Gilles Deleuze

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Gilles Deleuze
Philosophe occidental
Philosophie contemporaine
Naissance : 18 janvier 1925 (Paris)
Décès : 4 novembre 1995 (Paris)
École/tradition : Empirisme, vitalisme, philosophie continentale, post-structuralisme
Principaux intérêts : philosophie, histoire de la philosophie, politique, psychanalyse, esthétique (cinéma)
Idées remarquables : Corps-sans-organes, déterritorialisation, devenir, événement, ligne de fuite, plan d'immanence, plan de consistance, rhizome,
Influencé par : Spinoza, Nietzsche, Bergson, Leibniz
A influencé : Éric Alliez, Alain Badiou, Barbara Cassin, Jean-Clet Martin, Toni Negri, Frédéric Neyrat, Peter Sloterdijk, Michel Onfray, André Scala, Arnaud Villani, François Zourabichvili, Jean Baudrillard, Miguel Benasayag, Richard Pinhas

Gilles Deleuze est un philosophe français né à Paris le 18 janvier 1925 et mort à Paris le 4 novembre 1995. Des années 60 jusqu'à sa mort, Deleuze a écrit de nombreuses œuvres philosophiques très influentes, sur la philosophie, la littérature, le cinéma et la peinture. D'abord perçu comme un simple historien de la philosophie, Deleuze se révèle vite un créateur en philosophie. Ses œuvres, Différence et répétition, Logique du sens, L'Anti-Oedipe et Mille plateaux (ces deux dernières écrites avec Félix Guattari), ont un retentissement mondial et marquent un renouveau de la philosophie. La pensée deleuzienne est l'une des poussées les plus fortes du post-structuralisme.

Sommaire

[modifier] Biographie

Entre 1944 et 1948, il fait ses études de philosophie à la Sorbonne, où il rencontre Michel Butor, François Chatelet, Claude Lanzmann, Olivier Revault d'Allonnes, Michel Tournier. Ses professeurs sont Ferdinand Alquié, Georges Canguilhem, Maurice de Gandillac, Jean Hyppolite.

Après l'agrégation en 1948, il se consacre à l'histoire de la philosophie.

En 1969, il présente comme thèse principale, Différence et répétition (directeur, Maurice de Gandillac) ; et comme thèse secondaire, Spinoza et le problème de l’expression (directeur, Ferdinand Alquié).

La même année, c'est la rencontre avec Félix Guattari[1] ; suivra entre eux une longue et fructueuse collaboration[2]. C'est une de ses influences décisives, avec Spinoza, Nietzsche, Henri Bergson et Leibniz.

À l'Université de Vincennes, où il enseigna jusqu'à sa retraite universitaire en 1987, Gilles Deleuze fut, de l'avis de beaucoup, un professeur extraordinaire ; comme dans ses ouvrages d'histoire de la philosophie, il parvenait, selon ses partisans, à conjuguer la rigueur et l'érudition de l'universitaire à la plus grande imagination conceptuelle, le tout en des termes simples. Ses cours connurent un grand succès, attirant un public nombreux, international et diversifié. Grâce à sa femme, Fanny Deleuze, une partie importante de cet enseignement est disponible, transcrit à la lettre, sur le site de Richard Pinhas[3].

«Un jour, peut-être, le siècle sera deleuzien.» Tel fut le sentiment de Michel Foucault à l'égard d'un philosophe qui marqua profondément la pensée de la fin du XXe siècle. On demanda à Deleuze comment il interprétait cette phrase ; il répondit que Foucault pensait sans doute qu'il représentait l'expression la plus pure de la pensée de la différence, car il en était l'expression purement conceptuelle, c'est-à-dire ni historique (comme Michel Foucault), ni critique (comme Roland Barthes, par exemple), etc. : « il voulait sans doute dire que j'étais le plus innocent, le plus philosophe ».

Atteint d'une grave maladie respiratoire, Gilles Deleuze s'est suicidé le 4 novembre 1995. « Ce sont [les] organismes qui meurent, pas la vie »[4].

Il est le père de Émilie Deleuze, réalisatrice française, et de Julien Deleuze (traducteur de l'anglais).

