Précarité

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La précarité est une forte incertitude de conserver ou récupérer une situation acceptable dans un avenir proche. C'est une notion subjective et relative, puisqu'elle est définie par rapport à une "situation acceptable", au sein d’une société donnée. La précarité est perçue et définie différemment d'une culture à l'autre. Les facteurs influençant la perception d'une situation de précarité sont étudiés en sciences sociales.

La soudaineté de la survenue de catastrophes, telles que, pour cette photo, un tsunami, plongent des familles dans la précarité.
La soudaineté de la survenue de catastrophes, telles que, pour cette photo, un tsunami, plongent des familles dans la précarité.

Sommaire

[modifier] Perspective historique et géographique

Le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle ont vu les pays occidentaux confrontés à la misère. Cette pauvreté accompagnée d'exclusion sociale ont inspiré des politiques réformistes visant à améliorer la condition ouvrière (par exemple : instauration d'un salaire minimum, réduction du temps de travail, fordisme) ainsi et des mouvements révolutionnaires (socialisme, communisme, etc).

C'est dans les années qui ont suivi la crise économique de 1973 que la notion de précarité est apparue. Parmi d'autres conséquences, cette crise a entrainé la -plus ou moins rapide selon les pays développés- disparition du contrat de travail à vie et le net ralentissement de la hausse du pouvoir d'achat[1]. Lentement, mais plus nettement à partir de la crise de 1979, l'action conjuguée de ces deux évolutions a développé la proportion des populations en situation de précarité.[réf. nécessaire] Conjugués à des facteurs nationaux, ces situations se font différemment sentir en fonction des systèmes économiques de chaque pays :

  • Au Japon, parallèlement aux grandes entreprises (et à leurs employés à vie), se développe un sous-prolétariat de "freeters", (terme créé à partir de l'anglais free et de l'allemand Arbeiter (travailleur))[2]
  • Aux États-Unis, la précarité prend notamment la forme d'une insécurité sociale : "[Nowadays]...People change jobs more often than they used to, whether they like it or not. And in the United States, when you change jobs you worry about your health insurance." (De nos jours, qu'ils le veulent ou non les gens changent de travail plus souvent qu'avant. Et aux États-Unis, quand on change de travail, on s'inquiète pour son assurance sociale.), comme le rappelle Clive Crook dans un article[3] recensant les projets de sécurité sociale pour les États-Unis.
  • Le Danemark semble avoir pris son parti du développement de la précarité en la partageant astucieusement entre tous via le système de la flexicurité.
  • Etc.

Il semble qu'en France et dans certains pays latins (Italie et Espagne notamment), la question de la précarité soit plus importante. Elle apparait ainsi régulièrement dans le débat public français [4]. La persistance d'un taux de chômage plus élevé en France que dans la plupart des pays européens pourrait expliquer cette singularité française. D'autres explications sont aussi avancées : la stabilité de situation de quelques-uns (les insiders) précipiterait une situation précaire pour d'autres, plus jeunes... ou plus vieux (voir théorie des insiders-outsiders). On retrouve un débat équivalent en Italie et en Espagne : malgré leurs diplômes du supérieur les jeunes espagnols de la génération "mileurista" peinent à gagner plus que 1000 euros[5].

Les notions de précarité et de pauvreté sont à la fois distinctes et liées. Dans les faits, les populations subissant une situation de précarité se recoupent souvent avec celles en situation de pauvreté. Cependant il convient de ne pas confondre les termes : une personne en situation de précarité n'est pas forcément -ou pas tout de suite- en situation de pauvreté...

[modifier] En France

En France, le thème de la précarité est davantage mis en exergue que dans ses pays voisins. Une certaine aversion au risque et une résistance au changement[6] sont désignés comme étant à l'origine de la position centrale donnée au thème de la précarité[7]

En France, le salaire minimum est assez élevé et le taux de chômage est important (largement supérieur au taux de chômage de transition). Pour un employé payé au salaire minimum, le risque n'est donc pas de voir son salaire diminuer mais de se retrouver au chômage (où il bénéficiera d’allocations chômage). Le sentiment de précarité en France est donc, parmi les classes moyennes et basses, généralement pointé contre un seul facteur : le chômage.

Le CDI est perçu comme un contrat plus "sûr" que les emplois à durée déterminée (créant un retour potentiel plus fréquent à une recherche d'emploi). Cependant, l'existence de CDI rigides peut être en soi la cause du chômage élevé et de la difficulté à retrouver un emploi. La crise du CPE a notamment mis en avant ce sentiment de précarité des jeunes face au chômage en 2006 ; les manifestants pensaient que l'objectif affiché du CPE de réduction du chômage n'était pas suffisant face à l'augmentation du sentiment de précarité qu'il provoquerait parmi les jeunes employés.

