Radio libre

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Le nom de radio libre est initialement synonyme de celui de radio pirate, et se rapporte au mouvement qu'ont généré les radios émettant clandestinement dans les années 1970 en Europe pour revendiquer la liberté d'expression et la fin des monopoles d'Etat dans le domaine de la radio et de la télévision. Le terme a continué d'être revendiqué ensuite par un certain nombre de radios associatives non-commerciales, héritières et continuatrices de ce mouvement.

Sommaire

[modifier] La remise en cause du monopole d'Etat

Le mouvement des radios libres démarre essentiellement en Italie, avec par exemple Radio Alice, puis en Grande-Bretagne, avec notamment la célèbre Radio Caroline, qui émettait depuis un bateau situé dans les eaux internationales. En France, la radio et la télévision étaient jusqu'en 1981 sous monopole d'Etat, via l'ORTF jusqu'en 1974, puis sous formes de sociétés nationales.

[modifier] Émergence de radios périphériques en bande AM

En France, depuis des décennies, le monopole est de facto contourné par les radios indépendantes qui ont commencé à émettre hors de France (radios dites périphériques), le plus souvent en ondes longues AM, et qui ne peuvent pas faire l'objet de poursuites puisqu'elles ne sont pas sur le territoire national : Europe 1, Radio Luxembourg (devenue RTL), RMC. Ces antennes, qui ne participent pas au mouvement des radios libres et qui s'inscrivent d'emblée dans une toute autre logique, se transformeront rapidement en puissantes radios commerciales (en raison de leur succès et leur relative indépendance de ton) concurrentes de la radio publique française. Mais l’exiguïté de la bande AM et leur trop grande portée internationale dans cette bande ne permettait à d’autres programmes de se développer, alors que les solutions techniques s'étaient multipliées à coût réduit pour permettre une diffusion locale sur la bande FM alors pratiquement inutilisée, et qui pourtant offrait la possibilité d'émettre avec une bien meilleure qualité sonore (notamment pour les programmes musicaux).

[modifier] L’expérience des radios pirates locales en bande FM

A partir de 1974, la multiplication d’émissions clandestines un peu partout en France démontre la soif de liberté d’expression de la génération montante. Inspirés par la pionnière Radio Caroline qui arrose de musique pop l’Europe du Nord, des groupes d’activités s’ingénient à vouloir briser le monopole des ondes défendu par l’état. En 1975, la revue Interférences rassemble et coordonne plusieurs de ces groupes. Un accord avec les « Amis de la Terre » de Brice Lalonde permet à Antoine Lefébure de lancer officiellement Radio Verte le 13 mai 1977. Le gouvernement de Giscard réagit immédiatement par le brouillage et des inculpations mais la presse relaie largement la « bataille des radios libres » alors que les stations illégales se multiplient comme Radio Onz' Débrouille, Radio 93, Radio Bastille à Paris ou Radio libre 44 à Rennes, Radio Campus à Lille, Radio Canut à Lyon... Des centaines de stations mènent pendant 4 ans une véritable guérilla des ondes. On verra même des giscardiens dissidents créer Radio fil bleu à Montpellier. Certaines stations sont créées autour de luttes spécifiques pour faire entendre la voix des grévistes : c'est le cas par exemple de Lorraine cœur d'acier, fondée à l'initiative de la CGT de Longwy pour protester contre la fermeture d'usines sidérurgiques (la CFDT de Longwy créera en parallèle la radio SOS Emploi).

Afin de coordonner le mouvement des radios libres les pionniers de Radio Verte et quelques radios historiques amies créent l’Association pour la Libération des Ondes (ALO) soutenue par des intellectuels comme Gilles Deleuze et Umberto Eco. L’association fait construire des émetteurs FM bon marché et puissants par ses techniciens, multiplie les contacts internationaux avec les radios d’Italie légalisées et les pirates anglais. Une rencontre internationale des radios libres est organisée à Longwy rassemblant radios militantes et stations commerciales. Félix Guattari se sépare de l’ALO pour créer une Fédération Nationale des Radios Libres (FNRL) résolument hostile à tout financement publicitaire.

L’opposition socialiste soutient le combat des radios libres pour la liberté d’expression sans pour autant promettre la fin du monopole. Néanmoins, la création par des militants socialistes de Radio Riposte et l’inculpation de François Mitterrand crée un précédent. La multiplication des opérations de police, parfois spectaculaires, contre les émetteurs illégaux suscite une désapprobation générale qui explique en partie le vote massif des jeunes générations en faveur de Mitterrand lors des élections présidentielles de 1981.

Le nouveau pouvoir socialiste considère pourtant avec une certaine méfiance l’essor anarchique des radios libres. Un media nouveau qui pourrait être manipulé par la droite voire l’extrême droite désormais dans l’opposition. Par ailleurs la presse quotidienne régionale défend avec vigueur auprès de Pierre Maurois son monopole des ressources publicitaires locales. C’est pourquoi le brouillage persiste après mai 1981 et que les premières propositions de libéralisation imposent aux stations indépendantes des puissances d’émission limitées à quelques kilomètres et l’interdiction de toutes ressources publicitaires. Mais sur le terrain la situation est devenue irréversible avec des centaines de radios qui émettent au grand jour, bien décidées à ne pas se laisser faire.

[modifier] Légalisation des radios libres

Cependant, l’absence de réel contrôle des fréquences finit rapidement par causer des nuisances entre radios, parfois à cause d’utilisation d’émetteurs de mauvaise qualité ou d'une course à la puissance, mais souvent car les projets d'exploitation se multiplient en absence de véritable plan de fréquence, avec cependant l’appui et les intérêts financiers des groupes de presse régionaux et nationaux qui voient dans les radios communautaires des menaces à leur recettes publicitaires.

[modifier] Création d'une autorité de régulation

Aussi, après cette date, la bande FM devient l’objet de convoitise de groupes commerciaux et le Gouvernement est sommé, notamment pour des raisons techniques et de confort d’écoute, de mettre de l’ordre et d’attribuer rationnellement les fréquences de la Bande FM. La plupart des stations FM indépendantes historiques (comme Carbone 14 à Paris) disparaissent. Les stations "élues" entrent de plain pied dans une logique commerciale concurrentielle, et sont placées sous la tutelle de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, ancêtre du CSA actuel.

Devant la pléthore de demande d’autorisation, la Haute Autorité établit des cahiers des charges concernant les programmes et visant à maintenir une pluralité de contenu (notamment pour la justification des ressources), certains critères de qualité (quotas de programmes d'origine française ou francophone pour défendre la production artistique nationale), le respect de normes techniques pour l'interopérabilité des récepteurs et la stabilité des fréquences autorisées, et une stricte délimitation des zones de couverture et des puissances afin d'éviter les brouillages entre radios voisines, publiques ou non, le respect des droits d'auteur (écoute et contrôle des émissions), une concurrence équitable, et la protection légale des licences autorisées contre les abus.

La radio devient alors un véritable marché commercial concurrentiel dans un cadre légal strict, mais encore critiquable à cause du manque d'indépendance de l’Autorité, notamment en matière de régulation de la télévision (car ses membres sont nommés et révoqués par le gouvernement souvent dans la sphère politique sans faire appel aux professionnels, ceci favorisant trop l'offre publique jugée protectionniste). D’autre part, l’attribution des fréquences ne se fait toujours pas sur la base d'appels d'offres publics ouverts et transparents, la Haute Autorité ne motivant pas toujours ses décision ou appliquant parfois les règles différentes ou changeantes, et impose des sanctions discriminatoires entre radios pour les mêmes faits, souvent à cause du flou juridique dans lequel elle opère et qui nécessite encore trop l'appel au dispositif réglementaire gouvernemental pour faire appliquer ses décisions.

En 1986, la Haute Autorité est remplacée par la Commission nationale de la communication et des libertés. Les autorisations de fréquences rendues par la CNCL en 1987 font l'objet de plusieurs scandales : d'abord la part belle accordée aux stations commerciales et le peu de cas fait aux continuatrices des radios libres, les radios associatives non-commerciales; mais également le peu de transparence dans le choix des fréquences. Une petite station associative, Radio Laser, qui fait partie des radios exclues, engage ainsi un procès contre Radio Courtoisie pour "corruption active" de la CNCL et les membres de la CNCL sont parallèlement poursuivis pour "forfaiture". Michel Droit, alors membre de la Commission, est particulièrement visé - il obtiendra un non-lieu par le tribunal de Rennes en 1988, après de multiples péripéties judiciaires.

Très affaiblie par ces controverses, la CNCL est remplacée en 1989 par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) qui obtient des compétences accrues, une plus grande indépendance d'action, et un meilleur appui juridique pour appliquer ces décisions. À la régulation par le gouvernement succède alors la régulation par le marché, où le CSA dispose d'un pouvoir de décision plus important mais agit surtout comme un médiateur où intérêts publics et privés sont concertés entre les différents acteurs du marché et avec plus de transparence.

[modifier] Concentration et création de réseaux de radios

Bon nombre de radios qui s'étaient appuyées sur le mouvement des radios libres prennent néanmoins un tournant commercial dès le milieu des années 1980. Un certain nombre de réseaux se créent à partir de ces années : les "grandes" stations de radios deviennent la proprieté de puissants groupes de communication (tels NRJ ou Fun Radio) capables de vendre leur programme à nombre de stations locales (ce qui leur évite ainsi d’acheter des droits de diffusion à prix prohibitif et leur permet d'obtenir certains marchés publicitaires grâce à l'apport de la régie publicitaire du groupe).

Certaines radios locales conservent leur nom et une tranche de programmation locale. Le CSA a légalisé la concentration des locales en "réseaux de radios indépendantes" .Beaucoup sont alimentés par l'achat de programmes à des groupes (hormis pour la publicité locale).Le rôle du CSA est de veiller à la pluralité et d'éviter la création de monopoles par agrégation au sein du même réseau de plusieurs radios autorisées dans le même secteur.

Dans les années 1990 et 2000, certaines stations fusionnent leurs activités au sein de ces réseaux, ou sont rachetées par celles disposant d'une régie publicitaire plus puissante offrant la couverture demandée par les annonceurs. D’autres s’organisent en syndicats non commerciaux permettant à chacune de conserver leur indépendance en terme de programmation, le regroupement permettant de financer des programmes communs ou d’offrir une couverture mieux adaptée aux annonceurs, et d'assurer une promotion mutuelle auprès de leurs auditeurs.

[modifier] Résistance du tissu de radios associatives

Des dizaines de radios associatives, à vocation locale, sociale et culturelle, en marge des logiques commerciales, ont lutté pour maintenir leurs activités ou se sont créées plus récemment, notamment dans les régions. C’est le cas, par exemple, de Radio Ici et Maintenant, Aligre FM, Radio Libertaire ou Fréquence Paris Plurielle à Paris, d’Antenne d'Oc dans le Lot, de RVR (Radio Val de Reims) à Amplepluis dans le Rhône, de Radio Canut à Lyon, de Radio Dio à Saint-Etienne, de Radio Zinzine, de Radio Prun' à Nantes ou Radio Galère dans le Sud-Est.

Les radios associatives non-commerciales sont notamment soutenues par le Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). Elles sont autorisées à diffuser de la publicité, jusqu'à hauteur de 20 % de leur budget - un certain nombre de stations, attachées à leur totale indépendance éditoriale, refusent cependant d'employer cette ressource.

D'autres radios à caractère religieux adoptent également le statut associatif. Les radios chrétiennes, comme Radio Dialogue à Marseille mais aussi dans toute la France et les pays francophones, produisent et diffusent des programmes d'informations religieuses et générales sous le label COFRAC.

Fin 2004 était créé en France le premier Syndicat National des Radios Libres (SNRL). Il s’inscrit dans la continuité de la Charte des radios libres qui regroupait en 2004 plus de 283 radios associatives.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Sources

  • Au Coeur des Radios Libres, J. Benetière & J. Soncin, L'Harmattan, 1989
  • La folle histoire des Radios libres, Annick Cojean & Frank Eskenazi, Grasset, 1984.

[modifier] Liens externes