[modifier] Philosophie

[modifier] Histoire et devenir de la philosophie

Ses premières œuvres, écrites sur des philosophes (Hume, Kant, Nietzsche, Bergson) et des écrivains (Proust, Sacher-Masoch), sont rapidement considérées comme des ouvrages de référence. Toutes témoignent d'un effort pour saisir ce qu'il y a d'essentiellement nouveau chez chacun de ces auteurs. En développant ces apports historiques, Deleuze pose aussi les jalons d'un système philosophique axé sur la production du nouveau (ou création), et qui célèbre ainsi la vie. Sa thèse, avec d'une part Différence et répétition, qui élabore une conception neuve de la différence (comme première et non pensée sur fond d'identique), et d'autre part Spinoza et le problème de l'expression, qui élabore la conception d'une vie toute entière immanente (ou Dieu et l'être ne font qu'un), marque une avancée décisive dans le déploiement de cette philosophie. (à continuer)

Pour Deleuze, « la philosophie est l'art de former, d'inventer, de fabriquer des concepts » (Qu'est-ce que la philosophie ?), chose dont il ne s'est jamais privé. Il assure que la philosophie ne s'adresse pas qu'aux spécialistes, et l'on peut dire de lui ce qu'il disait de Spinoza : tout le monde est capable de le lire, et d'en tirer de grandes émotions, ou de renouveler complètement sa perception, même s'il en comprend mal les concepts. Inversement, un historien de la philosophie qui n'en comprend que les concepts n'a pas une compréhension suffisante.

« Il faut les deux ailes, comme disait Jaspers, ne serait-ce que pour nous emporter philosophes et non-philosophes vers une limite commune. » (Pourparlers, p. 225)

Dans l'Abécédaire, il raconte que ce qui lui a le plus fait plaisir, dans le courrier qu'il a reçu après la publication du Pli, ce n'étaient pas les lettres d'universitaires, mais celles d'un club d'origamistes et d'un club de surfeurs.

Pour le lecteur, que la lecture soit toute récente ou fort ancienne, Deleuze, c'est toujours un labyrinthe. La lecture trop fraîche le prend pour une « machine à dérouter », on le conçoit ensuite plutôt comme « machine à orienter ». C'est à la condition de disposer des segments nécessaires pour re-construire soi-même le principe de ce labyrinthe, afin de s'y orienter et d'y orienter le lecteur[5].

[modifier] Clinique et politique

Le premier concept proposé par Gilles Deleuze est celui du plan de consistance, qu'il rejettera ensuite au profit de celui de plan d'immanence.

La philosophie de Deleuze est celle d'une immanence absolue. Pas de transcendant, pas de négation, pas de manque, mais une culture de la joie, une dénonciation radicale des pouvoirs. Une philosophie de la vie et de la pure affirmation, de l'immanence, donc, comme sortie des frontières du sujet :

« En chacun de nous, il y a comme une ascèse, une partie dirigée contre nous-mêmes. Nous sommes des déserts, mais peuplés de tribus, de faunes et de flores. (...) Et toutes ces peuplades, toutes ces foules, n'empêchent pas le désert, qui est notre ascèse même, au contraire elles l'habitent, elles passent par lui, sur lui. (...) Le désert, l'expérimentation sur soi-même, est notre seule identité, notre chance unique pour toutes les combinaisons qui nous habitent. » (Dialogues, p. 18)

La philosophie de Deleuze croise ici une première fois les intérêts de Foucault, ceux pour la folie. Tous deux pensèrent en effet sérieusement à la folie et à un dialogue possible avec elle. Si Foucault le fit en la prenant comme un objet historique complexe dont il lut la genèse comme l'envers et la condition non-nécessaire de notre pensée (« la pensée de la folie n'est pas une expérience de la folie, mais de la pensée : elle ne devient folie que dans l'effondrement »), Deleuze, à son tour, dans son rapprochement avec Guattari, céda à la tentation de ces parages dans la création de ses propres concepts. Peut-être le « rhizome » est-il l'expression extrême de cela. En fait on peut y penser comme à un rayon X de la pensée du dehors, dans sa logique la plus intime, c'est-à-dire quand elle est le plus tournée vers le dehors. On trouve en elle l'ouverture d'un désert, la mobilité oubliée, la connectivité errante, la prolifération multidirectionnelle, l'absence de centre, de sujet, d'objet – une topologie et une chronologie qui sont assez hallucinatoires. En bref, on ne trouve pas la carte d'un autre monde mais plutôt l'autre cartographie possible de tous les mondes – ce qui fait précisément ce monde en être un autre, nous délivrant des chaînes de la quotidienneté.

« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. » (Dialogues, p.81)

Deleuze a sur la fin de sa vie esquissé – second croisement – le prolongement d'une idée de Foucault qui envisageait la fin des sociétés disciplinaires. Selon lui, celles-ci sont en train de laisser place aux sociétés de contrôle[6] :

« Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et illimité, tandis que la discipline était de longue durée, infinie et discontinue... L'homme n'est plus l'homme enfermé, mais l'homme endetté. » (Pourparlers, p.246)

[modifier] Cinéma

[modifier] Action, réaction

L'analyse que Deleuze fait du Cinéma est largement basée sur l'œuvre d'Henri Bergson: Matière et mémoire. D'un point de vue physiologique et de manière très simplifiée (mais suffisante dans le cadre présent), la perception humaine suit le schème sensori-moteur suivant :

  • des capteurs (œil, oreille...) reçoivent de l'information dans notre environnement. Ils captent l'action de l'environnement sur nous.
  • cette information est envoyée, via des nerfs sensoriels vers le cerveau.
  • ce cerveau est capable de prendre une décision de réaction à l'environnement.
  • le signal de réaction est transmis via des nerfs moteurs vers des muscles.
  • ces muscles réalisent effectivement la réaction.

Le cerveau humain est donc fondamentalement à l'interface entre des actions reçues et des réactions émises. Il fonctionne toujours selon le principe d'action-réaction.

Contrairement à une idée répandue, nos perceptions ne sont pas de simples copies mentales de notre environnement. C'est-à-dire qu'elles ne se résument pas au signal envoyé par les capteurs au cerveau. C'est ce signal sensoriel traité par le cerveau afin d'envisager les réactions possibles qui constitue notre perception. La perception n'est pas l'action reçue, mais l'ensemble des réponses possibles à cette action.

[modifier] Habitude et réflexion pure

Entre l'action et la réaction, il peut s'écouler un laps de temps plus ou moins long.

Dans le cas extrême de l'habitude, la réaction s'enchaîne de manière quasi-instantanée avec l'action. Il ne s'agit pas de réflexe, mais lorsqu'une séquence d'action est effectuée souvent, l'enchaînement est bien connu, et peut être réalisé rapidement et sans nécessiter de concentration. Ce qui permet de gagner en efficacité, en rapidité et libère le cerveau. Un exemple typique est l'apprentissage de la conduite: d'abord éprouvante, elle devient de moins en moins pénible au fur et à mesure que les séquences de mouvements deviennent habituelles. Un autre exemple, sorte d'effet de bord, est l'écoute d'un disque bien connu, lorsque la fin d'un morceau nous rappelle le début du suivant. La séquence est ici connue par cœur et nous anticipons l'action suivante par habitude.

Mais que se passe-t-il si nous activons la lecture aléatoire ? Le morceau attendu n'est pas joué, remplacé par un autre. Nous sommes perturbés. Et c'est là la limite de l'habitude: elle n'est absolument pas adaptable. Dès lors que l'on se trouve dans une situation peu courante, l'habitude est totalement inefficace. Il faut alors faire appel à sa mémoire, rechercher dans notre passé des expériences pas trop éloignées, capable de nous éclairer sur le choix à faire dans la situation présente. Il faut réfléchir, et cela prend du temps. Nécessairement, le temps entre l'action reçue et la réaction apportée s'étire. A l'extrême limite, ce temps devient infiniment long: c'est la réflexion pure. L’action ne donne plus lieu à une réaction, le schème sensori-moteur est brisé.

Il s'agit de deux extrêmes et le fonctionnement réel du cerveau oscille en permanence entre les deux. Le choix dépend des besoins du moment et du temps disponible. Si j'ai une décision très importante à prendre, je vais prendre le temps de réfléchir, prendre le temps d'étudier les divers arguments. C'est le temps nécessaire à la réflexion qui décide du moment de la réaction : prendre une décision censée. Mais si je suis dans mon transat' et qu'un ballon arc-en-ciel se dirige vers moi, je vais m'écarter rapidement et renverser le cocktail que je tenais à la main : la réaction est rapide mais pas optimale. Si j'avais eu le temps, j'aurais pensé au cocktail et me serais déplacé différemment. Mais voilà, je n'ai pas eu le temps, le danger était trop imminent. Le temps disponible pour la réflexion est contraint par l'urgence de l'action/réaction.

