Années de plomb (Europe)

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En Europe, les années de plomb désignent les années ayant vu se dérouler des actions terroristes, commis principalement par des groupes d'extrême gauche (Bande à Baader ou Fraction armée rouge - RAF, Brigades rouges), mais aussi d'extrême droite (Ordine Nuovo ou Avanguardia Nazionale), principalement en Italie, en Grèce et en Allemagne dans le cadre de la guerre froide. Ce « terrorisme rouge » pouvait faire appel au concept de propagande par le fait développé par le milieu anarchiste à la fin du XIXe siècle, quoique avec les attaques de la RAF contre des bases de l'Otan, celles-ci faisaient partie intégrante d'une stratégie de soutien aux mouvements de libération nationale, notamment au Viet-minh. Le peu d'empressement à éclairer cette période particulièrement obscure de notre histoire autorise toutes sortes de lectures hâtives et d'extrapolations. Les années de plomb sont généralement associées en Europe aux années 1970, bien qu'un certain nombre d'actes terroristes aient été commis durant la décennie suivante.

Sommaire

[modifier] Allemagne

En Allemagne de l'Ouest, la Fraction Armée Rouge (Rote armee fraktion, RAF) (1970-1988) (ou bande à Baader) participera à des attentats, certains contre des bases de l'OTAN commis lors de la guerre du Vietnam. Ils enlèveront et assassineront le représentant du patronat allemand et ancien SS Hans-Martin Schleyer.

La Fraction armée rouge fut la principale et la plus efficace des organisations révolutionnaires anti-impérialistes en Allemagne. Soutenue dès le milieu des années 1970 en Belgique, notamment par Pierre Carette (futur CCC). La RAF, avec AD, représentera le courant anti-impérialiste non-marxiste-léniniste de la « guérilla ouest-européenne ».

[modifier] Belgique

Les Cellules communistes combattantes (CCC) (1983-1986) étaient constituées de militants issus de l’éventail des luttes sociales et politiques, elles sont responsables de vingt-huit actions de propagande armée ciblant, sur tout le territoire, des lieux symboliques et stratégiques de l'"impérialisme" des USA, de l'Otan et du système capitaliste. Les CCC étaient en contact avec AD, la RAF et les BR, notamment. Au-delà des bombes, elles participeront au renforcement idéologique de la ligne marxiste-léniniste.

D'autres structures clandestines ont été actives en Belgique dans les années 1980 :

  • les Brigades Julien Lahaut : restées à l'état de projet.
  • le Front national de libération wallon (FNLW), mis sur pied au milieu des années 1980, il ne passa cependant pas à l'action directe.
  • le Groupe inconnu anarchiste (GIA), responsable de plusieurs petits attentats contre des cibles symboliques.
  • le groupe flamand Don Quichot.
  • Le Front d'action révolutionnaire prolétarienne (Frap), structure éphémère mise en place en Belgique de façon artificielle par Action directe, après sa rupture avec les CCC.
  • ...

[modifier] Espagne

Les « Groupes de résistance antifasciste du premier octobre » (Grapo et PCE(r)) (1975) forment l’aile politico-militaire du Parti communiste espagnol (reconstitué), d’inspiration marxiste-léniniste. Depuis juin 2002, la justice a rendu l’existence du PCE(r) illégal. Avec les BR italiennes et les CCC belges, les Grapo et le PCE(r) forment le courant communiste combattant d’orientation marxiste-léniniste.

[modifier] France

Action directe (AD, 1979-1987) était une organisation de lutte armée active en France, fondée par des anciens militants des Gari (Groupes d'action révolutionnaire internationalistes) et des Napap (Noyaux armés pour l'autonomie populaire). Anti-impérialiste d'obédience libertaire marxiste antiléniniste, AD bénéficiera de quelques bases clandestines en Belgique.

[modifier] Grèce

En Grèce, le régime des colonels arrivé au pouvoir lors du coup d'État de 1967 voit certains groupes s'opposer à lui, entre autres en participant à des attentats. Des groupes tels que l'Organisation révolutionnaire du 17 Novembre, qui continua ses actions terroristes jusqu'à son démantèlement en 2003, sont issus de ces années de dictature.

[modifier] Italie

L'Italie est frappée, durant une décennie, par des actions terroristes revendiquées par des groupes, d'abord d'extrême-droite, puis d'extrême-gauche. Les Brigades rouges italiennes (Brigate rosse, BR) (1970), la plus connue des organisations de cette période, sont, à la fois, un mouvement politique (implanté dans des usines) et une organisation de lutte armée. Se revendiquant du courant marxiste-léniniste pour la fondation du « Parti Communiste Combattant » (le PCC), elles serviront de référence aux CCC en Belgique. Aujourd’hui, certes affaiblies par une répression généralisée et des actions de plus en plus rares, les BR existent néanmoins toujours.

Les BR sont la principale, la mieux structurée et la plus vieille organisation de "guérilla" active en Italie. Cependant, de nombreux autres groupes révolutionnaires politico-militaires ont "animé" les "années de plomb" italiennes. Certains de ces groupes sont issus des BR.

Durant les années de plomb italiennes, qui commencent avec l'attentat de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969, puis avec l'attentat de Peteano en 1972, par Vincenzo Vinciguerra, plus de 600 attentats commis entre 1969 et 1980, ont fait 362 morts et 172 blessés[1]. Le groupe des Brigades rouges est responsable de 75 de ces victimes. De 1969 à 1975, les actes de violence sont partagés entre groupes d'extrême-droite et d'extrême-gauche. Après 1975, l'extrême-gauche est dominante sur le front des actes subversifs, mais le terrorisme d'extrême droite reste fort jusqu'en 1985, avec, notamment, l'attentat contre la gare de Bologne, le 2 août 1980, qui fait 85 morts, l'attentat contre le train Naples-Milan, qui tue seize personnes, et les assassinats des Noyaux armés révolutionnaires, au nombre de dix-sept entre 1977 et 1985. Le terrorisme d'extrême-gauche a continué en Italie dans les années 1980 pour connaître une résurgence dans les années 2000, mais sans retrouver l'intensité de la décennie 1970.

L'acte le plus connu des années de plomb italiennes est l'enlèvement et l'assassinat de l'ancien président du conseil Aldo Moro par les Brigades Rouges, qui met fin à toute tentative de compromis historique entre la Démocratie chrétienne (dirigée par Moro) et le PCI, dirigée par Enrico Berlinguer. Ces lourdes années pèsent encore sur la conscience collective et surtout sur la vie politique (cf. par exemple la récente «affaire Battisti»). Divers avatars des Brigades rouges ont commis ou tenté de commettre des actions terroristes depuis 1999, après plusieurs années de silence. Des groupes terroristes d'extrême-gauche ont été démantelés en 2003 et 2007. Le journaliste-écrivain Giovanni Fasanella, spécialiste des Brigades Rouges, estime que « Quarante ans après la naissance des Brigades rouges, la violence politique de gauche est devenue un facteur endémique, c'est le seul cas en Europe. (...) Ce phénomène est le produit dégénéré d'une idéologie dont les racines n'ont pas été totalement extirpées parce que le système politique et culturel du pays ne s'y est pas opposé assez fort, de crainte d'avoir à reconnaître ses propres responsabilités (...). Chez [les jeunes italiens victimes de la précarité sociale], qui se retrouvent dans le mouvement No Global (altermondialiste), la lutte armée est vue avec sympathie. »[2] Enfin, la justice italienne démantela pendant l'été 2005 le DSSA, un groupe dirigé par des néofascistes à la tête d'un syndicat des services de sécurité italiens. Un des otages morts en Irak aurait été envoyé pour le compte de ce groupe mystérieux, dont les responsables avouaient eux-mêmes avoir fait partie de Gladio, l'organisation secrète de l'OTAN liée à la loge maçonnique Propaganda Due (P2).

[modifier] Théories du complot autour des années de plomb en Italie et en Europe

Le néofasciste Vincenzo Vinciguerra déclara plus tard au juge Felice Casson que l'attentat de la Piazza Fontana devait inciter l'État italien à proclamer l'état d'urgence et à se tourner vers des solutions plus autoritaires. On considère généralement que l'attentat de la gare de Bologne, en 1980, marque le dernier grand massacre des années de plomb, lui aussi commis par des terroristes néofascistes. On a d'abord mis la totalité des attentats sur le dos de groupes dits gauchistes, avant de se raviser dans les années 1980, lorsque les enquêtes judiciaires en Italie[réf. nécessaire] accusaient clairement certains de ces attentats d'avoir été en fait des attaques false flag, c'est-à-dire menées sous le couvert du drapeau adverse. Ainsi, la piste du « terrorisme noir » (ou néofasciste) fut explorée, donnant lieu parfois à de nouvelles théories du complot. Certaines analyses de cette époque[réf. nécessaire] évoquent l'existence d'une stratégie de la tension qui aurait été mise en place par Washington « afin d'empêcher le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI, d'accéder au pouvoir exécutif », comme le note un rapport parlementaire de la coalition de centre-gauche L'Olivier publié en 2000. En Italie, celle-ci se serait servie de liens avec certains milieux néofascistes ainsi qu'avec la loge maçonnique Propaganda Due (P2) dirigée par Licio Gelli. Ailleurs, elle aurait favorisé l'instauration de dictatures, notamment dans le cas du régime des colonels installé en Grèce par le coup d'État de 1967, ou par le soutien récurrent au militarisme turc et à l'organisation des Loups gris.

[modifier] Les autres organisations également inspirées par le marxisme

Des mouvements terroristes engagés dans un combat de « libération nationale » se sont également caractérisés par leur inspiration marxiste au niveau de leur idéologie. C'est le cas :

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes et références

  1. "Le chef de l'État italien a dû reconnaître son existence", L'Humanité, 29 novembre 1990
  2. Le terrorisme d'extrême gauche n'a jamais cessé en Italie, empêchant de tourner la page, Le Monde, 27/09/07.