Table d'émeraude

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Edition originale du texte latin de la Table d'émeraude, traducteur inconnu.
Edition originale du texte latin de la Table d'émeraude, traducteur inconnu.

La Table d'émeraude est un texte très court anciennement attribué à Hermès Trismégiste par la croyance populaire, censé exposer un condensé des opérations alchimiques du Grand Œuvre. L'archéologie a depuis démontré qu'Hermès était un personnage légendaire. On sait aujourd’hui que la « table d’émeraude », dite « tabula smaragdina », est en fait la partie finale d’un traité nommé « Le livre du secret de la création et technique de la Nature », rédigé sous le règne du Khalife Ma’Mûn en 833. [1]

Sommaire

[modifier] Un peu d'histoire

La page reproduite ci-contre rappelle l'origine légendaire de la Table d'émeraude. Selon Eliphas Lévi, il faut comprendre la légende allégoriquement (ainsi, du reste, que la plupart des légendes). La table d'émeraude en tant qu'objet n'a sans doute jamais existé, elle constitue un symbole : Émeraude des Sages est en effet l'un des noms du Mercure des alchimistes, allusion à la couleur verte mentionnée par la plupart des auteurs sérieux. Dans certaines traditions, le Graal est dit être d'émeraude : il s'agit de la même allégorie. C'est le Graal qui a recueilli le sang de l'agneau immolé depuis le commencement du monde (cf. Évangile de Jean).

Ce sang correspond au Soufre des alchimistes, et le symbole alchimique du Mercure rappelle la forme d'une coupe. En alchimie, rappelons-le pour les non-initiés, le Soufre n'est pas le soufre auquel on pense : c'est un principe qui présente des analogies avec le soufre vulgaire. Idem pour le Mercure, qui voile plusieurs choses différentes, mais présentant toutes des analogies avec le mercure, élément chimique.

Pour en revenir à l'objet table d'émeraude, d'après Wendell Phillips, les anciens maîtrisaient l'art d'imiter les pierres précieuses à la perfection. Le Sacro Catino, fameux vase vert de la cathédrale de Gênes fut ainsi considéré comme fait d'une émeraude massive jusqu'au XIXe siècle. Une légende raconte que ce "vase d'émeraude" faisait partie du trésor que la reine de Saba offrit à Salomon, et que le Christ avait plus tard bu dedans au cours de la sainte Cène (ce qui est appelé le Saint Calice) : ce qui rejoint la légende du Graal d'émeraude. La fabrication d'une table gravée, paraissant avoir été taillée dans de l'émeraude, aurait donc été techniquement envisageable.

Fulcanelli voyait aussi le mot Kloros, qui signifie vert dans les lettres Khi et Rho du Chrisme. Il est à remarquer que si le texte est censé être d'origine grecque ou égyptienne, jamais la version originale n'a été retrouvée. On la chercherait vainement au sein du fameux Corpus Hermeticum, recueil de textes grecs attribués à Hermès Trismégiste et rédigés, selon les historiens, entre le Ier et le IIIe siècle ap-jc. La version la plus ancienne du texte connue actuellement est en arabe, elle se trouve à la fin du Livre des secrets de la création, rédigée anonymement sous le pseudonyme d'Apollonius de Tyane, qui daterait du IXe siècle ap-jc [2]

Dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie notamment, Eliphas Lévi en commente des passages [3]. On trouve aussi un commentaire ésotérique de la Table d'émeraude dans le second tome du Serpent de la Génèse de Guaita.

Le texte en lui-même est un résumé des connaissances que les anciens possédaient sur la Lumière Astrale. On a souvent dit qu'il y était question de la fameuse Pierre Philosophale, mais cela ne se tient que pour certains passages, car la Pierre est une modalité (il est vrai très particulière) de l'Esprit universel : pour simplifier, la Pierre Philosophale est la sève de la Nature[4], qu'on a trouvé le moyen de concentrer, et d'emprisonner dans une gangue saline de façon à obtenir un composé relativement stable. Une telle puissance est en effet dangereuse à l'extrême, puisque la Pierre n'est rien moins, dans les termes utilisés à notre époque, qu'un réacteur nucléaire en miniature. Sur le plan mystique, avoir réalisé la Pierre signifie brûler intérieurement d'amour inconditionnel et désintéressé avec une intensité telle que les autres se trouvent régénérés par un simple regard, une parole, ou l'imposition des mains, et que la volonté peut désormais accomplir des miracles tels que ceux attribués à tous les Maîtres historiques (Jésus-Christ étant celui que nous connaissons le mieux en Occident).

Le Dieu égyptien Thot, à rapprocher de la figure d'Hermès Trismégiste.
Le Dieu égyptien Thot, à rapprocher de la figure d'Hermès Trismégiste.

