Théologie de la libération

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La théologie de la libération est le nom donné à un mouvement social et religieux issu de l'Église Catholique apparu en Amérique latine à la fin des années 1950 lorsque des catholiques progressistes s'éloignent d'un catholicisme conservateur au profit d'une voie dans laquelle l’action politique apparaît comme une exigence de l'engagement religieux dans la lutte contre la pauvreté. Théorisé à partir de 1971, ce courant théologique parfois teinté de marxisme, prône la libération des peuples et entend ainsi renouer avec la tradition chrétienne de solidarité. Ses représentant les plus célèbres sont les archevêques Hélder Câmara et Oscar Romero.

Sommaire

[modifier] Principes

Dans la tradition chrétienne, les pauvres ont tenu depuis les origines une place particulière : ils sont à la fois des modèles (« Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous » Lc 6, 20) et des sujets de compassion et de charité. La théologie de la libération dépasse ce point de vue, et propose non seulement de libérer les pauvres de leur pauvreté, mais en plus d'en faire les acteurs de leur propre libération.
Elle dénonce dans le capitalisme la cause de l'aliénation à la pauvreté de millions d'individus.

Aujourd'hui, les thèses soutenues par les théologiens de la libération font de moins en moins appel au marxisme, et rejoignent les mouvements altermondialistes dans leurs actions contre la mise en place d'un ordre néolibéral mondial.

Cette conception de la religion, dont le rôle est central dans beaucoup de pays du Tiers-monde ayant adopté les religions autrefois imposées par les pays colonisateurs, est à l'opposé des conceptions condamnant la religion comme instrument univoque d'oppression.

[modifier] Histoire

[modifier] En Amérique latine

Le mouvement a été théorisé en 1972 par le théologien péruvien Gustavo Gutiérrez, dans son essai Théologie de la libération. Il trouve notamment sa source dans l'ouvrage de Paul Gauthier Les Pauvres, Jésus et l'Église publié en 1963, résultat des travaux préliminaires au Concile Vatican II et qui est considéré comme un précurseur du mouvement.

Le mouvement, voix du peuple opprimé, eut immédiatement une grande popularité en Amérique latine pour cause d'innombrables injustices perpétrées par les groupes militaires au pouvoir. En août 1975 se tient le congrès théologique de Mexico, auquel participent plus de 700 personnes sur le thème Libération et captivité.

Il est lié à l'apparition de militants politiques des pays du Tiers-monde dont l'action partage un fondement politique et religieux : politiquement, proche du socialisme, qui insuffle à la religion chrétienne une valeur intrinsèque de mission libératrice du peuple de leur point de vue.

Ce courant théologique est devenu influent surtout au Brésil, au Pérou, au Chili et en Amérique centrale autour des figures de Gustavo Gutiérrez, Leonardo Boff et Jon Sobrino. En 1976, le théologien Boff publie Teologia do Cativeiro e da Libertação (Lisbonne : Multinova).

En 1979 lors de la IIIe conférence générale de l'épiscopat Sud-américain,(Conférence de Puebla), les évêques définissent le concept d'option préférentielle pour les pauvres.

En France, ce courant théologique fut représenté par les mouvements ouvriers d'action catholique, principalement la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC).

[modifier] Au Canada

Pendant la même période, le père Georges-Henri Lévesque prêchait une « émancipation des Canadiens français ». Il avait appuyé la grève de l'amiante en 1949. Cette forme de populisme clérical a été l'une des causes de la Révolution tranquille.

[modifier] Critiques

Les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ainsi que l'Opus Dei se sont montrés défavorables à ce mouvement, lui reprochant l'usage de concepts marxistes comme la lutte des classes. La théologie de la libération est ressentie par eux comme une menace pour l'unicité et l'impact public de l'Église catholique.

Lors d'un voyage à Mexico en janvier 1979, Jean-Paul II déclare que « cette conception du Christ comme une figure politique, un révolutionnaire (...) est incompatible avec les enseignements de l'Église »[réf. nécessaire].

