Bibliothèque de Nag Hammadi

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La Bibliothèque de Nag Hammadi est une collection de textes gnostiques de la période paléochrétienne, qui ont été retrouvés en 1945 dans la ville de Nag Hammadi.

Cette année-là, des paysans découvrent, dans une jarre scellée, treize codices de papyrus, reliés en cuir. Les écrits contenus dans ces manuscrits étaient essentiellement des traités gnostiques (au nombre de 52) mais également trois œuvres du Corpus Hermeticum et une traduction partielle de la République de Platon.

On estime qu'il s'agissait vraisemblablement de documents provenant de la bibliothèque du monastère de saint Pacôme cachés là à la fin du IVe siècle, après l'interdiction de la littérature gnostique par Athanase d'Alexandrie et par les décrets de l'empereur Théodose Ier.

Les manuscrits étaient écrits en copte, bien que la plupart des textes fussent à l'origine écrits en grec ancien. Le plus célèbre de ces textes est sans doute l'Évangile selon Thomas, dont la bibliothèque de Nag Hammadi contient le seul exemplaire complet. Après cette découverte, on a constaté que des morceaux de ces paroles de Jésus étaient présents dans des manuscrits retrouvés à Oxyrhynque en 1898. Ces citations ont été retrouvées dans d'autres sources chrétiennes anciennes, des deux premiers siècles de l'ère chrétienne. La plupart des textes ont donc pu être datés des Ier et IIe siècles, tandis que les manuscrits eux-mêmes dateraient d'un ou deux siècles plus tard (IIIe ou IVe siècle).

Les manuscrits sont désormais conservés au Musée copte du Caire. (Voir l'article Gnosticisme pour plus de détails sur l'intérêt de ces textes dans la connaissance du christianisme primitif).

Sommaire

[modifier] La découverte

L'histoire de la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi a été décrite comme « aussi fascinante que le contenu même de la bibliothèque[1] ». En décembre 1945, deux frères Égyptiens découvrent plusieurs papyrus dans une grande jarre de terre cuite tandis qu'ils creusent le sol pour trouver du calcaire destiné à fertiliser leurs terres, dans des grottes à proximité de Habra Dom en Haute-Égypte. Ils ne font pas part de cette découverte immédiatement, espérant faire fortune en vendant les manuscrits petit à petit. Il paraît aussi que leur mère aurait brûlé certains papyri de peur des « effets dangereux » de ces écrits[2]. Par conséquent, ce n'est que peu à peu que l'on prit conscience de l'intérêt de la bibliothèque de Nag Hammadi (du nom de l'endroit où la majorité des écrits a été retrouvée).

En 1946, les deux frères se disputent et confient les manuscrits à un prêtre copte. Le beau-frère de ce prêtre vend alors un des codices au musée copte du Vieux Caire (aujourd'hui connu comme le Codex III). L'historien de l'Église copte, Jean Doresse, installé au musée, mesure immédiatement l'intérêt de la pièce, en fait état en 1948. Les années suivantes, plusieurs autres pièces sont vendues par le prêtre à un antiquaire chypriote du Caire. Une partie est confisquée par le Département des Antiquités, de crainte qu'elles ne quittent le territoire. Après la prise de pouvoir de Nasser en 1956, ces textes, confiés au Musée copte, sont déclarés biens nationaux.

Entre temps, un codex avait été vendu séparément, au Caire, à un antiquaire belge. Ce dernier, après avoir tenté en vain de le vendre à New York et à Paris, fait finalement affaire avec l'Institut Carl Jung, par l'intermédiaire de Gilles Quispel. Le manuscrit (codex I) était destiné à être offert au célèbre psychanalyste : il est donc connu aussi sous le nom de Codex Jung.

La mort de Jung en 1961 entraîne une discussion sur la propriété du Manuscrit Jung, ce qui retarde jusqu'en 1975 la remise de ce document au musée copte du Caire, alors qu'une première édition du texte a déjà paru. Malgré toutes ces vicissitudes, l'ensemble est désormais réuni au Musée copte et représente onze livres complets et des fragments de deux autres, « correspondant à plus de 1000 pages d'écriture[3] ».

