René Char

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Place René Char à Bollène
Place René Char à Bollène

René Char est un poète et résistant français né le 14 juin 1907 à L'Isle-sur-la-Sorgue et décédé à Paris le 19 février 1988.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] 1907-1929

René Émile Char est le cadet des quatre enfants nés des secondes noces, en 1888, d'Émile Char et de Marie-Thérèse Rouget, sœur de sa première épouse, Julia Rouget, décédée en 1886 un an après leur mariage. Son grand-père paternel, Magne Char, enfant naturel et abandonné, dit Charlemagne, était né en 1826 à Avignon. Son père Joseph Émile Magne Char, qui abrège son nom, administrateur délégué des plâtrières de Vaucluse et maire de L’Isle-sur-la-Sorgue à partir de 1905, meurt le 15 janvier 1918. Bien que les conditions matérielles d’existence de la famille deviennent alors précaires, René Char passe son enfance aux « Névons », la vaste maison familiale dont la construction venait d'être achevée à sa naissance.

Bâti comme un colosse (1,92 m) et impulsif, il joue passionnément au rugby. Pensionnaire du lycée d’Avignon puis, en 1925, étudiant à l'École de commerce de Marseille, il lit Plutarque, François Villon, Racine, les romantiques allemands, Alfred de Vigny, Gérard de Nerval et Charles Baudelaire. Il fait en 1924 un voyage en Tunisie où son père avait créé une petite plâtrière. Après avoir travaillé à Cavaillon dans une maison d'expéditions, il effectue en 1927 son service militaire dans l'artillerie à Nîmes. En 1928 est publié son premier recueil, Cloches sur le cœur, rassemblant des poèmes écrits entre 1922 et 1926, dont il détruira la plus grande partie des exemplaires.

[modifier] 1929-1939

Au début de l'année 1929, René Char fonde la revue Méridiens avec André Cayatte (trois numéros). En août, il envoie l'un des vingt-six exemplaires d'Arsenal, publié à Nîmes, à Paul Éluard qui vient lui rendre visite à l'automne à L’Isle-sur-la-Sorgue. À la fin novembre, René Char arrive à Paris, rencontre Louis Aragon, André Breton, René Crevel, adhère au groupe surréaliste et publie en décembre Profession de foi du sujet dans le douzième numéro de La Révolution surréaliste.

Le 14 février 1930 les surréalistes saccagent à Paris le bar « Maldoror », lors d'une bagarre au cours de laquelle Char est blessé d'un coup de couteau dans l'aine. Tandis qu'il lit Rimbaud, Lautréamont, les philosophes présocratiques et les grands alchimistes, Char publie en avril 1930 à Nîmes Tombeau des secrets, avec un collage de Breton et d'Éluard. Paraît durant le même mois aux Éditions surréalistes Ralentir travaux, poèmes écrits en collaboration par Breton, Char et Éluard à Avignon et dans le Vaucluse. Aragon, Breton, Char et Éluard créent la revue Le Surréalisme au service de la révolution. Artine paraît aux Éditions surréalistes, chez José Corti, avec une gravure de Salvador Dali.

Char signe en 1931 les tracts surréalistes concernant le film L'Âge d'or (réalisé par Dali et Buñuel et attaqué par les ligues de droite), l'exposition coloniale et la situation politique en Espagne. En février Éluard lui rend à nouveau visite avec Jean et Valentine Hugo. Durant l'été Char, Nusch et Paul Éluard s'embarquent à Marseille, font escale à Barcelone et séjournent à Cadaqués chez Dali et Gala. Après un voyage en Espagne avec Francis Curel, Char épouse à Paris en octobre 1932 Georgette Goldstein qu'il a rencontrée peu de temps auparavant à Cannes.

[modifier] 1939-1945

Pendant l’Occupation, René Char, sous le nom de Capitaine Alexandre, participe, les armes à la main, à la Résistance, « école de douleur et d’espérance ». Il commande le Service action parachutage de la zone Durance. Son QG est installé à Céreste (Basses-Alpes). Le recueil qu'il en tire Feuillets d’Hypnos peut se lire comme des « notes du maquis ».

Souhaitant faire jouer à Avignon une pièce de théâtre qu'il venait d'écrire, René Char et Jean Vilar créent le premier Festival de théâtre d'Avignon, en 1947.

Dans les années 1960, René Char participe aux manifestations contre l'installation des missiles à tête nucléaire sur le plateau d'Albion.

L’Hôtel Campredon ou Maison René Char à L’Isle-sur-la-Sorgue propose au public une collection de manuscrits, dessins, peintures et objets d’art ayant appartenu à René Char.

[modifier] L'œuvre

Maurice Blanchot, dans La Part du feu, observait que « l'une des grandeurs de René Char, celle par laquelle il n'a pas d'égal en ce temps, c'est que sa poésie est révélation de la poésie, poésie de la poésie. » Ainsi, dans toute l'œuvre de Char, « l'expression poétique est la poésie mise en face d'elle-même et rendue visible, dans son essence, à travers les mots qui la recherchent. » Il est hautement significatif que Char ait recueilli et publié une anthologie plusieurs fois augmentée de tout ce qui a trait explicitement dans son œuvre à la parole poétique : Sur la poésie. Au plan formel, sa poésie trouve son expression privilégiée dans l'aphorisme, le vers aphoristique, le fragment, le poème en prose (ce que Char nomme sa parole en archipel), si tant est que ces catégories littéraires soient pertinentes.

Dans L'Entretien infini, Blanchot se penche longuement sur cette question : « La parole de fragment n'est jamais écrite en vue de l'unité, même le serait-elle. Elle n'est pas écrite en raison ni en vue de l'unité. Prise en elle-même, en effet, elle apparaît dans sa brisure, avec ses arêtes tranchantes, comme un bloc auquel rien ne semble pouvoir s'agréger. Morceau de météore, détaché d'un ciel inconnu, et impossible à rattacher à rien qui puisse se connaître. Ainsi dit-on de René Char qu'il emploie la « forme aphoristique ». Étrange malentendu. L'aphorisme est fermé et borné : l'horizontal de tout horizon. Or, ce qui est important, important et exaltant, dans la suite de « phrases » presque séparées que tant de ses poèmes nous proposent - textes sans prétexte, sans contexte -, c'est que, interrompues par un blanc, isolées et dissociées au point que l'on ne peut passer de l'une à l'autre ou seulement par un saut et en prenant conscience d'un difficile intervalle, elles portent cependant, dans leur pluralité, le sens d'un arrangement qu'elles confient à un avenir de parole [...] Qu'on entende que le poète ne joue nullement avec le désordre, car l'incohérence ne sait que trop bien composer, fût-ce à rebours. Ici, il y a la ferme alliance d'une rigueur et d'un neutre. Les « phrases » de René Char, îles de sens, sont, plutôt que coordonnées, posées les unes auprès des autres : d'une puissante stabilité, comme les grandes pierres des temples égyptiens qui tiennent debout sans lien, d'une compacité extrême et toutefois capables d'une dérive infinie, délivrant une possibilité fugace, destinant le plus lourd au plus léger, le plus abrupt au plus tendre, comme le plus abstrait au plus vivace (la jeunesse du visage matinal) ».

Dans sa préface à l'édition allemande des Poésies de Char, parue en 1959[1], Albert Camus écrit : « Je tiens René Char pour notre plus grand poète vivant et Fureur et mystère pour ce que la poésie française nous a donné de plus surprenant depuis Les Illuminations et Alcools [...] La nouveauté de Char est éclatante, en effet. Il est sans doute passé par le surréalisme, mais il s'y est prêté plutôt que donné, le temps d'apercevoir que son pas était mieux assuré quand il marchait seul. Dès la parution de Seuls demeurent, une poignée de poèmes suffirent en tout cas à faire lever sur notre poésie un vent libre et vierge. Après tant d'années où nos poètes, voués d'abord à la fabrication de « bibelots d'inanité », n'avaient lâché le luth que pour emboucher le clairon, la poésie devenait bûcher salubre. [...] L'homme et l'artiste, qui marchent du même pas, se sont trempés hier dans la lutte contre le totalitarisme hitlérien, aujourd'hui dans la dénonciation des nihilismes contraires et complices qui déchirent notre monde [...] Poète de la révolte et de la liberté, il n'a jamais accepté la complaisance, ni confondu, selon son expression, la révolte avec l'humeur [...] Sans l'avoir voulu, et seulement pour n'avoir rien refusé de son temps, Char fait plus alors que nous exprimer : il est aussi le poète de nos lendemains. Il rassemble, quoique solitaire, et à l'admiration qu'il suscite se mêle cette grande chaleur fraternelle où les hommes portent leurs meilleurs fruits. Soyons-en sûrs, c'est à des œuvres comme celle-ci que nous pourrons désormais demander recours et clairvoyance. »

