Roman de Renart

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Le Roman de Renart est un recueil de récits médiévaux français des XIIe et XIIIe siècles ayant pour héros des animaux agissant comme des humains.

Ce n'est pas un roman à proprement parler, mais un ensemble disparate de récits en octosyllabes de diverses longueurs et composés par différents auteurs, appelés dès le Moyen Âge « branches » ; on en dénombre 25 à 27 de 300 à 3 000 vers, soit quelque 25 000 vers. La branche I, la plus ancienne (v. 1170) est attribuée à Pierre de Saint-Cloud. Dès le XIIIe siècle, les branches sont regroupées en recueils, apportant une certaine unité.

Sommaire

Contexte

Dès le XIIe siècle, la bourgeoisie a sa propre littérature, véritable satire sociale avant la lettre. Elle est par essence malicieuse, pittoresque, parfois grivoise ou, à l'inverse, morale mais le plus souvent réaliste. Il nous en reste essentiellement des fabliaux (Estula - Le lévrier et le serpent - La Farce de Maître Pathelin - Moniage Guillaume - La Mort le Roi Artu : Anonyme du XIIIe siècle…) et surtout le Roman de Renart.

C'est une œuvre composée de courts récits indépendants, quelquefois en prose, le plus souvent en vers octosyllabiques. Écrit en français, langue romane d'où le nom roman, il en existe 27 branches rédigées, au cours des temps, par des auteurs différents. Il met en scène des animaux dont les deux principaux : le loup « Ysengrin » et surtout le goupil « Renart », le si célèbre héros. Le Roi-lion, lui, sert d'arbitre. Le récit contient 80 000 vers, à rimes plates pour favoriser la citation de ces récits (ils étaient racontés, sous diverses formes, par les jongleurs à la population, très peu de gens sachant lire et écrire au Moyen Âge).

Interprétations

Renart le goupil, bronze commémoratif à Hulst, Pays-Bas.

Ces textes satiriques ont des fonctions diverses :

  • de critique sociale des classes dominantes, incapables de nourrir les petites gens ; de parodie des chansons de geste et romans courtois, mêlée d'anticléricalisme ;
  • psychologiques (voire cathartiques) : transgression de tabous religieux (Dieu est absent et les formes sociales de la religion - pèlerinage, croisade et simplement clergé - sont méprisés et ridiculisés) alors que l'antagonisme central entre Renart et Ysengrin fait appel à la scène primitive (le viol de la louve).

Ces textes ont inspiré certains auteurs contemporains comme Carl Gustav Jung, dans la création de son concept d'Enfant intérieur et Paul Radin, dans son étude du Trickster. Ces auteurs furent interpelés par la figure de Till l'espiègle ou celle du renard dans Le Roman de Renart, entre autres, comme modèles de ce qu'ils nommaient le "fripon divin" : un être espiègle, malicieux et facétieux.

Seulement, Renart dénonce (la faim, la violence, la bêtise...) mais ne propose rien.

Les œuvres les plus tardives (Renart le Bestourné (à l'envers) de Rutebeuf, ou l'anonyme Renart le Contrefait, (1319-1342) accentuent encore la satire.

Selon certaines interprétations, Renart représenterait le petit peuple, toujours prêt à mille « jongleries » pour survivre ; Ysengrin : la bourgeoisie, lourde et patentée ; Grimbert, le blaireau : le clergé et Brun, l'ours : la noblesse. Mais dans le texte, tous les personnages sont explicitement présentés comme appartenant à la noblesse. Renart est un chevalier qui vit dans son château de Maupertuis et est le premier à se moquer des vilains et à vivre à leurs dépens en les ridiculisant voire en n'hésitant pas à les tuer.

Pour d'autres interprètes (qui semblent aller encore plus loin), le roman serait une représentation de la cellule familiale primaire. Goupil serait la femme, un peu rusée, un peu sorcière et le loup, l'éternel mari, fort et brutal, toujours prêt à profiter de ses avantages naturels mais finalement toujours berné. Une famille dont le patriarche, serait le lion ; le corbeau, la belle-mère ; l'ours : le beau-père, etc. D'ailleurs, ces rôles « traditionnels », se retrouvent, quasiment à l'identique, dans plusieurs autres cultures européennes (Finlande, Suède, Roumanie, Russie), ou même orientales (Chine, Inuits, Mongolie...).

Les frères Grimm y voient une « épopée animalière (Thiersage) venue de Germanie via Tacite. Ce qui lui confèrerait des racines indo-européennes ».