[modifier] Image-mouvement, image-temps

Gilles Deleuze illustre la réflexion précédente à travers le cinéma.

De la même manière que le cerveau fonctionne entre deux types extrêmes, on retrouve au cinéma deux grandes images correspondantes. D'un coté l'image-mouvement, qui repose sur le schème sensori-moteur (l’action donne lieu à une réaction.) De l'autre l'image-temps, reposant sur la réflexion pure. Dans la première image, l'action décide du temps. Un personnage sort de la pièce - cut - le même personnage est vu en extérieur sortant de chez lui et empruntant la rue. Le plan a été coupé parce que le personnage n'avait plus rien à y faire. C'est l'action (la sortie du personnage) qui arrête le plan et décide de sa durée. Le plan suivant constitue la réaction. Le temps dépend de l’action. : « L’image-mouvement […] nous présente un personnage dans une situation donnée, qui réagit à cette situation et la modifie… Situation sensori-motrice. »[7] L’image-mouvement constitue une grosse majorité des images que nous voyons, et pas seulement des films d’actions. Un simple dispositif d’entrevue avec un journaliste et une personnalité, champ sur le journaliste qui pose sa question, contrechamp sur l’interviewé qui y répond, relève de l’image-mouvement pure et simple.

Mais prenons maintenant le plan suivant : Un père part pêcher avec son fils qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Ils s’installent sur les berges. Le contact est difficile, ils ne disent rien, ils regardent à l’horizon. Cela dure un certain temps, nettement plus long que le temps nécessaire au spectateur pour comprendre simplement qu’ils pêchent. Cut. Le plan suivant n’a rien à voir. Par exemple, la mère emmène le fils en voiture à la ville. Il n’y a pas de lien de cause à effet entre les deux plans. On ne saurait pas dire si cela se passe avant ou deux heures plus tard ou le mois suivant. Le fait d’aller pêcher n’a donné lieu à aucune réaction, et si le plan avait duré plus longtemps il ne se serait rien passé de nouveau. La durée du plan n'est plus décidée par l'action, le temps est indépendant de l'action. On ne connaît pas le résultat de la pêche et ça n’a aucune importance. Ce plan fait partie de ce que Gilles Deleuze appelle  :« une situation optique et sonore pure. » Ce qu’on retrouve dans le « film ballade. » On peut penser à Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood, Dead Man de Jim Jarmush par exemple.

Historiquement, le cinéma a commencé par utiliser essentiellement cette image-mouvement. Elle est associée à la logique, à la rationalité. Lors d’un champ-contrechamp entre deux personnages qui se parlent, on n’a pas le choix du moment des coupes : elles suivent les interventions des personnages. A toute question, on attend une réponse cohérente. On attend, c’est-à-dire que l’on se retrouve dans le cadre de l’habitude, on anticipe non pas forcément le contenu de la réponse, mais au moins qu’une réponse va être donnée et on sait par avance qu’elle surviendra à la fin de la question.

Gilles Deleuze situe l’arrivée de l’image-temps après la Seconde Guerre mondiale : on ne croît plus à ce principe d’action-réaction. La guerre est une action complexe qui nous dépasse, il n’est pas possible de réagir, de modifier la situation, de la rendre claire. D’où l’apparition de l’image-temps avec le Néo-réalisme italien, puis la nouvelle vague française, et la remise en cause du cinéma hollywoodien aux États-Unis. Les Héros de Federico Fellini (La Dolce Vita) ou de Luchino Visconti (Mort à Venise) sont désenchantés, ils refusent d’agir, de choisir. Et c'est déjà beaucoup dire qu'ils refusent d'agir. Le schème sensori-moteur se rompt parce que le personnage a vu quelque chose de trop grand pour lui. Deleuze revient constamment sur une image de Europe 51 de Rossellini : la femme passe devant une usine, s'arrête. "j'ai cru voir des condamnés". La souffrance est trop forte pour qu'elle continue sa route comme d'habitude. L'image-temps vient rompre avec l'Habitude et fait entrer le personnage dans la dimension du temps : "un morceau de temps à l'état pur". Et c'est cela qui intéresse Deleuze pour son propre compte dans la cinéma, à savoir la manière dont l'image cinématographique peut exprimer un temps qui soit premier par rapport au mouvement. Ce concept de temps est construit par rapport au concept Bergsonien de temps et se développe selon deux modalités. Le temps, c'est d'abord le temps présent, ici et maintenant. Mais, selon une seconde modalité, le temps ne cesse pas de se déployer dans deux directions, passées et futures. C'est pourquoi Deleuze insiste dans son analyse de Visconti sur le "trop tard". Dans Mort à Venise, l'artiste comprend trop tard ce qui a manqué à son oeuvre. Alors qu'il est ici et maintenant en train de pourrir, de se décomposer au présent, le personnage comprend en même temps, mais comme dans une autre dimension, dans la lumière aveuglante du soleil sur Tadzio, que la sensualité lui a toujours échappée, que la chair et la terre ont manqué à son oeuvre.

