Réalisme magique

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L’appellation « réalisme magique » est utilisée depuis 1925 par la critique littéraire et la critique d’art pour rendre compte de productions où des éléments perçus et décrétés comme « magiques », « surnaturels » ou « irrationnels » surgissent dans un environnement défini comme « réaliste », à savoir un cadre visuel, historique, géographique, temporel, spatial, culturel ou linguistique vraisemblable, reconnaissable, parfaitement identifiable, détaillé et riche en notations. Elle est surtout associée aujourd’hui à certaines œuvres ou à quelques auteurs de la littérature latino-américaine du XXe siècle tels que l'Argentin Jorge Luis Borges ou le Colombien Gabriel García Márquez, nobelisé en 1982, qui avec son roman Cent ans de solitude publié en 1967, en a signé un genre de manifeste. L'origine de ce terme et sa portée sont pourtant beaucoup plus généraux car ils ont été utilisés pour qualifier une grande variété de romans, de poèmes, de peintures ou de films ainsi que pour définir différents styles, esthétiques, genres, courants, mouvements et écoles, tant en Europe qu’en Amérique, étendus notamment, de manière plus récente, à la world literature.

Sommaire

[modifier] Histoire

Le terme réalisme magique a été défini pour la première fois en 1925 par le critique d’art allemand Franz Roh, dans son livre Nach-expressionismus, magischer Realismus : Probleme der neuesten europäischen Malerei, pour décrire 4 parmi 7 nouveaux courants que ce critique distinguait dans la production picturale européenne des années 1920, en plus des styles encore dominants de l’impressionnisme et de l’expressionnisme. Parmi les peintres que Roh estime concernés par ce réalisme magique post-expressionniste se trouvent Carrá, De Chirico, Schrimpf, Mense, Derain, Coubine, Metzinger, Herbin, Miró, Grosz, Dix... Ce courant pictural sera officialisé en 1943 par l'exposition American Realists and Magic Realists du musée d'art moderne de New York, mais les critiques d’art européens avaient déjà adopté l’appellation “nouvelle objectivité” (neue Sachlichkeit) au détriment de celle proposée par Roh. L’appellation réalisme magique allait cependant être retenue en référence à certains écrivains allemands, flamands ou italiens, dont Ernst Jünger, Johan Daisne, Hubert Lampo et Massimo Bontempelli.

C’est par la traduction espagnole en 1928 du livre de Roh que l’appellation “realismo mágico” devint progressivement populaire d’abord dans les cercles littéraires latino-américains (en association au prix Nobel 1967 Miguel Ángel Asturias qui employait ce terme pour définir son œuvre, puis à Arturo Uslar Pietri, Julio Cortázar...), et à partir de 1955, parmi les professeurs de littérature hispanique dans les universités américaines. Entretemps, le lancement de la notion concurrente de “real maravilloso” par l’écrivain cubain Alejo Carpentier avait introduit une confusion qui alimente encore aujourd’hui le discours critique hispanophone et qui a suscité la création du terme de « réalisme merveilleux » dans les milieux littéraires antillais et brésiliens. La question qui n’a cessé de diviser les esprits dans les débats autour du réalisme magique et du « réel » ou « réalisme merveilleux » est celle de la nature des éléments magiques, merveilleux et mythologiques dans les textes ou œuvres d’art concernés : pour les uns, ces éléments sont des caractéristiques authentiques de la culture dont est issue l’œuvre (comme la foi dans la magie ou le miracle chez les populations indigènes, par opposition au rationalisme attribué à la civilisation occidentale). Pour les autres, il s'agit des aspects du style et de la psyché de l’auteur.

Dans les années 1960, un nouveau courant d'origine scientifique vient de surcroît brouiller les frontières des termes de « réalisme magique » et « merveilleux » plus qu'elles ne le sont déjà : la notion de « réalisme fantastique » voit en effet le jour. Mais celle-ci, liée à l'ésotérisme, au mysticisme ainsi qu'à l'étude ou l'illustration détaillée et plausible de phénomènes paranormaux, ne semble pas trop outrepasser le cadre de la science-fiction quant à son incidence dans le champ littéraire même si l'on note quelques exceptions (notamment dans certains textes de Borges).

Au début du XXIe siècle l’utilisation des termes respectifs de réalisme magique et de réalisme merveilleux est complexe. Le premier a bénéficié de la formidable caisse de résonance des universités nord-américaines où littérature latino-américaine et world literature anglophone se rencontrent, notamment au sein des cultural studies, alors que le second se cantonne aux milieux francophones antillais et canadiens. Il y a là un terrain d’étude fertile pour la littérature générale et comparée.

[modifier] Auteurs

Les auteurs suivants sont ou ont été associés au réalisme magique, bien que leurs œuvres relèvent également, pour certains, d'autres genres littéraires :

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Roh, Franz, Nach-expressionismus (Magischer Realismus): Probleme der neuesten europäischen Malerei, Leipzig, Klinkhardt & Biermann, 1925 (traduction française résumée dans l’ouvrage de Charles Scheel, 2005).
  • Mabille, Pierre, Le Miroir du Merveilleux, Paris, Le Sagitaire, 1940; Éditions de Minuit, 1962 (préface d'André Breton).
  • Alexis, Jacques Stephen, "Prolégomènes à un manifeste du Réalisme merveilleux des Haïtiens", No spécial 1er Congrès International des Écrivains et Artistes Noirs, Paris, Présence Africaine 8-10, 1956, p.245-271.
  • Chanady, Amaryll, Magical Realism and the Fantastic: Resolved Versus Unresolved Antinomy, New York et Londres, Garland Publishing, 1985.
  • Hancock, Geoff, "Magic or Realism: The Marvellous in Canadian Fiction" in Magic Realism and Canadian Literature: Essays and Stories, Peter Hinchcliffe et Ed Jewinski, éd., 1986, p.30-48.
  • Laroche, Maximilien, Contributions à l'étude du réalisme merveilleux, GRELCA (coll. "Essais"), Sainte-Foy, 1987.
  • Dupuis, Michel et Albert Mingelgrün, "Pour une poétique du réalisme magique, in Le Réalisme magique – Roman. Peinture. Cinéma, Jean Weisgerber, éd., 1er cahier du Centre d'étude des Avant-Gardes littéraires de l'Université de Bruxelles, Ed. L'Âge d'homme, 1987, p.219-32.
  • Zamora, Lois Parkinson, et Wendy B. Faris, éd., Magical Realism – Theory, History, Community, Durham et Londres, Duke University Press, 1995.
  • Cymerman, Claude, et Claude Fell, éd., "Réalisme magique et réel merveilleux" in La Littérature hispano-américaine de 1940 à nos jours, Paris, Nathan/HER, 2001, p.378-380.
  • Garnier, Xavier, éd., Le Réalisme merveilleux, (Centre d'Études Littéraires Francophones et Comparées de l'Université Paris XIII), Paris, L'Harmattan, 1998.
  • Ruaud, André-François, "Réalisme magique, un autre regard sur le monde", in Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux, Moutons électriques éditeur, Lyon, 2004.
  • Scheel, Charles W., Réalisme magique et réalisme merveilleux. Des théories aux poétiques. Préface de Daniel-Henri Pageaux. L’Harmattan, Paris, 2005.