Alors, les auteurs du Roman seraient-ils, des peintres animaliers ? Non, peu leur chaut ; le monde des animaux, miroir du monde humain, sert avant tout à critiquer celui-ci. Les auteurs se moquent de tout, des chevaliers aux pèlerins, de la justice aux courtisans, montrant partout l'hypocrisie. Successeurs d'Ésope, ils préfigurent les fables de Jean de La Fontaine.

Origines

Origine des noms

  • Renard (ou Renart) est un nom de personne d'origine germanique : Raginhard (ragin = conseil + hard = dur). Ne l'oublions pas, le substantif renard est au départ un prénom ; c'est la popularité du goupil prénommé Renart qui en a peu à peu fait un substantif.
  • Dérivés : Raynard, porté notamment en Vendée, Puy-de-Dôme et en région lyonnaise.

Variantes : Raynart, Rainart (06), Rainard (79, 86). Regnard, porté notamment dans l'Yonne et la Somme ; c'est un nom de personne d'origine germanique identique à Renard.

Variantes : Regnart (51, 80) ; Réginard, Reynard, porté dans la région lyonnaise et le Vaucluse.

  • Dans le poème de Nivard de 1148, plusieurs animaux retrouvent un nom fixé, de longue date, par la tradition. Ce sont : Reinardus le goupil, Balduinus l’âne, Bruno l’ours. Le nom des autres animaux ne reparaissent plus... inventés pour la circonstance, ils disparaîtront avec leur auteur.
  • En Allemagne, de nos jours, Reinhart est un patronyme assez courant. D'ailleurs, nous retrouvons dans le « Glichezâre » : Reinhart pour Renart, Dieprecht pour Tibert, Diezelin pour Ticelin. Par de singuliers échanges, ces termes d'origine mérovingienne (donc germanique) paraissent avoir ensuite été latinisés puis récupérés par le français, avant, d'être de nouveau germanisés puis enfin définitivement refrancisés.
    • Ainsi goupil vient du latin Vulpes mais les Francs lui préfèrent le terme mérovingien Reinhardt qui sera une première fois francisé en Reynard (ou Reynart), repris en allemand tel quel, latinisé en Reinardus puis en Renardus avant d'être définitivement refrancisé en Renard ou Renart
  • Quant à Ysengrin, Ysen-grin, il signifie en flamand « féroce comme le fer » ou « casque de fer ».

Origine des textes

Roman de Renart ; enluminure de manuscrit
Roman de Renart ; enluminure de manuscrit

Ces textes sont issus d'une longue tradition de récits animaliers en latin, notamment l’Ysengrimus, ainsi que des fables ésopiques regroupées au Moyen Âge dans des recueils nommés « Isopets ».

Elle peut se retrouver dans :

  • le Pañchatantra, livre de contes indiens très anciens, parvenu en Europe sous diverses traductions grâce aux Arabes.
  • des contes populaires, sans doute très anciens pour quelques-uns
  • des auteurs latins (Ésope)
  • des poèmes en bas-latin, surtout :
    • La Disciplina clericalis, recueil « d'exempla » (petits contes moraux) d'origine orientale composé en latin vers 1110 par Pierre Alphonse, médecin sépharade converti au christianisme. Ces récits ont eu un succès durable dans la littérature européenne comme la première élaboration connue du « Conte du loup et du renard dans le puits » (branche IV du Roman) ou des récits fournissant l'intrigue d'autres fabliaux célèbres.
    • l'Ysengrimus : 6 500 vers en distiques latins, où l'on trouve pour la première fois, le personnage de Reinardus) du clerc flamand Nivard de Gand qu'il écrivit en 1148-1149 sous le titre premier de « Renardus vulpes ».
  • dans les récits de Marie de France, parus en 1152.

Si le texte original en français s'est perdu, on en retrouve une première traduction en allemand en 1170, en Alsace, un trouvère nommé Heinrich der Glichezâre » (Henri l’Hypocrite) produisit un « Reinhart Fuchs » qu'il jurait autobiographique. Vers 1250, paraît « Reinaert de Vos », en flamand, composé en deux parties par deux auteurs différents, dont le premier, le trouvère Willem, qui travaillait en Flandre Orientale, était un poète au talent reconnu.

Les textes

On peut lire plusieurs aventures époustouflantes avec des personnages répétitifs. Dans ce livre, les textes sont écrits en roman (vieux français). Quelques expressions sont parfois dures à comprendre surtout pour les plus jeunes. Ces textes nous éclairent sur le Moyen Âge, la famine et tous les problèmes que l'on peut y trouver. Il y a une morale en général.

Les auteurs identifiés

L'un des premiers auteurs connus en est Pierre de Saint-Cloud, érudit, qui fit paraître dans la première moitié du XIIe siècle Les enfances de Renart (L'enfance de Renard - Branche II). Tel quel, ce texte de près de 1100 vers est assez difficile à lire, en voici cependant un court extrait :

"Seigneurs, oï avez maint conte
Que maint conteres vos aconte,
Conment Paris ravi Helayne,
Les maux qu'il en ot et la paine, 4
De Tristram qui La Chievre fist,
Qui assez belement en dist
Et fables et chançons de geste,
Romanz de lui et de sa geste," 8.

Richard de Lison, est le second auteur clairement identifié.

Le prêtre de la Croix-en-Brie a participé lui aussi à l'écriture du livre(branche IX).

Mais il y a 27 autres auteurs non-identifiés.

Les branches

Elles ont varié au gré des rééditions.

Branche I ; Si conme Renart manja le poisson aus charretiers, (Comment Renard mangea le poisson des charretiers), Jugement de Renart. Siège de Malpertuis. Renart Teinturier.
Branche II ; Les enfaces Renart, (L'enfance de Renard) de Pierre de Saint-Cloud.
Branche III ; Si conme Renart fist Ysangrin moine, (Comment Renard fit Ysangrin moine).
Branches IV-VI ; le Puits. Chanteclerc. la Mésange. Tibert. les deux prêtres, les Béliers, la Femme du vilain.
Branches VII-IX ; Renart et le corbeau. le Viol d'Hersent. L'éconduit (l'escondit). le Duel de Renart et d'Isangrin. le Pèlerinage de Renart.
Branches X-XI ; Liétard. Renart et la mort de Brun. les Vêpres de Tibert.
Branches XII-XVII ; les Poissons dérobés. Moniage d'Isengrin et la pêche au seau. le Labourage en commun et la collaboration de Renart à l'œuvre du Roi Connin. la Confession de Renart. Isengrin et le prêtre Martin. Isengrin et la Jument. le Bacon enlevé.
Branches XVIII-XIX ; la Mort de Renart. Le Partage du lion. Renart médecin.
Branche XX ; Renart empereur.
Branche XXIV ; La naissance de Renart (seconde version): « Lorsque Dieu eut chassé Adam et Ève du Paradis terrestre, il leur remit une baguette magique. Il leur suffisait d'en frapper la mer pour qu'apparaisse aussitôt un animal, Adam fit sortir de la sorte toute les bêtes utiles à l'homme, tandis qu'Ève peuplait la terre d'animaux cruels et sauvages. C'est ainsi que naquit Renart... »

Les personnages

Renart
Renart
  • Renart : le goupil espiègle, personnage principal de ces récits. Complexe et polymorphe, (allant du bon diable redresseur de torts tel Zorro (renard en espagnol), au démon lubrique et débauché) il incarne la ruse intelligente liée à l'art de la belle parole. aussi appelé « le maître ès ruses ».
  • Ysengrin : le loup bête et cruel, éternel ennemi de Renart, toujours dupé. Son épouse Dame Hersent la louve, fut jadis « violée » par Renart ; d'où une éternelle rancœur.
  • Primaut, le damp loup
  • Noble, le lion : roi
  • Dame Fière, la lionne
  • Beaucent, le sanglier
  • Espineux, le hérisson
  • Belin, le mouton
  • Petitfouineur, le putois
  • Baudoin (ou Bokart), l'âne : secrétaire du roi.
  • Brun (ou Bruno ou Bruin), l'ours (d'après la couleur de sa robe, où d'après un nom germanique traditionnel)
  • Chantecler, le coq : il fut emporté par Renart, mais s'en tira sain et sauf.
  • Chanteclin, le coq : il est le père de Chantecler.
  • Couart, le lièvre
  • Eme, le singe : époux de Dame Rukenawe, la guenon
  • Grimbert, le blaireau : défenseur et cousin de Renart.
  • Grymbart, la renarde : sœur de Renart.
  • Hermeline, la renarde : épouse de Renard qui eut quelques démêlées avec Hersent.
  • Hersent, la louve : épouse d'Ysengrin qui fut jadis « violée » par Renart.
  • Tibert, le chat : il se fit malgré lui piéger par Renart.même si lui aussi fut malin
  • Tiécelin, le corbeau : il déroba un fromage à la fenêtre d'une maison de campagne et se le fit voler par Renart.
  • Blanche, l'hermine
  • Brichemer, le cerf : sénéchal
  • Bernard, l'âne
  • Corbant, le freux
  • Sharpebek : épouse de Corbant.
  • Coupée, la geline
  • Courtois, petit chien
  • Drouin, le moineau
  • Hubert, l'escoufle (milan, rapace propre aux régions chaudes et tempérées)
  • Firapel, le léopard
  • Jacquet, l'écureuil
  • Dame Mésange, la mésange dont le fils a Renart pour parrain
  • Musart, le chameau : légat du Pape
  • Ordegale, castor
  • Pantecroet, la loutre
  • Percehaie, Malbranche, et Renardel : Fils de Renard et d'Hermeline
  • Roonel, le mâtin (gros chien)
  • Dame Rukenawe, la guenon : épouse d'Eme, le singe.
  • Tardif, le limaçon
  • Vader de Lantfert : fils de Dame Pogge de Chafporte et de Macob.
  • Rohart le corbeau :
  • Rousse la mère
  • Pinte et Copette: les deux gelines
  • Pelé : le rat

Recentrer le Roman dans l'histoire

Selon l'érudit Lucien Foulet, sa composition s’échelonne de 1174 à 1250. Vingt-huit auteurs indépendants y ont collaboré, dont seulement trois ont tenu à nous transmettre leur nom. Ces écrivains ont réalisé une œuvre maîtresse, et à succès.

Rutebeuf écrivit un Renart le bestourné et un dit De Brichemer, et Jacquemart Giélée de Lille, un Renart le Nouvel. Le Couronnement de Renart date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Maurice Delbouille dans Lettres françaises de Belgique (dirigé par Charlier et Hanse) identifie son auteur par sa langue, "marquée fortement de particularités dialectales picardes et wallonnes", à un clerc vivant à la Cour du Comte de Namur. Le Couronnement de Renart par l'âpreté de son ton, la violence de ses mises en cause, paraît comme détaché du Roman de Renart proprement dit bien qu'il lui doive beaucoup.

Au XIVe siècle, on réécrit deux fois Renart le Contrefait ; la première est l’œuvre d’un commerçant en épices ; la seconde, véritable somme ne compte pas moins de 40 000 vers (produits entre 1319 et 1342).

Adaptations

Le Roman de Renart a été maintes fois adapté en français moderne car de nombreuses personnes l'avaient désiré.

Bande dessinée

Cinéma

Le Roman de Renard est un long métrage d'animation avec marionnettes sorti en France en 1937.

Le Roman de Renart est un long métrage d'animation sortit en 2005.

Télévision

En 1985, Le Roman de Renart a été adapté assez librement et « modernisé » dans une série d'animation française intitulée Moi Renart.

Théâtre

Le Roman de Renart a fait l'objet d'une adaptation conte et théâtre par le Totem Théâtre de Colmar (spectacle toujours en exploitation [3])

Web

Le Roman de Goupil le renard, qui date de 2006, est une suite librement adaptée du Roman de Renart.

Voir aussi

Bibliographie

Bibliographie française ou de langue française

  • Maurice Delbouille Les fabliaux et le roman de Renart in Lettres belges de langue française" (directeurs Charlier et Hanse), La Renaissance du livre, Bruxelles, 1958.
  • Elisabeth Schulze-Busacker, Renart, le jongleur étranger : analyse thématique et linguistique à partir de la Branche Ib, in Actes du IIIe Colloque International « Beast Epic, Fable and Fabliau », Münster 1980, Köln / Wien (Böhlau), 1982, p. 380-391.
  • Réédition du Manuscrit de Cangé par Mario Roques, 1955.
  • Réédition d'Honoré Champion, 1960 - 1983.
  • Édition de Félix Lecoy d'après le manuscrit Cangé. 1999 [160 pages].
  • Ed. L'Art - H Piazza 1966, couverture et ornements decoratifs par Jan-Loic Delbord, 204 p.
  • Édition complète, Bibliothèque de la Pléiade, avril 1998.
  • Édition Michel Lévy Frères éditeurs, Collection Hetzel & Lévy.Paris,1858
  • Le Roman de Renart, traduction de H. Rey-Flaud et A. Eskénazi, Paris, Champion, 1971
  • Le Roman de Renart, Edition Flammarion, 1985, établi et traduit par Jean Dufournet et Andrée Méline.

Bibliographie non-française

  • Anthony Lodge, The Earliest Branches of the « Roman de Renart », Editions Peeters, Louvain, Paris, 2001.
  • The Romance of Reynard the Fox. Ed. and trans. Roy Owen. Oxford : Oxford UP.
  • Antonio Domínguez, El Roman de Renard y la cuentística española : In Estudios en Homenaje al Dr. Antonio Beltrán Martínez, Zaragoza: Facultad de Filosofía y Letras de la Universidad de Zaragoza, 1986. 953-68.
  • Carlos García Gual, El Roman de Renard : carrera de un héroe anticaballeresco, In García Gual, Primeras novelas europeas. 2ª ed. Madrid: Istmo, 1988. 277-89.

Lien externe

s:

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