Pañchatantra

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Enluminure d’un manuscrit de 1354
Enluminure d’un manuscrit de 1354

Le Pañchatantra (« les cinq livres ») est un ancien recueil de contes et fables en sanskrit, probablement le plus ancien qui nous soit parvenu. Ce livre écrit sous forme d’apologues racontait l’histoire du chacal Karataka et son compère Damanoka.

La compilation en est attribuée traditionnellement à un brahmane nommé Vishnusharman qui l’aurait produite, au Ve ou au VIe siècle, à la demande d’un râja comme un guide de gouvernement à destination des princes.

Son organisation en cinq livres semble indiquer un choix conscient plutôt qu’un empilement de textes au cours du temps, contrairement aux Jâtaka, recueils de fables bouddhistes plus anciens et plus nombreux. Tout deux comportent des fables mettant en scène des animaux au comportement anthropomorphe. On y a vu parfois le remaniement d’un texte du Cachemire, aujourd’hui perdu, le Tantrâkyayikâ, et qui daterait du IVe ou du Ve siècle.

Une traduction en langue persane fut faite avec ajonction d’une préface d’Ali Ben Ach Chah al Farsi;

Dès 570, l’empereur perse Khosro Ier envoya dans l’Inde son premier médecin Borzouyeh avec comme mission d’en raporter une copie, le Pañchatantra connaît alors une traduction en pehlvî, une langue persane (avec ajonction d’une préface d’Ali Ben Ach Chah al Farsi), puis en arabe par l’écrivain persan Ibn al-Muqaffa vers 750 à partir d’une version en pehlvî désormais perdue sous le nom de Kalîla wa Dimna, en grec au XIe siècle, en hébreu par Rabbi Joël au XIIe, en latin, entre 1263 et 1278, par Jean de Capoue sous le titre de Directorium Humanae Vitae. À partir de cette date, il se répand dans tout le monde occidental. Une traduction latine fut exécutée par Raymond de Beziers et fut offerte en 1313 à Philippe le Bel à l’occasion de la chevalerie de son fils Louis, roi de Navarre, le futur Louis le Hutin. Une version persane est traduite en français par Gilbert Gaulmin sous un pseudonyme, en 1644, sous le titre Le Livre des lumières ou la Conduite des Rois, composée par le sage Pilpay Indien, traduite en français par David Sahid, d’Ispahan, ville capitale de Perse. Le Père Poussines en fait aussi une autre traduction en 1666 sous le titre Specimen sapientiae Indorum veterum (Modèle de la sagesse des anciens Indiens). Il devient enfin l’une des sources des fables de Jean de La Fontaine qui reconnaît sa dette dans la préface de sa seconde collection de Fables : « Il ne m’a pas semblé nécessaire ici de présenter mes raisons ni de mentionner les sources à partir desquelles j’ai tracé mes derniers thèmes. Je dirai, comme dans un élan de gratitude, que j’en dois la plus grande partie au Sage Indien Pilpaï. » Pilpaï, Pilpay, Pilpai ou Bidpai est généralement l’auteur auquel on attribue l’œuvre en Europe, une déformation du sanskrit Vidyâpati, « maître de la connaissance ».

Extrait : L.X-F.02 - La Tortue et les deux Canards : Pilpay, Livre des Lumières, pp. 124-126, D’une Tortue et de deux Canards ; cf. Ésope, La Tortue et l’Aigle, mis en quatrain par Benserade (XCV).

Par une année de grande sécheresse, des canards abandonnèrent un étang où ils vivaient et vinrent faire leurs adieux à une tortue leur amie.
— Ce n’est pas sans peine que nous nous éloignons de vous, mais nous y sommes obligées, et quant à ce que vous nous proposez de vous emmener, nous avons une trop longue traite à faire et vous ne pouvez pas nous suivre parce que vous ne sauriez voler ; néanmoins, si vous nous promettez de ne dire mot en chemin, nous vous porterons ; mais nous rencontrerons des gens qui vous parleront et cela sans cause de votre perte.
— Non, répondit la tortue, je ferai tout ce qu’il vous plaira.
Alors les canards firent prendre à la tortue un petit bâton par le milieu, qu’elle serra bien fort entre ses dents et, lui recommandant ensuite de tenir ferme, deux canards prirent le bâton chacun par un bout et enlevèrent la tortue de cette façon. Quand ils furent au-dessus d'un village, les habitants qui les virent, étonnés de la nouveauté de ce spectacle, se mirent à crier tous à la fois, ce qui faisait un charivari que la tortue écoutait impatiemment. À la fin, ne pouvant plus garder le silence, elle voulut dire :
— Que les envieux aient les yeux crevés s’ils ne peuvent regarder
Mais, dès qu’elle ouvrit la bouche, elle tomba par terre et se tua.

Les contes se répandent aussi en Chine et dans l’Asie du Sud-Est sur les routes des pélerins bouddhistes. Le Pañchatantra connut aussi plusieurs adaptations en Inde-même, comme le très populaire Hitopadesha et le Panchâkhyânoddhâra, rédigé au Goujerat par le moine jaina Meghavijaya vers 1660.

L’ouvrage, comme son nom l’indique, est composé de cinq parties thématiques regroupant plusieurs textes :

  • Mitra Bhedha, « La Perte des amis » (22 histoires)
  • Mitra Laabha, « L’Acquisition des amis » (7 histoires)
  • Suhrudbheda, « La Guerre des corbeaux et des hiboux », à propos des ruses de guerre (17 contes)
  • Vigraha, « La Perte des biens acquis » (12 histoires)
  • Sandhi, « La Conduite inconsidérée » (15 histoires)
Manuscrit persan datant de 1429, provenant de Hérat, l’illustration représente un chacal essayant de faire fuir un lion.
Manuscrit persan datant de 1429, provenant de Hérat, l’illustration représente un chacal essayant de faire fuir un lion.

Les deux chacals, Kalîla et Dimna (dérivé du sanskrit Karataka et Damanaka), héros du premier conte du premier livre, sont à l’origine du titre de la version arabo-persane, Kalîla wa Dimna. Le Kalîla wa Dimna a été joliment enluminé, en particulier par l’école de miniature persane de Hérat en Afghanistan (à laquelle se rattache le grand peintre miniaturiste Behzad) au XVe siècle). La première traduction française est due à l’abbé Dubois.

[modifier] Bibliographie

  • Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987
  • Le Pantcha Tantra, traduit par l'abbé J-A Dubois, Imprimerie Nationale 1995.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

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