[modifier] Éditions et traductions

Le premier des papyrus édité a été le codex Jung, traduit partiellement en 1956 dans un opuscule publié au Caire. Une édition complète en fac-similé a été prévue. Mais en raison des difficultés politiques en Égypte, ce projet a pris beaucoup de retard.

Les choses ne changent qu'en 1966, année du congrès de Messine (Italie). Cette réunion était destinée à permettre aux universitaires d'aboutir à un consensus sur la définition du gnosticisme. Dans le cadre de ce congrès, James M. Robinson, expert en sciences religieuses, réunit un groupe d'éditeurs et de traducteurs qui devaient publier une édition bilingue (copte / anglais) des manuscrits de Nag Hammadi, en collaboration avec l'Institute for Antiquity and Christianity de Claremont (Californie). Robinson avait été désigné comme secrétaire du Comité international pour les manuscrits de Nag Hammadi, fondé en 1970 par l'Unesco et le ministère égyptien de la Culture : cette situation lui donnait toute facilité pour superviser le projet.

Entre temps, une édition en fac-similé des manuscrits paraît entre 1972 et 1977 (avec d'importants compléments en 1979 puis en 1984), publiée par E. J. Brill sous le titre de The Facsimile Edition of the Nag Hammadi Codices, rendant ainsi disponible à tous l'ensemble des documents.

En même temps, une équipe d'universitaires allemands (le projet était né dans l'ex-RDA), composée de Alexander Bohlig et Martin Krause, ainsi que de spécialistes du Nouveau Testament, Gesine Schenke, Hans-Martin Schenke et Hans-Gebhard Bethge, prépare une traduction des textes en allemand. Cette édition complète paraît en 2001 sous l'égide de l'Université Humboldt de Berlin.

La traduction de James M. Robinson commence à paraître en 1977, sous le nom de The Nag Hammadi Library in English, en co-édition entre E. J. Brill et Harper & Row. Cette publication en un seul volume constitue, selon Robinson lui-même, « la fin d'une étape de la recherche universitaire sur Nag Hammadi, et le début d'une autre étape[4]. Deux autres éditions brochées suivent en 1981 et en 1984, respectivement chez Brill et chez Harper. Cette édition marque la fin de la dispersion des manuscrits de Nag Hammadi et sa diffusion complète. Les manuscrits sont désormais accessibles à tous dans différentes langues.

Une nouvelle édition en anglais est publiée en 1987, par l'universitaire Bentley Layton (Université Harvard), sous le titre The Gnostic Scriptures : A New Translation with Annotations, chez Doubleday & Co. Le volume comprend de nouvelles traductions des manuscrits de Nag Hammadi, mais aussi des extraits d'auteurs hérésiarques et d'autres textes gnostiques. Il reste, avec The Nag Hammadi Library in English, l'un des témoins les plus accessibles de la bibliothèque de Nag Hammadi, avec de bonnes introductions historiques sur les différents groupes gnostiques, un appareil de notes importants, tant sur le texte que sur la traduction, et enfin une bonne vision de l'ensemble des textes en mouvements clairement définis.

[modifier] Les manuscrits et leur contenu

Numéro du
codex
Contenu
I
(Codex Jung)
Prière de Paul
Apocryphe de Jacques (livre secret de Jacques)
Évangile de la Vérité
Traité de la Résurrection
Traité tripartite
II Apocryphe de Jean
Évangile selon Thomas
Évangile de Philippe
Hypostase des Archons
L'Origine du Monde
Exégèse de l'âme
Livre de Thomas le Rival
III Apocryphe de Jean
Évangile des Égyptiens
Épître d'Eugnostos
La Sagesse de Jésus-Christ
Le Dialogue du Sauveur
IV Apocryphe de Jean
Évangile des Égyptiens
V Épître d'Eugnostos
Apocalypse de Paul
Première Apocalypse de Jacques
Deuxième Apocalypse de Jacques
Apocalypse d'Adam
VI Actes de Pierre et des Douze
L'Esprit parfait
De l'apprentissage autoritaire
Le Concept de notre grand pouvoir
La République de Platon (version gnostique)
Discours sur le huitième et le neuvième
Prière d'action de grâce
Extraits de traités attribués à Esculape
VII Paraphrase de Shem
Second Traité du grand Seth
Apocalypse gnostique de Pierre
Enseignements de Sylvanus
les Trois Stèles de Seth
VIII Zostrianos
Lettre de Pierre à Philippe
IX Livre de Melchisedek
Les Pensées de Norea
le Témoignage de Vérité
X Marsanes
XI L'Interprétation de la Connaissance
Exposés de Valentin, Sur l'annotation, Du Baptême (deux versions) , De l'Eucharistie (deux versions)
Allogènes
Hysiphrone
XII Sentences de Sextus
Évangile de la Vérité
XIII La Protennoia trimorphe
L'Origine du Monde

[modifier] Signification et contenu

Le thème de la Révélation revient fréquemment : entre la Résurrection et l’Ascension, Jésus apparaît à ses disciples, soit avec l’un d’entre eux, soit devant tous et leur délivre un enseignement ésotérique qui devait rester secret au reste de la communauté. Un rôle particulier est dévolu à la disciple Marie-Madeleine. Le point de départ de la Révélation est l’apparition du Ressuscité (Marc 16,9-20; Matthieu 28, 16-20; Luc 24,36-53 et Actes des Apôtres 1,1-14). D’après les apôtres, le Christ réssuscité s’entretient durant quarante jours avec ses disciples sur le Royaume de Dieu. Quelques textes de Nag-Hammadi font mention des paroles du Ressuscité. De tels propos (avec Marie-Madeleine et deux autres disciples qui ne sont pas nommés) sont évoqués dans le texte de Marc.

[modifier] Notes

  1. Markschies, Gnosis: An Introduction, p. 48.
  2. Ibid.
  3. Markschies, Gnosis: An Introduction, p. 49.
  4. Préface à la troisième édition révisée.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Article connexe

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

[modifier] En français

[modifier] Ouvrages
  • Bernard Barc (dir., Colloque international sur les textes de Nag-Hammadi, Presses de l'Université Laval, Québec / Peeters, Louvain, 1981, 462 p. (ISBN 2-7637-6934-9)
    Actes du colloque de Québec, août 1978 ;
  • Jean Doresse, Les Livres secrets de l'Égypte : les gnostiques, Payot, coll. « Petite bibliothèque Payot », Paris, 1997, 375 p. (ISBN 2-228-89127-4) ;
  • Yvonne Janssens (trad.), Évangiles gnostiques dans le corpus de Berlin et dans la bibliothèque de Nag Hammadi, Centre d'histoire des religions, Louvain-la-Neuve, 1991 ;
  • Jacques-Étienne Ménard (dir.), Les Textes de Nag Hammadi, E. J. Brill, Leiden, 1975, 203 p. (ISBN 90-04-04359-4)
    Actes du colloque de Strasbourg, centre de recherche d'histoire des religions, 1974.

[modifier] Numéros de revues
  • « Les manuscrits de Nag Hammadi » dans Les Dossiers d'archéologie, no 236, 1998 ;
  • « Nag Hammadi, bibliothèque gnostique au bord du Nil », dans Histoire et archéologie : les dossiers, no 70, 1983.

[modifier] En anglais

  • Bentley Layton, The Gnostic Scriptures, SCM Press, 1987, 526 p. (ISBN 0-334-02022-0) ;
  • Christoph Markschies ; John Bowden (trad.), Gnosis : An Introduction, T & T Clark, 2000, 145 p. (ISBN 0-567-08945-2) ;
  • Elaine Pagels, The Gnostic Gospels, 1979, 182 p. (ISBN 0679724532) ;
  • James M. Robinson, The Nag Hammadi Library in English, 1978, 549 p. (ISBN 0-06-066934-9) ;
  • James M. Robinson, The discovery of the Nag Hammadi codices, vol. 42, coll. « Biblical Archaeology », 1979, p. 206–224.