Claude Simon

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Claude Simon
Naissance 10 octobre 1913
Décès 6 juillet 2005
Activité romancier
Nationalité française
Genre dramatique, historique
Sujet le rapport de l'individu à la mémoire et sa conception multiple et fragmentaire de l'Histoire
Mouvement Nouveau Roman
Influences Marcel Proust, William Faulkner
A influencé François Bon
Œuvres principales La Route des Flandres, Le Palace, La Bataille de Pharsale, Histoire, La Leçon de choses, Les Géorgiques, L'Acacia
Éditeurs les Editions de Minuit
Récompenses prix Médicis pour Histoire, prix Nobel de littérature

Claude Simon est un écrivain français né le 10 octobre 1913 à Tananarive (Madagascar) et décédé le 6 juillet 2005 à Paris. Le prix Nobel de littérature en 1985 est venu récompenser celui « qui, dans ses romans, combine la créativité du poète et du peintre avec une conscience profonde du temps dans la représentation de la condition humaine.».[1]

Il s'est également intéressé à la peinture et à la photographie.

Sommaire

[modifier] Biographie

Claude Simon est né à Tananarive à Madagascar d'un père militaire qui décède quelques mois plus tard le 27 août 1914 lors de la Première Guerre mondiale près de Verdun. Il est élevé à Perpignan en France, par sa mère. Cette dernière décède en 1924 des suites d'un cancer. Son éducation est alors prise en charge par sa grand-mère et l'un de ses oncles, sous la tutelle d'un cousin germain.

En 1931, il se consacre à la peinture et à la photographie. Il suit d'ailleurs des cours à l'académie de peinture André Lhote.

Il effectue son service militaire au 31e Régiment de Dragons de Lunéville de 1934 à 1935. L'année suivante il commence à écrire et se rend à Barcelone pour se joindre aux républicains qui sont opposés aux troupes franquistes lors de la Guerre d'Espagne. Il rentre en France en 1938 et se lance dans l'écriture d'un premier roman : le Tricheur, qui est publié à la Libération.

En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé pour servir dans le 31e Régiment de Dragons. Il est fait prisonnier par les Allemands, mais s'évade l'année suivante de son camp de prisonniers en Saxe et rejoint la zone libre. Il s'installe à Salses où il devient membre de la Résistance.

À la fin de la guerre, il devient viticulteur dans le Bordelais avec sa propre exploitation et commence la rédaction de plusieurs œuvres. Edités par les Editions de Minuit, ses ouvrages le classent, pour beaucoup de critiques, dans la mouvance du Nouveau Roman.

En 1967, il obtient le prix Médicis pour l'un de ses romans les plus connus : Histoire. En 1985, le prix Nobel de littérature vient couronner et rendre justice à une œuvre majeure de la littérature française contemporaine, passée sous silence par l'ensemble d'une presse obnubilée par les têtes de proues "médiatiques" du Nouveau Roman, à savoir Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Michel Butor[réf. nécessaire].

À la fin de son existence, il réside entre son domaine viticole du Sud-Ouest de la France et son appartement de la rue Monge, dans le Quartier latin parisien.

Claude Simon a écrit plusieurs romans qu'il considère comme appartenant à une période probatoire et peu convaincante : La Corde raide (1947), Gulliver (1952) et Le Sacre du printemps (1954), période achevée par la publication du Vent (1957).

Voici un extrait de son discours de remerciement lors de la cérémonie de remise des prix Nobel à Stockholm, le 9 décembre 1985 :

« Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d'habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j'ai été témoin d'une révolution, j'ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières (j'appartenais à l'un de ces régiments que les états-majors sacrifient froidement à l'avance et dont, en huit jours, il n'est pratiquement rien resté), j'ai été fait prisonnier, j'ai connu la faim, le travail physique jusqu'à l'épuisement, je me suis évadé, j'ai été gravement malade, plusieurs fois au bord de la mort, violente ou naturelle, j'ai côtoyé les gens les plus divers, aussi bien des prêtres que des incendiaires d'églises, de paisibles bourgeois que des anarchistes, des philosophes que des illettrés, j'ai partagé mon pain avec des truands, enfin j'ai voyagé un peu partout dans le monde ... et cependant, je n'ai jamais encore, à soixante-douze ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n'est comme l'a dit, je crois, Barthes après Shakespeare, que « si le monde signifie quelque chose, c'est qu'il ne signifie rien » — sauf qu'il est. »

Il décède le 6 juillet 2005 à l'âge de 91 ans et est inhumé à Paris, au cimetière de Montmartre [2].

[modifier] Son œuvre

Assimilée au Nouveau Roman, son œuvre littéraire donne le sentiment d'une profonde unité thématique et stylistique. Elle comprend notamment certains épisodes vécus (la guerre d'Espagne, l'engagement sur le front de 1940) qui nourrissent plusieurs fictions successives. Celles-ci présentent au lecteur des figures récurrentes telles que la mère, rapidement disparue, la grand-mère et l'oncle qui ont élevé l'écrivain et les deux tantes qui s'étaient sacrifiées pour permettre au père de faire ses études. A cela s'ajoutent les archives simoniennes: les photographies familiales, les papiers conventionnels d'un aïeul et les cartes postales que le père, en poste dans les colonies, écrivit à la mère durant leurs longues fiançailles. Les romans de l'auteur sont traversés par les thèmes de l'érotisme, de la guerre, de l'Histoire perçue comme un éternel recommencement et du temps conçu comme piétinement immobile. Inspirée d'abord par Marcel Proust ou William Faulkner (auquel il emprunte la forme "ing", retranscrite en français par l'emploi répété des participes présents), l'écriture de Claude Simon se caractérise par un travail formel d'importance. La perception organique de l'Histoire vécue s'illustre par la présentation de détails apparemment insignifiants, infléchissant le récit en strates d'une fiction multiple, dictée par le mouvement chaotique de l'imagination. Celle-ci se superpose à des considérations esthétiques ou à une dimension réflexive d'un langage littéraire qui définit les propres fondements de son art poétique. Le « magma de mots et d'émotions » (métaphore employée par Simon dans le Discours de Stockholm en 1985 pour qualifier son œuvre) vient briser la linéarité d'un type de narration traditionnelle qui se voit ainsi dépouillée de ses transitions logiques. Les structures romanesques habituelles, régissant et hiérarchisant les diverses notions d'espace et de temps, sont anéanties : l'héritage du modèle littéraire au XIXe siècle est ainsi malmené. Les différentes références aux lieux et aux époques sont simultanément saisies, de manière apparemment anarchique, par une langue dense et prolixe qui tente de figer la durée donnée grâce à l'utilisation de périphrases (« Achille immobile à grand pas ») ou au contraire cherche à animer les images immobiles qui nourrissent le récit en différents endroits (peintures, photographies, cartes postales, timbres-poste...).

La matière romanesque est enrichie par l'apport d'un perpétuel travail de remémoration. Le temps est reconstitué dans sa durée vécue, sous ses multiples dimensions sensorielles. Ceci est particulièrement sensible à partir des romans Le Vent et L'Herbe, premiers ouvrages parus aux Éditions de Minuit. Ainsi dans La Route des Flandres, Simon pousse aussi loin que possible ce travail d'exploration mémorielle, en prenant l'histoire d'une famille et de quelques uns de ses membres bousculés dans la débâcle de 1940 dans un réseau saturé de souvenirs, d'évocations, de visions et d'images qui surgissent du subconscient et émergent du chaos pour inscrire les paramètres d'une mémoire vive dans l'ordre du langage.

Le Palace raconte « sa » Guerre d'Espagne. Suivront ensuite de nombreux romans où Claude Simon approfondit et personnalise son expérience soit d'un épisode historique concret soit d'événements biographiques personnels. Ainsi, Histoire, La Bataille de Pharsale, Les Corps conducteurs, Triptyque ou Leçons de choses sont la démonstration d'une grande puissance créatrice guidée par une écriture exigeante et persévérante associée à un formalisme particulièrement pensé. Parmi ses derniers livres, on compte notamment Les Géorgiques et L’Acacia, publiés dans les années 1980 qui sont de véritables chefs-d’œuvre, concentrant toutes les caractéristiques d'un style libéré des conventions littéraires sans sombrer dans l'exercice expérimental fastidieux pour convoquer l'histoire de la littérature et interroger l'écrivain dans les fondements de son entreprise artistique, de son travail sur langue et de son éthique de créateur.

Si ce style peut rappeler celui de Marcel Proust, il s'en éloigne par la simplicité du langage, même si cela ne paraît pas. Beaucoup de critiques ont d'ailleurs rapproché, à tort, les aspirations esthétiques et littéraires des deux auteurs. Contrairement au modèle proustien qui saisit les infimes flux de conscience et les vestiges d'une perception olfactive conditionnée en mémoire involontaire dans À la recherche du temps perdu, que le narrateur utilise pour recomposer l'image générale d'une société disparue (unifiée d'ailleurs par l'éternité de l'acte poétique), Simon diffracte la pensée mémorielle en fragments de souvenirs, en figures floues ou en bribes d'espaces-temps irréconciliables entre elles, venues perturber une narration hantée par les marques physiques de l'Histoire vécue.

La difficulté principale à laquelle se heurte tout lecteur de Simon réside plutôt dans la syntaxe ample, où des phrases s'écoulent souvent sur des pages sans aucune ponctuation, et dans la construction générale des œuvres. L'écrivain emploie le mot juste, et c'est cette accumulation de mots, ces juxtapositions de comparaisons, de phrases, de périphrases à l'intérieur d'une phrase générale qui en font toute la richesse.

L'écriture simonienne est particulièrement foisonnante et sinueuse, nouant autour de mots des associations multiples qui bouclent dans des réseaux infinis, jouant sans cesse sur du principe de combinaisons aléatoires. Toutes les œuvres de l'auteur paraissent n'être que des extraits d'un immense récit que l'on ne prend jamais au début et qui n'a aucune fin: une image de notre place dans le roman de la vie ?

[modifier] Bibliographie

[modifier] Livres de Claude Simon

  • 1945 : Le Tricheur, Éditions du Sagittaire
  • 1947 : La Corde raide, Éditions du Sagittaire
  • 1952 : Gulliver, Calmann-Lévy
  • 1954 : Le Sacre du Printemps, Calmann-Lévy
  • 1957 : Le Vent. Tentative de restitution d'un retable baroque, Éditions de Minuit
  • 1958 : L'Herbe, Éditions de Minuit
  • 1960 : La Route des Flandres, Éditions de Minuit, prix de l'Express
  • 1962 : Le Palace, Éditions de Minuit
  • 1966 : Femmes (sur vingt-trois peintures de Joan Miró), Éditions Maeght
  • 1967 : Histoire, Éditions de Minuit, prix Médicis
  • 1969 : La Bataille de Pharsale, Éditions de Minuit
  • 1970 : Orion aveugle, Skira
  • 1971 : Les Corps conducteurs, Éditions de Minuit
  • 1973 : Triptyque, Éditions de Minuit
  • 1975 : Leçon de choses, Éditions de Minuit
  • 1981 : Les Géorgiques, Éditions de Minuit, ISBN 2-7073-1950-3
  • 1984 : La Chevelure de Bérénice, Éditions de Minuit (Reprise du texte de Femmes)
  • 1986 : Discours de Stockholm, Éditions de Minuit
  • 1987 : L'Invitation, Éditions de Minuit
  • 1988 : Album d'un amateur, Rommerskirchen
  • 1989 : L'Acacia, Éditions de Minuit
  • 1992 : Photographies, 1937-1970, Éditions Maeght
  • 1994 : Correspondance avec Jean Dubuffet, L'Échoppe
  • 1997 : Le Jardin des Plantes, Éditions de Minuit
  • 2001 : Le Tramway, Éditions de Minuit
  • 2006 : Œuvres. Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", [avec les œuvres : Le Vent, tentative de restitution d'un retable baroque (1957), La Route des Flandres (1960), Le Palace (1962), La Bataille de Pharsale (1969), La Chevelure de Bérénice (Reprise du texte Femmes, 1972), Triptyque (1973), Discours de Stockholm (1986, texte prononcé à l'occasion de la remise du Prix Nobel) et Le Jardin des Plantes (1997)].

[modifier] Livres consacrés à Claude Simon

  • Ludovic Janvier, Une parole exigeante, Minuit, 1984.
  • Colloque de Cerisy, Claude Simon, analyse/théorie, UGE, coll. "10/18", 1975, réédité chez Impressions nouvelles, 1986.
  • Lucien Dällenbach, Roger Dragonetti, Georges Raillard, Jean Starobinski, Sur Claude Simon, Éd. de Minuit, 1987.
  • Lucien Dällenbach, Claude Simon, Éd. du Seuil, collection « Les contemporains », 1988.
  • Mireille Calle-Gruber, Michel Butor, Claude Simon, Chemins de la mémoire, Pug - Le Griffon d'argile, 1993.
  • Bernard Andrès, Profils du personnage chez Claude Simon, Éd. de Minuit, 1993.
  • Colloque Claude Simon, « Les sites de l'écriture », direction Mireille Calle, Queen's University, Nizet, 1995.
  • Patrick Longuet, Lire Claude Simon. La Polyphonie du monde, Éd. de Minuit, 1995.
  • Christine Genin, L'expérience du lecteur dans les romans de Claude Simon. Lecture studieuse et lecture poignante. Paris, Champion (Littérature de notre siècle, 6), 1997.
  • Christine Genin, L'écheveau de la mémoire. La Route des Flandres de Claude Simon. Paris, Champion (Unichamp, 59), 1997.
  • Claude Simon, La Route des Flandres, Klincksieck, coll. « Littératures contemporaines », 1997.
  • Catherine Rannoux, L'écriture du labyrinthe : Claude Simon, La Route des Flandres, Paradigme, 2000.
  • Mireille Calle-Gruber, Le Grand Temps : Essai sur l'œuvre de Claude Simon, Presses Universitaires du Septentrion, 2004.
  • Alexandre Prstojevic, Le Roman face à l´Histoire - Essai sur Claude Simon et Danilo Kis, Éd. L´Hartmann, 2005.
  • Claire Guizard, Claude Simon : La répétition à l´œuvre. Éd. L´Hartmann, 2005.
  • Bérénice Bonhomme, Claude Simon, l´écriture cinématographique, Éd. L´Hartmann, 2005.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Note

  1. Traduit de l'anglais: « who in his novel combines the poet's and the painter's creativeness with a deepened awareness of time in the depiction of the human condition. » (source: Site officiel de la Fondation Nobel , in "Nobel prize laureates in literature", partie consacrée à Claude Simon (1985) »
  2. (fr) Pierre Lepape, « Claude Simon, un « arbre » littéraire enraciné dans l'Histoire », 12 juillet 2005, Le Monde. Mis en ligne le 12 juillet 2005, consulté le 15 mai 2008


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Jaroslav Seifert
Prix Nobel de littérature
1985
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