Philippe II de Bourgogne

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Philippe de France ou Philippe II de Bourgogne ou Philippe le Hardi duc de Bourgogne pendant la guerre de Cent Ans né à Pontoise le 17 janvier 1342. Il est le quatrième fils du roi de France Jean II de France (dit Jean le Bon) et de Bonne de Luxembourg. Il gagne son surnom au côté de son père à la bataille de Poitiers en 1356. Il reçoit le duché de Bourgogne en apanage en 1363 de son père et épouse en 1369 Marguerite III de Flandre, veuve du précédent duc de Bourgogne Philippe Ier de Bourgogne décédé prématurément sans descendance à l'âge de 15 ans, et se trouve ainsi à la tête des deux principautés quand son beau-père le comte Louis II de Flandre (dit Louis II de Male) meurt en 1384.

Philippe II, dit le Hardi
Philippe II, dit le Hardi

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Minorité

[modifier] Enfance

Philippe le Hardi, né le 17 janvier 1342 à Pontoise, est le quatrième fils du roi Jean II de France (dit Jean le Bon) et de Bonne de Luxembourg (elle-même fille de Jean l'Aveugle le roi de Bohème) et sœur du futur empereur Charles IV).

Il est éduqué à la cour avec une bande d'enfants d'âge similaire dont il restera proche : Philippe d'Orléans son oncle, ses frères Charles, Louis et Jean, Louis de Bourbon, Édouard et Robert de Bar, Godefroy de Brabant, Louis d'Étampes, Louis d'Évreux (frère de Charles le Mauvais), Jean et Charles d'Artois, Charles d'Alençon et Philippe de Rouvre[1].

Son précepteur est probablement Sylvestre de la Servelle[2] qui lui inculque le latin et la grammaire. Sa mère et sa grand-mère paternelle meurent de la peste en 1349. Son grand-père, Philippe VI, décède peu après en 1350[3]. Une des premières décisions de son père, sacré le 26 septembre 1350 à Reims, est de réorganiser l'armée et de discipliner la noblesse qui en forme une grande partie en créant l'ordre de l'étoile. Philippe et son frère Jean sont armés chevaliers de l'ordre parmi 100 autres le 6 janvier 1352[4].

[modifier] La Bataille de Poitiers

L'héroïsme de Jean le Bon et de son fils Philippe à la bataille de Poitiers est resté célèbre et vaut au premier sa réputation de roi-chevalier et au deuxième son surnom de Hardi. Illustration d'Alphonse de Neuville pour L’histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789 de François Guizot 1870
L'héroïsme de Jean le Bon et de son fils Philippe à la bataille de Poitiers est resté célèbre et vaut au premier sa réputation de roi-chevalier et au deuxième son surnom de Hardi. Illustration d'Alphonse de Neuville pour L’histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789 de François Guizot 1870

Si les causes profondes de la guerre de Cent Ans sont économiques et sociales (le système féodal n'est plus adapté à une économie de moins en moins agricole et de plus en plus industrielle et commerçante), le prétexte à son déclenchement reste d'ordre dynastique et une contestation de vassalité. Pour succéder au roi capétien Charles IV le Bel mort sans descendance mâle, les grands du royaume de France choisissent le Valois, Philipe VI, plutôt que le Plantagenêt Édouard III roi d'Angleterre. Ce choix est fait afin d'éviter qu'un étranger ne monte sur le trône de France[5]. Cette éviction se fait aussi au détriment de Blanche, fille de Charles IV et de sa troisième épouse Jeanne d'Évreux.

Le début de le guerre est catastrophique pour les Valois qui enchaînent les défaites (l'Écluse, Crécy, Bataille de Calais|Calais]]) du fait de la supériorité tactique anglaise engendrée par l'arc long. Les premiers Valois, incapables de faire accepter les impôts nécessaires au financement d'un État moderne, doivent recourir à des manipulations monétaires qui entraînent des dévaluations[6]. Le règne de Jean le Bon est marqué par la défiance du peuple envers les Valois. Dans la société féodale à trois ordres, la noblesse est en charge de la sécurité du royaume, et doit le faire dans l'honneur : le roi se doit de redorer sa couronne sur le champ de bataille, et c'est dans cet esprit qu'il renvoie les troupes envoyées par les villes pour le soutenir.

En 1356, le Prince noir mène une chevauchée dévastatrice depuis la Guyenne jusqu'à la Loire. Jean le Bon la poursuit avec une armée deux fois plus nombreuse, composée de chevaliers lourds, et le rattrape dans les environs de Poitiers. La bataille a lieu le 19 septembre 1356.

La charge de l'avant garde royale est anéantie par les archers gallois très bien camouflés en embuscade derrière les buissons. Les deux corps de bataille s'engagent ensuite de façon désordonnée, désordre accentué par les pièges préparés à l'avance par les Anglais. La bataille tourne à l'avantage du Prince noir[7]. Une partie de l'armée française méfiante depuis le désastre de Crécy, perd confiance et tourne casaque.

Le roi constate que le déroulement de la bataille ne lui est pas favorable mais il doit se conduire honorablement pour restaurer l'autorité des Valois. L'assaut étant des plus incertains, il fait mettre à l'abri ses fils ainés Charles, Louis et Jean de Berry, pour que sa succession puisse être assurée en cas d'issue défavorable. Il ne garde avec lui que le plus jeune, [[Philippe II de Bourgogne|Philippe], qui n'a 14 ans et qui est encore trop jeune pour brandir l'épée[8]. Comme les chevaux non protégés sont vulnérables aux tirs des archers anglais, le roi fait mettre pied à terre avant de monter à l'assaut. La chevalerie démontée subit alors une charge de cavalerie anglaise et est rapidement submergée. Le roi et ses fidèles qui ont fait serment de ne pas reculer lors de leur entrée dans l'ordre de l'étoile se retrouvent cernés. Philippe assiste son père, dans un corps à corps héroïque : il gagne à Poitiers son surnom de le Hardi[7]. Ses cris sont devenus légendaires: « Père, gardez-vous à droite! Gardez-vous à gauche! ». Jean le Bon et Philippe le Hardi, blessés sont finalement faits prisonniers [9],[10]. Édouard III a toutes les cartes en main pour négocier d’importantes concessions territoriales et financières. Le royaume de France, ensuite soumis aux ambitions de Charles le Mauvais, Robert Le Coq et d'Étienne Marcel, les principaux leaders du mouvement réformateur, va sombrer dans la guerre civile, mais la conduite héroïque du roi et de son fils vont leur valoir un énorme prestige[8].

