dunkerque où il est ouvert au public depuis 2001 (pour son centenaire) dans le cadre de la collection à flot du Musée portuaire de Dunkerque dont il est le fleuron, aux cotés de cinq autres bâtiments plus récents, dont un remorqueur et un bateau-feu. La visite groupée se fait sous la conduite d'un guide.

La majestueuse proue du Duchesse Anne aujourd'hui
La majestueuse proue du Duchesse Anne aujourd'hui
Le Duchesse Anne devant le Musée portuaire
Le Duchesse Anne devant le Musée portuaire

Le voilier est parfois également utilisé pour des expositions temporaires ou des séminaires.

Avec son grand mât culminant à 48 mètres au dessus du pont et ses 92 mètres de long (hors tout), le Duchesse Anne est le plus grand voilier conservé en France. C'est aussi le seul trois-mâts français pouvant être visité. Contrairement au Belem, il ne peut cependant plus naviguer et n'a plus ses voiles. Il est classé aux monuments historiques depuis 1982[4].

La visite du voilier permet d'en découvrir l'organisation. Un vaste pont à trois niveaux, dont la dunette arrière, avec sa double barre du milieu et sa barre de poupe. Derrière le mât de misaine, un bâtiment tout en acier abrite la cuisine et la cambuse (remise pour les denrées du jour,) avec leurs doubles portes à bâbord et à tribord, utilisées en alternance suivant le côté d'où venaient les paquets de mer. Coté proue, sous le gaillard avant, se trouve le cabestan (mécanisme de levage des ancres) monté sur sa crapaudine. Les demi-barres qui servaient à la manoeuvre sont là. A cet endroit se trouvent également les deux toilettes et les deux douches communes d'eau douce froide, à l'usage fort restreint compte tenu des effectifs. Dans l’entrepont avant se trouvent les logements de l’équipage. Les grandes salles, situées sous le pont principal, étaient réservées aux apprentis. Le jour, elles servaient de salles de cours et de réfectoire grâce à des tables escamotables. La nuit, les tables étaient remplacées par des hamacs, suspendus aux crochets des poutrelles, sur lesquels on laissait courir un grand drap en guise de couverture. Sous la dunette, on trouve le salon avec sa banquette rotonde, le bureau et la cabine du commandant avec sa salle de bain bénéficiant de l'eau chaude, ainsi que les cabines des officiers, deux cabines pour invités, deux infirmeries (deux lits chacune), une pharmacie et la salle d’études des cadets. Sur la dunette s’étend une grande salle à cartes tout en teck, ainsi qu’une salle de repos pour le commandant.

Sur le parcours de la visite se trouvent aussi : une vitrine dans laquelle trônent notamment un loch à hélice, un sextant et une longue vue ; des fanions sémaphore (utiles aux manoeuvres) et flammes diverses rangés dans leurs casiers.

Lors de son centenaire, en juin 2001, le vieux trois-mâts carré a reçu l'hommage de deux grands voiliers, celui du trois-mâts goélette belge, l'ancien navire école Mercator et celui du trois-mâts barque hollandais Arthémis.

[modifier] Galerie

Information Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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[modifier] Sisters ships du Duchesse Anne

[modifier] Homonymes ou proches

1901, date de naissance du Duchesse Anne en Allemagne, est également une date clef pour ces deux cap-horniers homonymes.

  • Un Duchesse Anne (1891), voilier à prime et trois-mâts barque français, construit aux chantiers Dubigeon[5], eut semble-t-il une carrière de cap-hornier sous l'armement de Louis Bureau & Fils à Nantes, avant d'être vendu à un armateur norvégien en 1901[6].
  • Un Anne de Bretagne (1901) trois-mâts barque français, fut également cap-hornier sous l'armement de la Société Bretonne de navigation[7].

[modifier] Un voilier Duchesse Anne, figurant de cinéma

Curieusement, deux films évoquant un trois-mâts Duchesse Anne sortent sur les écrans aux deux moments clefs de la brève carrière militaire du vrai Duchesse Anne en France, le premier au moment où le navire école allemand arrive dans la Marine française en 1946, le second, lorsque qu'il est prévu de l'en faire sortir en 1961...

  • Le bateau à soupe est un film de Maurice Gleize de 1946, adapté du roman de Gilbert Dupé, dans lequel le trois-mâts "Duchesse Anne" sert de toile de fond à l'intrigue. [3]. En fait, lors du tournage, on chercha vainement un bateau trois-mâts de ce nom. (le futur "vrai" Duchesse Anne n'est pas encore en France en 1945). Finalement l'on fit venir un vieux quatre-mâts français hors d'usage "Capitaine Guyomard" qui fut réparé et regréé avec voiles et mature prétées par la marine nationale et rebaptisé "Duchesse Anne". C'était le dernier représentant d'après guerre des quatre-mâts de la marine française (60 mètres de longueur, 10 de large).
  • Lola est un film de Jacques Demy de 1961 dans lequel Jacques Perrin, jouant le rôle du jeune marin, dit qu'il va embarquer sur la "Duchesse Anne", sans que jamais l'on ne puisse voir le navire ! A l'époque, le Duchesse Anne fait effectivement partie de la Marine nationale mais, semblant en fin de vie, il est promis à la démolition.

[modifier] La coupe de la Duchesse Anne

Les dernières régates de « la coupe de la Duchesse-Anne » (en hommage au Trois-mâts dunkerquois), organisées par Dunkerque Plaisance, avec le syndicat intercommunal Les Dunes de Flandre, ont eu lieu en rade de Malo en avril 2008. Cette manifestation a mis en lice des 7.5 et des 5.7[8], dignes successeurs des fameux first class 8 qui avaient principalement animé les précédentes éditions (mai 2005, mai 2006, juin 2003, mai 2002 et juin 2001). Site officiel des Régates du Nord.

[modifier] Bibliographie

  • Jean-Louis Molle, Une Duchesse sauvée par les Dunkerquois, in "Grands Voiliers Infos", n° 29, 1998, bulletin de l’Association française des amis des grands voiliers.
  • Jean-Louis Molle, Le Trois-mâts carré Duchesse Anne, ex voilier-école allemand Grossherzogin Elisabeth, Punch Editions 62126 Wimille France
  • Revue "Chasse-marée", Dossier de protection au titre des monuments historiques, 1981, n° 2 p.47 ; 1995, n° 93, p. 42-51 [4].
  • Daniel Le Corre, Le Trois-mâts Duchesse-Anne. Montreuil-Bellay, Éditions CMD, 1999, Coll. Mémoires de nos voiliers, 120 p. 

[modifier] Notes et références

  1. Sources générales de l'article : informations données par le guide du Musée portuaire de Dunkerque pendant la visite; fiche concernant le Duchesse Anne sur le site internet du musée portuaire (infra); idem sur le site de la ville de Dunkerque (infra); site internet de l'association des amis de la Duchesse Anne (infra); ouvrage et écrits de Jean-Louis Molle (infra)
  2. ab Le nom de « Grossherzogin Elisabeth » sera redonné en 1982 à une vieille goélette trois-mâts allemande construite en 1909 qui fut auparavant successivement baptisée San Antonio puis Ariadne
  3. Selon le site de la ville de Dunkerque, onglet "Découvrir Dunkerque"/Histoire /la Duchesse Anne [1]
  4. Il est même le premier bateau classé monument historique, avec le Mad-Atao, sous le numéro CL MH : 05-11-1982. Cf. Le patrimoine-maritime-fluvial
  5. Cf. site personnel sur la construction navale en Bretagne
  6. Cf. site sur les cap-horniers nantais (une photo est accessible)
  7. Cf. site sur les cap-horniers nantais
  8. Relaté sur le site du quotidien La Voix du Nord daté du 26 avril 2008 [2].

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes