Critique de l'athéisme

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La critique de l'athéisme se retrouve, en même temps que l'athéisme, dans l'histoire des religions au cours de leur phase de sécularisation.

L'athéisme peut être défini du point de vue de la négation du théisme, soit comme la croyance qu'il n'existe dans l'absolu, ni principe transcendant, ni hiérarchie des valeurs, soit comme l'attitude de dénégation de ses propres principes de conduite.

La plupart des critiques de l'athéisme proviennent des religions monothéistes qui ont fourni des arguments, soit pour convaincre, soit pour réprouver l'athéisme et les athées eux-mêmes.

Sommaire

[modifier] Critiques classiques

[modifier] L'athéisme est erroné parce que Dieu existe

Icône de détail Article détaillé : Arguments sur l'existence de Dieu.

La plupart des arguments directs contre l'athéisme sont ceux en faveur de l'existence de Dieu, qui impliqueraient que l'athéisme est simplement faux et que les athées sont incapables ou peu disposés à identifier l'existence d'un Dieu ou de dieux.

[modifier] L'athéisme est incohérent

Un des arguments est que l'athéisme est dénué de sens. Ce point de vue est comme une image en miroir du point de vue agnostique selon lequel le théisme est incohérent, ou une extension du point de vue agnostique lui-même : si l'on pose que la question de l'existence de Dieu n'a pas de réponse, y répondre "non" est aussi absurde qu'y répondre "oui".

D'autres attaquent l'athéisme en l'opposant à d'autres convictions soutenues par un nombre significatif d'athées (l'attaque ne vaut donc que pour ces athées). Par exemple, Alvin Plantinga, un apologiste contemporain, a soutenu que l'athéisme est incompatible avec la conviction en l'évolution des espèces, sur la base que l'évolution, combinée avec le naturalisme, implique que nos systèmes épistémologiques ont pour seuls buts de nous maintenir en vie. Autrement dit, l'évolution n'aurait aucune raison de faire apparaître en nous des convictions vraies, si des convictions fausses suffisaient à nous maintenir en vie. Il conclut que, bien qu'on puisse accepter séparément l'évolution ou le naturalisme, on ne peut pas accepter les deux ensemble sans accepter la conclusion que nos convictions sont infondées et douteuses. Ses arguments ressemblent de près aux arguments d'Edmund Husserl contre le psychologisme dans la logique. Les critiques répondent souvent que les productions de l'évolution ont souvent des capacités secondaires en plus des capacités primaires qui expliquent leur sélection : les plumes faites pour supporter la chaleur se sont avérées capables de vol, les esprits humains ont acquis pour survivre des capacités dont la généralité dépasse le cadre strict de la survivance.

L'athéisme peut provenir aussi de représentations sociales qui se sont formées, dans l'Histoire, à la suite de relations tumultueuses entre la science et la foi. Soutenir, comme Saint-Simon en 1825, que Dieu est remplacé par la gravitation universelle (voir les études de Pierre Musso sur la philosophie de Saint-Simon) peut paraître aujourd'hui dépassé et même naïf, étant donné les découvertes sur les autres forces - électromagnétisme, interaction faible, interaction forte - et sur la physique quantique.

[modifier] L'athéisme n'existe pas

Il existe un autre argument qui soutient que toutes les personnes croient naturellement en une déité, ou à une réalité transcendante voire un symbole de pouvoir supérieur : argent, pouvoir, progrès, nature, etc... Ainsi, l'athéisme ne pourrait être un rapport vrai de croyance, n'étant qu'une forme de sa dénégation. Les athées ne pouvant nécessairement que s'illusionner de ne pas avoir de hiérarchie des valeurs, ou n'être incroyants que par manque d'honnêteté intellectuelle, on pourrait en déduire que l'athéisme n'existant pas. [réf. nécessaire]

Une réponse à cette proposition a été d'exiger la preuve que les athées sont des croyants qui s'ignorent. Sinon n'importe qui pourrait défendre n'importe quelle position, en argumentant que ceux qui expriment un désaccord sont en réalité d'accord sans le savoir. Or, l'existence d'une transcendance est un fait collectif, une dimension qui organise le culture humaine, indépendamment de la conscience individuelle: être sourd-muet ne permet pas de prouver que le langage n'existe pas, ou qu'il n'obéit pas à tel ou tel principe. [réf. nécessaire]

Cependant, une réfutation encore plus simple consiste à renverser l'argument et à soutenir que toutes les personnes, naturellement et par elle-mêmes, ne croient en aucune déité, mais, plutôt, ne croient que parce qu'ils ont été élevés dans telle ou telle croyance, et que c'est la croyance qui est dénégation et illusion. [réf. nécessaire]

[modifier] L'athéisme mène à des conceptions inhumaines de la morale et de la politique, voire à leur négation

Ici, il faut distinguer entre l'athéisme ou le scepticisme comme option individuelle de l'athéisme comme option politique, c'est-à-dire comme principe de conduite d'un gouvernement.

Toutes les religions du monde enseignent que la moralité est dérivée des préceptes ou des commandements inspirés par la croyance commune en une déité perçue comme référence absolue. Par ailleurs, la reconnaissance d'un Dieu inciterait, par crainte ou par respect, à adopter un comportement moral, c'est-à-dire conforme à un idéal d'honnêteté ou de justice qui n'est pas centré sur l'individu et qui ne satisfait pas nécessairement l'intérêt personnel: d'où une aptitude au renoncement, au sacrifice, à l'honnêteté, à la franchise, etc. que certains attribuent aux croyants.

D'autre part, il est inéquitable, dans une même société, de faire vivre entre elles des personnes qui n'ont pas pas les mêmes exigences morales, les unes se conformant à un idéal moral, les autres à la poursuite de leur avantage et de leur satisfaction. En conséquence de quoi, les athées ont été fréquemment soupçonnés de ne pouvoir être qu'amoraux ou immoraux, cyniques, intéressés, vénaux. [réf. nécessaire]

Par exemple, pendant beaucoup d'années aux États-Unis, il n'était pas permis aux athées de témoigner devant un tribunal parce que l'on estimait qu'un athée n'aurait aucune raison de dire la vérité, sans la crainte de Dieu pour l'inciter à être honnête, dès lors que cette affirmation serait contraire à son intérêt. L'athéisme interdirait les conduites d'héroïsme, d'honneur, voire de simple honnêteté. Sans la référence absolue d'une transcendance divine qui permet de la sacraliser par un serment solennel ou implicite, la parole devient purement opportuniste, utilitaire, relative aux intérêts changeants de celui qui s'engage.

Par exemple, les annales des société traditionnelles relatent de nombreux cas comme celui de ce général romain, prisonnier de Carthages et voué au supplice, qui obtient d'être libéré sur parole pour régler ses affaires de famille à Rome, et qui revient au temps fixé pour être mis à mort, tant il était certain pour ces hommes pieux qu'on ne saurait vivre en ayant renié sa parole.

Si il est vrai que la conception que l'on se fait des dieux varie considérablement selon les traditions, Jupiter est très différent de Yahwe, on doit admettre que la croyance collective en une divinité et la piété qu'on lui doit joue le même rôle dans toutes les sociétés.

Les défenseurs de l'éthique religieuse expliquent les cas où l'immoralité se serait manifestée au nom de la religion par le fait qu'ils seraient produits par des aberrations politiques fondées sur des interprétations radicales ou même extrémistes des écrits religieux, et soulignent les effets positifs que la religion peut revendiquer.

Quelques théistes ont également argué du fait que l'athéisme favorise l'immoralité, en se fondant sur les exemples des athées qui sont considérés par beaucoup de gens comme des dictateurs, en particulier, Joseph Staline et Mao Zedong.

Certains des régimes qui ont planifié des massacres systématiques et massifs de leur population, depuis la Révolution française avec la Terreur et la guerre de Vendée, au bolchevisme et au régime de Pol-Pot, étaient explicitement fondés sur une ontologie politique athée et justifiés par le combat de toutes les religions. Pourtant, de manière équivalente, les religions, quand elles deviennent institutions, instaurent parfois des systèmes de répressions (cf. Inquisition) qui visent à contrôler les pensées et les pulsions des êtres humains, la déviance étant alors punie par la persécution, la torture, voir l'exécution du contre-venant. On peut donc remarquer que lesdits systèmes totalitaires athées sont des formes sécularisées de l'oppression religieuse.

[modifier] Contre-arguments athées sur l'immoralité

Les athées rejettent presque uniformément ce reproche et affirment qu'ils sont aussi - ou davantage - enclins à avoir un comportement moral, et proposent toute une liste de fondements non-théistes d'un comportement moral, comme :

  • une habitude acquise par leur éducation
  • l'empathie, la compassion et le souci humain pour éviter la souffrance des autres (la plupart des êtres humains ressentent une sorte de souffrance mentale devant la souffrance d'autres humains)
  • le respect pour l'ordre, la société, et la loi (beaucoup d'athées désirent vivre dans une société ordonnée, paisible, et sont conscients du fait qu'ils doivent se conformer à la loi s'ils veulent que le système fonctionne). Dans sa sociologie, Émile Durkheim indique que dans le mode moderne, la Société, comme principe supérieur, a pris la place de la divinité,
  • le désir d'avoir une bonne réputation (nécessaire pour être accepté par les autres) et l'amour-propre (l'image qu'on se fait de soi est forgée par nos propres actes, et il faut agir de façon à pouvoir s'accepter soi-même)

En outre, alors que l'athéisme n'implique aucune philosophie morale particulière, beaucoup d'athées s'orientent vers des conceptions telles que l'humanisme, l'empirisme, l'objectivisme, ou l'utilitarisme séculaire, qui fournissent un cadre moral qui n'est pas fondé sur la foi dans les déités.

Beaucoup d'athées ont également argué du fait qu'aucune base religieuse n'est nécessaire pour vivre une vie morale[1]. Ils affirment que le seul comportement véritablement moral est celui qui proviendrait de motivations altruistes, pas de la crainte d'une punition ou de l'espoir d'une récompense après la mort (car dans ce cas, il ne s'agit que de suivre son intérêt bien compris). De plus, ils citent le fait que, dans beaucoup de religions, le concept de la moralité est présenté comme liste d'interdits. Ils affirment que respecter une liste d'interdits n'est pas suffisant pour avoir un comportement véritablement moral, et que la moralité devrait être positive plutôt que négative : que dois-je faire ? plutôt que que dois-je ne pas faire ?.

Ceux qui sont peu satisfaits de l'orientation négative de l'éthique religieuse traditionnelle considèrent que les interdits peuvent seulement fixer les limites absolues de ce que telle ou telle société est disposée à tolérer de la part des gens dans ce qu'ils ont de plus négatif, et que les interdits ne guident pas les gens vers la réalisation de ce qu'ils ont de plus positif. En d'autres termes, quelqu'un qui respecte tous ces interdits évite juste d'être un criminel, et n'agit pas en tant qu'influence positive sur le monde. Ils concluent qu'une éthique raisonnable peut mener à une vie morale entièrement exprimée, alors que les interdits religieux sont insuffisants. En réponse, les théistes précisent souvent que cette négativité est un dispositif de certaines traditions religieuses et pas d'autres, et qu'il y a les directives positives dans certaines.

D'autres athées affirment que c'est la religion, plutôt que l'athéisme, qui est la source de l'immoralité. Francis Bacon écrit : « l'athéisme laisse à l'homme le sens, la philosophie, la piété normale, les lois, la réputation ; toutes choses qui peuvent être guides d'une vertu morale extérieure, même si la religion disparaissait ; mais la superstition religieuse démantèle toutes ces choses et érige une monarchie absolue dans les esprits des hommes. » [2]

Ici, la notion fondamentale est que les systèmes moraux religieux insistent sur l'obéissance plutôt que sur d'autres qualités. D'autres estiment qu'en raison de leur appui surnaturel allégué, ces systèmes sont en soi autoritaires, par conséquent capables d'approuver l'immoralité aussi facilement que la moralité tout en décourageant des individus d'évaluer de façon responsable la justesse morale de leurs actions. À l'appui de ceci, les athées peuvent évoquer une longue liste d'horreurs commises avec l'appui de la religion.

Cependant, les athées ont rétorqué que l'existence des personnes immorales (ou amorales) ayant un certain système de croyance (ou manque d'un certain système de croyance) n'indique pas que le système de croyance lui-même est immoral ou amoral. En outre, l'argument qui affirme que l'athéisme est faux parce qu'il mène à des morales pauvres serait une forme d'appel aux conséquences, une erreur logique même si l'athéisme était en effet lié à l'immoralité, il n'impliquerait pas qu'un système athée de croyance est réellement incorrect.

Certaines croyances religieuses sont parfois accusées de favoriser la mortalité en s'opposant à la recherche médicale ou en jugeant contraire aux dogmes l'utilisation de médicaments ou de préservatifs, elles empêcheraient de facto de trouver ou d'utiliser les moyens de guérir certaines pandémies (Peste, Sida) et remplaceraient des méthodes scientifiques par des pratiques rituelles qui ne possèderaient pas de vertus curatives (cf. Controverses liées aux Témoins de Jéhovah). Par exemple, en Éthiopie, la croyance aux bienfaits de l'eau bénite conduit certains prêtres à interdire la prise de médicaments.[3]

[modifier] Le nazisme fruit de l'athéisme ?

Le nazisme ne se présentait pas seulement comme une idéologie politique, mais aussi comme une vision globale du monde. Ses mythes et son "mysticisme" (voir mysticisme nazi)ont fait dire à certains qu'il était en fait une quasi-religion. Pour d'autres, cependant, il est l'exemple de la violence d'une idéologie sans Dieu, le "fruit de l'athéisme" [4] où certains aspects de la philosophie de Nietzsche pris à la lettre justifieraient de faire triompher le fort sur les faibles.

[modifier] Critique radicale de l'athéisme par René Girard

[modifier] Critique du scepticisme athée

Selon René Girard, le meurtre de boucs émissaires a fondé les communautés archaïques et le religieux sacré (mythes, tabous, interdits, rites) a permis à ces communautés de maintenir un ordre social stable. Mais le biblique a révélé le meurtre fondateur, ce qui a enrayé l'efficacité du mécanisme émissaire et entraîné l’effondrement des ordres sociaux fondés sur le religieux sacré.
L’athéisme (et plus précisément l’antichristianisme)ne ferait que perpétuer les mythes. « L’idée que le mythe est tout entier fiction le rend aussi impénétrable que l’idée inverse, celle du religieux qui fait de lui la vérité. L’humanisme sceptique passe pour la critique suprême du religieux alors qu’en réalité il en est l’héritier, trop intéressé, comme tout héritier, à la perpétuation du capital dont il hérite pour ne pas être secrètement respectueux. Dans des conditions radicalement altérées par la révélation biblique, l’humanisme sceptique empêche la révélation du rôle joué par le mécanisme émissaire dans la genèse et l’organisation des mythes. Il se situe dans le prolongement direct du religieux victimaire dont il protège le secret. »[5]

[modifier] Athéisme et morale

Selon René Girard, ce que les athées veulent faire passer pour humain et naturel serait en fait chrétien. Par exemple, la pitié et la compassion ne seraient concevables et praticables que par des individus dont la socialisation se fait dans le cadre d’une culture judéo-chrétienne. Si l’on avait proposé à un Grec de donner des droits à une victime, il n’aurait même pas ri, il n’aurait simplement pas compris.
Adopter un comportement moral dans le but d’augmenter sa bonne réputation et son image de soi ne serait possible et envisageable que dans le cadre d’une société qui pense qu’il est bien de faire le bien. Dans Je vois Satan tomber comme l’éclair, René Girard affirme que le souci des victimes est la dernière et la seule valeur du monde moderne.
« Si nous interrogeons nos historiens, ils invoqueront l’humanisme et autres idées du même genre qui leur permettront de ne jamais mentionner le religieux [... ] En France, il est vrai, l’humanisme s’est développé contre le christianisme d’Ancien Régime, accusé de complicité avec les puissants, à juste titre, d’ailleurs. [...] L’humanisme et l’humanitarisme se développent d’abord en terre chrétienne. » (page 212)
« Après nos débâcles idéologiques, nos intellectuels croyaient s’installer dans le délectable fromage d’un nihilisme sans obligations ni sanctions. Notre nihilisme est un pseudo-nihilisme. Pour croire en sa réalité, on essaie de faire du souci des victimes une attitude qui va de soi, un sentiment tellement répandu qu’il ne peut passer pour une valeur. En réalité, c’est une exception flagrante à notre néant de valeur. [...] L’inauguration majestueuse de l’ère « post-chrétienne » est une plaisanterie. Nous sommes dans un ultra-christianisme caricatural qui essaie d’échapper à l’orbite judéo-chrétienne en « radicalisant » le souci des victimes dans un sens anti-chrétien ». (page 230)

[modifier] Hypocrisie dans l’athéisme

Toujours selon Girard, l’athéisme humaniste, héritier des valeurs chrétiennes, a parfois défendu ces dernières mieux que l’Église chrétienne et parfois même contre elle. C’est le cas de Voltaire quand il prenait parti dans l’affaire Callas. Si le christianisme est la source de la morale, et si l’athéisme s’en prend pour une deuxième source, s’afficher chrétien ou athée n’est pas gage de morale ou d’immoralité.
Qu’il s’agisse d’enseigner « Tu ne tueras point » et de faire les croisades en même temps ou qu’il s’agisse d’accuser les chrétiens d’avoir fait les croisades pour souligner que l’athéisme n’a pas fait les croisades, serait de la même hypocrisie. L’athéisme qui se croit plus moral que le christianisme est un angélisme. Les idéologues de la nature humaine, qu'il s'agisse de dire que l'homme est fondamentalement mauvais ou bien que l'homme est fondamentalement bon, ne comprennent pas la nature véritable de la violence et de l'hypocrisie.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Is Atheism Consistent With Morality?
  2. Essays of Francis Bacon - Essay XVII
  3. http://www.rfi.fr/sciencefr/articles/091/article_53891.asp Médecine et religion ne font pas bon ménage
  4. Le pape Jean-paul II et les athées, pape contre atheisme, communisme, nazisme, christianisme, eglise
  5. La Route antique des hommes pervers, chapitre 6.

[modifier] Bibliographie

  • Télécommunications et philosophie des réseaux, la postérité paradoxale de Saint-Simon, Pierre Musso, PUF, 1997,
  • "l'homme et ses origines", de Robert-Jean VICTOR. Editions du Cygne. avril 2007

[modifier] Articles connexes

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