[modifier] La captivité

Icône de détail Article détaillé : Traités de Londres (1358 et 1359).
L'hôtel de Savoie, résidence de la cour du roi Jean le Bon à Londres durant sa captivité.
L'hôtel de Savoie, résidence de la cour du roi Jean le Bon à Londres durant sa captivité.

Le sacrifice du roi sauve sa couronne car il est perçu comme héroïque dans tout le royaume, y compris par Édouard III et son fils le Prince noir. Avec tous les honneurs, Jean le Bon et Philippe le Hardi sont incarcérés à Bordeaux où le roi prisonnier peut librement y organiser une cour.

En janvier 1358, Charles de Navarre est en mesure de prendre le pouvoir (il est considéré par beaucoup comme plus apte à combattre l'ennemi anglais et plus légitime que le chétif dauphin[11]). Voyant la situation évoluer vers une monarchie contrôlée avec Charles de Navarre à sa tête, Jean le Bon décide de précipiter les négociations, quitte à céder beaucoup de terrain à Édouard III. Elles doivent avoir lieu de roi à roi et il est transféré de Bordeaux à Londres. Ses conditions d’incarcération sont royales. Logés à l’Hôtel de Savoie à Londres, avec une cour de plusieurs centaines de personnes (des proches capturés avec lui à Poitiers et d'autres venus de leur plein gré), le roi et son fils, ont toute liberté de circulation en Angleterre.

Après le refus des traités de Londres successifs par les états généraux, les conditions de détention deviennent progressivement moins confortables. En janvier 1359, Jean le Bon est assigné à résidence, sous la garde de soixante neuf hommes de garde. Six mois plus tard, le roi est transféré à la sinistre forteresse de Somerton puis, au printemps 1360, à la Tour de Londres[9]. Prisonnier, Jean le Bon, entouré de conseillers dont Nicolas Oresme, constatant les bienfaits d’une monnaie forte, prépare dès son retour en France les réformes monétaires nécessaires. Après avoir signé le traité de Brétigny le 8 mai 1360, Jean le Bon et son fils Philippe sont libres de rentrer en France. Ses deux fils, Louis et Jean, prennent leur place à Londres pour garantir le payement de la rançon. C'est en l'honneur de cette liberté retrouvée que le roi ordonne, le 5 décembre 1360, la frappe d'une nouvelle monnaie, le franc[12]. De la même manière, c'est la visite qu'il fait en Guyenne, érigée en principauté largement autonome, qui inspire au roi la politique des apanages et qu'il applique dès son retour (son fils Philippe est alors nommé duc de Touraine). Ce passage en Angleterre influe aussi sur Philippe le Hardi et lui donne une conception moderne de l'État.

[modifier] Duc de Bourgogne

Bonne de Luxembourg étant morte de la peste en 1349, Jean le Bon est marié depuis le 9 février 1350 (au château de Sainte-Gemme (Yvelines) à Feucherolles) à la comtesse Jeanne de Boulogne et d'Auvergne († 1360), fille de Guillaume XII d'Auvergne et de Marguerite d'Évreux († 1350). Âgé de 24 ans, cette deuxième épouse est déjà veuve du duc Philippe de Bourgogne († 10 août 1346).

En 1361, à la mort sans descendance de Philippe de Rouvre, le duché de Bourgogne revient donc à Jean le Bon étant le fils de Jeanne de Bourgogne et donc petit-fils de Robert II de Bourgogne. Mais Charles de Navarre qui est arrière petit-fils du duc a lui aussi des prétentions sur le duché. Cependant, il est un prétendant au trône de France trop inquiétant pour lui donner trop de puissance.

Le 28 décembre 1361, Jean II le Bon, roi de France, vient recevoir l’hommage de ses « sujets » à Dijon, la capitale du duché. Mais les États de Bourgogne, qui se sont réunis quelques jours auparavant, ont signifié très clairement à leur suzerain qu’ils entendaient rester un duché, et non pas une province quelconque du domaine royal. Or, le roi, ayant besoin du soutien fiscal des États, doit donc trouver un duc. Il regagne Paris, laissant Jean de Melun, comte de Tancarville, gouverner le duché en son nom[13]. En 1363, il règle le problème en confiant le duché de Bourgogne en apanage à son fils Philippe le Hardi, évinçant ainsi Charles de Navarre pourtant bien placé héréditairement, mais qui reste un danger pour la couronne[14]. Se voyant de nouveau évincé, Charles de Navarre monte une nouvelle armée pour faire valoir ses droits, mais elle est battue par Bertrand du Guesclin le 16 mai 1364 lors de la bataille de Cocherel.

[modifier] Lutte contre les grandes compagnies

Royaume de France entre 1356 et 1363 : Jacqueries et Compagnies ██ Possessions de Charles de Navarre ██ Territoires contrôlés par Édouard III avant le traité de Brétigny ██ Le premier traité de Londres cède l'Aquitaine des Plantagenêts aux Anglais et règle la guerre de succession de Bretagne par une alliance du duché avec l'Angleterre ██  Le deuxième traité de Londres comprend en plus la Normandie et le Maine      Chevauchée d'Édouard III en 1359-60 ██ Territoires cédés par la France à l'Angleterre par le traité de Brétigny (suit le tracé du premier traité de Londres)
Royaume de France entre 1356 et 1363 : Jacqueries et Compagnies ██ Possessions de Charles de Navarre ██ Territoires contrôlés par Édouard III avant le traité de Brétigny ██ Le premier traité de Londres cède l'Aquitaine des Plantagenêts aux Anglais et règle la guerre de succession de Bretagne par une alliance du duché avec l'Angleterre ██  Le deuxième traité de Londres comprend en plus la Normandie et le Maine

     Chevauchée d'Édouard III en 1359-60

██ Territoires cédés par la France à l'Angleterre par le traité de Brétigny (suit le tracé du premier traité de Londres)
Icône de détail Article détaillé : Grandes compagnies.

La lutte contre les compagnies est l'un des enjeux majeurs du retour de Jean le Bon. Ce dernier tente d'utiliser les unes contres les autres. Ainsi, en 1363, plutôt que de leur faire la guerre, Philippe de Bourgogne prend à son service Arnaud de Cervole dit l'archiprêtre dont les troupes rançonnent la Bourgogne (il est même parrain du premier fils!)[15]. Le routier mercenaire reçoit de fortes rétributions de Philippe le Hardi et de Jean le Bon pour éviter les pillages[16]. Cette stratégie se révèle désastreuse et se termine par la défaite de Brignais où les troupes levées par le roi sont mises en déroute par les compagnies en partie à cause de la trahison de l'archiprêtre. Ce dernier récidive à la bataille de Cocherel, où il négocie avec les Navarrais puis quitte le champ de bataille en prétextant une reconnaissance[17]. Philippe le Hardi doit employer toute sa science de la diplomatie pour calmer la colère du roi Charles V, et il soutiendra d'ailleurs Arnaud de Cervole jusqu'en 1366 date au cours de laquelle le routier est assassiné par un de ses propres hommes.

Dès 1364, et l'avènement de Charles V le ton change. Le rétablissement de l’autorité royale et de l’économie passent par l’éradication des grandes compagnies qui saignent le pays. Charles V doit faire comprendre que le royaume n’est plus un havre pour les pillards. Il traite le problème avec la plus grande rigueur et fermeté : il fait appliquer la loi et ne négocie pas avec les truands. Il réorganise l'armée en déléguant à ses frères l'organisation de la réponse militaire au sein de chaque principauté[18]. C’est rapidement tout le pays qui s’organise contre les grandes compagnies. Chevaliers, villes, paysans envoient des contingents d'hommes pour les combattre. Les routiers français sont exécutés et les étrangers de quelque valeur soumis à rançon. Ainsi Philippe le Hardi, à la tête de l'une de ces armées, mène campagne contres elles en Normandie et dans la Beauce[19]. En Bourgogne, c'est Hugues Aubriot, futur prévot de Paris mais pour l'heure bailli de Dijon, et non pas le duc qui mène la vie rude à l'archiprêtre. Cette lutte permet de roder de petites armées formées de volontaires aguerris sous commandement de chefs expérimentés et fidèles (comme Bertrand du Guesclin).

Fin 1365, Charles V réussit un coup de maître qui va lui permettre de se débarasser d'une bonne partie des grandes compagnies qui ruinent le pays. Afin de mettre sur le trône de Castille Henri de Trastamare, un indéfectible allié, et de combattre les Anglais ailleurs que dans le royaume, il fait financer par le pape une croisade contre l'émirat de Grenade. Personne n'est dupe, si Bertrand du Guesclin recrute parmi les grandes compagnies c'est bien pour les mener contre le roi de Castille, Pierre le Cruel, un proche du Prince noir. Mais le pape doit lui aussi se débarasser de ces mercenaires qui le soumettent à tribut[20]. Le succès est rapide et Henri de Trastamare est couronné le 5 avril 1366[21]. Mais Pierre le Cruel est soutenu par le Prince noir qui regroupe aussi parmi d'autres grandes compagnies. Henri de Trastamarre est vaincu à Nájera[22], et Bertrand du Guesclin est fait prisonnier. Henri de Trastamare doit de nouveau s'enfuir en France et Pierre le Cruel reprend le pouvoir. Mais les grandes compagnies engagées avec l'argent du pape sont massacrées, et d'autre part cette victoire coûte très cher aux Anglais, car Pierre le Cruel n’a pas les moyens de payer l’armée qui l’a remis sur le trône. C’est ruiné et devant se débarrasser des grandes compagnies que le Prince noir regagne l’Aquitaine.

En 1368, ce qui reste des grandes compagnies pillent encore l'Auvergne et le Berry alors que le duc Jean est encore retenu en otage en Angleterre pour garantir l'éxécution du traité de Brétigny.

De son coté, Philippe le Hardi organise la défense de la Bourgogne selon le principe de la terre déserte; il fait le vide devant l'ennemi et tient toutes les forteresses[23]. Faute de ravitaillement, les grandes compagnies vident les lieux et marchent sur Paris mais les mercenaires se heurtent à l'armée royale et refluent vers le Poitou où ils finissent par se faire acheter par le roi Charles V. Elles sont alors incorporées en 1369 à l’armée française qui va participer dès lors à la reconquète des territoires concédés à l'Angleterre par le traité de Brétigny[24].

[modifier] Mariage avec Marguerite de Flandre

En Flandre, Louis de Male est, un temps, sensible à la nécessité économique : les drapiers flamands sont dépendants des importations de laine anglaise. Le 10 octobre 1364, il fiance sa fille Marguerite avec Edmond de Langley, le fils d’Édouard III d'Angleterre (et le neveu du comte Guillaume Ier de Hainaut). Marguerite est héritière des comtés de Flandre, de Nevers, de Rethel et de Bourgogne, et Edmond recevrait en outre de son père Calais et le comté de Ponthieu ce qui avec l'Artois, le Rethel et la Flandre, constiuerait une principauté Anglaise équivalente à la Guyenne au nord de la France[25]! Mais pour faire ce mariage, une dispense papale est nécessaire car les fiancés sont consanguins au 4e degré. Après un ballet diplomatique à Avignon, où Français et Anglais intercèdent, Urbain V refuse d’accorder cette dispense. La bataille diplomatique continue jusqu’au 17 avril 1367, date à laquelle Charles V réussit à obtenir une dispense pour marier Marguerite de Male avec son frère Philippe le Hardi qui sont cousins. Urbain le fait non par favoritisme, mais pour empêcher la destruction du royaume de France[26]. Il reste toutefois à obtenir l’accord de Louis de Male pour ce mariage. Ce dernier est alors soumis à une intense pression diplomatique. Sa mère Marguerite est la fille de Philippe V et ne peut accepter le risque de démembrement du royaume. Elle intervient énergiquement et serait même allée jusqu'à menacer son fils de se couper le sein qui l'a nourri ! Après cette intervention Louis de Male se laisse fléchir contre la cession de Lille, Douai et Orchies par le roi de France.

[modifier] Reconquête du royaume

[modifier] Stratégie et financement de la reconquète

La reconquète des territoires concédés aux Anglais par le traité de Brétigny se fait à partir de 1369. Une fois débarrassé des grandes compagnies, l'économie se redresse et Charles V peut faire accepter l'instauration d'impôts permanents censés financer une armée permanente évitant que les mercenaires démobilisés ne se remettent à ruiner l'économie. La manne financière sur laquelle il peut compter est énorme : elle atteint jusqu'à 1 600 000 francs par an ! En face le Prince noir est ruiné par l'expédition de Castille et le parlement anglais rechigne à payer pour la défense de la Guyenne.

Charles V cherche avant tout à éviter les batailles rangées qui se sont le plus souvent transformées en désastre pour la chevalerie française du fait de la supériorité tactique conférée par l'arc long Anglais. Dès lors, la reconquète se fait par une guerre de siège, et en retournant les villes de Guyenne par la négociation (ces villes cherchant à échapper à la pression fiscale du Prince noir qui doit éponger ses dettes et financer la résistance à l'avancée des armées françaises). Militairement, la reconquète est menée par des armées permanentes et bien organisées menées par les frères du roi et des capitaines fidèles et compétents tels Bertrand du Guesclin ou Olivier de Clisson. À partir de cet instant, les Anglais, ne pouvant rivaliser et entretenir une armée permanente pour défendre la Guyenne, se contentent de chevauchées censées s'autofinancer pour mobiliser les armées françaises à distance de leurs possessions. Mais les Français grignotent inexorablement du terrain.

[modifier] Chevauchée du duc de Lancastre de 1369

La reconquête par Charles V des territoires concédés au traité de Brétigny. ██ Domaine royal ██ Apanages des frères du roi ██ Comté de Foix-Béarn autonome ██ Bretagne alliée aux anglais ██ Possessions de Charles de Navarre allié des Anglais      Chevauchée de Lancastre en 1369      Chevauchée de Robert Knowles en 1370      Chevauchée de Lancastre en 1373
La reconquête par Charles V des territoires concédés au traité de Brétigny. ██ Domaine royal ██ Apanages des frères du roi ██ Comté de Foix-Béarn autonome ██ Bretagne alliée aux anglais ██ Possessions de Charles de Navarre allié des Anglais

     Chevauchée de Lancastre en 1369

     Chevauchée de Robert Knowles en 1370

     Chevauchée de Lancastre en 1373

En 1369, la cour de justice reçoit et valide les appels gascons qui contestent la levée d'impôts en Guyenne par le Prince noir ruiné. Par cet acte, le roi donne la possibilité aux villes de Guyenne de redevenir françaises pour échapper à la pression fiscale anglaise. Les émissaires du roi de France, et en particulier Louis d'Anjou, négocient ville par ville en promettant entre autres des exemptions fiscales. Nombreuses sont les cités et les barons qui choisissent le camp français. C'est un camouflet pour Édouard III qui reprend les hostilités, brisant ainsi le traité de Brétigny.

Début août 1369, les Anglais répondent : le duyc de Lancastre, Jean de Gand débarque à Calais et lance une chevauchée jusqu'à Harfleur, où Philippe le Hardi est en train de préparer un débarquement franco-flamand en Angleterre[27]. Les Français lui opposent la stratégie de la terre déserte et la chevauchée ne peut s'emparer de la ville[27]. Finalement, on décide à répondre mais Charles V, hanté par le souvenir de Poitiers, est réticent quant à un engagement direct. Philippe le Hardi, connu pour sa bravoure au combat, se révèle un piètre chef militaire. Après quelques hésitations, il se lance à la poursuite du duc de Lancastre et les deux armées se retrouvent face à face le 23 août 1369. Elles s'observent pendant 3 semaines, mais le ravitaillement venant à manquer du coté français alors que les Anglais sont soutenus par leur flotte, le duc de Bourgogne lève le camp et rentre à Paris, laissant les Anglais ravager le Ponthieu puis le pays de Caux[28]. Lancastre tente bien de prendre Harfleur où il pourrait détruire la flotte française, mais la garnison tient bon et craignant d'être piégé par un retour de Philippe de Bourgogne, regagne Calais. Au total, la balade anglaise va finalement être lourde de conséquence : elle leur a donné une fausse impression de facilité qui les incite à continuer dans cette voie[29]. C'est une erreur, car les raids anglais, s’ils sont dévastateurs pour les campagnes, ne permettent pas de regagner le terrain perdu.

[modifier] Reconquête du Poitou

Depuis le début de la reconquète, des frères du roi c'est d'abord Louis d'Anjou qui est en première ligne pour les opérations militaires, puis Jean de Berry et le cousin Louis II de Bourbon. Philippe a un rôle plus effacé. Cependant il prend part directement part aux opérations de reconquète du Poitou. En effet cette région est liée par des intérêts économiques à l'Angleterre vers qui elle exporte son sel. Les barons poitevins ont massivement choisi le parti anglais, et il faut une campagne militaire lourde pour que cette région redevienne une possession française[30].

La campagne pour la reconquête du Poitou, de l'Aunis, de la Saintonge et de l'Angoumois, commence aussitôt après la bataille de La Rochelle où la flotte castillane coule une bonne partie de flotte anglaise, privant la Guyenne de soutien logistique. L'armée royale française assiège la forteresse de Saint-Sévère, qui capitule le 31 juillet 1372. Pendant ce temps, Montcontour est repris, puis Poitiers ouvre ses portes à du Guesclin le 7 août.

Les forces françaises progressent le long de la côte, vers le sud. Le captal de Buch, Jean III de Grailly est capturé le 23 août 1372 alors qu'il allait secourir Soubise assiégée : son armée est interceptée par la flotte galloise et castillane qui remonte la Charente. Les îles de et d'Oléron se soumettent le 26 août, mais les barons poitevins restent fidèles aux Anglais et se retranchent dans Thouars. Philippe le Hardi et Jean de Berry arrivent alors avec des renforts rendant intenable la situation des Poitevins[31].

Du Guesclin continue à progresser le long du littoral jusqu'à La Rochelle, qui est prise le 8 septembre. Ainsi isolées, les villes se rendent tour à tour : Angoulême (la capitale du Prince noir) et Saint-Jean-d'Angély le 20 septembre, Saintes le 24[31].

Les négociations de reddition sont menées à la fois par Philippe le Hardi et Jean de Berry lequel, étant comte de Poitou, doit conquérir le cœur de ses sujets. Ils obtiennent que les seigneurs poitevins prêtent serment de fidélité au roi de France le 1er décembre 1372 en l'église de Loudun (Traité de Loudun)[31]. Par ce traité, tous les anciens privilèges et libertés du pays du temps de saint Louis (le souverain de référence à l'époque) et de son frère Alphonse de Poitiers sont rétablis[31].

Le 11 décembre, Philippe le Hardi, Jean de Berry, Louis II de Bourbon et Bertrand du Guesclin font une entrée triomphale dans Paris[32].

[modifier] Chevauchée du duc de Lancastre de 1373

N’ayant pas les moyens logistiques et financiers de soutenir la guerre de siège que lui impose Charles V et qui semble conduire à la reconquête progressive de toute l’Aquitaine, Édouard III tente d’affaiblir l’effort français en Guyenne par l’ouverture de nouveaux fronts.

Édouard III tente une chevauchée censée ruiner la France dans ses forces vives. Le 12 juin 1373, il institue son fils, le duc de Lancastre Jean de Gand, lieutenant spécial et capitaine général dans le royaume de France[33]. Accompagné du duc Jean IV de Bretagne, il conduit à travers la France une chevauchée des plus dévastatrices. Mais celle-ci reste sous contrôle : Philippe le Hardi tient les ponts et les châteaux sur son aile droite, du Gesclin la suit et empêche tout repli vers Calais. Elle traverse la Picardie et le Vermandois mais, ne pouvant aller vers l’ouest, elle se dirige vers Reims, puis Troyes où elle trouve portes closes[34]. Battu par Olivier V de Clisson à Sens, le duc de Lancastre ne peut rejoindre la Bretagne, il tente donc de rallier la Guyenne en traversant le Limousin[34]. Ses hommes sont affamés, les chevaux crevés (ou mangés), la fin de l’expédition se fait à pied et perd la moitié de ses effectifs (les défections sont nombreuses). Trop lourdes, les armures ont été jetées[34]. Elle est sauvée d’un désastre plus complet par les villes de Tulle, Martel et Brive qui ouvrent leurs portes sans coup férir. Mais le moral n’y est plus, la zizanie gagne les chefs : le duc de Bretagne lâche la chevauchée[34]. L’arrivée piteuse du résidu des troupes de Jean de Lancastre à Bordeaux brise le moral des fidèles au roi d’Angleterre : les Français avancent nettement, reprenant Tulle, Martel et Brive, mais surtout en entrant dans La Réole qui verrouille le Bordelais et dont les bourgeois savent ne plus pouvoir compter sur aucun secours[35]. Au total, entre 1369 et 1375, les Français reprennent aux Anglais la quasi-totalité des concessions faites et des terres possédées par l’ennemi avant même le début de la guerre, exceptions faites de Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux, Bayonne, et de quelques forteresses dans le Massif central. Mais parvenu à ce point Charles V sait ne pouvoir reprendre plus de terrain, les Bordelais étant trop anglophiles du fait des liens commerciaux (ils exportent massivement leur vin vers l’Angleterre). Toute sa stratégie étant basée sur la reconquête des cœurs avant celle des territoires, il ne souhaite pas s’encombrer d’une ville prête à se rebeller à la première occasion[35]. Tout est ouvert pour finalement négocier à Bruges où une trêve met fin à la guerre en reconnaissant la souveraineté des Français sur les territoires reconquis.

[modifier] Trêve de Bruges

Icône de détail Article détaillé : Trêve de Bruges.
Jean de Gand, duc de Lancastre
Jean de Gand, duc de Lancastre

Bruges, dont son industrie drapière dépendant des importations de laine anglaise, est une ville anglophile en territoire Français. C'est d'autre part une ville facile d'accès pour les Anglais et cela en fait un terrain neutre propice aux négociations. Gendre et héritier du comte de Flandre Louis de Male, Philippe de Bourgogne est le négociateur tout désigné pour les Français. Il est secondé par toute une équipe de conseillers de Charles V : le cardinal Jean de La Grange, Hue de Châtillon, Jean de Melun, comte de Tancarville, le comte de Sarrebruck, Arnaud de Corbie, premier président du Parlement, Bureau de La Rivière et Nicolas du Boscq, évêque de Bayeux. Coté Anglais, c'est Jean de Gand, duc de Lancastre, qui représente Édouard III[36].

Philippe offre des banquets fastueux et des joutes, puis la première cession de négociations débute le 25 mars 1375 dans l'église Saint-Donatien de Bruges[37]. Elles aboutissent à deux plans de partage de la Guyenne. Mais cette dernière, après avis de son conseil, répond par la négative, car ces plans de partage aboutiraient à reconnaître la souveraineté de l'Angleterre sur une partie de la Guyenne[37]. Sous l'influence de Grégoire XI, les belligérants signent le Ier juillet 1375 une trêve qui dure jusqu'en juin 1377.

La deuxième session se tient toujours à Bruges entre fin décembre 1375 et fin mars 1376. Les légats pontificaux, essayant de contourner l'épineux problème de la souveraineté, proposent une trêve de quarante ans qui est refusée par les deux partis : les Anglais car la Bretagne est occupée par les troupes de Charles V, et les Français car ils voulaient inclure la Castille dans la trêve pour protéger le trône d'Henri de Trastamare des prétentions de Jean de Gand[38].

La troisième session, conduite non plus par les princes mais par des conseillers des rois, s'ouvre en juillet 1376. Charles V propose de reconnaître la souveraineté d'Édouard III sur les terres de Guyenne situées au sud de la Dordogne, de lui rendre l'Agenais, la Bigorre, le Quercy, le Bazadais et de lui verser 1 200 000 francs toujours dus de la rançon de Jean le Bon en échange de Calais et à la condition que ce nouveau duché de Guyenne reste dans le territoire du royaume de France (il ne consent à aucun abandon de souveraineté)[38]. Ceci sous-entend qu'Édouard III ou le duc de Guyenne doit lui rendre hommage, que toutes les décisions juridiques puissent être remises en cause par la cour de Paris et que le duché puisse être éventuellement confisqué. Édouard III refuse et meurt le 21 juin 1377 la trêve expiant le même jour. Les hostilités reprennent, les Anglais sont attaqués simultanément sur tous les fronts.

[modifier] Gouvernement des oncles

Le duc de Bourgogne Philippe II le Hardi plus âgé
Le duc de Bourgogne Philippe II le Hardi plus âgé

La politique des apanages a été imaginée comme une décentralisation pour améliorer la gestion des provinces éloignées de la capitale. Ces dernières sont possédées par des familles proches du roi et reviennent à la couronne en l'absence d'héritier mâle, ce qui évite d'en perdre le contrôle après un mariage. Les princes reçoivent leurs finances des impôts permanents récoltés par le roi, ce qui permet à celui-ci de les garder théoriquement sous contrôle[39]. C'est dans cet esprit que Charles V fixe en 1374, la majorité des rois à quatorze ans, afin que son fils Charles VI prenne le pouvoir et que l'équilibre ne se rompe. Prévoyant, la possibilité que son fils ne soit pas assez âgé pour gouverner, il met en place un système pour que ses frères ne puisse s'accaparer du pouvoir. La reine à la garde des enfants royaux, mais elle n'a pas le gouvernement du royaume. L'aîné, le duc d'Anjou à le gouvernement, mais pas les finances. La plus grande partie des revenus royaux est affectée aux enfants et donc à la reine. Tout mariage des enfants ne peut se faire qu'après accord d'un conseil de tutelle comprenant les frères de Charles V, son cousin, Louis II de Bourbon et la reine[39]. Ce conseil est assisté par des fidèles conseillers de Charles V.

Mais, à sa mort en 1380, son fils Charles VI est mineur; jusqu'en 1388, ce sont ses oncles qui vont se partager la régence et donc les recettes fiscales. Dès lors, leurs principautés deviennent indépendantes de fait. Théoriquemnt la régence aurait du échoir à Louis d'Anjou et la garde des enfants à Philippe de Bourgogne. Louis se montre gourmand et détourne le trésor royal. Ses frères et cousins le poussent à faire reconnaitre la majorité du roi le 2 Octobre[40]. Charles VI est sacré le 4 novembre 1380 : la régence n'aura duré que 2 mois. Le 30 novembre 1380 est mis sur pied un système collégial de gouvernement[40]. Les oncles ont la direction du Conseil pour lequel ils choisissent 12 membres. Louis de part son degré d'aînesse à la présidence, Philippe de Bourgogne est occupé par les affaires de Flandres, Jean de Berry doit gérer son immense apanage qui représente le 1/3 du royaume. Louis d'Anjou garde donc les mains libres.

Très actif à la cour de France, Philippe de Bourgogne prend une part d'autant plus importante au gouvernement des oncles de Charles VI que son frère, le duc d'Anjou Louis Ier de Naples, est occupé en Italie, et que son autre frère, le duc de Berry Jean de France, s'engage peu dans les affaires politiques et s'occupe surtout du Languedoc, cependant que le duc Louis II de Bourbon n'est qu'oncle maternel du roi.

[modifier] Croisades en Flandres

Bataille de Roosebeke
Bataille de Roosebeke

Louis de Male, comte de Flandre, est en butte contre la révolte des tisserands (révolte des Chaperons blancs gantois depuis 1379. Forcé de se retrancher à Lille par l'attaque de Bruges par Philippe van Artevelde, il doit faire appel à son gendre Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Ce dernier, qui sait devoir hériter du comté à la mort de Louis II, convainc facilement le jeune Charles VI, dont il est l'oncle et le tuteur, d'organiser cette expédition en Flandre. Van Arteveld se rapproche des Anglais car les importations de laine anglaise sont cruciales pour l’industrie drapière flamande.

Le grand schisme qui déchire l'Occident depuis 1378, a aggravé la situation financière de l'Église déjà mauvaise sous les papes d'Avignon : il y a deux saints sièges, avec deux administrations pontificales[41]. Le contrôle de Bruges est un enjeu économique majeur pour les deux papes car le produit de la fiscalité pontificale en Europe du Nord y transite[42]. Du fait, de leurs alliances anglaises les Flamands passent sous l’obédience du pape Urbain VI. Une croisade française soutenue par l'antipapeClément VII le vainc à Roosebeke en 1382. Dès lors, Urbain VI réagit et fait prêcher la croisade en Angleterre par Henri Despenser, évêque de Norwich. Celle-ci est acceptée par le Parlement anglais le 23 février 1383[43]. Les Anglais saccagent Gand et s’attirent l’inimitié des Flamands. Louis de Male rappelle les Français à son secours et une trêve est vite obtenue.

À la mort de Louis de Male en 1385, Philippe le Hardi prend possession du comté. Il sait être conciliant, permettant à chacun de choisir son obédience, ou faisant rédiger les lettres de la chancellerie en flamand. Toute la Flandre lui fait allégeance, ce qui règle le conflit[44]. Il conclut le traité de Tournai le 18 décembre 1385 qui rétablit la paix dans le comté de Flandre, et il veille, aussi bien dans son action au gouvernement du roi Charles VI de France que dans les conséquences des évènements du grand schisme d'Occident, aux intérêts économiques des villes drapantes. Il bénéficie à ce sujet des conseils d'hommes d'affaires dont parmi lesquels Dino Rapondi tient le premier rang.

[modifier] Tentatives de résolution de Grand Schisme d'Occident

Carte historique du grand schisme d’Occident.██ États reconnaissant le pape de Rome██ États reconnaissant le pape d'Avignon██ États ayant changé d'obédience durant le schisme
Carte historique du grand schisme d’Occident.██ États reconnaissant le pape de Rome██ États reconnaissant le pape d'Avignon██ États ayant changé d'obédience durant le schisme

En 1394, il y a déjà plus de 15 ans que deux papes rivaux se retrouvent à la tête de la Chrétienté. Boniface IX siège à Rome et reçoit l'appui de la Vénétie, de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la Pologne et de la Hongrie. Dans le camp de Benoît XIII, pape d'Avignon, se rangent la France, la Castille, l'Aragon, le Portugal, l'Écosse, la Savoie et le royaume de Chypre.

Cette année là, Philippe le Hardi, régent de la France depuis la folie du roi Charles VI, demande à l'Université de Paris de lui présenter une recommandation sur les moyens de mettre fin au schisme. En effet, avec une politique fiscale agressive qui prive le clergé d'une grande part des bénéfices issus de ses charges, Benoît XIII s'est mis à dos nombre de religieux[45]. Philippe le Hardi qui suit une politique conciliante vis-à-vis de la papauté de Rome pour ménager les Flamands, a tout intérêt à mettre fin au Schisme. Après plusieurs mois de délibérations, l'Université présente trois solutions : la voie de compromis (laisser aux pontifes le soin de mettre fin eux-mêmes au schisme), la voie de cession (il faut les démettre simultanément et en élire un autre) ou la réunion d'un concile qui aurait pour but de trancher le problème.

En février 1395, le Conseil du roi appuie le principe d'une démarche pour la voie de cession (Louis d'Orléans, partisan de la voie de fait, qui sert ses intérêts italiens a été évincé par Philippe le Hardi)[45]. Cependant, ni Benoît XIII, ni Boniface IX, n'acceptent de se démettre. On décide alors de les y obliger en ayant recours à une soustraction d'obédience. Entre l'Université de Paris et le Saint-Siège, les positions se raidissent. Dès lors, les Parisiens font valoir leurs vieux projets de réforme de l'Église et voient en Philippe le Hardi leur champion[45]. En 1398, un Conseil national des évêques tenu à Paris vote une ordonnance retirant au pape les bénéfices et les taxes ecclésiastiques au profit du roi de France. Autrement dit, l'Église de France se gouvernera elle-même et c'est le roi qui légiférera en matière religieuse. Seule l'autorité spirituelle est reconnue au pape d'Avignon. La France est bientôt imitée par la Sicile, la Castille et la Navarre.


Entêté, Benoît XIII refuse de plier, même si les fonds ne rentrent plus. Assiégé dans sa citadelle pendant plusieurs mois par des ennemis locaux, il parvient à s'enfuir en 1403 et se réfugie chez le comte de Provence, Louis II d'Anjou, qui s'opposait depuis le début à la soustraction d'obédience[46].

La soustraction d'obédience s'avère vouée à l'échec. Plusieurs évêques commencent à se plaindre, surtout lorsque le gouvernement français commence à taxer les revenus des paroisses[46]. Le camp orléaniste a pris, dès 1401, parti contre la soustraction d'obédience. Le 29 avril 1403, la Castille restitue son obédience au pape. La France suit le 28 mai. On en revient aux tractations diplomatiques qui ne donneront aucun résultat, les pontifes de Rome et d'Avignon campant toujours sur leurs positions. Pour remercier Louis d'Orléans de son soutien, le pape lui offre 50 000 francs (aux dépens de la fiscalité imposée aux clercs), ce qui a pour effet de dresser l'Université contre lui et de la faire basculer un peu plus en faveur du Parti bourguignon[47].

En 1407, l'Université de Paris, avec l'appui du duc de Bourgogne et du Parlement de Paris, décide par elle-même une nouvelle soustraction d'obédience qui ne donnera pas plus de résultat que la première fois.


Le retour des Marmousets l'écarte un temps du pouvoir en 1388, mais la maladie du roi l'y ramène en 1392. Il entre alors en rivalité avec le frère du roi, Louis de France, duc d'Orléans, dont les dépenses s'opposent aux convoitises d'un duc de Bourgogne obligé de compter sur les ressources fiscales de la royauté pour faire face aux nécessités de son train de vie et du gouvernement de sa principauté. Contre la prodigalité du duc d'Orléans, Philippe le Hardi fait figure de prince réformateur et acquiert ainsi une réelle popularité à Paris. Mais ce prince au sens politique aigu lègue à son fils Jean sans Peur des caisses vides et une obligation de démagogie s'il veut garder un parti.

Il meurt à Hal (en Belgique actuelle) le 27 avril 1404, d'une épidémie de grippe[48].

[modifier] Son tombeau

Tombeau de Philippe II Le Hardi au palais des Ducs de Bourgogne de Dijon
Tombeau de Philippe II Le Hardi au palais des Ducs de Bourgogne de Dijon

Dès 1378, Philippe Le Hardi acquiert le domaine de Champmol pour y faire construire une chartreuse (1383-1388) (devenue depuis un hôpital de Dijon) destinée à accueillir sa dépouille après son décès. Son tombeau et son gisant sont l'un des chefs d'œuvre de la sculpture française. Il fut réalisé par Jean de Marville (1381-1389), Claus Sluter (1389-1406) et Claus de Werve (1406-1410). Jean Malouel, peintre officiel du duc, s'est chargé de la polychromie et des dorures.

Après son décès, le corps de Philippe Le Hardi est éviscéré et embaumé, puis placé dans un cercueil de plomb. Il est déposé dans le chœur de la Chartreuse de Champmol le 16 juin 1404. Ses viscères sont expédiés à Notre-Dame de Hal. En 1792, son corps est transféré à la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon. Son tombeau est remonté un peu plus tard et endommagé par les révolutionnaires en 1793. Il est restauré dans la première moitié du XIXe siècle et se trouve aujourd'hui au musée des Beaux-Arts de Dijon dans le palais des Ducs de Bourgogne

[modifier] Généalogie

Il est le quatrième fils du roi de France Jean II de France (dit Jean le Bon) et de Bonne de Luxembourg. Ses frères sont Charles V de France, Louis d'Anjou et Jean de Berry. De son mariage avec Marguerite de Frandres, il a 8 enfants:

Il inaugure ainsi une politique matrimoniale déjà esquissée par son prédécesseur Philippe de Rouvre, politique que continueront ses successeurs et qui constitue en quelques décennies l'État du Duché de Bourgogne. En mariant en 1385 son fils Jean sans Peur à Marguerite, fille du comte Albert Ier de Hainaut et de Hollande, et sa fille Marguerite à Guillaume IV de Hainaut, fils et héritier d'Albert, il prépare l'union de ces principautés à l'État bourguignon que réalisa son petit-fils Philippe III de Bourgogne (dit Philippe le Bon)

Il fait aussi entrer par ces mariages la nouvelle dynastie de Bourgogne dans le réseau d'alliances de la maison de Bavière : les autres filles d'Albert de Bavière sont mariées au duc de Gueldre et au roi de Bohême, le futur empereur Wenceslas Ier du Saint-Empire, cependant que leur cousine Isabeau de Bavière devient reine de France. D'autre part, il marie ses filles Catherine au duc d'Autriche Léopold IV de Habsbourg et Marie au duc Amédée VIII de Savoie.

Précédé par Philippe II de Bourgogne Suivi par
Philippe Ier de Bourgogne
Duc de Bourgogne
Jean sans Peur
Louis II de Flandre Comte de Flandre, de Bourgogne
de Nevers et de Rethel

avec Marguerite III de Flandre
'Jean sans Peur
sauf Rethel (Antoine de Brabant)
donné en apanage
comte de Touraine
retour à la
Couronne en 1364

[modifier] Notes et références

  1. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 26
  2. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 27
  3. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 28
  4. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 91
  5. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 33
  6. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 203-204
  7. ab Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 287
  8. ab Françoise Autrand, Charles VI, Fayard février 1986, page 17
  9. ab Jean le Bon, le roi captif, chrisagde
  10. (en) The Battle of Poitiers, Chad Arnow myarmoury.com
  11. Raymond Cazette, Étienne Marcel, Taillandier 2006, p. 230
  12. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge français, Perrin 1992, pages 293-294
  13. Brune de Crespt, Philippe le Hardi, le grand duc de Bourgogne, Historia Nostra
  14. Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge français, Perrin 1992, pages 295-296
  15. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 499
  16. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 503
  17. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 500
  18. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 518
  19. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.514
  20. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 308
  21. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 309
  22. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 310
  23. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 546
  24. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 311
  25. Françoise Autrand, Charles VI, Fayard 1983, p. 17-18
  26. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 533
  27. ab Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.572
  28. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p.333
  29. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p.334
  30. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.587
  31. abcd Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.589
  32. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p.590
  33. Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 356
  34. abcd Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 357
  35. ab Jean Favier, La guerre de Cent Ans, Fayard 1980, p. 358
  36. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 616-617
  37. ab Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 617
  38. ab Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 618
  39. ab Françoise Autrand, Charles VI, Fayard février 1986, page 13
  40. ab Françoise Autrand, Charles VI, Fayard février 1986, page 19-20
  41. (en) Lynn H. Nelson, The Great Schism ORB
  42. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 396.
  43. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p.395
  44. Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Fayard, 1980, p. 400.
  45. abc Jean Favier, La Guerre de cent ans, Fayard, 1980, p. 410.
  46. ab Jean Favier, La Guerre de cent ans, Fayard, 1980, p. 412.
  47. Jean Favier, La Guerre de cent ans, Fayard, 1980, p. 413.
  48. Françoise Autrand, Charles V, Fayard 1994, p. 481

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Liens externes