Fraction armée rouge

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Logo de l'organisation : un pistolet-mitrailleur MP5 sur une étoile rouge.
Logo de l'organisation : un pistolet-mitrailleur MP5 sur une étoile rouge.

La Fraction armée rouge, originellement en allemand Rote Armee Fraktion, également connue sous le sigle RAF, était une organisation révolutionnaire d'extrême gauche qui opéra en Allemagne de l'Ouest pendant les années 1970 et 1980, contribuant au climat des années de plomb. On la connaît aussi sous le nom de bande à Baader, du nom de son chef Andreas Baader, ou encore sous le nom de groupe Baader-Meinhof du nom de l'autre fondatrice historique du groupe, Ulrike Meinhof.

L'organisation se présentait elle-même comme un mouvement de lutte armée, tandis qu'elle était considérée par le gouvernement ouest-allemand comme terroriste.

Sommaire

[modifier] Les origines

Vers le milieu des années 1960, les mouvements étudiants (qui avaient vu le jour aux États-Unis principalement pour protester contre la guerre du Viet-Nam et pour l'obtention des droits civiques par la population de couleur) apparurent aussi en Allemagne. Tout comme plus tard en France juste avant mai 1968, la révolte portait sur plusieurs sujets, en particulier sur les méthodes d'enseignement de l'université. Le slogan préféré lancé par les étudiants aux professeurs qui faisaient leur entrée solenelle en procession était alors (de) Unter den Talaren, der Muff von Tausend Jahren (« sous les capes traditionnelles des professeurs, on ne trouve que l'air vicié des mille dernières années »).

Après que les grands partis eurent décidé de former une grande coalition (SPD + CSU) le 1er décembre 1966, seul le petit parti libéral-démocrate restait en lice, les groupements d'étudiants décidèrent de créer une « opposition extra-parlementaire » ((de) Außerparlamentarische Opposition - APO). Avant même cet acte fondateur, les manifestations atteignirent leur paroxysme. La visite officielle en Allemagne du Chah d’Iran Reza Pahlavi (qui avait écrasé l’opposition dans son propre pays avec une extrême brutalité) et de son épouse Farah Diba en mai 1967, déclencha une vague de manifestations. Lors de l’une d’elles, des supporters du Chah attaquèrent des étudiants sans que la police ne réagisse et le 2 juin 1967, un étudiant, Benno Ohnesorg, fut tué d’une balle tirée par un policier.

On considère que la RAF est née le 2 avril 1968. La création de l'organisation terroriste et sa violence sont liées au contexte en Allemagne à cette époque. En effet, une partie des jeunes Allemands demande à la génération précédente des comptes sur son rôle dans la période nazie[1]. Appuyée sur une idéologie d'inspiration maoïste de guérilla urbaine, refusant la théorisation pour privilégier la pratique, elle a procédé à de nombreux attentats, mais surtout à des enlèvements et des assassinats spectaculaires qui ont défrayé la chronique jusqu'en mars 1998 (date de signature de l'acte d'auto-dissolution du groupe).

[modifier] L'action terroriste

Après avoir déjà mené quelques actions diverses, Gudrun Ensslin, Andreas Baader et deux autres membres moins connus de la RAF, Thorwald Proll et Horst Söhnlein, firent exploser le 11 mai 1972 vers minuit des bombes incendiaires artisanales dans des supermarchés de Francfort-sur-le-Main qui causèrent des dégâts évalués à 700 000 DM. À cette époque, la RAF n’employait pas de méthodes violentes envers les personnes. Ce n’est que le jeudi 14 mai 1970, lors de la libération de leur chef Andreas Baader, qui avait été arrêté par hasard par la police alors qu’il essayait de se procurer des armes, qu’un agent de police fut tué. Plusieurs personnalités de haut rang sont assassinées, dont le procureur fédéral Siegfried Buback, exécuté en avril 1977 avec son chauffeur et son garde du corps[2].