La théologie de la libération a fait l'objet de condamnations ambigües du Vatican en 1984 et 1986. Tout en reconnaissant la légitimité d'un combat contre la misère, la Congrégation pour la doctrine de la foi condamnait les emprunts faits à la philosophie marxiste et tentait de recadrer les aspirations des peuples sud-américains dans la doctrine sociale de l'Église. Toutefois Jean-Paul II a également admis que la théologie de la libération pouvait être « bonne, utile et même nécessaire », dans une lettre à la Conférence des évêques du Brésil[1]. Par ailleurs, dans le document Interprétation de la Bible dans l'Église de la Commission Biblique Pontificale 1993, qui a été présenté à Jean-Paul II par le cardinal Ratzinger, la théologie de la libération est reconnue comme une approche possible (paragraphe 1.E.1).

Lorqu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Joseph Ratzinger avait mené une offensive implacable contre la théologie de la libération[2]. Devenu pape, les critiques du Vatican se précisent lorsqu'en mars 2007, en prélude à un voyage pontifical au Brésil, la Congrégation pour la doctrine de la foi fait état de « notables divergences avec la doctrine de l'Église »[3] à propos des écrits du jésuite Jon Sobrino, un proche de l'archevêque Oscar Romero, faisant notamment remarquer que le théologien accorde une place trop importante à l'aspect humain de Jésus, au détriment de son aspect divin. Le théologien est alors interdit d'enseignement et de publication par l'archevêque de San Salvador, Fernando Saenz Lacalle, membre de l'Opus Dei. Cette prise de position romaine suscite de nombreuses réactions consternées dans le monde catholique[4]. Le père Jose Vera, porte-parole du Conseil général des Jésuites, annonce que l'Ordre ne prendra pas de sanctions contre Jean Sobrino[5]. Les positions du clergé sud-américain à l'égard de la théologie de la libération demeurent ainsi contrastées[6].

[modifier] Figures de la théologie de la libération

[modifier] Notes et références

  1. Un pape au double visage: article tiré de Politis
  2. Patrick Simonnin, Théologie de la libération et modernité - controverse et débat, décembre 1999
  3. Le Monde, 16 mars 2007, p. 5
  4. APIC, El Salvador: Jon Sobrino ne veut pas commenter la mesure disciplinaire du Saint-Siège, 16.03.2007
  5. Apic, Agence de presse internationale catholique, 16 mars 2007 [1]
  6. APIC, Pauvreté et manque de justice: les plus grands problèmes rencontrés en Amérique latine. Le cardinal Maradiaga défend la théologie de la libération, 10 mai 2007

[modifier] Bibliographie

  • Gustavo Gutiérrez Merino, Réinventer le visage de l'Église, Analyse théologique de l'évolution des pastorales, éd. Cerf, 1971 (épuisé).
  • Gustavo Gutiérrez Merino, La libération par la foi, boire à son propre puits ou L'itinéraire spirituel d'un peuple, éd. Cerf, 1985.
  • Gustavo Gutiérrez Merino, La force historique des pauvres, éd. Cerf, 1982.
  • Ignacio Madera Vargas, Une expérience colombienne de la fatalité - une parole habitée par le destin interpelle une théologie de la liberté, 1995, in Destin, prédestination, destinée sous la direction d'Adolphe Gesché, Cerf ISBN 2-204051098
  • Paul Gauthier, Les Pauvres, Jésus et l'Église, 1963, Editions Universitaires, Chrétienté Nouvelle, 141p, ISBN B0000DV4DF
  • Yves Carrier, Le discours homilétique de Mgr Oscar Romero, Québec, Éditions l’Harmattan, 2003, 324 p.
  • Richard Marin, Dom Helder Câmara, les puissants et les pauvres - Contribution à une histoire de l’ "Église des pauvres" dans le Nordeste brésilien, Paris, Éditions de l’ Atelier, coll. Eglises/sociétés, 1995 ISBN 2708230794

[modifier] Positions du Vatican

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources