Trébuchet

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Réplique de trébuchet
Réplique de trébuchet

Le trébuchet fait partie des pièces d’artillerie médiévales dites à contrepoids. Introduit en France au courant du XIIe siècle, son utilisation a perduré jusqu'au XVIe siècle.

Son nom vient de l’occitan (langue romaine d'europe) trebucca qui signifie : « qui apporte des ennuis ». Il est fait d’un assemblage liant une verge à un contrepoids articulé appelé aussi huche. À l’autre extrémité était attachée une poche dans laquelle était placé le projectile, généralement un boulet de pierre taillée.

Sommaire

[modifier] Historique du trébuchet

Le trébuchet fut introduit en France au XIIe siècle. Les croisades furent vraisemblablement le moteur qui poussa à développer ce type d’armes de siège. Le trébuchet est une variante du mangonneau en ce sens que son contrepoids, appelé aussi huche, est articulé. Ceci lui confère de nombreux avantages, notamment en ce qui concerne l’équilibrage de l’arme. Le trébuchet nécessite également moins de personnes pour reprendre sa position initiale.

Trébuchet au Château de Castelnaud
Trébuchet au Château de Castelnaud

L’âge d’or du trébuchet se situe aux XIIIe siècle. Il fut notamment utilisé pendant la croisade des Albigeois, comme l’attestent les fouilles faites à Carcassonne et au château de Montségur par exemple. Il fut appelé le « loup de guerre » sous le règne du roi d’Angleterre Édouard Ier qui en utilisa de nombreux exemplaires pour conquérir le Pays de Galles puis l’Écosse.

On pense communément que le trébuchet pouvait tirer des boulets pesant jusqu'à environ 120 kilogrammes sur une distance d’un peu plus de 200 mètres. Il fallait qu'il y ait une portée minimale de 150-200 mètres pour ne pas être à portée des archers assiégés. Une telle arme fut surtout employée en tant qu'arme de siège. Elle était donc pointée sur un point précis des fortifications ennemies qui étaient alors bombardées. Le trébuchet constituait également une arme de dissuasion efficace. En effet, certaines places fortes capitulèrent dès lors que les assiégés apercevaient l’érection de la machine.

Une variante du trébuchet plus mobile et légère fut également développée plus tard qui comportait deux contrepoids situés de part et d’autre de la verge et qui, de ce fait, portait le nom de couillard ou également de biffa.

Le trébuchet fut graduellement remplacé par l’artillerie à poudre jusqu'à la cessation de son emploi au cours du XVIe siècle. Les deux systèmes d’armement cohabitent en effet pendant environ trois siècles puisque l’artillerie à poudre fut introduite vers le début de la guerre de Cent Ans opposant les Français aux Anglais, et lors du siège d’Orléans. Il faut dire qu'à l’époque, le maniement du trébuchet était d’un emploi plus simple et surtout moins dangereux que l’artillerie à poudre.

L’une des dernières utilisation du trébuchet en tant qu'arme de siège qui fut consignée par écrit date de 1521. Étant à court de poudre à canon, Hernán Cortés fit monter un trébuchet lors du siège de la capitale aztèque Tenochtitlán. On rapporte qu'il ne servit qu'une fois, à cause d’une défaillance de conception qui causa sa propre destruction lors du premier tir. Les sources ne permettent pas de vérifier s’il s’agit réellement d’un trébuchet ou d’une catapulte.

Ces armes à contrepoids tombèrent dans l’oubli jusqu'à ce que Napoléon III porte un intérêt nouveau à l’époque médiévale et à ces armes en particulier.

La description de ce trébuchet faite par Viollet-le-Duc dans son encyclopédie médiévale telle que reproduite plus bas date également du XIXe siècle.

[modifier] Caractéristiques techniques

Si les dimensions et la masse de la machine peuvent grandement varier d’un modèle à un autre, il n'en demeure pas moins qu'un trébuchet de taille moyenne devait posséder les caractéristiques techniques suivantes :

  • Longueur de la verge : 8 à 12 mètres ;
  • Masse du contrepoids : entre 10 et 18 tonnes ;
  • Masse des boulets : de 80 à 100 kilogrammes ;
  • Portée maximale : un peu plus de 200 mètres ;
  • Nombre de servants : environ 60 personnes (charpentiers, tailleurs de pierre, manœuvres, etc.) ;
  • Cadence de tir : 1 à 2 par heure.

[modifier] Description détaillée

Note : Cette description reproduit celle de l’Encyclopédie médiévale de Viollet-le-Duc qui récapitule les connaissances théoriques sur le trébuchet à la fin du XIXe siècle.