[modifier] Œuvre

 : source utilisée pour la rédaction de cet article

[modifier] Recueils poétiques

  • Arsenal, 1929
  • Ralentir Travaux, 1930, en collaboration avec André Breton et Paul Éluard
  • Artine, 1930
  • Le Marteau sans maître, 1934
  • Seuls demeurent, 1943
  • Le Poème pulvérisé, 1945
  • Feuillets d'Hypnos, 1946
  • Fureur et mystère, 1948
  • Le Soleil des eaux, 1949
  • Les Matinaux, 1950
  • L'Art bref suivi de Premières alluvions, 1950
  • À une sérénité crispée, 1951
  • Lettera Amorosa, 1952
  • Recherche de la base et du sommet, 1955
  • La Parole en archipel, 1962
  • Dans la pluie giboyeuse, 1968
  • Le Nu perdu, 1971
  • Aromates chasseurs, 1976
  • Chants de la Balandrane, 1977
  • Fenêtres dormantes et porte sur le toit, 1979
  • Les Voisinages de Van Gogh, 1985
  • Éloge d'une soupçonnée, 1988

[modifier] Anthologies

  • René Char, Commune présence, éditions Gallimard
  • René Char, Dans l'atelier du poète, choix de poèmes présentés dans le texte de leur publication initiale, appareil biographique et critique établi par Marie-Claude Char, Quarto, éditions Gallimard, Paris, 1996 (1064 p.)

[modifier] Œuvres complètes

  • René Char, Œuvres complètes, éditions Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», Paris, 1983, édition revue en 1995, introduction de Jean Roudaut.

[modifier] Correspondance

  • Albert Camus & René Char, Correspondance 1946-1959, éditions Gallimard, Paris, 2007, édition établie, présentée et annotée par Franck Planeille.

[modifier] Bibliographie

  • Marie-Claude Char, Pays de René Char, Flammarion, 2007.
  • Laurent Greilsamer, L'Éclair au front, La vie de René Char, Fayard, 2004.
  • Danièle Leclair, René Char. Là où brûle la poésie, biographie. Éditions Aden, coll. "Le cercle des poètes disparus", 2007.
  • Laure Michel, René Char. Le poème et l'histoire (1930-1950). Paris, Honoré Champion, 2007.
  • Paul Veyne, René Char en ses poèmes, Gallimard, coll. "Essais", 1990.
  • « René Char », Europe, n° 705/706, janvier-février 1988.
  • « René Char », Le Magazine littéraire, n° 340, février 1996.
  • « Le Géant Magnétique », Télérama Hors Série.
  • René Char, catalogue d'exposition sous la direction d'Antoine Coron, BnF / Gallimard, 2007.
  • René Char, le poète et le maquis, texte de Dominique Bellec, Photographies de Jean-Baptiste Duchenne, Le passager clandestin, 2007.

[modifier] Anecdote

Le 19 mai 2008 se trouve dispersé à l'Hôtel Drouot de Paris un ensemble composé de livres dédicacés, de poèmes manuscrits (dont onze poèmes inédits écrit sur fragments de nappe en papier) et de 521 lettres et cartes postales adressées entre 1951 et 1966 par René Char à Maryse Lafont, estimées autour de 100 000€ (Catalogue Binoche-Renaud-Giquello, Claude Oterelo expert, Paris, 19 et 20 mai 2008, Hôtel Drouot, p. 48-54).

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

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[modifier] Notes et références

  1. Dichtungen, Fischer Verlag, Francfort, traductions par Paul Celan, Johannes Hübner, Lothar Klüner et Jean-Pierre Wilhem