Accords de Munich

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Les Accords de Munich ont été signés entre l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie représentées respectivement par Adolf Hitler, Édouard Daladier, Neville Chamberlain, et Benito Mussolini qui s'était commis en intermédiaire, à l’issue de la conférence de Munich, tenue du 29 au 30 septembre 1938 en l'absence du président tchécoslovaque Edvard Beneš, qui n'a pas été invité. Ils mettent fin à la crise des Sudètes et indirectement scellent la mort de la Tchécoslovaquie comme État indépendant.

Sommaire

[modifier] De Versailles à Munich

Même si l'on se réfère communément au traité de Versailles, c'est le traité de Saint-Germain-en-Laye qui entérine une situation de fait depuis novembre 1918 quand la république tchécoslovaque a été proclamée. Il fait droit à la revendication des Tchèques et des Slovaques de se doter d'un pays sur une base nationale, selon le principe de Woodrow Wilson, le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ». Ce traité passe un peu vite sur le fait que les territoires de la Bohême, Moravie, Slovaquie, Ruthénie et Silésie incluent des minorités, voire parfois des majorités (les Allemands des Sudètes, les Hongrois au sud de la Slovaquie, les Polonais en Silésie). De plus, le « peuple » tchécoslovaque est une construction largement artificielle : autrefois unis au sein de la Grande-Moravie, les deux peuples sont depuis longtemps séparés :

  • les Slovaques viennent de passer près d'un millénaire sous le joug hongrois ;
  • les Tchèques ont passé autant de temps dans la sphère culturelle et politique allemande (les rois de Bohême sont vassaux puis princes-électeurs du Saint-Empire avant que la couronne ne passe à la maison d'Autriche).

Ces destinées séparées ont créé de fait deux nations distinctes réunies de manière pragmatique pour justifier leur autonomie.

Les cartes présentées par les Tchécoslovaques à Saint-Germain minimisent, voire passent sous silence, l'existence des minorités. Il leur fallait défendre un État-nation où les Tchèques et les Slovaques ne représentent qu'a peine plus de 50 % de la population aux côtés des Hongrois, des Allemands (Sudètes), des Juifs germanisés, des Polonais, des Ruthènes, des Roms habitants d'un ex-empire multi-culturel et multi-ethnique.

[modifier] D'un impérialisme à l'autre ou la revanche slave

Sortis du giron austro-hongrois, les Tchèques adoptent le comportement de leurs anciens maîtres : expulsion des Allemands des postes administratifs clés au profit des Tchèques en Bohême mais aussi en Slovaquie où l'on manquait de cadres slaves pour remplacer les anciens maîtres hongrois ou autrichiens. Et si le traité de Saint-Germain-en-Laye garantissait un référendum de détermination de l'autonomie des Slovaques dans les dix ans après, celui-ci n'eut jamais lieu. On peut argumenter que la crise de 1929 et la montée du nazisme changea la donne, on peut aussi penser que les Tchèques adoptèrent un comportement impérialiste à l'encontre des Allemands et des Hongrois, mais aussi des Slovaques qui durent batailler ferme par la suite pour obtenir une reconnaissance de leurs spécificité nationale au sein de la République fédérale tchécoslovaque, puis mener la « guerre du trait d'union » (qui visait à imposer la reconnaissance des deux nations par l'écriture du nom du pays en Tchéco-Slovaquie.

[modifier] La crise des Sudètes

En 1918, les députés au Conseil Impérial représentant les Allemands des Sudètes refusent l'adhésion à l'État tchécoslovaque nouvellement créé, exigent le rattachement de leurs régions à l'État allemand autrichien et établissent quatre gouvernements régionaux :

  • Böhmerwaldgau – au sud de la Bohême demandant son rattachement au Kreis d'Oberösterreich.
  • Deutschböhmen – au nord-ouest de la Bohême
  • Sudetenland – en Moravie du nord et Silésie autrichienne
  • Südmähren – en Moravie du sud demandant son rattachement au Kreis de Niederösterreich.

Collectivement, ces régions sont appelées les Sudètes. Les citoyens de nationalité allemande sont 3 millions, dans un pays de 15 millions d’habitants.

Jusqu'en 1935, les députés germanophones des Sudètes au parlement tchécoslovaque n'étaient majoritairement pas nationalistes, et participaient même aux coalitions gouvernementales (cf Allemands des Sudètes).

Cependant, l'opposition entre les Allemands et les Tchèques va s'intensifier tout au long des années 1930. La minorité allemande (majoritaire dans les régions concernées), emmenée par son leader politique nazi Konrad Henlein amplifie ses exigences et la crise éclate suite à l'Anschluss de l'Autriche et du Reich en 1938. Il est alors évident que la prochaine exigence de Hitler sera la réunification avec les Sudètes.

[modifier] La conférence de Munich

Neville Chamberlain arborant à la foule le document qui atteste l'accord de Munich au retour à Londres le  30 septembre 1938.
Neville Chamberlain arborant à la foule le document qui atteste l'accord de Munich au retour à Londres le 30 septembre 1938.

[modifier] Participants

La France a un traité d'alliance avec la Tchécoslovaquie, mais n'est pas prête pour la guerre. La France de Daladier est à la veille d'élections, situation peu favorable à une opération militaire d'envergure, et elle ne souhaite pas entrer en guerre sans le Royaume-Uni. Hitler a largement surestimé l'étendue du réarmement allemand et pousse au conflit, ralenti en cela par Mussolini, réticent lui aussi à un conflit européen et qui le pousse à négocier au sein d'une conférence. Elle se tient à Munich en septembre 1938.

La France abandonne la Tchécoslovaquie avec laquelle elle avait passé des accords pour garantir ses frontières. En France, les accords de Munich font consensus. La majorité des hommes politiques sont "munichois", les "antimunichois" sont dispersés sur l'échiquier politique. La droite modérée (sauf un député Henry de Kérillis) et la gauche (SFIO et radicaux) approuvent (sauf Jean Bouhey député SFIO de Côte d'Or ; Léon Blum, lui, est partagé entre « un lâche soulagement et la honte »[1]) la signature par le radical-socialiste Édouard Daladier (Président du Conseil). Seuls les communistes votent contre la ratification des accords à l'assemblée, ce qui provoquera la fin officielle du Front populaire (qui dans les faits n'existait déjà plus) : Daladier rompt avec les communistes.

Cependant, à son retour en France, Daladier pensait être hué pour avoir cédé à Hitler, les accords de Munich cédant aux Nazis la Tchécoslovaquie sans presque rien demander en échange sinon de vagues promesses de paix. Mais à sa sortie de l'avion le ramenant vers Paris, Daladier est vivement acclamé, à sa grande surprise, pour avoir sauvé la paix[2].

En Angleterre, Chamberlain est accueilli en héros à sa descente d'avion au retour de Munich (il est même surnommé "the peacemaker"=le faiseur de paix), les opinions publiques ont conscience qu'on vient de frôler un conflit majeur, sont soulagées et reconnaissantes de ces accords de paix, même s'ils ne sont qu'un compromis lâche et dilatoire.

Les accords prévoient l'évacuation du territoire des Sudètes par les Tchèques avant le 10 octobre 1938 et son occupation progressive par les troupes allemandes et la rétrocession d'une partie de la Silésie à la Pologne (906 km² - 258 000 habitants).

En sus de ces accords, Chamberlain repart avec une résolution supplémentaire entre le Royaume-Uni et l'Allemagne engageant les parties à négocier de manière pacifique leurs différends futurs. C'est ce document que l'on voit Chamberlain brandir à son arrivée à Londres lors de l'accueil triomphal qui lui fut fait.

Le gouvernement tchécoslovaque capitule le 30 septembre 1938 et se soumet aux termes des accords de Munich. Le président Benes démissionne le 5 octobre.

Cette dure crise permit aux gouvernements démocrates de mieux prendre la mesure du danger représenté par Adolf Hitler.

Winston Churchill déclarera après les Accords : « l’Angleterre avait le choix entre déshonneur et la guerre. Elle a choisi le déshonneur, et elle aura la guerre. »[3].

[modifier] Les conséquences

Poster soviétique caricaturant  les accords de Munich
Poster soviétique caricaturant les accords de Munich

[modifier] Vers la guerre

En préparation d'un affrontement que tout un chacun pensait inévitable, les puissances européennes avaient mis leurs armées sur le pied de guerre pour la première fois depuis la Première Guerre mondiale. Si un accord fut trouvé mettant un terme temporaire à la question sudète, et la guerre évitée, il est néanmoins clair que le pire est à venir. La France modifie alors sa loi de programmation militaire afin de renforcer son équipement.

L'URSS pour sa part est la grande absente de ces accords entre les grandes puissances européennes. Staline constate que l'Angleterre et la France sont prêtes à sacrifier un de leurs alliés aux exigences nazies et craint qu'elles ne fassent de même envers l'URSS dans le futur, permettant aux communistes et aux nazis de s'affronter pour ensuite s'assurer une victoire facile sur les deux régimes totalitaires. Staline réalise aussi que ni la Pologne, ni la Roumanie ne sont prêtes à accepter le passage de troupes soviétiques sur leur sol, ni même le survol des avions russes, pour venir éventuellement en aide aux Tchécoslovaques. Cette situation influencera la signature du pacte germano-soviétique en août 1939.

La Tchécoslovaquie perd surtout ses défenses militaires. L'équivalent de la ligne Maginot ayant été construit dont une grande partie aux marges sudètes du pays, elle se retrouve désormais aux mains du Reich. Sans cette ligne de défense, l'indépendance du pays est plus théorique que réelle ; elle dépend entièrement du bon vouloir nazi et des puissances occidentales qui ont garanti ses frontières lors des accords de Munich. En mars 1939, les armées du Reich, violant délibérément les accords passés six mois avant à Munich, envahissent et occupent le reste de la Bohême et de la Moravie (et y établissent un protectorat) alors que la Slovaquie devient un État "indépendant", contrôlé par le Reich allemand, sous la houlette de Mgr Tiso (qui sera pendu par les Slovaques pour haute trahison au lendemain de la Seconde Guerre mondiale). L'Angleterre et la France commencent la mobilisation de leurs troupes même si aucune action concrète n'est prise alors. C'est l'invasion de la Pologne par Hitler qui marque le début de la Seconde Guerre mondiale.

[modifier] La conférence de Potsdam et les Décrets Beneš

Souvent associée aux Décrets Beneš, l'expulsion et la "relocation" des Allemands des Sudètes est une décision de la conférence de Potsdam en 1945, laquelle ordonna le transfert de quelques 11 millions d'Allemands de Tchécoslovaquie, Pologne et Hongrie.

La Tchécoslovaquie expulse donc, entre 1945 et 1947, trois millions de ses ressortissants allemands, tous soupçonnés d'avoir soutenu le régime nazi ou le parti allemand pro-nazi de Konrad Heinlein — à l'exception des combattants anti-nazis et des personnes rendues indispensables de par leurs qualifications (soit 250 000 personnes et près de 10 % du total).

Les biens de ces Allemands sont confisqués par les décrets Beneš (du nom du président en exil puis interim Edvard Beneš), et ces citoyens déchus de leur nationalité tchécoslovaque.

Ces décrets ont eu, longtemps même après la guerre, une certaine influence sur les relations entre la République tchèque et ses voisins autrichien et allemand qui, bien que leur gouvernement respectifs considèrent la question close, sont restés soumis aux pressions des associations de déplacés (surtout en Bavière) qui revendiquaient la révocation de ces décrets. Le vieillissement et la disparition progressive des personnes ainsi expulsées et l'entrée de la République tchèque dans l'Union Européenne ont rendu au demeurant ces revendications obsolètes,

[modifier] Après la Révolution de Velours

La question allemande reste brûlante en Tchécoslovaquie. Après la Révolution de Velours et la chute du régime communiste se pose le problème de la restitution (ou de la privatisation via une répartition à base de coupons) des biens en possession de l'État. Il n'est pas innocent de constater que la logique qui s'applique alors est celle de restitution des biens confisqués après le putsch communiste de février 1948, s'attachant à réparer les expropriations du régime communiste et de lui seul et non celles du régime démocratique de Beneš qui avait confisqué les biens allemands (mais aussi ceux de l'Église catholique), ni celles du régime nazi qui avait, entre 1939 et 1945, spolié de leurs propriétés des juifs tchécoslovaques.

La question sudète reste encore brûlante en 2005 lors de l'entrée du pays dans l'Union européenne puisque c'est sans doute avec cette question en tête que le gouvernement tchèque négocie une exemption aux principes européens de libre marché et interdit pour une période supplémentaire de dix ans l'achat de biens fonciers par des citoyens européens, craignant que les exilés sudètes puissent revenir en masse et racheter les biens familiaux dans des régions fragilisées par la transition économique et aux prix fonciers dévalorisés.

[modifier] Le texte des accords de Munich

Accord conclu à Munich pour le règlement du conflit germano-tchécoslovaque.

(Le 29 septembre 1938, entre l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l'Italie.)

Les quatre puissances : Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, tenant compte de l'arrangement déjà réalisé en principe pour la cession à l'Allemagne des territoires des Allemands des Sudètes, sont convenues des dispositions et conditions suivantes réglementant ladite cession, et des mesures qu'elle comporte. Chacune d'elles, par cet accord, s'engage à accomplir les démarches nécessaires pour en assurer l'exécution :

1. L'évacuation commencera le 1er octobre.

2. Le Royaume-Uni, la France et l'Italie conviennent que l'évacuation du territoire en question devra être achevée le 10 octobre, sans qu'aucune des installations existantes ait été détruite. Le gouvernement tchécoslovaque aura la responsabilité d'effectuer cette évacuation sans qu'il en résulte aucun dommage aux dites installations.

3. Les conditions de cette évacuation seront déterminées dans le détail par une commission internationale, composée de représentants de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de la France, de l'Italie et de la Tchécoslovaquie.

4. L'occupation progressive par les troupes du Reich des territoires à prédominance allemande commencera le 1er octobre. Les quatre zones indiquées sur la carte ci-jointe seront occupées par les troupes allemandes dans l'ordre suivant :

  • la zone 1, les 1er et 2 octobre;
  • la zone 2, les 2 et 3 octobre;
  • la zone 3, les 3, 4 et 5 octobre;
  • la zone 4, les 6 et 7 octobre.

Les autres territoires à prépondérance allemande seront déterminés par la commission internationale et occupés par les troupes allemandes d'ici au 10 octobre.

5. La commission internationale mentionnée au paragraphe 3 déterminera les territoires où doit être effectué un plébiscite.

Ces territoires seront occupés par des contingents internationaux jusqu'à l'achèvement du plébiscite. Cette commission fixera également les conditions dans lesquelles le plébiscite doit être institué, en prenant pour base les conditions du plébiscite de la Sarre. Elle fixera, en outre, pour l'ouverture du plébiscite, une date qui ne pourra être postérieure à la fin du mois de novembre.

6. La fixation finale des frontières sera établie par la commission internationale. Cette commission aura compétence pour recommander aux quatre puissances : Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie, dans certains cas exceptionnels, des modifications de portée restreinte à la détermination, strictement ethnologique, des zones transférables sans plébiscite.

7. II existera un droit d'option permettant d'être inclus dans les territoires transférés ou d'en être exclu.

Cette option s'exercera dans un délai de six mois à partir de la date du présent accord. Une commission germano-tchécoslovaque fixera le détail de cette option, examinera les moyens de faciliter les échanges de populations et réglera les questions de principe que soulèveront lesdits échanges.

8. Le gouvernement tchécoslovaque libérera, dans un délai de quatre semaines à partir de la conclusion du présent accord, tous les Allemands des Sudètes des formations militaires ou de police auxquelles ils appartiennent, dans la mesure où ils désireront cette libération.

Dans le même délai, le gouvernement tchécoslovaque libérera les prisonniers allemands des Sudètes qui accomplissent des peines pour délits politiques.

Munich, le 29 septembre 1938.

Le chancelier du Reich,
Adolf Hitler.

Le premier ministre de Grande-Bretagne,
Neville Chamberlain.

Le président du Conseil français,
Édouard Daladier.

Le chef du gouvernement italien,
Benito Mussolini.

[modifier] Annexes de l'accord

Annexe première

Le gouvernement de Sa Majesté dans le Royaume-Uni et le gouvernement français ont conclu l'accord ci-dessus, étant bien entendu qu'ils maintiennent l'offre contenue dans le paragraphe 6 des propositions franco-britanniques du 19 septembre 1938, concernant une garantie internationale des nouvelles frontières de l'État tchécoslovaque contre toute agression non provoquée.

Quand la question des minorités polonaise et hongroise en Tchécoslovaquie aura été réglée, l'Allemagne et l'Italie, pour leur part, donneront également une garantie à la Tchécoslovaquie.

Annexe II

Les chefs des gouvernements des quatre puissances déclarent que le problème des minorités polonaise et hongroise en Tchécoslovaquie, s'il n'est pas réglé dans les trois mois par un accord entre les gouvernements intéressés, fera l'objet d'une autre réunion des chefs des gouvernements des quatre puissances aujourd'hui assemblés.

Annexe III

Toutes les questions qui pourront naître du transfert du territoire sudète seront considérées comme du ressort de la commission internationale.

Annexe IV

Les quatre chefs des gouvernements ici réunis sont d'accord pour que la commission internationale prévue à l'accord en date de ce jour soit composée du secrétaire d'État à l'Office des affaires étrangères, des trois ambassadeurs accrédités à Berlin, et d'un membre à nommer par le gouvernement tchécoslovaque.

(Sous réserve de traduction conforme).

[modifier] Notes et références

  1. Jean Lacouture, Léon Blum, éditions du Seuil, 1977
  2. Il n'existe à notre connaissance aucun témoignage historique fiable confirmant la réplique « les cons ! » adressée à Alexis Léger qui le suivait, que Jean-Paul Sartre lui met entre les lèvres dans le deuxième tome Le Sursis de son roman Les Chemins de la liberté, Gallimard (1945-1949) : citation reprise en quatrième de couverture de l'édition "Folio", 1976
  3. « England has been offered a choice between war and shame. She has chosen shame and will get war. »

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Le piège de Munich, par Pierre Miquel, Éditions Denoël, 1998. ISBN 2.207.24786