Page du carnet de Villard de Honnecourt sur laquelle on peut lire la phrase citée par Viollet-le-Duc
Page du carnet de Villard de Honnecourt sur laquelle on peut lire la phrase citée par Viollet-le-Duc

Villard de Honnecourt [1] nous donne le plan d’un de ces grands trébuchets à contrepoids, si fort employés pendant les guerres du XIIe et XIIIe siècle. Quoique l’élévation de cet engin manque dans le manuscrit de notre architecte picard du XIIIe siècle, cependant la figure qu'il présente et l’explication aident à comprendre ces sortes de machines. Villard écrit au bas de son plan la légende suivante (traduite de l’ancien français) :

« Si vous voulez façonner le fort engin qu’on appelle trébuchet, faites ici attention. En voici les sablières comme elles reposent à terre. Voici devant les ·ii· treuils et la corde double avec laquelle on ravale la verge. Voir le pouvez en cette autre page. Il y a grand faix à ravaler, car le contrepoids est très pesant ; car il y a une huche pleine de terre, qui a ·ii· grandes toises de long et ·ix· pieds de large, et ·xii· pieds de fond. Et au décocher de la flêche (*), pensez ! Et vous en donnez garde, car elle doit être maintenue à cette traverse du devant. »
(*) La flèche désigne une cheville.

Le plan donné par Villard montre deux sablières parallèles espacées l’une de l’autre de huit pieds, et ayant chacune trente-quatre pieds de long. À quatorze pieds de l’extrémité antérieure des sablières est une traverse qui, à l’échelle, paraît avoir vingt-cinq pieds de long ; puis quatre grands goussets, une croix de Saint-André horizontale entre les deux sablières longitudinales ; près de l’extrémité postérieure, les deux treuils accompagnés de deux grands ressorts horizontaux en bois. C'est là un engin énorme, et Villard a raison de recommander de prendre garde à soi au moment où la verge est décochée.

[modifier] Le trébuchet de Villard

Figure 1
Figure 1

Villard ne donne que le plan des sablières sur le sol, mais nombre de vignettes de manuscrits permettent de compléter la figure. Un des points importants de la description de Villard, c'est le cube du contrepoids.

Ces huches ne sont pas des parallélépipèdes, mais des portions de cylindres dans la plupart des anciennes représentations : or, en donnant à cette huche la forme indiquée dans la figure 1, et les dimensions exprimées dans le texte de Villard, nous trouvons un cube d’environ 20 mètres ; en mettant le mètre de terre à 1 200 kg, nous obtenons 26 000 kg.

« Il y a grand faix à ravaler. »

Pour faire changer de place une pareille masse, il fallait un levier d’une grande longueur : la verge était ce levier ; elle avait de quatre toises à six toises de long (de huit à douze mètres), se composait de deux pièces de bois fortement réunies par des frettes de fer et des cordes, et recevant entre elles deux un axe en fer façonné ainsi que l’indique le détail A.

Les tourillons de cet axe entraient dans les deux pièces verticales B, renforcées, ferrées à leur extrémité, et maintenues dans leur plan par des contre-fiches. En cas de rupture du tourillon, un repos C recevait le renfort C’, afin d’éviter la chute de la verge et tous les dégâts que cette chute pouvait causer.

[modifier] Manœuvrer le trébuchet

Voyons comment on manœuvrait cet engin, dont le profil géométral est donné par la figure 2. Lorsque la verge était laissée libre, sollicitée par le contrepoids C, elle prenait la position verticale AB. C'était pour lui faire abandonner cette position verticale qu'il fallait un plus grand effort de tirage à cause de l’aiguité de l’angle formé par la corde de tirage et la verge ; alors, on avait recours aux deux grands ressorts de bois tracés sur le plan de Villard, et reproduits sur notre vue perspective (figure 1).

Figure 2
Figure 2

Les cordes attachées aux extrémités de ces deux ressorts venaient, en passant dans la gorge de deux poulies de renvoi, s’attacher à des chevilles plantées dans le second treuil D (figure 2) ; en manœuvrant ce treuil à rebours, on bandait les deux cordes autant que pouvaient le permettre les deux ressorts. Préalablement, la boucle E, avec ses poulies jumelles F, dans lesquelles passait la corde de tirage, avait été fixée à l’anneau G au moyen de la cheville H (cf. détail X).

La poulie I roulait sur un cordage peu tendu KL, afin de rendre le tirage des deux treuils aussi direct que possible. Au moment donc où il s’agissait d’abaisser la verge, tout en étant ainsi préparé, un servant étant monté attacher la corde double à l’anneau de la poulie de tirage, on décliquait le treuil tourné à rebours, les ressorts tendaient à reprendre leur position, ils faisaient faire un ou deux tours au treuil D dans le sens voulu pour l’abattage et aidaient ainsi aux hommes qui commençaient à agir sur les deux treuils, ce qui demandait d’autant moins de force que la verge s’éloignait de la verticale.

Alors on détachait les boucles des cordes des ressorts et on continuait l’abattage sur les deux treuils en ab et a’b’. Huit hommes (deux par levier pour un engin de la dimension de celui représenté figure 1), dès l’instant que la verge était sortie de la ligne verticale, pouvaient amener celle-ci suivant la position A’B’. Le chargeur prenait la poche en cuir et cordes M, la rangeait dans la rigole horizontale en M’, plaçait dedans un projectile, puis, d’un coup de maillet, le décliqueur faisait sauter la cheville H.

La verge, n'étant pas retenue, reprenait la position verticale par un mouvement rapide, et envoyait le projectile au loin. C'est ici où l’on ne se rend pas, faute de l’expérience acquise par la pratique, un compte exact des forces combinées, de la révolution suivie par le projectile, et du moment où il doit quitter sa poche.

Quelques commentateurs paraissent avoir considéré la poche du projectile comme une véritable fronde se composant de deux attaches, dont une fixe et l’autre mobile, de manière que, par le mouvement de rotation imprimé au projectile, l’une des deux attaches de la fronde quittait son point d’attache provisoire, et le projectile ainsi abandonné à lui-même décrivait dans l’espace une parabole plus ou moins allongée.

[modifier] Brides de fronde

Figure 3
Figure 3

D'abord, bien des causes pouvaient modifier le décrochement de l’une des cordes de la fronde : la masse du projectile, son tirage plus ou moins prononcé sur l’une des deux cordes, un léger obstacle, un frottement. Il pouvait se faire ou que le décrochement eût lieu trop tôt, alors le projectile était lancé verticalement et retombait sur la tête des tendeurs ; ou qu'il ne se décrochat pas du tout, et qu'alors, rabattu avec violence sur la verge, il ne la brisât.

En consultant les bas-reliefs et les vignettes des manuscrits, nous ne voyons pas figurer ces deux brides de fronde et l’attache provisoire de l’une d’elles ; au contraire, les brides de la fronde paraissent ne faire qu'un seul faisceau de cordes ou de lanières, avec une poche à l’extrémité, comme l’indiquent nos figures. De plus, nous voyons souvent, dans les vignettes des manuscrits, une seconde attache placée en contrebas de l’attache de la fronde, et qui paraît devoir brider celle-ci, ainsi que le fait même la vignette 3 reproduite dans les éditions française et anglaise de Villard de Honnecourt.

Ici, le tendeur tient à la main cette bride secondaire et paraît l’attacher à la queue de la fronde. C'est cette bride, ce sous-tendeur, que dans nos deux figures 1 et 2 nous avons tracé en P, le supposant double et pouvant être attaché à différents points de la queue de la fronde ; on va voir pourquoi.

[modifier] Mouvement de la verge

Figure 4
Figure 4

Soit en figure 4 le mouvement de la verge, lorsqu'après avoir été abaissée, elle reprend brusquement la position verticale par l’effet du contrepoids ; le projectile devra décrire la courbe ABC. Or il arrive un moment où la fronde sera normale à l’arc de cercle décrit par la verge, c'est-à-dire où cette fronde sera exactement dans le prolongement de la verge qui est le rayon de cet arc de cercle. Alors, le projectile, mu par une force centrifuge considérable, tendra à s’échapper de sa poche.

Il est clair que la fronde sera plus rapidement amenée dans la ligne de prolongement de la verge suivant que cette fronde sera plus courte et que la masse du projectile ne sera pas lancée du côté des ennemis, mais au contraire sur ceux qui sont placés derrière l’engin.

Il y avait donc un premier calcul à faire pour donner à la fronde une longueur voulue afin qu'ayant à lancer une masse, elle arrivât dans le prolongement de la ligne de la verge lorsque celle-ci était près d’atteindre son apogée. Mais il fallait alors déterminer par une secousse brusque le départ du projectile, qui autrement aurait quitté le rayon en s’éloignant de l’engin presque verticalement.

C'était pour déterminer cette secousse qu'était fait le sous-tendeur P. Si ce sous-tendeur P était attaché en P’, par exemple, de manière à former avec la verge et la queue de la fronde le triangle P’OR, la queue OP’ ne pouvait plus sortir de l’angle P’OR, ni se mouvoir sur le point de rotation O.

Mais le projectile C continuant sa course forçait la poche de la fronde à obéir à ce mouvement d’impulsion jusqu'au moment où cette poche, se renversant tout à fait, le projectile abandonné à lui-même était appelé par la force centrifuge et la force d’impulsion donnée par l’arrêt brusque du sous-tendeur à décrire une parabole C’E.

Si, comme l’indique le tracé S, le sous-tendeur P était fixé en P’’, c'est-à-dire plus près de l’attache de la queue de la fronde, et formait un triangle P’’O’R' « dont l’angle O’ était moins obtus que celui de l’exemple précédent, la secousse se faisait sentir plus tôt, la portion de la fronde laissée libre décrivait un arc de cercle C’’C’’ », par suite du mouvement principal de la verge ; le projectile C’’’’, abandonné à lui-même sous le double mouvement de la force centrifuge principale et de la force centrifuge secondaire occasionnée par l’arrêt P’’, était lancé suivant une ligne parabolique C’’’’E’’, se rapprochant plus de la ligne horizontale que dans l’exemple précédent.

En un mot, plus le sous-tendeur P était roidi et fixé près de l’attache de la fronde, plus le projectile était lancé horizontalement ; plus au contraire ce sous-tendeur était lache et attaché près de la poche de la fronde, plus le projectile était lancé verticalement. Ces sous-tendeurs étaient donc un moyen nécessaire pour régler le tir et assurer le départ du projectile.

S'il fallait régler le tir, il fallait éviter les effets destructeurs du contrepoids qui, arrivé à son point extrême de chute, devait occasionner une secousse terrible à la verge, ou briser tous les assemblages des contre-fiches. À cet effet, non seulement le mouvement du contrepoids était double, c'est-à-dire que ce contrepoids était attaché à deux bielles, avec deux tourillons, mais encore souvent aux bielles mêmes étaient fixés des masses en bascule, ainsi que le font voir nos figures précédentes.

Voici quel était l’effet de ces masses T. Lorsque la verge se relevait brusquement sous l’influence de la huche chargée de pierres ou de terre, les masses T en descendant rapidement exerçaient une influence sur les bielles au moment où la huche arrivait au point extrême de sa chute, et où elle était retenue par la résistance opposée de la verge. Les masses n'ayant pas à subir directement cette résistance, continuant leur mouvement de chute, faisaient incliner les bielles suivant une ligne gh et détruisaient ainsi en partie le mouvement de secousse imprimé par la tension brusque de ces bielles. Les masses T décomposaient, jusqu'à un certain point, le tirage vertical produit par la huche, et neutralisaient la secousse qui eût fait rompre tous les tourillons sans altérer en rien le mouvement rapide de la verge, en substituant un frottement sur les tourillons à un choc produit par une brusque tension.

Ces engins à contrepoids furent en usage jusqu'au moment où l’artillerie à feu vint remplacer toutes les machines de jet du Moyen Âge.

[modifier] Le trébuchet du siège de Cherbourg

Le savant bibliophile M. Pichon possède un compte (attachement) de ce qui a été payé pour le transport d’un de ces engins en 1378, lequel avait servi au siège de Cherbourg.

Voici ce curieux document, que son possesseur a bien voulu nous communiquer :

« Le monstre Thomin le bourgeois de Pontorson gouvernour de l’engin de la dite ville, du maistre charpentier, de V autres charpentiers, de X maçons et cancours, de XL tendeurs et XXXI charrets à compter le cariot qui porte la verge d’iceluy engin ; pour trois charreltiers qui sont ordennés servir celui engin au siége de Cherbourt, venu à Carentan, et nous Endouin Channeron, dotteur en la seigneurie, bailly de Costentin et Jehan des Iles, bailly illec pour le roy notre sire es terres qui furent au roy de Navarre, comis et députez en ceste partie, de par nos seigneurs les généraulx commis du roy notre sire pour le fait dudit siége; le XV jour de novembre l’an MCCCLXXVIII.
Et premièrement :
Le dit Thomin, le maistre gonduom dudit engin, X jours.

vault pour X jours. ........
Some ci-dessus.
Michel Rouffe, maistre charpentier dudit engin, X jours.
vault pour X jours. ........
Etc. »

Suit le compte des charpentier, maçons, tendeurs, charrettes et chevaux. Cet attachement fait connaître l’importance de ces machines qui exigeaient un personnel aussi nombreux pour les monter et les faire agir.

