Georges Bernanos

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Georges Bernanos, né le 20 février 1888 à Paris et mort le 5 juillet 1948 à Neuilly-sur-Seine, est un écrivain français. Il est enterré au cimetière de Pellevoisin (Indre).

Sommaire

[modifier] Parcours

Son père, Émile Bernanos, est un tapissier décorateur d'origine lorraine. Sa mère, Hermance Moreau, est d'une famille de paysans berrichons (Pellevoisin). Il garde de son éducation une foi catholique et des convictions monarchistes. Il passe sa jeunesse à Fressin en Artois. Cette région du Nord marquera profondément son enfance et son adolescence, et constituera le décor de la plupart de ses romans. Choqué par les reculades du Royaume-Uni et de la France culminant au moment des accords de Munich, il s'exile au Brésil, avant d'être l'un des premiers inspirateurs de la Résistance. Il meurt en laissant le manuscrit d'un dernier livre, paru posthumément : La France contre les robots.

[modifier] Premiers engagements

Catholique fervent, nationaliste passionné, il milite très jeune dans les rangs de l'Action française en participant aux activités des Camelots du roi pendant ses études de lettres, puis à la tête du journal, L'Avant-Garde de Normandie jusqu'à la Grande guerre. Réformé, il décide tout même de participer à la guerre en se portant volontaire dans le 6e régiment de dragons (cavalerie) ; il aura de nombreuses blessures au champ d'honneur.

Après la guerre, il s'éloigne d'une activité militante, mais se rapproche de nouveau de l'Action française lors de la condamnation romaine de 1926 et participe à certaines de ses activités culturelles. En 1932, sa collaboration au Figaro du parfumeur François Coty entraîne une violente polémique avec l'Action française et sa rupture avec Charles Maurras.

[modifier] Premières œuvres

Dans les années 1920, il travaille dans une compagnie d'assurances, mais le succès de son premier roman, Sous le soleil de Satan (1926), l'incite à entrer dans la carrière littéraire. Ayant épousé en 1917 Jeanne Talbert d'Arc, lointaine descendante d'un frère de Jeanne d'Arc, il mène alors une vie matérielle difficile et instable dans laquelle il entraîne sa famille de six enfants et son épouse à la santé fragile. Il écrit en dix ans l'essentiel de son œuvre romanesque où s'expriment ses hantises : les péchés de l'humanité, la puissance du malin et le secours de la grâce.

[modifier] Le Journal d'un curé de campagne

En 1936, paraît Le Journal d'un curé de campagne, qui sera couronné par le Grand prix du roman de l'Académie française, puis adapté au cinéma sous le même titre par Robert Bresson (1950). Ce livre est sans aucun doute porteur d'une double spiritualité : celle du curé d'Ars et celle de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, tous deux portés sur les autels par Pie XI en 1925. Comme Jean-Marie Vianney, notre jeune prêtre est ici dévoré par son zèle apostolique, consacré qu'il est à la sanctification du troupeau qui lui a été confié. De Thérèse, il suit la petite voie de l'enfance spirituelle. Le « Tout est grâce » final du roman n'est d'ailleurs pas de Bernanos lui-même, mais de sa prestigieuse aînée.

[modifier] L’exil aux Baléares, puis au Brésil

Installé aux Baléares, il assiste au début de la guerre d’Espagne et prend parti pour, puis contre les franquistes dans Les Grands Cimetières sous la Lune, un pamphlet qui consacre sa rupture publique avec ses anciens amis de l'Action française, sa rupture avec Maurras — datant de 1927 — étant restée secrète jusque-là. Il y condamne les exactions et les massacres perpétrés par les phalangistes au nom du Christ, mais aussi le soutien apporté aux nationalistes espagnols par Maurras et l'Action française.

Il quitte l'Espagne en mars 1937 et retourne en France. Le 20 juillet 1938, il choisit de s'exiler en Amérique du sud. Il prévoit initialement de se rendre au Paraguay. Il fait escale à Rio de Janeiro au Brésil ([1]) en août 1938. Il décide d'y rester et y demeurera de 1938 à 1945. En août 1940, il s'installera à Barbacena, dans une petite maison au flanc d'une colline dénommée Cruz das almas, la Croix-des-âmes. Il s'éloigne alors du roman et publie de nombreux essais et "écrits de combat" dans lesquels l'influence de Péguy se fait sentir.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il soutient la Résistance et l'action de la France libre dans de nombreux articles de presse où éclate son talent de polémiste et de pamphlétaire.

En 1941, son fils Yves rejoint les Forces françaises libres à Londres. Son autre fils, Michel, jugé trop jeune par le Comité de la France Libre de Rio, partira l'année suivante.

Quand il retourne en France, il déclare aux Brésiliens : « Le plus grand, le plus profond, le plus douloureux désir de mon cœur en ce qui me regarde c’est de vous revoir tous, de revoir votre pays, de reposer dans cette terre où j’ai tant souffert et tant espéré pour la France, d’y attendre la résurrection, comme j’y ai attendu la victoire ».

[modifier] La Libération

Il continue de poursuivre une vie errante (Bernanos a déménagé une trentaine de fois dans sa vie) après la Libération.

Le général de Gaulle l'invite à revenir en France, où il veut le placer y compris au gouvernement ou à l'Académie. Bernanos revient, mais malade et n'ayant pas l'échine souple, reste en marge avant de se fixer en Tunisie.

Bernanos rédige quelque temps avant sa mort un scénario cinématographique adapté du récit La Dernière à l'échafaud de Gertrud von Le Fort, lui-même inspiré de l'histoire véridique de carmélites guillotinées sur la place du Trône, appelées les carmélites de Compiègne, en y ajoutant le personnage fictif de Blanche de La Force (translittération de G. von Le Fort).

Ce scénario, intitulé Les Dialogues des Carmélites est devenu le livret de l'opéra du même nom du compositeur Francis Poulenc, créé en 1957, puis a servi de base au film du père Bruckberger, en 1960. Il a aussi été adapté au théâtre. Bernanos y traite de la question de la grâce, de la peur, du martyre.

[modifier] L’œuvre

[modifier] Le monde romanesque

Bernanos situe souvent l'action de ses romans dans les villages de son Artois natal, en en faisant ressortir les traits sombres. La figure du prêtre catholique est très présente dans son œuvre, et est parfois le personnage central, comme dans Le Journal d'un curé de campagne. Autour de lui gravitent les notables locaux (châtelains nobles ou bourgeois), les petits commerçants et les paysans. Bernanos fouille la psychologie de ses personnages et fait ressortir leur âme en tant que siège du combat entre le Bien et le Mal. Il n'hésite pas à faire parfois appel au divin et au surnaturel. Jamais de réelle diabolisation chez lui, mais au contraire, comme chez Mauriac, un souci de comprendre ce qui se passe dans l'âme humaine derrière les apparences.

[modifier] Le style pamphlétaire

Aussi isolé - en tout cas en France - qu'un Don Quichotte, il avait dénoncé les trahisons aussi bien dans le sens autoritaire et agricole de l’État français que la technique dans ce qu'elle avait de liberticide. Ses essais traduisent par ailleurs un goût de l'amour physique et conjugal qu'on ne reverra ensuite que chez Jacques de Bourbon Busset.

Le mot Imbéciles (au pluriel) revient souvent sous la plume de Bernanos dans ses essais. Par cette injure fraternelle, il manifestait sa « pitié » pour « les petits cancres de la nouvelle génération réaliste » (les néo-maurrassiens des années 1930), et, plus tard, pour « les affreux cuistres bourgeois de gauche » (les communistes et les démocrates-chrétiens), mais aussi pour tous ceux chez qui la propagande des médias, le manque de courage personnel et la manipulation par des abstractions excessives avaient fini par remplacer l'expérience humaine réelle et concrète.

Son style ne peut être qualifié de « parlé », bien qu'il s'adresse souvent à un lecteur imaginaire. Ample et passionné (ses pages sur le Brésil ou sur Hitler ne peuvent laisser indifférent), sa lecture nécessite toutefois une profonde connaissance de l'histoire de France.

Sur la question de l'antisémitisme, il est essentiel de ne pas se contenter de lire les écrits publiés essentiellement dans les années 1930, qui peuvent choquer, et de prendre également connaissance des textes parus juste avant et pendant la guerre, où il dénonce les campagnes antisémites en France, l'extermination des juifs, l'assassinat de Georges Mandel, etc. On peut aussi découvrir l'article qu'il écrivit en 1945 à ce sujet, dans lequel on trouve la phrase : « antisémite : ce mot me fait de plus en plus horreur. Hitler l'a déshonoré à jamais ». Dans une interview parue en 1987 pour la revue Nouvelles Cités, Elie Wiesel résumait le parcours de Bernanos en déclarant que celui-ci était « peu à peu venu vers les juifs », au point qu'il le considérait lui-même comme un « écrivain sémite ».

[modifier] Citations

  • « L'optimisme est une fausse espérance à l'usage des lâches et des imbéciles. L'espérance, est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l'âme. La plus haute forme de l'espérance, c'est le désespoir surmonté. »
  • « Être d'avant-garde c'est savoir ce qui est mort ; être d'arrière-garde c'est l'aimer encore. »
  • « On n'attend pas l'avenir comme on attend un train : on le fait. »
  • « Qu'un niais s'étonne du brusque essor d'une volonté longtemps contenue, qu'une dissimulation nécessaire, à peine consciente, a déjà marqué de cruauté, revanche ineffable du faible, éternelle surprise du fort, et piège toujours tendu ! » (Histoire de Mouchette)
  • « Les sentiments les plus simples naissent et croissent dans une nuit jamais pénétrée, s'y confondent ou s'y repoussent selon de secrètes affinités, pareils à des nuages électriques, et nous ne saisissons à la surface des ténèbres que les brèves lueurs de l'orage inaccessible. » (Histoire de Mouchette)
  • « Il n'y a de vraiment précieux dans la vie que le rare et le singulier, la minute d'attente et le pressentiment. » (Sous le soleil de Satan)
  • « Quand un homme - ou un peuple - a engagé sa parole, il doit la tenir, quel que soit celui auquel il l'a engagée. » (Préface Journal d'un curé de campagne)
  • « C'est que notre joie intérieure ne nous appartient pas plus que l’œuvre qu'elle anime, il faut que nous la donnions à mesure, que nous mourions vides, que nous mourions comme des nouveau-nés (…) avant de se réveiller, le seuil franchi, dans la douce pitié de Dieu, comme dans une aube fraîche et profonde. » (Ibid)
  • « Pour moi, le passé ne compte pas. Le présent non plus d'ailleurs, ou comme une petite frange d'ombre, à la lisière de l'avenir. » (Monsieur Ouine)
  • « Ah ! c'était bien là l'image que j'ai caressée tant d'années, une vie, une jeune vie humaine, tout ignorance et tout audace, la part réellement périssable de l'univers, seule promesse qui ne sera jamais tenue, merveille unique! (…) Une vraie jeunesse est aussi rare que le génie, ou peut-être ce génie même un défi à l'ordre du monde, à ses lois, un blasphème ! » (Monsieur Ouine)
  • « Il n'y a pas de pente dans la vie d'un gosse. » (Monsieur Ouine)
  • « -Moi, je me méfie. D'une manière ou d'une autre, monsieur Ouine, je me méfie de Dieu -telle est ma façon de l'honorer. » (Monsieur Ouine)
  • « Souffrir, croyez-moi, cela s'apprend. » (Monsieur Ouine)
  • « Quand je mesure le temps que nous avons perdu à chercher des héros dans nos livres, j'ai envie de nous battre, Guillaume. Chaque génération devrait avoir ses héros bien à elle, des héros bien à elle, des héros selon son cœur. On ne nous a peut-être pas jugés dignes d'en avoir des neufs, on nous repasse ceux qui ont déjà servi. » (Monsieur Ouine)
  • « Si je recommençais ma vie, je tâcherais de faire mes rêves encore plus grands ; parce que la vie est infiniment plus belle et plus grande que je n'avais jamais cru, même en rêve. »
  • « On ne comprend rien à la civilisation moderne si on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
  • « C'est la fièvre de la jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale ; quand la jeunesse refroidit, le monde claque des dents. »
  • « La démocratie signifie beaucoup moins liberté qu'égalité, la démocratie est infiniment plus égalitaire que libertaire. Chaque victoire de l'égalité paraissait à l'homme de 1900 une victoire de la liberté. Il ne se rendait pas compte qu'elle était d'abord et avant tout une victoire pour l'Etat. De chaque victoire de l'égalité, chaque citoyen pouvait tirer quelques avantages et une satisfaction d'amour propre, mais le profit réel n'allait qu'à l'Etat. Ramener tout à un dénominateur commun facilite énormément le problème des dictatures. Les régimes totalitaires sont les plus égalitaires de tous. La totale égalité dans la servitude totale. » (La liberté, pour quoi faire ?, 1947)
  • « LA menace qui pèse sur le monde est celle d'une organisation totalitaire et concentrationnaire universelle qui ferait, tôt ou tard, sous un nom ou sous un autre, qu'importe ! de l'homme libre une espèce de monstre réputé dangereux pour la collectivité toute entière, et dont l'existence dans la société future serait aussi insolite que la présence actuelle d'un mammouth sur les bords du Lac Léman. Ne croyez pas qu'en parlant ainsi je fasse seulement allusion au communisme. Le communisme disparaîtrait demain, comme a disparu l'hitlérisme, que le monde moderne n'en poursuivrait pas moins son évolution vers ce régime de dirigisme universel auquel semblent aspirer les démocraties elles-mêmes. Aucun homme raisonnable ne saurait se faire illusion sur ce point. » (La liberté, pour quoi faire ?, 1947)

[modifier] Œuvres

[modifier] Romans

[modifier] Essais

[modifier] Recueils d'articles

[modifier] Etudes sur Bernanos

Joseph Jurt, « [Georges Bernanos] Une parole prophétique dans le champ littéraire », dans Europe, n°789-790, janvier – février 1995, p. 75-88.

Joseph Jurt, Les attitudes politiques de Georges Bernanos jusqu'en 1931, Fribourg, Éditions Universitaires, 1968, 359 p.

Sébastien Lapaque, Georges Bernanos encore une fois, Arles, Actes Sud, collection Babel, 168p.

Sébastien Lapaque, Sous le soleil de l'exil, Georges Bernanos au Brésil 1938-1945, Paris, Grasset, 228 p.

[modifier] Biographie

  • Albert Béguin, Bernanos par lui-même, Paris, Seuil, 1958.
  • Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos, À la merci des passants, Paris, Plon, 1986.

[modifier] Iconographie

  • Jean-Loup Bernanos, Bernanos, Paris, Plon, 1988.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Famille

Il est le père de l'écrivain Michel Bernanos. Son fils le plus jeune, Jean-Loup Bernanos, est aussi l'auteur d'une biographie et d'une iconographie sur Georges Bernanos, qui font référence. Décédé en 2003, Jean-Loup Bernanos a consacré sa vie à la promotion de l'œuvre de son père.

[modifier] Liens externes

Saudades do Bernanos par Sébastien Lapaque[2]

« Le plus grand, le plus profond, le plus douloureux désir de mon cœur en ce qui me regarde c’est de vous revoir tous, de revoir votre pays, de reposer dans cette terre où j’ai tant souffert et tant espéré pour la France, d’y attendre la résurrection, comme j’y ai attendu la victoire. »

Musée Georges Bernanos à Barbacena, État de Minas Gerais, Brésil [3]