Cette conception de l'image-temps amène Deleuze à poser l'assertion suivante : "l'image de cinéma n'est pas au présent". En effet, si le temps ne cesse pas d'insister, de revenir sur lui-même, et de constituer une mémoire en même temps qu'il passe, alors ce que nous montrent les films, ce sont des zones de la mémoire, des "nappes de passé", qui occasionnellement se concentrent et convergent dans des "pointes de présent". A cet égard, Orson Welles est bien un des plus grands réalisateurs modernes en tant qu'il a saisi cette dimension mnésique de l'image. Citizen Kane est un film construit en mémoire, où chaque section, chaque zone apparaît comme une couche stratifiée qui vient converger ou diverger avec d'autres zones. Chaque "nappe de mémoire" apparaît grâce à l'utilisation de la profondeur de champ faite par Welles : celle-ci, à l'image du temps lui-même, permet d'agencer, dans la même image différents mouvements, différents événements qui forment comme un monde à soi, à l'image du souvenir Proustien, duquel Deleuze tire l'expression propre de l'image-temps : "un petit morceau de temps à l'état pur."

Tout comme le cerveau oscille entre habitude et réflexion, il est bien sûr possible de mélanger les deux images. Reprenons notre homme qui sort de chez lui: l’image mouvement voudrait que le cut survienne quand il passe la porte. Maintenant, la caméra s’attarde une, peut-être deux secondes dans la pièce vide, puis cut, et plan extérieur. L’image-mouvement est pervertie : il y a bien action et réaction, mais le temps ne correspond pas, créant un sentiment de gène : pourquoi la caméra s’attarde-t-telle dans cette pièce vide ou il ne se passe plus rien ? Ou alors il y a action et réaction mais la réaction n’est pas logique. Pensez à Lost Highway de David Lynch par exemple. On n’y compte plus les plans “trop long”, les espaces sombres et vides, les réponses improbables, les absences de réponses…

[modifier] Notes et références

  1. Cf. « Deleuze/Guattari : histoire d'une rencontre » par Anne Querrien, Magazine littéraire, n°406, février 2002
  2. Notamment avec la création de la revue Chimères.
  3. Webdeleuze : cours de Deleuze, en français, anglais, espagnol...
  4. « C’est la puissance d’une vie non-organique, celle qu’il peut y avoir dans une ligne de dessin, d’écriture ou de musique. Ce sont ces organismes qui meurent, pas la vie. Il n’y a pas d’œuvre qui n’indique une issue à la vie, qui ne trace un chemin entre les pavés. »
    Entretien de Gilles Deleuze avec Raymond Bellour et François Ewald : « Signes et événement », dans le Magazine littéraire, 1988, p.20
  5. Voir, pour l'exemple, les Causeries sur Deleuze par René Schérer (Les Conférences du mardi à la Maison Populaire de Montreuil 2004/2005)
  6. Voir son Post-scriptum sur les sociétés de contrôle. Cependant, « si, en fait, il existe une analogie aux démarches schizoanalytique de Deleuze-Guattari et généalogique de Foucault, elle serait à chercher du côté d'une même machinerie travaillant sur des agencements d' objets partielsdésir, pouvoir, corps –, que ceux-ci s'effectuent à des niveaux locaux ou régionaux. » (Stéphane Nadaud, « Généalogie et schizoanalyse », Chimères, n°54/55, 2004)
  7. Cours de G. Deleuze du 31/01/84, voir www.webdeleuze.com,

[modifier] Le vocabulaire de Deleuze

[modifier] Œuvres

  • Empirisme et subjectivité. Essai sur la nature humaine selon Hume, Presses Universitaires de France, Paris, 1953, 152 p.
  • Nietzsche et la philosophie, Presses Universitaires de France, Paris, 1962.
  • La Philosophie critique de Kant, Presses Universitaires de France, Paris, 1963.
  • Proust et les signes, Presses Universitaires de France, Paris, 1964.
  • Nietzsche, Presses Universitaires de France, Paris, 1965.
  • Le Bergsonisme, Presses Universitaires de France, Paris, 1966, 119 p.
  • Présentation de Sacher-Masoch : La Vénus à la fourrure. Paris, Éd. de Minuit, 1967, 276 p.
  • Spinoza et le problème de l'expression, Les éditions de Minuit (coll. « Arguments »), Paris, 1968, 332 p.
  • Différence et répétition, Presses Universitaires de France, Paris, 1968, 409 p.
  • Logique du sens, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1969, 392 p..
  • L'Anti-Œdipe - Capitalisme et schizophrénie, en collaboration avec Félix Guattari, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1972, 494 p.
  • Kafka. Pour une littérature mineure, en collaboration avec Félix Guattari, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1975, 159 p.
  • Rhizome, en collaboration avec Félix Guattari. Paris, Éd. de Minuit, 1976. (Repris dans Mille-Plateaux.)
  • Dialogues avec Claire Parnet. Paris, Flammarion, 1977, 184 p. ; 2e éd. 1996, coll. « Champs », 187 p. (contient une annexe sur L'actuel et le virtuel)
  • Superpositions, en collaboration avec Carmelo Bene. Paris, Éd. de Minuit, 1979, 131 p.
  • Mille Plateaux - Capitalisme et schizophrénie 2, en collaboration avec Félix Guattari, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1980, 645 p.
  • Spinoza - Philosophie pratique, Les éditions de Minuit, Paris, 1981, 177 p.
  • Francis Bacon : logique de la sensation (2 vol.). Paris, Editions du Seuil (coll « L'ordre philosophique»), 1981, 158 p.
  • L'image-mouvement. Cinéma 1, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1983, 298 p.
  • L'image-temps. Cinéma 2, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1985, 378 p.
  • Foucault, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1986.
  • Le Pli - Leibniz et le baroque, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1988, 191 p. (extrait)
  • Périclès et Verdi. La philosophie de François Châtelet, Les éditions de Minuit, Paris, 1988, 27 p.
  • Pourparlers 1972 - 1990, Les éditions de Minuit, Paris, 1990 (extrait : « Les intercesseurs »).
  • Qu'est-ce que la philosophie ?, en collaboration avec Félix Guattari, Les éditions de Minuit (coll. « Critique »), Paris, 1991, 206 p. (extrait)
  • « L’Épuisé », postface à Quad, de Samuel Beckett. Paris, Éd. de Minuit, 1992.
  • Critique et clinique, Les éditions de Minuit (coll. « paradoxe »), Paris, 1993.
  • L'Île déserte et autres textes. Textes et entretiens 1953-1974, Les éditions de Minuit (coll. « paradoxe »), Paris, 2002.
  • Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, Les éditions de Minuit (coll. « paradoxe »), Paris, 2003.

[modifier] Film

[modifier] Vidéo

  • L'Abécédaire de Gilles Deleuze, de Pierre-André Boutang, entretiens avec Claire Parnet, Éditions Montparnasse, 2004.
  • 2 moteurs de recherche sémantique un et deux de vidéos sur le Web pour "Deleuze".
  • En mai 2006 la Rai Tre a diffusé plusieurs heures d'enregistrements vidéos des cours de Deleuze à Vincennes (1975-1976-1980)
  • Le Point de vue, cours sur Leibniz - novembre 1987 - 140 mn - réalisation M. Burkhalter - Bibliothèques publiques (service du livre)

[modifier] Audio

  • Artifice et société dans l'œuvre de Hume (15 min. 1956), Le Dieu de Spinoza (4 min. 1960), Le Travail de l'affect dans l'éthique de Spinoza (8 min. 1978), 3 interventions réunies dans Anthologie sonore de la pensée française par les philosophes du XXe siècle Editions INA / Frémeaux & Associés, 2003.
  • Spinoza, immortalité et éternité, 2 CD, Gallimard, « A voix haute », 2005.
  • Leibniz, âme et damnation, 2 CD, Gallimard, « A voix haute », 2005.
  • Gilles Deleuze, cinéma, 6 CD, Gallimard, « A voix haute », 2006.
  • La voix de Gilles Deleuze en ligne, enregistrements des cours donnés à l'université Paris VIII Saint-Denis et leurs transcriptions.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie sur Gilles Deleuze

Elles sont nombreuses, en France comme dans le monde anglo-saxon. Parmi elles :

  • Éric Alliez, La Signature du monde, ou Qu'est-ce que la philosophie de Deleuze et Guattari, Cerf, 1993.
  • François Zourabichvili, Deleuze. Une philosophie de l'événement, PUF, 1994.
  • Éric Alliez, Deleuze : philosophie virtuelle, Les Empêcheurs de penser en rond, Le Plessis-Robinson, 1996, 55 p.
  • Alain Badiou, Deleuze. La clameur de l'être, Hachette, 1997.
  • Alberto Gualandi, Deleuze, Les Belles Lettres, coll. Figures du Savoir, 1998.
  • Manola Antonioli, Deleuze et l'histoire de la philosophie, Kimé, 1999.
  • Arnaud Villani, La guêpe et l'orchidée : essai sur Gilles Deleuze, Belin, Paris, 1999, 137 p.
  • Manola Antonioli, Géophilosophie de Deleuze et Guattari, L'Harmattan, 2003.
  • Stefan Leclercq, Gilles Deleuze. Immanence, univocité, transcendantal, Editions Sils Maria, 2003, 215 p.
  • Philippe Mengue, Deleuze et la question de la démocratie, Editions l'Harmattan, Paris, 2003, 230 p.
  • François Zourabichvili Le vocabulaire de Deleuze, Ellipses, Paris, 2003, 95 p.
  • Alain Beaulieu, Gilles Deleuze et la phénoménologie, Editions Sils Maria, 2004, 282 p.
  • François Zourabichvili, Anne Sauvagnargues, Paola Marrati, La philosophie de Deleuze, Paris, PUF, coll. Quadrige, 2004.
  • Anne Sauvagnargues, Deleuze et l'art", PUF, coll. Lignes d'art, 2005.
  • Jean-Clet Martin, La philosophie de Gilles Deleuze, Payot, Paris, 2005, 360 p.
  • Jean-Philippe Cazier, «Littérature : la pensée et le dehors » (Deleuze-Foucault), Inculte, n°9, 2006.
  • Frédéric Astier, Les cours enregistrés de Gilles Deleuze - 1979-1987, Editions Sils Maria, 2006.
  • Arnaud Bouaniche, Gilles Deleuze, une introduction, coll. Agora, Pocket La Découverte, 2007.
  • François Dosse, Gilles Deleuze Félix Guattari, BIOGRAPHIE CROISÉE, La Découverte, 2007.

[modifier] Ouvrages collectifs

  • Rue Descartes : Gilles Deleuze. Immanence et vie, PUF, 1998 [réédité en 2006], 158 p. (Publication d'un colloque organisé au Collège international de philosophie.)
  • Eric Alliez (éd.), Gilles Deleuze, une vie philosophique, Les Empêcheurs de penser en rond, Le Plessis-Robinson, 1998, 576 p.
  • Yannick Beaubatie (sous la direction de), Tombeau de Gilles Deleuze, Tulle, Editions Mille Sources, 2000.
  • Revue Concepts, hors série, Gilles Deleuze 1, Editions Sils Maria, 2002.
  • Revue Concepts, hors série, Gilles Deleuze 2, Editions Sils Maria, 2003.
  • Les Cahiers de Noesis, n°3 : Le vocabulaire de Gilles Deleuze, 2003.
  • Revue Concepts n.8, Gilles Deleuze, Michel Foucault - Continuité et disparité, Editions Sils Maria, mars 2004, 119 p.
  • François Zourabichvili, Anne Sauvagnargues, Paola Marrati, La Philosophie de Deleuze, PUF, Paris, 2004, 340 p., (ISBN 2130547389).
  • André Bernold et de Richard Pinhas (éd.), Deleuze épars : approches et portraits, Hermann, Paris, 2005, 216 p.
  • Alain Beaulieu (dir.), Gilles Deleuze. Héritage philosophique, PUF, 2005.
  • Stéfan Leclercq (dir.), Aux sources de la pensée de Gilles Deleuze, Editions Sils Maria, 2006, 250 p.
  • Benoît Timmermans (dir.), Perspective. Leibniz, Whitehead, Deleuze, Vrin, 2006.
  • Paolo Godani, Delfo Cecchi (dir.), Falsi Raccordi - Cinema e filosofia in Deleuze, ETS Pisa, 2007