Affiche diffusée par la police allemande en 1972
Affiche diffusée par la police allemande en 1972

La plupart des militants de la première génération, dont Andreas Baader et Ulrike Meinhof, ont été arrêtés en juin 1972 et incarcérés au quartier de haute sécurité de la prison de Stuttgart-Stammheim. En novembre 1974, Holger Meins meurt en prison après plusieurs semaines de grève de la faim. En mai 1976, Ulrike Meinhof est retrouvée pendue dans sa cellule après des conditions d'isolement sensoriel total.

Pour obtenir la libération de ses membres détenus à la prison de Stuttgart-Stammheim, la RAF kidnappe le président du patronat allemand Hans Martin Schleyer le 5 septembre 1977. Il est dénoncé comme ancien membre du parti nazi et des SS[3]. Le 13 octobre, un avion de la Lufthansa est détourné par un commando palestinien du nom de « Martyr Halimeh », prenant en otages plus d'une centaine de passagers et détournant l'avion sur Mogadiscio en Somalie. La prise d'otages prend fin le 18 octobre avec l'intervention des forces spéciales allemandes durant laquelle trois des quatre membres du commando palestinien sont tués. Le même jour, les autorités allemandes annoncent la mort d'Andreas Baader, Gudrun Ensslin, la compagne de Baader, et Jan-Carl Jaspe, officiellement morts par suicides.

Emprisonnée aux côtés de ses camarades, Irmgard Möller fut quant à elle grièvement blessée. Elle affirmera plus tard qu'il s'agissait en fait d'assassinats orchestrés par Bonn. En représaille, la RAF annonce le lendemain la mort d'Hans Martin Schleyer. Son corps est retrouvé le lendemain dans le coffre d'une automobile à Mulhouse, en France[4]. Brigitte Mohnhaupt est impliquée entre autres dans ce meurtre, elle est considérée alors comme la femme la plus dangereuse d'Allemagne. Le 12 novembre, c'est au tour d'Ingrid Schubert d'être retrouvée pendue dans sa cellule.

La thèse des assassinats est appuyée par le témoignage d'Irmgard Möller, autre militante de la RAF incarcérée à la prison de Stammhein en même temps qu'Andreas Baader et Ulrike Meinhof et qui a été victime d'une tentative d'assassinat dans sa cellule le jour de la mort de ses co-détenus (grièvement blessée de plusieurs coups de couteaux dans la poitrine). On a parlé de torture psychologique avec privation sensorielle.

Le terrorisme de la RAF a été l'épreuve la plus difficile pour la République fédérale allemande depuis 1949, date de sa création. Face aux attentats, le gouvernement a durci les lois et étendu les contrôles de police[5].

[modifier] La fin du groupe

La République démocratique d'Allemagne (RDA) a toléré, et même aidé, les activités de la Fraction armée rouge. En octobre 1980, elle accueille sur son territoire huit membres de la RAF en fuite. Parmi eux se trouve Susanne Albrecht, mélée à l'assassinat de Jürgen Ponto, patron de la Dresdner Bank. Le régime communiste de la RDA leur octroie de nouveaux papiers d'identité. Les anciens terroristes mènent une existence tranquille jusqu'à la réunification allemande[6]. En 1984, la RAF s'allie au groupe français Action directe dans le cadre de la stratégie d'« unité des révolutionnaires en Europe de l'Ouest ». Elle s'allie ensuite aux Brigades rouges italiennes en 1988, avant de se dissoudre en 1998.

Le groupuscule est encore plus discrédité après la chute du Mur de Berlin. Le 30 novembre 1989, trois semaines après la chute du Mur, le patron de la Deutsche Bank, Alfred Herrhausen est assassiné. Cet acte est aussitot revendiqué par la RAF[7].

Le groupe est resté pendant toute son existence relativement marginal et n'a que peu touché la classe ouvrière allemande. Il reste pourtant un symbole du sacrifice individuel pour le changement radical de la société, et a en ce sens influencé de nombreuses personnes et mouvements. Entre 1970 et 1998, dates de la création et de la dissolution officielle du mouvement, celui-ci n'a compté au maximum qu'entre 60 et 80 membres actifs. En ce sens, on peut le considérer comme un groupe intellectuel libertaire utilisant l'action violente. La RAF a assassiné 34 personnes[8]. Aujourd'hui, la RAF est principalement vue comme une organisation terroriste et non un mouvement de protestation révolutionnaire. Les controverses portent également sur le sort à accorder aux deux derniers détenus de ce mouvement.

[modifier] Membres marquants

  • 1re génération : Brigitte Asdonk, Andreas Baader, Monika Berberich, Gudrun Ensslin, Irene Goergens, Peter Homann, Horst Mahler, Ulrike Meinhof, Holger Meins, Irmgard Möller, Thorwald Proll, Jan Carl Raspe, Petra Schelm, Ingrid Schubert, Horst Söhnlein ; puis Karl-Heinz Dellwo, Brigitte Mohnhaupt, Helmut Pohl, Lutz Taufer
    • Ulrich Wessel et Siegfried Hausner - morts dans l'explosion de leur bombe dans l'ambassade allemande de Stockholm lors de l'occupation, action à laquelle participaient aussi Hanna Krabbe, Karl-Heinz Dellwo, Lutz Taufer et Bernhard Rössner recrutés par Siegfried Haag, l'ancien avocat de A. Baader, passé dans la clandestinité.
  • 2e génération : Susanne Albrecht, Verena Becker, Henning Beer, Peter-Jürgen Boock, Sigurd Debus, Christine Dümlein, Knut Folkerts, Ralf-Baptist Friedrich, Rolf Heißler, Monika Helbing, Sieglinde Hofmann, Christian Klar, Gabriele Kröcher-Tiedemann, Werner Lotze, Silke Maier-Witt, Adelheid Schulz, Sigrid Sternebeck, Inge Viett, Stefan Wisiniewski
  • 3e génération : Burkhard Garweg, Wolfgang Grams, Eva Haule, Birgit Hogefeld, Daniela Klette, Ernst-Volker Staub

[modifier] Les victimes de la RAF

Parmi les différentes personnalités assassinées par la RAF, on peut citer :

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007
  2. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007
  3. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007
  4. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007
  5. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007
  6. Cécile Calla, Nombreuses interrogations autour du rôle de la Stasi, Le Monde, 25 octobre 2007
  7. Cécile Calla, Nombreuses interrogations autour du rôle de la Stasi, Le Monde, 25 octobre 2007
  8. Cécile Calla, Terrorisme : l'Allemagne commémore les victimes de la RAF, Le Monde, 25 octobre 2007

[modifier] Bibliographie

  • La Bande à Baader ou la violence révolutionnaire, Emile Marenssin, éd. Champ Libre, 1972
  • La Fraction Armée Rouge. Guérilla urbaine en Europe occidentale, Anne Steiner et Loïc Debray, éd. Méridiens Klinsieck, 1987
  • La Fraction Armée Rouge. Guérilla urbaine en Europe occidentale, Anne Steiner et Loïc Debray, éditions L'échappée, 2006, ISBN 2-915830-05-3, critique: [1]
  • Eine Einführung in die Geschichte der Rote Armeee Fraktion (RAF), 1970-1996, REIHE ANTIFASCHISTICHER TEXTE 1998
  • Rote Armee Fraktion, Texte und Materialien zur Geschichte der RAF, ID-ARCHIV 1997
  • Terrorisme, mythes et représentations - la RAF de Fassbinder aux T-shirts Prada-Meinhof, essai de Thomas Elsaesser avec le DVD du film L’Allemagne en Automne (1977-78) , film collectif de Alexander Kluge, Rainer Werner Fassbinder, Volker Schlöndorff, etc., Editions Tausend Augen, 2005

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe

  • (fr) Etoile Rouge Nombreux documents de la Fraction Armée Rouge en français