Par ailleurs, toujours en France, un arrêté de 1992 a même défini une position officielle sur les catégories de personnes qui seraient en situation de précarité : chômeurs, bénéficiaires du RMI, titulaires d'un contrat emploi solidarité, personnes sans domicile fixe, jeunes âgés de 16 à 25 ans exclus du milieu scolaire et engagés dans un processus d'insertion professionnelle[réf. nécessaire].

[modifier] Précarité et marché du travail

Icône de détail Article détaillé : Travail précaire.

La perception de précarité est fortement dépendante de l'existence de chômage et de la fluidité du marché de l'emploi. En effet, plus il est aisé de changer d'emploi et d'en trouver un autre, moins le risque de perdre l'emploi actuel ou que sa qualité se déteriore prend d'importance. La précarité potentiellement ressentie dans un système rigide ou l'on ne peut pas changer facilement d'emploi disparaît donc, même avec un emploi de courte durée ou avec des possibilités d'être licencié.

Les groupes sociaux les plus à même d'être victimes de précarité sont donc les groupes travaillant dans des secteurs où il est difficile de changer ou même trouver un bon emploi. Le chômage augmentant le risque et des revenus faibles ne permettant pas un filet de sécurité suffisant sont donc les principales causes de précarité dues au travail.

[modifier] Précarité relationnelle

La précarité relationnelle est un état d'instabilité des relations, entre individus, au sein de la société, qui peut se traduire par un appauvrissement des interactions sociales, voire à l'isolement social.

[modifier] Précarité au sein de la famille

Que la famille soit fidèle aux traditions religieuses (judéo-chrétiennes, musulmanes, etc.) ou qu'elle puisse prendre davantage de libertés faces à celles-ci change drastiquement les types de précarité potentielle au sein d'une cellule familiale.

Par exemple, sans l'autorisation du divorce, un couple qui ne s'entend plus n'a pas la possibilité de mettre un terme à cette précarité relationnelle. En contrepartie, lorsque c'est autorisé, d'autres types de précarité s'accroissent. Par exemple davantage de familles monoparentales, ou simplement la précarité du divorcé ne l'ayant pas forcément souhaité, pouvant avoir du mal à refonder une famille.

Un autre élément important de précarité au sein de la famille peut également être l'éloignement entre les individus d'une même famille. Soit intergénérationnelle avec des maisons de retraites, soit au sein des couples avec des métiers nécessitants de fréquents déplacements ou encore l'éloignement imposé par une scolarité (notamment pour des études supérieures).

Voir aussi : Zygmunt Bauman, La société liquide

[modifier] Précarité des conditions de vie

La précarité peut se décliner également au niveau des conditions de vie, qui peuvent ne pas être acceptables. Avoir ou avoir un fort risque d'habiter un logement insalubre, un logement temporaire inadapté, voire aucun logement sont des exemples de précarité de condition de vie. Voir aussi : cabanisation, bidonville, sonacotra, squat, expulsion, SDF

[modifier] Effets de la précarité

La précarité a un impact global sur le corps social, qui peut se traduire par :

  • dégradation des conditions de travail (un travailleur en situation précaire n'est pas en position de force pour défendre ses droits)
  • difficultés à développer une vie sociale (quitter le domicile parental, fonder une famille...)
  • révolte sociale (les salariés en situation précaire auront plus tendance à s'opposer au système)
  • dégradation de la santé physique ou mentale : la plupart des indicateurs de comportement et de santé sont altérés dans toutes les catégories de populations classées en situations de précarité (par rapport à celles qui ne le sont pas).

Des enquêtes américaines[8], ont établi que les facteurs suivants (dont l'origine peut être la précarité) sont des facteurs de risque pour la santé :

  • l'absence d'estime de soi,
  • le sentiment de dévalorisation personnelle,
  • le manque d'autonomie dans son travail,
  • le sentiment de ne pas utiliser toutes ses compétences,
  • le sentiment de ne pas recevoir l'estime que l'on pense mériter,

[modifier] Notes et références

  1. Evolution du pouvoir d'achat français entre 1960 et 2006 sur Le Monde
  2. Voir à ce sujet cette synthèse du dossier de Courrier International n°870 consacré au phénomène.
  3. WEALTH OF NATIONS: Curing The Subprime Sickness (12/07/2007)
  4. par exemple, « Précarité : le durable mal français », Le Monde de l’Education, n°328, février 2004
  5. cf. l'article suivant paru sur CafeBabel
  6. Par exemple, 70% des jeunes souhaitent travailler dans la fonction publique française, sondage Ifop, avril 2005
  7. par exemple, « Précarité : le durable mal français », Le Monde de l’Education, n°328, février 2004
  8. Citées par le Comité Départemental d'Éducation pour la Santé des Yvelines - [1]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

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