Il y a peu de chances pour que la Table d'émeraude ait été effectivement découverte par Alexandre le Grand, dans la tombe d'Hermès Trismégiste... Elle est depuis l'origine un texte ésotérique – au sens par conséquent voilé –, qui a ensuite traversé les âges en étant recopié, interprété, traduit et retraduit maintes et maintes fois. Elle a donc forcément été altérée, puis sans doute reconstituée, avec assez de bonheur, par certains érudits. Tout cela pour dire que l'ambition de vouloir rapprocher le sens des phrases et le symbolisme des nombres correspondant à l'ordre des sentences (qu'on aurait suppléés pour l'occasion), comme on le voit parfois ici et là, semble irréaliste. Trouver un sens absolu à ce texte serait aussi une entreprise chimérique.

Ce qui, en revanche, s'avèrera très fructueux, sera de garder constamment à l'esprit que les anciens raisonnaient davantage de manière synthétique et analogique, alors que nous vivons, surtout depuis Descartes, une ère analytique. La Table d'émeraude, comme tous les textes mystiques que nous ont légués les anciens, supporte plusieurs niveaux d'interprétation.


Cet aperçu historique s'inspire largement du site http://www.la-rose-bleue.org (sous copyleft), sur lequel on peut aussi trouver un commentaire des sentences de la Table d'émeraude).

[modifier] Version latine du théosophe Henry Khunrath

Tabula Smaragdina hermetis trismegisti

Verba secretorum Hermetis – Verum, sine mendacio, certum et verissimum : quod est inferius est sicut quod est superius; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracula rei unius. Et sicut omnes res fuerunt ab uno, meditatione unius, sic omnes res natae fuerunt ab hac una re, adaptatione. Pater ejus est Sol, mater ejus Luna; portavit illud Ventus in ventre suo; nutrix ejus Terra est. Pater omnis telesmi totius mundi est hic. Vis ejus integra est si versa fuerit in terram. Separabis terram ab igne, subtile a spisso, suaviter, cum magno ingenio. Ascendit a terra in coelum, iterumque descendit in terram, et recipit vim superiorum et inferiorum. Sic habebis gloriam totius mundi. Ideo fugiet a te omnis obscuritas. Hic est totius fortitudine fortitudo fortis; quia vincet omnem rem subtilem, omnemque solidam penetrabit. Sic mundus creatus est. Hinc erunt adaptationes mirabiles, quarum modus est hic. Itaque vocatus sum Hermes Trismegistus, habens tres partes philosophiæ totius mundi. Completum est quod dixi de operatione Solis.

[modifier] Traduction française

Table d'émeraude d'Hermès Trismégiste

Paroles des arcanes d’Hermès - Il est vrai, sans mensonge, certain, et très véritable que ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas : pour l’accomplissement des merveilles de la chose unique. Et de même que toutes choses se sont faites d’un seul, par la médiation d’un seul, ainsi toutes choses sont nées de cette même unique chose, par adaptation. Le Soleil est son père, la Lune est sa mère ; le Vent l’a porté dans son ventre et la Terre est sa nourrice. C’est le père de l’universel télesme du monde entier. Sa puissance est entière quand elle est métamorphosée en terre. Tu sépareras la terre du feu, le subtil de l’épais, avec délicatesse et une extrême prudence. Il monte de la terre au ciel, et derechef il descend en terre, et reçoit la force des choses d’en haut et d’en bas. Ainsi tu auras la gloire de l’univers entier, par là toute obscurité s’enfuira de toi. Là réside la force forte de toute force qui vaincra toute chose subtile, et pénétrera toute chose solide. Ainsi le monde a été créé. De là proviendront des adaptations merveilleuses dont le mode est ici. C’est pourquoi je fus appelé Hermès Trismégiste, possédant les trois parties de la philosophie de l’univers entier. Ce que j’ai dit est complet sur l'opération du Soleil.

[modifier] Notes et références

  1. (voir à ce sujet Henry Corbin, histoire de la philosophie islamique)
  2. (voir Henry Corbin, histoire de la philosophie islamique)
  3. voir également les ouvrages de Fulcanelli et de H.P. Blavatsky
  4. Koumos en grec, qui a peut-être donné Alchimie, mais l'étymologie est contestée

[modifier] Bibliographie

  • La table d'émeraude, recueil. Éd. Les Belles Lettres, collection Aux sources de la Tradition.
  • Corpus Hermeticum, Éd. Les Belles Lettres, collection Budé.
  • Eliphas Lévi - Dogme et Rituel de la Haute Magie, Éd. Bussières, Paris V (anciennement Niclaus).
  • H.-P. Blavatsky - Isis dévoilée, Éd. Adyar, Paris.
  • H.-P. Blavatsky - La Doctrine secrète, Éd. Adyar, Paris.
  • Stanislas de Guaita - Le serpent de la Genèse :
Première septaine, Le temple de Satan, Éd. Guy Trédaniel, Paris V.
Seconde septaine, La clef de la Magie noire, Éd. Guy Trédaniel, Paris V.
Troisième septaine, Le problème du mal (inachevé, en partie poursuivi brillamment par Oswald Wirth, et "achevé" par Marius Lepage), Éd. Guy Trédaniel.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes