Putsch de la Brasserie

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Putsch de la Brasserie

Timbre du Troisième Reich (1935) commémorant le putsch de la Brasserie
Informations générales
Date 8 novembre au 9 novembre, 1923
Lieu Munich, Bavière, (Allemagne)
Issue Echec des putschistes
Belligérants
Reichswehr
Police d'état bavaroise
NSDAP
Commandants
Otto von Lossow
Hans Ritter von Seisser
Adolf Hitler
Ernst Röhm
Erich Ludendorff
Forces en présence
100 2000
Pertes
4 16

Le putsch de Munich ou putsch de la Brasserie (en allemand Hitler-Ludendorff-Putsch) est la tentative de putsch par Adolf Hitler et son parti, le NSDAP dans la soirée du 8 novembre 1923 et qui s'acheva lamentablement dès le lendemain.

Sommaire

[modifier] Origines du Putsch

La situation de la République de Weimar au début des années 1920 est alarmante. Le pays est en proie à une hyperinflation qui plonge la population dans la misère. Suite au Traité de Versailles, l'Allemagne doit également payer de nombreuses réparations de guerre et perd une partie de sa souveraineté sur les territoires rhénans. Le point de départ de la crise est l'occupation de la Ruhr décrétée par Raymond Poincaré. Le gouvernement de Wilhelm Cuno doit y faire face. Il décrète la résistance passive afin de priver les Français de toute ressource. L'économie du Reich continue à s'effondrer et des séparatismes se font jour, Cuno est prié de se retirer. Gustav Stresemann le remplace le 13 août 1923. Il met fin à la résistance passive ce qui lui attire entre autre les foudres du gouvernement régional bavarois[1]. Les extrémistes de droite mené par Eugen von Knilling décrètent l'état d'urgence. Gustav von Kahr est alors doté les pleins pouvoirs. Stresemann demande au président Ebert de proclamer l'état d'urgence mais l'armée en poste en Bavière sous le commandement du général Von Lossow refuse d'obéir aux ordres et soutient Von Kahr[2].

Le conflit continue lorsque le général Otto von Lossow, commandant de la Reichswehr en Bavière, refuse d'appliquer l'ordre d'interdire le Völkischer Beobachter, l'organe du parti national-socialiste. Von Lossow refuse de démissionner le 9 octobre sur l'invitation de Von Seeckt, il est destitué le 20 et devient commandant de l'armée de Bavière le 21 octobre contrevenant à la Constitution du Reich[3]. Le fossé entre la Bavière et le Reich se creuse de plus en plus. Le 20 octobre, le représentant de von Kahr, Freiherr von und zu Aufseß, déclare : « Pour nous, il ne s'agit pas de dire : Fini avec Berlin ! Nous ne sommes pas des séparatistes. Pour nous c'est : Debout vers Berlin ! Depuis deux mois Berlin nous ment d'une manière inouïe. On ne peut rien attendre d'autre de ce gouvernement de Juifs à la tête duquel se trouve un ingénieur en matelas. Je l'ai dit en son temps : à Berlin tout est ébertisé et pourri et je le pense encore aujourd'hui »[4] D'autres régions sont touchées par les soulèvements séparatistes. En Rhénanie, une république est proclamée, les affrontements sont violents :

« Des canailles parcourent les rues dans des voitures volées et proclament la république rhénane libre. Il y a de nombreux morts et blessés à Mönchengladbach. A Rheydt, une milice de petits-bourgeois s'est constituée : on ne veut céder qu'à la force, mais il ne faut pas tirer à balles. »
    — Joseph Goebbels, Journal, 23 octobre 1923., [5]

L'inflation et la misère accentuent encore la situation :

« Le peuple est dans la rue, il fait du grabuge, manifeste et chahute. Les messieurs sont assis autour du tapis vert et finissent leur partie en toute tranquillité d'âme. Et les manifestants n'ont pas la plus petite lueur de la moindre idée de ce qui se joue. Un dollar coûte 70 milliards de marks, ce serait en soi insignifiant si l'on ne ressentait pas cette réalité si amèrement dans son corps. »
    — Joseph Goebbels, Journal, 23 octobre 1923., [6]

Entre le 19 et le 29 octobre 1923, le gouvernement du Reich rétablit son autorité sur la Saxe en envoyant la Reichswehr. Les communistes sont chassés du gouvernement régional, les « centuries prolétariennes »[7] sont dissoutes. À Hambourg, c'est le KPD qui prend l'initiative d'un soulèvement armé du 23 au 25 octobre, probablement sous l'impulsion du Komintern. En trois jours, les combats avec la police font une quarantaine de morts[8]. L'intervention en Saxe va créer une crise gouvernementale avec le départ des ministres SPD et attiser la crise avec la Bavière. Von Seeckt projette de mettre sur pieds une « dictature légale »[9] pour pallier la crise, ce que Stresemann refuse. Il perd l'appui de l'armée, Seeckt lui annonce : « Monsieur le chancelier, on ne peut mener la lutte avec vous ; nous n'avez pas la confiance des troupes [10]. »

[modifier] Déroulement

La Feldhernhalle, dernière étape du Putsch
La Feldhernhalle, dernière étape du Putsch

La rumeur d'une marche sur Berlin se répand le 3 novembre[11]. Von Seeckt fait part au ministre de l'Intérieur qu'il ne tentera aucune action contre l'armée bavaroire : « La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr[12]. » Au soir du 8 novembre 1923, alors que Gustav von Kahr – commissaire général d'État en Bavière – fait un discours à la Bürgerbräukeller, une brasserie de Munich, Hitler, Hermann Göring et des SA font irruption dans la salle en déclarant la « Révolution nationale ». Par l'intimidation[13], les dirigeants bavarois - Gustav von Kahr, Otto von Lossow et Hans Ritter von Seisser - acceptent de se joindre à cette action, ce qu'ils démentiront quelques heures plus tard à la radio après avoir réussi à quitter la brasserie. Stresemann prend connaissance des événements qu'il condamne immédiatement[14] en déclarant toute aide aux putschistes acte de haute-trahison. Von Kahr déclare à la radio :

« Proclamation au peuple allemand ! Le gouvernement des criminels de novembre à Berlin est aujourd'hui déclaré déposé. Un gouvernement national allemand provisoire a été formé. Il se compose du Général Ludendorff, d'Adolf Hitler, du Général Von Lossow et du Colonel von Seißer[15]. »

Au matin du 9 novembre, les putschistes défilent devant la Feldherrnhalle (Marsch zur Feldherrnhalle), dans les rues de Munich, et se trouvent face à face avec la police ; des coups de feu éclatent peu après de part et d'autre. À l'issue de la fusillade, on compte quatre victimes parmi les policiers et seize morts chez les putschistes dont cinq seulement appartenaient au Stosstrupp (garde rapprochée du Führer qui deviendra la SS sous les ordres du Reichsführer Erhard Heiden). Hitler a le bras démis par son ami Max Erwin von Scheubner-Richter qui s'effondra mortellement blessé.

Le 10 novembre 1923, Joseph Goebbels relate l'événement comme un événement banal : « En Bavière, putsch nationaliste. Comme par hasard, Ludendorff est une fois encore parti en promenade. Dans la Ruhr, les houillères ont licencié l'intégralité de leur personnel. Ici, à Rheydt, comme sans doute dans la plupart des villes de Rhénanie, échauffourées de chômeurs[16]. »

[modifier] Le procès

Adolf Hitler bien que blessé était néanmoins parvenu à s'enfuir. Suite à ce sanglant épisode nait la légende selon laquelle Graf, un de ses gardes du corps lui aurait servi de bouclier, arrêtant de son corps les balles qui n'auraient pas manqué de tuer le Führer. De là nait le mythe du drapeau ensanglanté plus connu sous le nom du sacrifice des vieux combattants. Le NSDAP sera interdit dès le 9 novembre. Son interdiction sera levée en avril 1925. Hitler fut arrêté le 11 novembre et immédiatement incarcéré.

Le procès des putschistes, accusés de crime de haute trahison contre le gouvernement se déroula ensuite. Le 1er avril 1924, Hitler fut condamné à cinq ans de prison, dont il ne purgera que treize mois[17], à la prison de Landsberg am Lech (en compagnie de Rudolf Hess, de Hermann Kriebel et d'Emil Maurice). Il profitera de son emprisonnement pour écrire Mein Kampf. Le futur dictateur en dédiera d'ailleurs le premier tome à ses compagnons d'infortune tombés le 9 novembre. Il sera libéré dès le 20 décembre 1924, mais restera interdit de parole en public.

Erich Ludendorff, qui avait également pris part au putsch, fut également jugé, mais sans être condamné à la prison.

Le jeune Heinrich Himmler faisait déjà partie du mouvement nazi et a même participé au putsch comme porte-étendard au nom d'Ernst Röhm qu'il vénérait, mais il ne sera pas condamné vu son âge.

Quant à Gustav von Kahr, il sera l'une des victimes de la nuit des Longs Couteaux.

[modifier] Le Putsch : jour de commémoration

Médaille commémorative du Putsch appelée Blutorden
Médaille commémorative du Putsch appelée Blutorden

Après l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler, la propagande national-socialiste s'est appliquée à donner au Putsch une dimension héroïque. A partir de 1933 se déroulent chaque année à Munich des commémorations à la mémoire des victimes (dont Max Erwin von Scheubner-Richter) qui deviennent de véritables martyrs de l'Allemagne et du mouvement : « Notre mouvement est né de toute cette détresse, et il a donc dû prendre des décisions difficiles dès les premiers jours. Et l'une de ces décisions a été la décision de mener la révolte des 8 et 9 novembre 1923. Cette décision a échoué en apparence à l'époque, seulement, c'est du sort des victimes que le salut de l'Allemagne a pu venir »[18].

Hitler a dédié aux seize victimes de son parti (il les appelle les Blutzeuge, littéralement témoins de sang) le premier volume de son livre Mein Kampf. La médaille que le Führer décernera à tous ceux qui ont participé au Putsch, le Blutorden, sera la plus haute distinction du NSDAP. S'installe tout un mythe autour du Putsch. Le Blutfahne, littéralement drapeau du sang, qui désigne le drapeau porté par Andreas Bauriedl lors de la marche des putschistes est élevé au rang d'objet de culte. A partir de 1926, il est glorifié lors des congrès du parti et est utilisé pour consacrer les drapeaux du parti et les fanions de la SS. Jakob Grimminger qui avait participé au Putsch est le porteur officiel du Blutfahne[19].

A Munich, sur la Königsplatz, Hitler fait ériger deux mausolées pour les seize putschistes tués. Leurs restes mortels y sont transférés. Avec l'arrivée des troupes américaines, les deux constructions sont dynamitées. Il n'en reste plus que les socles aujourd'hui. Sur la Feldherrnhalle, Hitler fait poser une plaque devant laquelle est postée une sentinelle. Les passants doivent saluer la plaque du salut hitlérien à leur passage. La plaque est retirée en 1945. Depuis 1993, une autre plaque rappelle la mémoire des policiers tués.

Lors des commémorations, deux attentats contre le Führer se sont produits. Le premier a été commis le 9 novembre 1938 par le Suisse Maurice Bavaud lors de la marche du souvenir vers la Feldherrnhalle et le second un an plus tard par l'ouvrier Georg Elser dans la Bürgerbräukeller.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Note

  • (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Hitler-Ludendorff-Putsch ».
  1. (fr)Christian Baechler, Gustav Stresemann (1878-1929) De l'impérialisme à la sécurité collective, Strasbourg, 1996, p.404.
  2. (de)Felix Hirsch, op. cit., p.49.
  3. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.405.
  4. (de)« Es heißt für uns nicht: Los von Berlin! Wir sind keine Separatisten. Es heißt für uns: Auf nach Berlin! Wir sind seit zwei Monaten von Berlin in einer unerhörten Weise belogen worden. Das ist auch nicht anders zu erwarten von dieser Judenregierung, an deren Spitze ein Matratzeningenieur steht. Ich habe seinerzeit gesagt: In Berlin ist alles verebert und versaut, und ich halte das auch heute noch aufrecht. » Cité dans : Ernst Deuerlein: Der Aufstieg der NSDAP in Augenzeugenberichten, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1980, p.187.
  5. (fr)J. Goebbels, Journal, 1923-1933, Tallendier, Paris, 2006, p. 9.
  6. (fr)J. Goebbels, Journal, 1923-1933, Tallendier, Paris, 2006, p. 9.
  7. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.415.
  8. (fr)P. Ayçoberry dans J. Goebbels, Journal, 1923-1933, Tallandier, 2006, p. 11-12.
  9. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.411.
  10. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.412.
  11. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.414.
  12. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.415.
  13. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.415.
  14. (fr)Christian Baechler, op. cit., p.415.
  15. (fr)« Proklamation an das deutsche Volk! Die Regierung der Novemberverbrecher in Berlin ist heute für abgesetzt erklärt worden. Eine provisorische deutsche National-Regierung ist gebildet worden. Diese besteht aus General Ludendorff, Adolf Hitler, General von Lossow, Oberst von Seißer. » Cité dans : Georg Franz-Willing, Putsch und Verbotszeit der Hitlerbewegung, November 1923 - Februar 1925, Preußisch Oldendorf: Schütz, 1977, p.391.
  16. (fr)J. Goebbels, Journal, 1923-1933, Tallendier, Paris, 2006, p. 15. Ce passage a de quoi étonner. Goebbels ne dit rien de Hitler, qu'il considérera plus tard avec une fascination frôlant la servilité, ni du national-socialisme. Soit il était mal informé, soit les détails de l'affaire ne l'intéressaient pas.
  17. (fr)Joseph Goebbels, Journal 1923-1933, Tallandier, Paris, 2006 p.99
  18. (de)« Aus dieser ganzen Not ist unsere Bewegung entstanden, und sie hat daher auch schwere Entschlüsse fassen müssen vom ersten Tage an. Und einer dieser Entschlüsse war der Entschluss zur Revolte vom 8./9. November 1923. Dieser Entschluss ist damals scheinbar misslungen, allein, aus den Opfern ist doch erst recht die Rettung Deutschlands gekommen. » Discours d'Adolf Hitler du 9 novembre 1939 dans Bürgerbräukeller, cité dans : Philipp Bouhler: Der großdeutsche Freiheitskampf - Reden Adolf Hitlers vom 1. September 1939 bis 10. März 1940, Zentral-Verlag der NSDAP, Munich, 1940.
  19. (en)Brian L. Davis / Malcolm McGregor, Flags of the Third Reich Party and Police Units, Osprey Publishing, 1994, p.4.

[modifier] Sources

[modifier] Bibliographie