Chiralité (chimie)

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Les deux premières molécules sont l'image dans un miroir l'une de l'autre. Si on tourne la première on voit qu'elle n'est pas superposable à la seconde.
Les deux premières molécules sont l'image dans un miroir l'une de l'autre. Si on tourne la première on voit qu'elle n'est pas superposable à la seconde.

En chimie, un composé chimique est chiral, du grec « χειρ » (la main), s'il n'est pas superposable à son image dans un miroir. Si une molécule est chirale, elle possède deux formes énantiomères : une lévogyre (« qui tourne à gauche », en latin laevus : gauche) et une dextrogyre (« qui tourne à droite », en latin dextro : droite) qui font tourner un rayonnement polarisé de manière opposée.

Sommaire

[modifier] Molécule chirale

La chiralité peut être comparée à un simple problème de chaussures. Tous les enfants ont déjà été confrontés à un problème de chiralité en mettant le pied droit dans la chaussure gauche et inversement. Une chaussure est un objet chiral car elle n'est pas superposable à son image dans un miroir, tout comme les mains.

La distribution d'éléments différents dans l'espace, par exemple autour d'un point, peut conduire à des situations non identiques, donc des objets différents. Ainsi les dés à jouer sont des objets chiraux : la règle de construction veut que la somme des faces opposées soit égale à sept. Posons le six sur la face supérieure et par conséquent le un sur la face inférieure, puis le cinq devant donc le deux derrière. Il reste deux façons non équivalentes de terminer : le quatre à gauche et le trois à droite, ou inversement. On obtient deux énantiomères images l'un de l'autre dans le miroir.

De même, les acides aminés sont des molécules chirales : un acide aminé et son image dans un miroir ne sont pas superposables car la molécule contient un atome de carbone asymétrique (lié à 4 atomes ou groupements d'atomes différents).

Le carbone tétravalent peut accepter 4 substituants différents sur chacune de ses 4 liaisons :

Voici l'exemple avec l'acide aminé Alanine (deux stéréo-isomères nommés D et L) :

C'est donc la symétrie de la molécule qui détermine si elle est chirale ou non chirale (elle est alors appelée achirale). Dans la pratique, une molécule est chirale si et seulement si elle est dépourvue de tout axe impropre de rotation d'ordre n (n entier strictement positif), noté Sn. Il s'agit de la rotation de la molécule de nπ autour de l'axe, suivie d'une réflexion par rapport à un plan perpendiculaire à cet axe. Un axe de rotation impropre d'ordre 1 (S1) est un centre de symétrie (noté i) et un axe de rotation impropre d'ordre 2 (S2) est un plan de symétrie (noté σ).

[modifier] Aspects historiques

Une solution faisant tourner le plan de polarisation d'un faisceau de lumière polarisée dans le sens inverse des aiguilles d'une montre contient un isomère optique (−) (c'est le contraire pour un isomère optique (+)). L'effet magnéto-optique est à l'origine de ce phénomène. Cette propriété a été observée pour la première fois par Jean-Baptiste Biot en 1815 et a acquis une importance considérable dans l'industrie des sucres, la chimie analytique et l'industrie pharmaceutique. Louis Pasteur a montré en 1848 que l'activité optique est liée à la chiralité[1](Critère de Pasteur).

[modifier] Un objet chiral, deux énantiomères

Un objet chiral ne possède que deux formes différentes possibles appelées énantiomères (du grec enantios « opposé »). Ainsi une chaussure est un objet chiral avec deux énantiomères : la chaussure droite et la chaussure gauche.

C'est exactement pareil pour les molécules : dès qu'une molécule possède une symétrie suffisamment basse, elle existe nécessairement sous la forme de deux énantiomères qui ont les mêmes propriétés physiques symétriques (solubilité, température d'ébullition, etc.) ; ils peuvent cependant être différenciés par une propriété optique, la déviation de la lumière polarisée : l'un des composés la dévie à droite et l'autre à gauche.

Les deux énantiomères de l'acide lactique : l'acide lévo-lactique et l'acide dextro-lactique.

[modifier] Nomenclature

Un mot sur la nomenclature utilisée pour désigner la configuration (l'arrangement dans l'espace des substituants du carbone) : les chimistes disent R/S « Rectus, droit » ou « Sinister, gauche » (nomenclature officielle), mais les biologistes continuent d'utiliser l'ancien système D/L. Le premier système est fondé un ordre de priorité convenu des quatre différents substituants du carbone asymétrique ; le système D/L utilise, lui, des corrélations chimiques compliquées à partir du glycéraldéhyde.


Il n'y a aucune relation entre les deux systèmes basés sur des critères totalement différents. De plus, dans les deux cas, il n'y a aucune relation entre la configuration et les propriétés optiques (dextrogyre ou lévogyre).


La nomenclature R/S est dite configuration absolue puisqu'elle est applicable à tous types de molécules, sur le base de critères non-ambigus, les règles de Cahn, Ingold et Prelog. À chaque carbone asymétrique (C*) est attribué un descripteur R ou S en donnant à chacun de ses substituants une priorité selon le numéro atomique de l'atome lié au C* (la plus grande priorité étant accordée au substituant titulaire du numéro atomique le plus élevé). Si deux substituants sont liés au C* par le même atome, il faut, pour attribuer la priorité, se référer aux autres atomes liés à ce dernier, et ainsi de suite.

Exemple d'application des règles de Cahn, Ingold et Prelog
Exemple d'application des règles de Cahn, Ingold et Prelog

Ensuite, il s'agit de savoir si les trois substituants prioritaires sont présentés d'une façon horaire (en plaçant conventionnellement le substituant le moins prioritaire à l'arrière) ou anti-horaire. L'isomère R est donc vers la droite, soit une configuration où les substituants prioritaires « tournent » dans le sens horaire. L'isomère S correspond à la rotation anti-horaire. Plusieurs carbones peuvent être asymétriques, donc pour présenter le nom de la molécule, on ajoute, devant le nom de la molécule (XR, YS)-, où X et Y sont les numéros du carbone asymétrique et R et S les isomères possibles. On peut donc avoir du (2S, 5R)-5-chlorohexan-2-ol, du (2S, 5S)-5-chlorohexan-2-ol, du (2R, 5R)-5-chlorohexan-2-ol ou encore du (2R, 5S)-5-chlorohexan-2-ol.

[modifier] Énantiomère droit ou gauche ?

Au XIXe siècle, on a montré que certains composés en solution dévient le plan de polarisation de la lumière polarisée. Il y en a qui le dévient à gauche (angle -α) et d'autres à droite (angle +α). Et c'est le cas pour nos énantiomères : il y en a un qui dévie la lumière à droite, il est dit dextrogyre (d), et l'autre qui la dévie à gauche, il est lévogyre (l). Ceci permet de les différencier. La nomenclature D/L fait référence elle à la configuration absolue, c'est-à-dire à l'arrangement spatial du composé par référence à l'alanine, un des acides aminés naturels.

Où est le problème pour la vie ?

Aujourd'hui, les acides aminés « naturels » qui constituent les êtres vivants sont tous L alors que lorsqu'on les synthétise dans des conditions symétriques (expérience de Miller par exemple) on obtient un mélange 50/50 des formes L et D : c'est un mélange racémique. C'est l'inverse pour les sucres : tous les glucides naturels sont de la série D. De manière générale, dans le vivant, un seul énantiomère a été sélectionné à chaque fois que le problème s'est posé.

La vitamine C : seule la forme L est assimilée par l'organisme.

Pourquoi et comment la vie a-t-elle systématiquement privilégié une des deux formes ? Comment, c'est un mystère. Mais on peut facilement comprendre pourquoi : c'est une économie de moyens. La vie de tous les jours nous en offre des exemples réussis et d'autres ratés. Ainsi, sauf cas très spéciaux, c'est une grosse économie de moyens que, de par le monde, toutes les vis et tous les écrous soient de pas droit (donc des objets chiraux) ; imaginons la pagaille si les vis et les écrous étaient vendus en mélange racémique (50/50)...

Pour la même raison d'économie les deux moteurs d'un avion bimoteur tournent dans le même sens. Par contre la marine militaire s'offre le luxe d'équiper ses bâtiments de paires d'hélices tournant en sens inverse.

Dans les deux pays les plus peuplés au monde, l'Inde et la Chine, on ne conduit pas du même côté : à gauche en Inde et à droite en Chine. Pour un constructeur étranger, il faudra donc prévoir deux chaînes de montage pour exporter un même modèle d'automobile. Ce qui constitue un gaspillage énorme que la nature a su éviter.

[modifier] Une main droite dans un gant gauche !

Deux énantiomères possèdent des propriétés identiques dans un environnement symétrique. Ainsi un gant de cuisine plat et symétrique conviendra de la même façon à une main droite ou gauche. Par contre un gant droit ne convient pas à une main gauche : un récepteur lui-même chiral discrimine donc deux énantiomères. Or, nous sommes construits avec des briques élémentaires chirales (acides aminés, sucres, etc.) et, pour ce qui est du vivant, les conséquences de cette situation sont multiples :

  • deux énantiomères peuvent avoir simplement des propriétés différentes : l'odeur caractéristique du fenouil et de l'aneth est due à l'un des énantiomères de la carvone, tandis que l'arôme de menthe verte est dû à l'autre. Les deux énantiomères du citronellal sont les arômes de citron et d'orange.
  • un énantiomère peut être doué d'une propriété biologique intéressante, insecticide par exemple alors que l'autre demeure totalement inactif. Par exemple la deltaméthrine.
  • un énantiomère peut être un médicament efficace et l'autre un poison hautement toxique. Ceci n'avait pas été compris jusque dans les années 1970 : pour des raisons de coût il était courant de synthétiser des médicaments sous forme racémique, en postulant que le mauvais énantiomère n'a aucune activité. Par exemple la thalidomide (analgésique), a été commercialisée sous forme racémique, mais l'enantiomère censé être inactif s'est avéré provoquer des malformations (tératogène).


Tout dépend de la molécule et de son récepteur biologique.

[modifier] Références

  1. Gallica : "Dissymétrie moléculaire" de Louis Pasteur

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes