Assistanat

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Le terme d’assistanat est utilisé pour qualifier un système de redistribution ou de solidarité considéré comme manquant d’efficacité, dans la mesure où il encouragerait les individus bénéficiaires d'aides publiques à ne pas chercher à améliorer durablement leur situation économique, reprendre un travail dans la plupart des cas.

Ce terme est employé de manière critique par les libéraux pour dénoncer les « excès » et la mauvaise gestion de l'État-providence. De ce point de vue, l'assistanat caractériserait les situations où des personnes bénéficient d'une aide (c'est-à-dire d'une assistance), notamment financière, de la part de l'État ou d'organismes publics (par exemple en France, de la Sécurité sociale), parce qu'ils sont en situation de pauvreté ou de perte de revenus, temporaire ou permanente, mais où ces aides sont accordées de manière inconditionnelle et sans contrôle.

La sociologie utilise également ce concept.

Sommaire

[modifier] Utilisation du terme

[modifier] Discours économique libéral

L'emploi le plus courant du terme est celui d’une dénonciation des « excès » d’une « solidarité » imposée par l’État, qui existeraient dans un pays, financés par des charges incombant au reste des citoyens. Il sous-entend qu'il y aurait une inefficacité dans la distribution de l'aide, ou que les « assistés » bénéficieraient d'une aide trop importante, non associée à des contraintes d'engagement, et qui encouragerait ces « assistés » à ne pas chercher à améliorer par eux-mêmes leur situation, ce qu'ils feraient si l'aide qu'ils reçoivent venait à diminuer. L'assistanat tendrait à décourager l'initiative et le travail individuels. La situation d'assistanat peut être vue comme un état de dépendance, financière ou morale, de l'individu.

D'un point de vue théorique, des libéraux soulignent que la situation d'assistanat tend à nier la liberté et la responsabilité de l'individu. L’assistanat impliquerait également une forme d’aliénation, contrairement à la « véritable » solidarité ou à la redistribution. Le terme d’assistanat est par ailleurs souvent employé par ceux qui sont hostiles à tout système de redistribution des revenus dans leur ensemble.

Ce courant de pensée moraliste a par exemple inspiré les actions du Premier ministre du Royaume-Uni Margaret Thatcher qui, prônant une responsabilisation individuelle, a réformé le système d'Aide sociale au Royaume-Uni dans les années 1980. Elle a par exemple déclaré : « It went too far »[1]. Tirant ses conceptions d’un individualisme radical, elle affirmait également : « Vous savez, il n’y a pas de société. Il y a seulement des individus, hommes et femmes, et il y a des familles. Aucun gouvernement ne peut faire quoi que ce soit, si ce n’est à travers les gens, et les gens doivent d’abord s’occuper d’eux-mêmes. »[2] La politique de réforme de l'État-providence américain (Welfare State, système de protection sociale) mise en œuvre par Ronald Reagan aux États-Unis s’inscrit également dans cette logique. Favorable à une réduction des dépenses sociales, Reagan opposait certains bénéficiaires qu’il appelait « truly needy » (ceux qui en ont vraiment besoin) aux autres qu’il qualifiait de « greedy » (gourmands), dénonçant fraude, gaspillage et abus, en affirmant qu’il y en avait beaucoup[3].

[modifier] Vision sociologique

Des sociaux-démocrates et des sociologues emploient également ce terme afin de dénoncer les insuffisances d’un système de redistribution qui ne permet pas à ceux qui en bénéficient d’améliorer leur situation et d’accéder à une réelle autonomie. Dans ce sens, ils considèrent que les dispositifs de redistribution mis en place doivent être améliorés afin de favoriser le progrès social. Ainsi, suivant les orientations philosophiques et politiques, certains dispositifs peuvent être dénoncés par leurs détracteurs comme une forme d’assistanat alors qu’ils sont précisément présentés par leurs défenseurs comme des mesures de lutte contre l’assistanat. Cette seconde école de pensée, contrairement aux libéraux qui insistent sur la responsabilité individuelle, tend à souligner l’importance des déterminismes sociaux.[réf. nécessaire]

[modifier] En pratique

Exemples de situations qui ont pu être dénoncées comme relevant de l'assistanat :

  • certaines allocations (allocations chômage, etc.) sans contrôle de recherche d'emploi;
  • certaines subventions (subvention agricole, etc.);
  • certaines œuvres caritatives privées, dans la mesure où elles sont insuffisantes pour permettre à ceux qui en bénéficient d’accéder à toute forme d’autonomie et introduisent un lien de dépendance entre les donateurs et les bénéficiaires, peuvent être considérées par certains comme de l’assistanat;
  • certaines aides publiques aux entreprises.

[modifier] En France

Le terme d'assistanat prend souvent une connotation péjorative, associée à la paresse et à un comportement de passager clandestin.

Plusieurs personnalités politiques, entre autres Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen[4] ont dénoncé les failles du système de protection social français, qui, par des effets pervers de trappe à inactivité, encourage dans certaines situations le maintien hors du marché du travail plutôt que la reprise d'emploi. Manuel Valls a également parlé du « refus de l'assistanat »[5].

Nicolas Sarkozy dans un document de sa campagne électorale en 2007, disait : « Je ferai en sorte que les revenus du travail soient toujours supérieurs aux aides sociales et que les titulaires d’un minimum social aient une activité d’intérêt général, afin d’inciter chacun à prendre un emploi plutôt qu’à vivre de l’assistanat ». Dans un document de campagne de la même année, l'UDF a estimé que « la solidarité mérite aussi d’être revisitée. Elle s’est trop souvent traduite par un assistanat permettant de préserver une paix sociale compromise par la montée des exclusions. ».

Certaines propositions du Parti socialiste (France) telles l’allocation d’autonomie pour les jeunes, ont été considérées par leurs détracteurs comme des formes d’assistanat.

Le revenu de solidarité active (RSA), proposition inspirée du rapport remis en avril 2005 par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » présidée par Martin Hirsch[6], a précisément été conçu comme un mécanisme incitatif permettant de lutter contre l’assistanat en améliorant d’un tiers les ressources de bénéficiaires de minima sociaux reprenant un travail. L’allocation d’autonomie a, quant à elle, été conçue pour financer un projet de formation et favoriser la gestion des fonds alloués à leur formation et à leur insertion par les jeunes eux-mêmes. Son expérimentation dans certains départements est prévu dans la « loi TEPA » votée sous le gouvernement Fillon.

L’économiste Yoland Bresson pense que la situation des nobles pendant l'Ancien Régime (lorsqu'ils ne s'occupaient plus de gérer des terres ou de mener la guerre) peut s'apparenter à de l'assistanat : « Les nobles, maîtres de la terre, la faisaient produire par d’autres. Non seulement ils ne « travaillaient » pas, mais ils considéraient le travail comme la marque de la dépendance, le sort réservé aux roturiers, à la masse. »[7]

[modifier] Origines

Sous la Révolution française, une forme d’assistanat a été mise en place. Selon l’historien Louis Boucoiran, l’Assemblée Nationale constituante vota le 29 octobre 1790 une loi qui « mettait au rang des devoirs les plus sacrés de la Nation, l'assistance des pauvres, à tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie. » L’Assemblée écrit que cette assistance « n'est qu'un devoir, une justice, une dette sacrée. » La loi rappelait cependant que « ce devoir ne peut être rempli que lorsque les secours accordés par la société sont dirigés vers l'utilité générale. »[8]

Selon Louis Boucoiran, « cette loi [..] rencontra dans son application d'insurmontables difficultés. Elle donna lieu à tant d’abus qu’elle ne fut en réalité qu’un beau rêve. »[9].

[modifier] Notes et références

  1. "Cela a été poussé trop loin", extrait de discours, le 31 octobre 1987.
  2. "And, you know, there is no such thing as society. There are individual men and women, and there are families. And no government can do anything except through people, and people must look to themselves first." (Traduction libre), extrait de discours, le 31 octobre 1987
  3. Discours sur l’État de l’Union, Ronald Reagan, 25 janvier 1983.
  4. discours Le Pen
  5. En ordre de bataille, Libération, 1er septembre 2007
  6. [pdf] La nouvelle équation sociale. Commission Familles, vulnérabilité, pauvreté. Avril 2005
  7. Vers un revenu minimum inconditionnel ?, La revue du MAUSS semestrielle, N°7, p. 105.
  8. La famille nombreuse dans l'histoire de nos jours, Louis Boucoiran, 1921, pages 45-46
  9. Boucoiran, op. cit., page 49

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens extenes