Le chiffre de quarante tendeurs indique assez la puissance de ces engins : car à supposer qu'ils fussent divisés en deux brigades (leur service étant très fatiguant, puisqu'ils étaient chargés de la manœuvre des treuils), il fallait donc vingt tendeurs pour abaisser la verge du trébuchet. Les maçons étaient probablement employés à dresser les aires de niveau sur lesquelles on asseyait l’engin [2].

[modifier] Le trébuchet des Albigeois

Pierre de Vaux-Cernay, dans son Histoire des Albigeois, parle de nombreux mangonneaux dressés par l’armée des croisés devant le château des Termes, et qui jetaient contre cette place des pierres énormes, si bien que ces projectiles firent plusieurs brèches.

Au siège du château de Minerve (en Minervois), dit ce même auteur, on éleva du coté des Gascons une machine de celles qu'on nomme mangonneaux, dans laquelle ils travaillaient nuit et jour avec beaucoup d’ardeur. Pareillement, au midi et au nord, on dressa deux machines, savoir une de chaque coté. Enfin, du coté du comte, c'est-à-dire à l’orient, était une excellente et immense pierrière, qui chaque jour coûtait vingt-et-une livres pour le salaire des ouvriers qui y étaient employés.

Au siège de Castelnaudary, entrepris contre Simon de Montfort, le comte de Toulouse fit « préparer un engin de grandeur monstrueuse pour ruiner les murailles du château, lequel lançait des pierres énormes, et renversait tout ce qu'il atteignait... Un jour, le comte (Simon de Monfort) s’avançait pour détruire la susdite machine ; et comme les ennemis l’avaient entourée de fossés et de barrières tellement que nos gens ne pouvaient y arriver... » En effet, on avait toujours le soin d’entourer ces engins de barrières, de claies, tant pour empêcher les ennemis de les détruire que pour préserver les hommes qui les servaient.

Au siège de Toulouse, Pierre de Vaux-Cernay raconte que, dans le combat où Simon de Monfort fut tué, « le comte et le peu de monde qui était avec lui se retirant à cause d’une grêle de pierres et de l’insupportable nuée de flêches qui les accablaient, s’arrêtèrent devant les machines, derrière des claies, pour se mettre à l’abri des unes et des autres ; car les ennemis lançaient sur les notres une énorme quantité de cailloux au moyen de deux trébuchets, un mangonneau et plusieurs engins... »

C'est alors que Simon de Monfort fut atteint d’une pierre lancée par une pierrière que servaient des femmes, sur la place de Saint-Sernin, c'est-à-dire à cent toises au moins de l’endroit où se livrait le combat. Quelquefois les anciens auteurs semblent distinguer, comme dans ce passage, les trébuchets des mangonneaux. Les mangonneaux sont certainement des machines à contrepoids, comme les trébuchets, mais les mangonneaux avaient une masse fixe placée à la queue de la verge au lieu d’une masse mobile, ce qui leur donnait une qualité particulière.

Villard de Honnecourt appelle l’engin à contrepoids suspendu par des bielles, à contrepoids en forme de huche, trébuchet ; d’où l’on doit conclure que si le mangonneau est aussi un engin à contrepoids, ce ne peut être que l’engin à balancier, tel que celui figuré dans le bas-relief de Saint-Nazaire de Carcassonne [3] et dans beaucoup de vignettes de manuscrits.

[modifier] Notes et références

  1. Voir l’album de Villard de Honnecourt, publié par MM. Lassus et Alfred Darcel (Paris, Delion, 1858), et l’édition anglaise publiée par M. Willis (Oxford, Parker).
  2. On peut encore constater l’importance de la construction de ces engins en consultant les anciens comptes et inventaires de forteresses. Quand, en 1428, on détruisit l’engin établi sur la tour de Saint-Paul à Orléans, pour le remplacer par une bombarde, la charpente de cette machine de guerre, qui était ou un trébuchet, ou un mangonneau, remplit vingt-six voitures qui furent conduites à la chambre de la ville. (Jollois, Histoire du siège d’Orléans., ch. I, Paris, 1833)
  3. Bas-relief que l’on suppose représenter la mort de Simon de Monfort, et qui est déposé dans la chapelle Saint-Laurent de l’église Saint-Nazaire de la cité de Carcassonne.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

wikt:

Voir « trébuchet » sur le Wiktionnaire.

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