Ranulph de Gernon

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Ranulf[1],[2] IV le Meschin dit de Gernon[3] ou Ranulf II de Chester (vers 1099 – 16 décembre 1153, Chester), comte de Chester et vicomte d'Avranches, fut un important baron anglo-normand, l'un des acteurs principaux de la guerre civile anglaise dite l'Anarchie anglaise qui opposa le roi Étienne d'Angleterre à Mathilde l'Emperesse, pour la couronne d'Angleterre.

Il joua un rôle très actif dans cette dispute en changeant régulièrement de camp afin de mieux promouvoir ses propres intérêts.

Sommaire

[modifier] Biographie

Il était le fils de Ranulph III le Meschin dit de Briquessart († 1128), comte de Chester, vicomte d'Avranches et de Bayeux, précédemment Lord de Cumberland, et de Lucy[4] († vers 1136), veuve de Yves de Taillebois, lord de Kendall et de Roger FitzGerald de Roumare, seigneur de Roumare. Lucy était descendante d'une très haute famille saxonne, et était héritière de nombreux domaines et châteaux dans le comté de Lincoln. Ranulf hérita du comté palatin de Chester en 1128, à la mort de son père.

En 1135, il accepte Étienne d'Angleterre pour roi et le soutient.

[modifier] Revendications des terres du nord (1136-1139)

En janvier 1136, durant les premiers mois du règne d'Étienne, David Ier d'Écosse franchit la frontière et atteint Durham. Il prit Carlisle, Wark, Alnwick, Norham et Newcastle-upon-Tyne. Le 5 février 1136, Étienne atteint Durham avec une troupe de mercenaires flamands, et le roi écossais fut obligé de parlementer. Ils conclurent un traité à Durham, et le roi récupéra Wark, Alnwick, Norham et Newcastle, et David Ier conserva Carlisle et Doncaster. Avec Carlisle allait une grande partie du Cumberland, ainsi que les honneurs du Lancashire. Ces terres étaient chères au comte Ranulf, car elles appartenaient à son père, avant qu'il ne soit obligé de les rendre à Henri Ier pour obtenir le comté de Chester. Le comte les convoitait toujours, et il espérait bien les récupérer par concession du nouveau roi, car celui-ci aurait besoin de son puissant soutien. Le comte apprenant les concessions faites au roi écossais quitta la cour furieux.

En 1139, Étienne négocia à nouveau avec David Ier. Avec le second traité de Durham, Étienne fut encore plus généreux avec le roi écossais. Il lui accorda le comté de Northumbrie qui incluait Carlisle, Cumberland, Westmorland et le Lancashire au nord de la Ribble. C'était un mauvais calcul, car eut-il donné ce comté à Ranulf, ce dernier l'aurait défendu de toutes ses forces contre le roi d'Écosse.

Ranulf clamait que Henri Ier avait déshérité son père, bien que les deux hommes se soit mis d'accord. Pour Ranulf, cela n'avait pas d'importance que Chester fût une ville bien plus importante que Carlisle, c'était une question de principe. La récupération de ces terres fut la principale motivation de sa vie politique. Maintenant qu'Étienne avait donné le comté de Northumbrie au prince Henri, le fils de David, il était prêt à se révolter afin de reprendre ces terres.

[modifier] La bataille de Lincoln (1141)

Icône de détail Article détaillé : Bataille de Lincoln (1141).

Il avait aussi, avec son demi-frère Guillaume de Roumare, des revendications à propos de l'héritage de leur mère Lucy, cette fois-ci dans le comté de Lincoln.

Fin septembre 1140, le prince Henri assistait à la cour du roi Étienne, et Ranulf avait planifié de l'attaquer quand il serait sur le chemin du retour vers l'Écosse. Mathilde de Boulogne, reine d'Étienne, ayant eu vent du complot et étant une femme d'honneur, persuada son mari d'escorter le prince jusqu'en Écosse. Les plans de Ranulf étant contrariés, il fut contraint de prendre le château de Lincoln, soit pour attirer l'escorte royale dans un traquenard, soit pour la ridiculiser.

Il prit le château par la ruse, avec son demi-frère Guillaume de Roumare. Dans un premier temps, Étienne ne voulant pas précipiter Ranulf — l'un des plus puissants magnats du royaume — dans les bras de son adversaire Mathilde l'Emperesse dans la guerre civile, décida de faire un pacte avec les deux hommes. Guillaume obtint le titre de comte de Lincoln, et Ranulf les pouvoirs administratif et militaire sur ce comté et sur la ville et le château de Derby.

Un peu plus tard, Étienne, averti par les habitants de Lincoln que les deux hommes n'étaient pas sur leurs gardes reprit la ville et assiégea le château. Ranulf qui était dans son comté de Chester à ce moment-là, rallia la cause de Mathilde, et demanda l'aide de son beau-père, Robert de Gloucester. Le 2 février 1141, la bataille de Lincoln vit la défaite et la capture du roi Étienne. Cependant, son alliance avec le parti de l'Emperesse ne l'avança pas dans la réalisation de ses ambitions territoriales dans le nord, car David Ier d'Écosse était un proche allié de celle-ci.

Profitant de la confusion dans le camp du roi à la suite de la bataille, Ranulf s'empara de châteaux d'Alain le Noir, comte de Richmond, plus au nord. Alain essaya de lui tendre une embuscade, mais il fut capturé, enchaîné et torturé jusqu'à ce qu'il se soumette et lui rende hommage.

À la suite de la bataille de Winchester le 14 septembre 1141, Robert de Gloucester fut capturé, et les soutiens de l'Emperesse présents durent s'enfuir. Ranulf réussit à échapper à la capture et à rejoindre Chester. Un peu plus tard la même année, Robert sera échangé contre le roi.

En 1142, Ranulf fit la paix avec le roi.

[modifier] Le second siège de Lincoln (1144)

Étienne assiégea une nouvelle fois le château de Lincoln en 1144. Il arriva de nuit, et se préparant à un long siège, fit creuser une tranchée. Le comte fut abasourdit par l'approche soudaine de l'ennemi, mais regardant par-dessus les murs s'aperçut que les rangs étaient épars et que le nombre d'hommes était probablement peu élevé. Il décida alors de faire une sortie en force par un pont pour les affronter. Le roi, étant en position de faiblesse, s'éloigna. Le comte ne le poursuivit pas pour la même raison, car il n'avait pour seul avantage que l'effet de surprise. Il fit néanmoins charger sur les soldats qui creusaient la tranchée, et quatre-vingts d'entre eux furent tués avant la retraite dans le château.

[modifier] Le comte change de camp (1145)

En 1145, Ranulf régnait sur pratiquement un tiers du royaume anglais. Il avait la main sur un territoire triangulaire ayant pour sommets Chester, Coventry et Lincoln. Il décida alors de changer de camp une nouvelle fois, faisant à nouveau la paix avec Étienne. C'était surprenant, car il avait de vastes possessions en Normandie, et que cette dernière était sous le contrôle de Geoffrey d'Anjou, le mari de l'Emperesse. Il y a deux explications possibles à ce revirement. Il est possible d'une part que le comte fut inquiet de la puissance grandissante — à cette époque — d'Étienne, et d'autre part, qu'il fut épuisé par les incursions galloises dans ses terres.

Mais il était vu, par le parti d'Étienne, comme l'archétype du rebelle, ayant précipité la capture du roi à Lincoln. D'un autre côté, Ranulf pourrait reprendre sa querelle avec David Ier d'Écosse d'Écosse à propos de ces terres du nord qu'il convoitait. Il est probable que Philippe, le fils de Robert de Gloucester ait servi d'intermédiaire, car il était passé dans le camp d'Étienne contre son propre père.

Ranulf rejoignit le roi à Stamford, se repentant de ses précédentes actions et rentra à nouveau dans ses faveurs, jusqu'au début de l'année 1146. Il fut autorisé à détenir le château de Lincoln jusqu'au moment où il pourrait récupérer ses terres de Normandie. Il montra sa bonne volonté au roi en l'aidant à prendre Bedford à Miles de Beauchamp et en amenant 300 chevaliers au siège de Wallingford.

[modifier] La capture du comte (1146)

Bien que le soutien de Ranulf fut bienvenu pour Étienne, il ne l'était pas pour certains des autres soutiens du roi auxquels Ranulf avait pris des terres. Parmi ces derniers : Gilbert de Gand, le comte Alain de Richmond, William II Peverel de Nottingham, Guillaume d'Aubigny et le comte Jean d'Eu.

Ils s'alarmèrent quand ils découvrirent que Ranulf voulait que le roi prenne part à une campagne contre les Gallois. Ils avisèrent le roi que le Pays de Galles était parfait pour une embuscade, et que Ranulf pouvait avoir planifié ce piège, puisqu'il n'avait offert ni otage ni preuve de sa bonne foi. Le roi ne fut pas sourd à l'expression de ces soupçons et organisa une dispute publique.

À Northampton, il fit dire à Ranulf que le roi ne l'aiderait pas tant qu'il ne rendrait pas les terres qu'il avait saisies et ne fournirait pas d'otages en gage de sa loyauté. Le comte rejeta la requête, déclarant que ce n'était pas ce pourquoi il était revenu à la cour, et qu'il n'avait pas été averti de ce problème. Dans la dispute publique qui suivie, il fut accusé de trahison, arrêté et enchaîné jusqu'à ce que le 28 août 1146, ses amis réussirent à trouver un accord avec le roi. Il fut conclu que le comte, pour être libéré, devrait rendre toutes les terres royales et les châteaux qu'il avait saisis (Lincoln inclus), donner des otages et faire une promesse solennelle de ne plus résister au roi à l'avenir.

Ranulf fut en colère car il avait été arrêté alors qu'il se trouvait sous la protection du roi à la cour, et que ce dernier avait violé le serment de réconciliation qu'il lui avait fait à Stamford. Il se révolta aussitôt qu'il eut regagné sa liberté, ayant compris qu'il était inutile d'essayer de traiter avec un roi qui était incapable de tenir sa parole. Il se déchaîna dans une furie de rébellion faisant à peine la distinction entre ami et ennemi.

Ranulf essaya de reprendre Lincoln au roi. Il y vint avec de nombreux hommes afin d'y arriver rapidement, mais échoua à détruire le pont nord de la ville. Son lieutenant en chef fut tué dans la bataille, et il préféra abandonner. Il essaya aussi de reprendre le château de Coventry en construisant un contre-château. Le roi y vint pour l'empêcher, et le comte échappa de peu à la mort.

Après ces attaques avortées, le roi saisit ses otages. Le plus important d'entre eux était Gilbert FitzRichard de Clare, comte de Hertford qu'Étienne refusa de libérer à moins qu'il ne rende ses châteaux. Gilbert réagit comme Ranulf, en acceptant les conditions, puis en se révoltant dès sa liberté retrouvée. Cette manœuvre d'Étienne poussa les Clare à rentrer dans le conflit, alors que jusque-là, ils étaient restés en dehors.

[modifier] Entente avec David Ier d'Écosse

En mai 1149, le jeune Henri d'Anjou, fils de l'Emperesse rencontra le roi d'Écosse et Ranulf à Carlisle, où ils décidèrent d'attaquer York. Entre temps, Étienne atteint le nord avec une importante troupe que ses adversaires dispersèrent. Ils avaient pratiquement atteint York quand ils abandonnèrent leur projet. En réponse à l'agression de Ranulf, le roi désigna un nouveau comte de Lincoln : Gilbert de Gand.

Pendant son séjour à Carlisle, Ranulf en profita pour régler sa querelle de territoire avec le roi d'Écosse, et un accord convenable fut trouvé. La partie sud de l'honneur de Lancaster, c’est-à-dire le territoire entre la Ribble et la Mersey, fut concédée à Ranulf, qui revendiquait ses terres depuis longtemps comme héritage de son père. De son côté il abandonna ses revendications sur Carlisle. De plus, un mariage fut arrangé entre un de ses fils et une petite-fille du roi d'Écosse[5]. C'était un accord judicieux, et la seule façon de clore ce conflit. Grâce à ce compromis, la cause angevine en Angleterre s'assura une loyauté sans faille de Ranulf.

Plus tard la même année, le jeune prince Henri, fils de David Ier, alors qu'il essayait de s'enfuir vers le sud suite à l'attaque avortée sur York, fut obligé d'éviter de nombreuses embuscades que lui tendait Eustache, le fils d'Étienne. Ranulf, dorénavant redevable au prince Henri, créa une diversion importante en attaquant Lincoln de force. Il échoua à prendre la ville, mais il attira Étienne et ses troupes, ce qui permit à Henri de s'échapper.

[modifier] Traité avec le comte de Leicester

La puissance territoriale du comte déborda dans les comtés de Leicester et de Warwick, et il fut amené à rencontrer face à face un autre comte à peine moins influent que lui : Robert II de Beaumont, comte de Leicester. Les Beaumont étaient une famille très puissante, et leurs connexions dans le centre du royaume très importantes. Galéran, le frère jumeau de Robert était comte de Worcester ; leur cousin Roger, comte de Warwick ; leurs beau-frères Guillaume de Warenne, comte de Surrey, et Gilbert de Clare, comte de Pembroke ; Simon II de Saint-Lis, beau-fils de Robert, comte de Northampton.

Robert et Ranulf résolurent cette situation potentiellement dangereuse en établissant un traité très élaboré entre 1149 et 1153, détaillant très exactement la conduite appropriée à tenir entre eux. Les archevêques de Chester et Leicester furent chargés de la supervision de leurs promesses, qui devaient être annulées si l'une des deux parties violait l'accord. D'après ce traité, les deux barons, sans tenir compte de leur allégeance à leurs seigneurs, convinrent de limiter toutes hostilités imposées entre eux par leurs seigneurs respectifs, et de protéger les possessions territoriales de l'autre.

[modifier] La mort du comte (1153)

En 1153, Ranulf survit à une tentative manquée d'empoisonnement par l'un de ses ennemis principaux : William II Peverel de Nottingham. Alors qu'il avait invité chez lui le comte, Peverel empoisonna le vin qu'il offrit à Ranulf et ses hommes. Trois des hommes moururent, mais le comte se remit, bien qu'il eut agonisé pendant de nombreuses heures ayant bu moins que ses hommes. Peverel fut banni quand Henri II monta sur le trône, étant accusé d'être un sorcier. La femme de Ranulf a été soupçonnée d'être impliquée dans le complot.

Le comte mourut la même année, le 16 décembre 1153, probablement des suites de l'empoisonnement. Le roi Étienne et le duc Henri étaient sur le point de négocier le traité de Wallingford à Winchester qui allait mettre fin à la guerre civile. Un peu plus tôt dans l'année, le duc avait promis au comte le comté de Stafford. Après sa mort, Hugues, fils et héritier du comte fut autorisé à succéder à son père, mais uniquement dans les possessions que celui-ci avait en 1135 (voir le Traité de Wallingford).

[modifier] Réalisations religieuses

Il fit construire :

  • l'abbaye de Basingwerk, en 1131, colonisée par des moines de la congrégation normande Savigny.
  • l'abbaye de Calder, en 1135, colonisée par des moines de la congrégation normande Savigny.

[modifier] Famille et descendance

Il épousa (avant 1135) Maud FitzRobert de Gloucester (vers 1120 – 29 juillet 1189), fille de Robert de Gloucester, comte de Gloucester et de Maud FitzHamon de Mellent.

Descendance connue :

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. ou Ranulf, Rannulf, Ranulph, Rainulf, Ranoulf, Randall, Ralph, Randulf, Renouf ou Renoulf
  2. prononcer Ragnoulfe
  3. C'est-à-dire « aux moustaches ».
  4. Probablement fille de Turold de Bucknell, shérif du Lincolnshire et d'une fille de Guillaume Malet. Sa généalogie, très hypothétique, a fait l'objet de plusieurs études. Voir par exemple :
    (en) K. S. B. Keats-Rohan, « Antecessor Noster: The Parentage of Countess Lucy Made Plain », Prosopon, n°2.
  5. mariage qui n'eut probablement pas lieu
  6. mentionné par Guillaume de Jumièges dans Gesta Normannorum ducum

[modifier] Sources

  • Christopher Teyerman, « Ranulf II Earl of Chester », dans Who's Who in Early Medieval England, 1066-1272, Éd. Shepheard-Walwyn, 1996, p. 146-147, (ISBN 0856831328).
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