Günter Grass

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Günter Wilhelm Grass
Günter Grass à Berlin en 2004
Naissance 16 octobre, 1927 à Danzig-Langfuhr (Ville libre de Dantzig )
Activité romancier, poète, dramaturge, sculpteur, graveur, peintre, graphiste et illustrateur
Nationalité allemande
Genre Roman picaresque, historique, humoristique, satyrique, dramatique, mythologique, fantastique
Sujet dénonciation des compromissions de l'Allemagne, relues de manière parodique et merveilleuse sous de multiples angles historiques; évocation du problème de la mémoire, du conflit de pouvoir entre les sexes et des inégalités politiques et sociales dans la société actuelle...
Influences La Chanson des Nibelungen, les fabliaux médiévaux, Boccace, François Rabelais, Cervantès, Grimmelshausen, Voltaire, Denis Diderot, Laurence Sterne, Hölderlin, Goethe, les frères Grimm, Jean Paul, Heinrich Heine, Rainer Maria Rilke, Friedrich Nietzsche, Theodor Fontane, Georg Trakl, Franz Kafka, Alfred Döblin, Gogol, Mikhail Boulgakov, James Joyce, George Orwell, le Nouveau roman, Albert Camus, Vladimir Nabokov
A influencé Gabriel García Márquez, Salman Rushdie, Philip Roth, John Irving, Michel Tournier, Haruki Murakami, José Saramago, Antonio Lobo Antunes, Patrick Süskind
Œuvres principales Le Tambour, Les Années de chien, Le Turbot, Une rencontre en Westphalie, La Ratte, En Crabe
Éditeurs Luchterhang Verlag, , Steidl Verlag Göttingen, Tagesbuch Verlag, Hardback and Paperback, Point-Seuil
Récompenses prix du Groupe 47 pour les deux premiers chapitres du Tambour, prix Georg Büchner, prix Nobel de littérature

Günter Wilhelm Grass est un écrivain et un artiste allemand né le 16 octobre 1927 à Dantzig (aujourd'hui Gdańsk, en Pologne).

Sommaire

[modifier] Biographie

Grass (orthographié autrefois: Graß) est né dans la Dantzig autonome, de parents commerçants (propriétaires d'une épicerie en produits coloniaux). Son père était allemand et sa mère kachoube. L'invasion par la Wehrmacht de la Pologne et de Gdańsk est approuvée par sa famille même si l'un des oncles polonais du jeune Günter est fusillé après avoir participé au siège de la Poste Polonaise (épisode relaté dans Le Tambour). Enrôlé dans les jeunesses hitlériennes, le garçon demande, à quinze ans, à s'engager dans les sous-marins, mais a rejoint à l'âge de 17 ans la 10e Panzerdivision SS Frundsberg des Waffen-SS en octobre 1944[1]. À la fin de la guerre, il est fait prisonnier par les Américains et libéré en 1946. Durant sa captivité, il aurait peut-être rencontré Josef Ratzinger, le futur pape Benoît XVI. Il dit n'avoir eu connaissance des horreurs perpétrées par le nazisme qu'après sa libération en entendant les aveux de Baldur von Schirach au Procès de Nuremberg. Effondré, horrifié par ces découvertes, Grass reste en Allemagne de l'Ouest où il mène une vie de bohème et tente tant bien que mal de se reconstruire après des drames familiaux (sa mère et certainement sa sœur auraient été violées par des soldats de l'Armée rouge). Après une traversée de l'Europe et des études d'arts plastiques à Düsseldorf, et à Berlin-Ouest auprès de Karl Hartung, il gagne sa vie grâce à ses sculptures et ses gravures. Également graphiste, illustrateur et peintre, il s'essaie à l'écriture, compose des poèmes et commence la rédaction d'un roman qui s'inspire lointainement de sa jeunesse. En 1955, il devient un proche du Groupe 47, mouvement de reconstruction et de réflexion littéraire dans l'Allemagne d'après-guerre. Il débute une carrière de poète en 1956 avec son recueil Le Journal des coquecigrues (Die Vorzüge der Windhühner) et de dramaturge en 1957 avec les pièces Tonton (Onkel, Onkel) et La Crue (Hochwasser). La même année, il obtient le prix du Groupe 47 après la lecture des deux premiers chapitres de son œuvre romanesque encore en chantier: Le Tambour. L'argent de la récompense lui permet de séjourner, entre 1956 et 1960, à Paris où il parachève la rédaction de l'ouvrage dans une petite chambre de la Place d'Italie. Il y fréquente les milieux littéraires et intellectuels de Saint-Germain-des-Prés, découvre le Nouveau roman, se lie d'amitié avec Paul Celan qui l'incite à lire Rabelais et prend position pour Albert Camus dans la querelle l'opposant à Jean-Paul Sartre. C'est en 1959 qu'il devient célèbre avec la publication du Tambour (Die Blechtrommel) qui obtient un succès planétaire. Le livre sera adapté au cinéma vingt ans plus tard par Volker Schlöndorff.

Dans les années 1960, il s'engage en politique et participe aux campagnes électorales des sociaux-démocrates allemands. Il organise d'ailleurs plusieurs meetings en faveur du futur chancelier Willy Brandt qu'il renseigne sur les affaires est-européennes et à qui il prodigue des conseils, notamment sur le rapprochement des deux républiques allemandes. Il adhère au SPD en 1982 mais donne sa démission en 1993 pour protester contre les restrictions du droit d'asile.

De 1983 à 1986, il préside l'Académie des Arts de Berlin. A la fin des années 1980, il part en Inde à Calcutta où il constate la misère du peuple indien. Il relatera cette expérience dans Tirer la langue (Zunge zeugen, 1989).

En 1995, la publication de Toute une histoire (Ein weites Feld) provoque un tollé Outre-Rhin après que l'auteur y ait affirmé que l'Allemagne de l'Ouest avait pris en otage et victimisé, par le biais d'un libéralisme effréné, les anciens habitants de la RDA après la Réunification. Le critique Marcel Reich-Ranicki accepte que le Spiegel publie en une un photomontage où on le voit en train de déchirer le livre de Grass avec le titre: « L'échec d'un grand écrivain. ». La presse populaire s'insurgea aussi contre l'auteur: le Bild Zeitung titra: « Grass n'aime pas son pays », dénonçant un roman au « style creux » et étant une véritable « insulte à la patrie »[2].

L'auteur reçoit en 1999, à l'âge de 72 ans, le prix Nobel de littérature « pour avoir dépeint le visage oublié de l'histoire dans des fables d'une gaieté noire ». Fréquemment cité sur les listes de l'Académie suédoise où il faisait figure depuis plusieurs années de grand favori, Grass, « l'éternel nobélisable » comme le surnommait la presse, avait anticipé sa victoire bien que tardive. Il avait en ce sens proposé au Comité Nobel depuis les années 1970 de primer conjointement un écrivain allemand de l'Est et de l'Ouest comme symbole d'une réunification culturelle, faisant ainsi référence, de manière sous-jacente, à l'idée de l'honorer lui et sa grande amie Christa Wolf. Mais cette proposition ne fut jamais prise en compte par les jurés du prix.

En 2001, il propose de construire un musée germano-polonais qui abriterait les œuvres d'art volées par les nazis. En 2002, Günter Grass, parfois accusé de s'être reposé sur ses lauriers après ses premiers succès littéraires, revient au premier plan de la littérature mondiale en publiant En crabe (Im Krebsgang), œuvre de vieillesse et de maturité, bien éloignée des excès baroques, des provocations langagières et de la verve rabelaisienne des écrits d'autrefois. Le roman traite, au travers du torpillage par un sous-marin russe de l'ancien paquebot de la KDF le Wilhelm Gusthoff chargé de réfugiés et blessés civils et militaires, du problème de la mémoire collective et des responsabilités transgénérationelles. En 2005, Grass fonde un cercle d'auteurs et les rencontres littéraires de Lübeck.

En 1954, il avait épousé la Suissesse Anna Schwarz, apprentie danseuse de ballet, dont il avait eu quatre enfants et dont il avait divorcé en 1978. En 1979, il s'était ensuite remarié avec l'organiste Ute Grunert. Günter Grass vit aujourd'hui près de Lübeck avec sa seconde épouse. La "Maison Grass" y contient la majeure partie de ses manuscrits et de ses œuvres artistiques originales. L'auteur conçoit lui-même la couverture et l'illustration de ses ouvrages. Il continue en parallèle à exercer, avec un grand souci d'éclectisme, ses diverses activités artistiques. Il est l'un des seuls écrivains à inviter, lors de la parution en allemand de chaque nouvel ouvrage, l'ensemble de ses traducteurs pour mettre en commun les travaux de traduction et permettre l'échange cosmopolite et métissé des cultures et des langues.

En août 2006, il a révélé son enrôlement en octobre 1944 dans les Waffen-SS après avoir prétendu auparavant avoir servi dans la Flak. Cette divulgation tardive, faite quelques jours avant le lancement de son dernier livre autobiographique: Pelures d'oignon (Beim Häuten der Zwiebel), a suscité malaise et incompréhension en Europe (il avait cependant déjà fait part en 1999 pour Le Magazine littéraire n° 381 de son « [...] passage à la Jeunesse hitlérienne »). Elle a été à l'origine d'une controverse entre intellectuels européens, certains d'entre eux considérant que cet aveu lui ôtait son statut de caution morale, d'autres au contraire pensant que cette sincérité, même tardive, ne faisait que renforcer sa légitimité. Lech Walesa, après avoir demandé qu'on lui retire son titre de citoyen d'honneur de la ville de Gdansk, lui a finalement pardonné ses errements de jeunesse. La droite allemande, qui tenait là son ennemi juré, fut, elle, en revanche beaucoup moins clémente: elle dénonça en effet son hypocrisie et ses sermons galvaudés sur le passé nazi de la nation. Elle l'a d'ailleurs prié un temps de rendre son prix Nobel et l'argent qu'il lui avait rapporté. Mais le président de la Fondation Nobel a soutenu l'écrivain, déclarant à ce sujet que « l'attribution des prix est irréversible car aucun prix n'a été retiré à quiconque par le passé »[3].

Parmi ses œuvres les plus célèbres, on compte entre autres: Le Chat et la souris (Katz und Maus, 1961) et les Années de chien (Hundejahre, 1963) qui clorent une trilogie sur Dantzig ("Die Danziger Trilogie"), ouverte avec Le Tambour. Ses autres ouvrages célèbres sont: Le Journal d'un escargot (Aus dem Tagebuch einer Schnecke, 1972), Le Turbot (Der Butt, 1977), Une Rencontre en Westphalie (Das Treffen in Telgte, 1979) et La Ratte (Die Rättin, 1985).

La fiche de prisonnier de guerre
La fiche de prisonnier de guerre

[modifier] Opinions politiques

Se positionnant politiquement à gauche, Grass, farouchement antilibéral, a toujours voulu se forger une figure de moraliste. Il a régulièrement critiqué le passé nazi de l'Allemagne et est devenu un ténor de l'antiaméricanisme, fustigeant par exemple Helmut Kohl et Ronald Reagan, venus ensemble visiter le cimetière de Bitburg, au motif que des SS y étaient enterrés avec des soldats alliés et allemands durant la 2e guerre mondiale.

Après la chute du mur de Berlin, quand vint l'heure de la réunification allemande, il s'y opposa pour « préserver l'héritage socialiste » de la République démocratique allemande.

L'auteur a toujours critiqué les « dérives libérales et petites bourgeoises » du SPD. Il a toujours néanmoins affiché un indéfectible soutien à l'ex-chancelier Gerhard Schröder.

Dans un échange télévisé avec Pierre Bourdieu pour la chaîne Arte en novembre 1999[4], l'auteur a déploré les méfaits du néolibéralisme et affirmé que « seul l'État peut garantir la justice sociale et économique entre les citoyens ». Il a également exprimé son souhait de rouvrir « l'universalisme et le dialogue culturel hérité des Lumières ».

Grass a toujours voulu défendre la « voix des opprimés » : il a notamment soutenu Salman Rushdie, victime de la fatwa islamique en 1989, les écrivains arabophones contestataires et expatriés et le peuple palestinien. Il a souvent dénoncé la politique du gouvernement israélien qu'il juge « agressive » et « belliqueuse »[5].

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Günter Grass a déclaré, que la « réaction » américaine orchestrait beaucoup de tapage « pour trois mille Blancs tués ».

En 2006, lors de l'affaire des caricatures de Mahomet, Grass a dénoncé « l'arrogance de l'Occident » et son « mépris de la culture musulmane »[6].

[modifier] Œuvres publiées en français

  • Le journal des coquecigrues (Die Vorzüge der Windhühner), 1956
  • Tonton (Onkel, Onkel), 1957
  • La crue (Hochwasser), 1957
  • Le Tambour (Die Blechtrommel). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1961.
  • Le chat et la souris (Katz und Maus). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1962.
  • Les années de chien (Hundejahre). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1965.
  • Les plébéiens répètent l'insurrection (Die Plebejer proben den Aufstand). Théâtre. Précédé d'un discours. Trad. Jean Amsler. Paris, Seuil, 1968.
  • Anesthésie locale (Örtlich betäubt). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1971.
  • Journal d'un escargot (Aus dem Tagebuch einer Schnecke). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1974.
  • Le turbot (Der Butt). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1979.
  • Une rencontre en Westphalie (Das Treffen in Telgte). Roman. Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1981.
  • Les enfants par la tête ou les Allemands se meurent ("Kopfgeburten oder die Deutschen sterben aus"). Trad. Jean Amsler. Paris, Seuil, 1983.
  • Essai de critique 1957-1985. Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1986.
  • La ratte (Die Rättin). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1987.
  • Tirer la langue (Zunge zeugen). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1989.
  • Propos d'un sans-patrie. Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1990.
  • L'Appel du crapaud (Unkenrufe). Trad. par Jean Amsler. Paris, Seuil, 1992.
  • Toute une histoire (Ein weites Feld). Trad. par Claude Porcell et Bernard Lortholary. Paris, Seuil, 1997.
  • Mon siècle (Mein Jahrhundert). Trad. par Claude Porcell. Paris, Seuil, 1999.
  • En crabe (Im Krebsgang). Trad. par Claude Porcell. Paris, Seuil, 2002, roman traitant de la catastrophe du Wilhelm Gustloff.
  • Pelures d’oignon (Beim Häuten der Zwiebel), autobiographie, 2006.

[modifier] Notes

  1. Il l'a reconnu dans une interview accordée au (de)Frankfurter Allgemeine Zeitung publiée le 11 août 2006. Jusqu'à cette interview, il avait toujours indiqué avoir été simplement dans la défense anti-aérienne (Fliegerabwehrkanone). Il a expliqué cet engagement par son souhait de fuir une ambiance familiale pesante et sans vraiment savoir ce que représentaient les Waffen-SS.
  2. Voir la biographie de Günter Grass sur le site: Günter Grass
  3. Citation journal Libération, août 2006
  4. L'émission a été rediffusée récemment le 6 octobre 2006 à 1h30 à l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de Grass.
  5. Tous ces propos ont été affirmés dans l'émission que lui a consacrée la chaîne Arte pour son quatre-vingtième anniversaire (voir le cite de la chaîne : http://www.arte.fr/]]
  6. FAZ.net : Grass critique les caricatures de Mahomet, 9 février 2006

[modifier] Biographie

  • Olivier Mannoni, Günter Grass, l'honneur d'un homme, Bayard, 2000.
  • Thomas Serrier, Günter Grass, Belin, Paris, 2003

[modifier] Liens externes

[modifier] Voir aussi

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Précédé de :
José Saramago
Prix Nobel de littérature
1999
Suivi de :
Gao Xingjian