Utilisateur:Page en cours

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

CLASSIFICATION DES ŒUVRES DE HECTOR BERLIOZ selon le catalogue établit par D. Kern Holoman
H Titre Tonalité Instrumentation Période Sous-titre / Commentaires
H 1 Potpourri concertant sur des thèmes italiens
Flûte, cor, 2 violons, alto et basse
1817 - 1818 Perdu
H 2 Quintette pour flûte
Flûte, 2 violons, alto, violoncelle
1818 - 1819 Perdu
H 3 Quintette pour flûte
Flûte, 2 violons, alto, violoncelle
1818 - 1819 Perdu
H 4 Romances
Piano et voix
1818 - 1819 Perdu
H 5 Accompagnement pour la guitare pour "Le Fleuve du Tage" LA
Chant, guitare
1819 Musique: Jean-Joseph-Benoît Pollet
H 6 Chant : Je vais donc quitter pour jamais? MI ♭
Voix et piano/guitare
1819 Réutilisé dans la Symphonie fantastisque (48) bars 3-16
H 7 Romance : Le dépit de la bergère
Piano et voix
1819
H 8 Recueil de romances (25)
Voix et guitare
1819 - 1822
H 9a "L'arabe jaloux" LA
Piano et voix (ténor)
1819 - 1821
H 9b "Le maure jaloux" LA
Piano et voix (ténor)
1822
H 10a Romance : Amitié reprends ton empire (1ère version) LA
Piano, 2 sopranos et ténor
1819 - 1821 Le titre indiqué est : Invocation à l'amitié
H 10b Romance : Amitié reprends ton empire (2ème version) FA
Piano, 2 sopranos et basse
1823
H 11 Romance : Pleure pauvre Colette DO
Piano et 2 voix égales (soprano, soprano ou ténor, ténor)
1822
H 12 Cantates : Le Cheval arabe
1 voix et orchestre
1822 Perdu
H 13 Canon à trois voix 1822 Perdu
H 14 Canon libre à la quinte DO
Piano et 2 voix (alto et baryton)
1822
H 15 Chant élégiaque : Le Montagnard exilé MI ♭
2 voix égales (2 sopranos) avec piano ou harpe
1823
H 16 Romance : Toi qui l'aimas verse des pleurs SOL
Piano et voix (ténor)
1823
H 17 Estelle et Némorin (opéra)
Solistes, chœurs, orchestre
1823 Perdu
H 18 Le passage de la mer rouge (oratorio avec texte en latin)
Solistes, chœurs, orchestre
1823 - 1824 Perdu
H 19 Beverley ou Le joueur (scène dramatique)
Basse et orchestre
1823 - 1824 Perdu
H 20a Messe Solennelle
Piano
1824
H 20b Et resurrexit (2ème version) sol
choeur (SATB) avec orchestre
1828 Aussi connu sous le titre: Le jugement dernier - Réutilisé dans Requiem (5), Te Deum (118) et (76)
H 21a La révolution grecque (scène héroique)
Solistes (BB) et choeur (SSAATBB) avec orchestre
1825 - 1826 Texte: Humbert Ferrand
H 21b La révolution grecque (scène héroique)
Choeur (SATB) et orchestre militaire
1833 Texte: Humbert Ferrand
H 22 Fugue FA 1826
H 23a Les Francs-Juges (opéra)
Orchestre, solistes et chœur
1825-26, rev. en 1829 Texte: Humbert Ferrand. - Seuls des fragments de l'œuvre subsistent
H 23b Nocturne (Mélodie pastorale) LA
3 voix concertantes (SST) et choeur (SSTTBB) avec piano
1828 Texte: Humbert Ferrand.
H 23c Le Cri de Guerre du Brisgaw

(intermezzo imcomplet en 1 acte basé sur les Francs-Juges)

1833-1834 Texte: Humbert Ferrand.

Inclut le texte de H 65, et le dernier choeur, celui de du dernier choeur de H 21

H 23d Grande Ouverture des Francs-Juges LA ♭
orchestre
1826
18 n° 4 Quatuor à cordes n° 4 do
2 violons, alto, violoncelle
1798 - 1800
18 n° 5 Quatuor à cordes n° 5 LA
2 violons, alto, violoncelle
1798 - 1800
18 n° 6 Quatuor à cordes n° 6 LA ♭
2 violons, alto, violoncelle
1798 - 1800
19 Concerto pour piano n° 2 SI ♭
Piano, orchestre
1795
20 Septuor pour cordes et vents MI ♭
Violon, alto, violoncelle, contrebasse,
cor, clarinette, basson
1799 - 1800
21 Symphonie n° 1 DO
Orchestre
1800
22 Sonate pour piano n° 11 SI ♭
Piano
1800
23 Sonate pour violon n° 4 la
Piano, violon
1800 - 1801
24 Sonate pour violon n° 5 FA
Piano, violon
1800 - 1801 « le Printemps »
25 Sérénade pour flûte, violon et alto
Flûte, violon, alto
1795 - 1796
26 Sonate pour piano n° 12 LA ♭
Piano
1800 - 1801 « Marche funèbre »
27 n° 1 Sonate pour piano n° 13 MI ♭
Piano
1800 - 1801 « Quasi una fantasia »
27 n° 2 Sonate pour piano n° 14 do #
Piano
1801 « Quasi una fantasia » ou « Clair de lune »
28 Sonate pour piano n° 15
Piano
1799 « Pastorale »
29 Quintette à cordes n° 2 DO
2 violons, 2 altos, violoncelle
1801
30 n° 1 Sonate pour violon n° 6 LA
Piano, violon
1801 - 1802
30 n° 2 Sonate pour violon n° 7 do
Piano, violon
1801 - 1802
30 n° 3 Sonate pour violon n° 8 SOL
Piano, violon
1801 - 1802
31 n° 1 Sonate pour piano n° 16 SOL
Piano
1802
31 n° 2 Sonate pour piano n° 17
Piano
1802 « la Tempête »
31 n° 3 Sonate pour piano n° 18 MI ♭
Piano
1802
32 Lied « À l'espérance » MI ♭
Piano, voix
1805 Première version
33 Sept bagatelles pour piano
Piano
1800 - 1802
34 Six variations pour piano FA
Piano
1802
35 Quinze variations et fugue pour piano MI ♭
Piano
1802 « Héroïques »
36 Symphonie n° 2
Orchestre
1801 - 1802
37 Concerto pour piano n° 3 do
Piano, orchestre
1800 - 1802
38 Trio pour piano, clarinette et violoncelle MI ♭
Piano, clarinette, violoncelle
1803 arrangement du Septuor
39 Deux préludes pour piano ou orgue
Piano ou orgue
1789
40 Romance pour violon n° 1 SOL
Violon, Orchestre
1802
41 Sérénade pour flûte et piano
Flûte / violon, piano
1803
42 Notturno pour alto et piano
Piano, alto
1803
43 Les Créatures de Prométhée DO
Orchestre
1801
44 Quatorze variations pour trio MI ♭
Piano, violon, violoncelle
1800
45 n° 1 Marche pour piano à 4 mains n° 1 DO
Piano 4 mains
1802 - 1803
45 n° 2 Marche pour piano à 4 mains n° 2 MI ♭
Piano 4 mains
1802 - 1803
45 n° 3 Marche pour piano à 4 mains n° 3
Piano 4 mains
1802 - 1803
46 Cantate « Adélaïde » SI ♭
Piano, voix
1795 - 1796
47 Sonate pour violon n° 9 LA
Piano, violon
1802 - 1803 « à Kreutzer »
48 Six lieder sur des poèmes de Gellert
Piano, voix
1803
49 n° 1 Sonate pour piano n° 19 sol
Piano
1798
49 n° 2 Sonate pour piano n° 20 SOL
Piano
1796
50 Romance pour violon n° 2 FA
Violon, orchestre
1802
51 n° 1 Rondo pour piano n° 1 DO
Piano
1797
51 n° 2 Rondo pour piano n° 2 SOL
Piano
1800
52 Huit lieder sur des poèmes variés
Piano, voix
1793
53 Sonate pour piano n° 21 DO
Piano
1803 - 1804 « Waldstein »
54 Sonate pour piano n° 22 FA
Piano
1804
55 Symphonie n° 3 MI ♭
Orchestre
1802 - 1804 « Eroica »
56 Triple Concerto DO
Piano, violon, violoncelle, orchestre
1804
57 Sonate pour piano n° 23 fa
Piano
1804 - 1805 « Appassionata »
58 Concerto pour piano n° 4 SOL
Piano, orchestre
1806
59 n° 1 Quatuor à cordes n° 7 FA
2 violons, alto, violoncelle
1806 « Razumovsky »
59 n° 2 Quatuor à cordes n° 8 mi
2 violons, alto, violoncelle
1806 « Razumovsky »
59 n° 3 Quatuor à cordes n° 9 DO
2 violons, alto, violoncelle
1806 « Razumovsky »
60 Symphonie n° 4 SI ♭
Orchestre
1806
61 Concerto pour violon
Violon, orchestre
1806
62 Coriolan do
Orchestre
1807
63 Sonate en trio MI ♭
Piano, violon, violoncelle
1806 arrangement du Quintette opus 4
64 Sonate en duo SOL
Piano, violoncelle
1807 arrangement du Trio à cordes opus 3
65 Air : Ah ! Perfido MI ♭
Soprano, Orchestre
1795 - 1796
66 Douze variations pour piano et violoncelle FA
Piano, violoncelle
1798 sur Ein Mädchen oder Weibchen de Mozart
67 Symphonie n° 5 do
Orchestre
1807 - 1808
68 Symphonie n° 6 FA
Orchestre
1807 - 1808 « Pastorale »
69 Sonate pour violoncelle n° 3 LA
Piano, violoncelle
1807 - 1808
70 n° 1 Trio avec piano n° 5
Piano, violon, violoncelle
1807 - 1808 « des esprits » ou le Fantôme
70 n° 2 Trio avec piano n° 6 MI ♭
Piano, violon, violoncelle
1807 - 1808
71 Sextuor pour vents MI ♭
2 clarinettes, 2 cors, 2 bassons
1796
72 Léonore II DO
Orchestre
1805
72a Léonore III DO
Orchestre
1806
72b Fidelio (opéra)
Solistes, chœurs, orchestre
1803 - 1814
72b Fidelio (ouverture) DO
Orchestre
1814
73 Concerto pour piano n° 5 MI ♭
Piano, orchestre
1809 « l'Empereur »
74 Quatuor à cordes n° 10 MI ♭
2 violons, alto, violoncelle
1809 « les Harpes »
75 Six lieder sur des poèmes variés
Piano, voix
1809
76 Six variations pour piano
Piano
1809
77 Fantaisie pour piano sol
Piano
1809
78 Sonate pour piano n° 24 FA #
Piano
1809 « à Thérèse »
79 Sonate pour piano n° 25 SOL
Piano
1809
80 Fantaisie chorale do
Piano, chœurs, orchestre
1808
81a Sonate pour piano n° 26 MI ♭
Piano
1809 - 1810 « Les Adieux »
81b Sextuor pour cordes et vents MI ♭
2 violons, alto, violoncelle, 2 cors
1794
82 Quatre airs et un duo
Piano, voix
1795 - 1796
83 Trois lieder sur des poèmes de Goethe
Piano, voix
1810
84 Egmont fa
Orchestre
1809 - 1810
85 Le Christ au Mont des Oliviers
Solistes, chœurs, orchestre
1801 - 1803
86 Messe en do majeur DO
Chœurs, orchestre
1807
87 Trio pour vents DO
2 hautbois, cor anglais
1793 - 1794
88 Lied « Lebensglück » LA
Piano, voix
1803
89 Polonaise pour piano DO
Piano
1814
90 Sonate pour piano n° 27 mi
Piano
1814
91 La Victoire de Wellington MI ♭
Orchestre
1813
92 Symphonie n° 7 LA
Orchestre
1811 - 1812
93 Symphonie n° 8 FA
Orchestre
1812
94 Lied « À l'espérance » SOL
Piano, voix
1812 Deuxième version
95 Quatuor à cordes n° 11 fa
2 violons, alto, violoncelle
1810 « Serioso »
96 Sonate pour violon n° 10 SOL
Piano, violon
1812
97 Trio pour piano n° 7 SI ♭
Piano, violon, violoncelle
1811 « à l'Archiduc »
98 Six lieder sur des poèmes de Jeitteles DO
Piano, Baryton
1815 - 1816 « À la Bien-aimée lointaine »
99 Lied « Der Mann von Wort » SOL
Piano, voix
1816
100 Lied « Merkenstein » FA
Piano, voix
1814 - 1815
101 Sonate pour piano n° 28 LA
Piano
1816
102 n° 1 Sonate pour violoncelle n° 4 DO
Piano, violoncelle
1815
102 n° 2 Sonate pour violoncelle n° 5
Piano, violoncelle
1815
103 Octuor pour vents MI ♭
2 hautbois, 2 clarinettes,
2 cors, 2 bassons
1792
104 Quintette à cordes n° 3 do
2 violons, 2 altos, violoncelle
1817
105 Six thèmes variés pour flûte et piano
Flûte, piano
1817 - 1818
106 Sonate pour piano n° 29 SI ♭
Piano
1817 - 1819 « Hammerklavier »
107 Dix thèmes variés pour flûte et piano
Flûte, piano
1817 - 1818
108 Vingt-cinq mélodies écossaises
Voix, chœurs,
piano, violon, violoncelle
1815 - 1816
109 Sonate pour piano n° 30 do
Piano
1820
110 Sonate pour piano n° 31 LA ♭
Piano
1821
111 Sonate pour piano n° 32 do
Piano
1820 - 1822
112 Deux lieder sur des poèmes de Goethe
Piano, voix
1815
113 Les Ruines d'Athènes MI ♭
Orchestre
1811
114 Marche avec chœur MI ♭
Chœurs, orchestre
1811
115 Jour de fête DO
Orchestre
1814 - 1815
117 Le Roi Étienne MI ♭
Orchestre
1811
118 Chant élégiaque MI
4 solistes,
2 violons, alto, violoncelle
1814
119 Onze bagatelles pour piano
Piano
1822
120 Trente-trois variations pour piano DO
Piano
1823 sur une valse de Diabelli
121a Variations pour trio avec piano SOL
Piano, violon, violoncelle
1815 - 1816 sur Ich bin der Schneider Kakadu de Muller
121b Opferlied « Die Flamme lodert, milder Schein » MI
Soprano, chœur, orchestre
1823 - 1824
122 Bundelsied sur un poème de Goethe SI ♭
Soprano, alto, chœur à 3 voix,
2 clarinettes, 2 cors, 2 bassons
1823 - 1824
123 Missa Solemnis
4 solistes, chœurs, orchestre
1818 - 1822
124 La Consécration de la maison DO
Orchestre
1823
125 Symphonie n° 9
4 solistes, chœurs, orchestre
1822 - 1824 chœur final sur l'Ode à la Joie de Schiller
126 Six bagatelles pour piano
Piano
1823 - 1824
127 Quatuor à cordes n° 12 MI ♭
2 violons, alto, violoncelle
1823 - 1824
128 Arietta : Der Kuss
Piano
1822
129 Rondo pour piano SOL
Piano
1795
130 Quatuor à cordes n° 13 SI ♭
2 violons, alto, violoncelle
1824 - 1825
131 Quatuor à cordes n° 14 do #
2 violons, alto, violoncelle
1826
132 Quatuor à cordes n° 15 la
2 violons, alto, violoncelle
1823 - 1825
133 Grande Fugue SI ♭
2 violons, alto, violoncelle
1823 - 1825
134 Grande Fugue (transcription) SI ♭
Piano à 4 mains
1826
135 Quatuor à cordes n° 16 FA
2 violons, alto, violoncelle
1826
136 Cantate « Le glorieux moment »
4 solistes, Chœurs, orchestre
1814
137 Fugue pour quintette à cordes
2 violons, 2 altos, violoncelle
1817
138 Leonore I UT
Orchestre
1805 Première ouverture pour Fidelio


[modifier] Manfred

C'est en 1867-1868 que Berlioz effectue son dernier voyage en Russie. A cette occasion, il reçoit une lettre de Balakiriev qui a entendu son Harold en Italie. Balakirev lui-même a été sollicité par son ami Stasov pour écrire une vaste symphonie à programme d'après Byron. Voici ce qu'écrit Balakirev à Berlioz:

"Vous aimez Byron, lequel a imaginé tant de sujets fascinants qui vous conviendraient parfaitement; je pense à Manfred. Il est impossible de refuser une symphonie consacrée à un tel héros, pour la seule raison que Byron avait une destinée semblable à la vôtre. Tout comme les anglais, qui, englués dans leur morale pharisienne et dans les moeurs d'une routine conventionnelle n'ont pas réussi à le comprendre, les français ne vous ont pas compris parce qu'ils n'ont pas atteint le niveau de maturité musicale qui leur permettrait de voir plus loin que l'art de quelqu'un comme Gounod. Mais revenons à Manfred... J'imagine le premier mouvement de votre symphonie de cette manière: [suit le programme de Stasov]. Quel merveilleux sujet pour un premier mouvement! Le second est en pleine opposition au premier. Ce serait quelque chose dans le style de votre scène aux champs de votre première symphonie [...] Troisième mouvement: un scherzo fantastique dans le style de votre reine Mab. On ne peut qu'imaginer les délicates couleurs que vous pourriez utiliser pour l'orchestre, les combinaisons nouvelles et originales que vous tenteriez. 4e mouvement: un Allegro sauvage et sans retenue, plein de folle audace, dans le style de votre Harold. Dans tous les cas, j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet. Il me semble qu'il ait été conçu pour vous. Dans tous les cas, que ce sujet vous parle ou non, je me permets de vous dire que ce serait un péché de ne pas le traiter, vous le premier compositeur d'Europe."

Comme on le constate, Balakirev, comme à son habitude exerce ses talents de chef de groupe avec brio, se permettant au passage de décrire à Berlioz la symphonie idéale qu'il aurait pu composer, sorte de mélange de la Fantastique, de Harold et de Roméo et Juliette. Mais Berlioz devait mourir l'année suivante et Balakirev attendra quatorze ans avant de repenser à ce projet qui le hante.

En 1881, Tchaïkovski dédie à Balakirev sa fantaisie-ouverture "Roméo et Juliette". Ce n'est qu'un an plus tard qu'il reçoit une réponse du dédicataire, datée du 28 sept/10 oct[1]. 1882:

"Je serai heureux de vous rencontrer et j'aimerais à cette occasion vous faire part du programme d'une symphonie que vous mèneriez à bien magnifiquement. Je dois vous avouer que j'ai récemment étudié vos partitions et, il est nécessaire de le dire, je me suis réjoui de voir combien votre talent s'était développé et avait gagné en force. Vous atteint votre apogée dans vos deux poèmes symphoniques "La Tempête" et "Francesca da Rimini", surtout dans ce dernier. Mais pourquoi les avoir si malencontreusement baptisés "fantaisies"? Peut-être parce que tout baron possède sa propre fantaisie. Il me semble que dans le sujet que je vous ai préparé vous devriez faire aussi bien que dans ces pièces, car je pense que j'ai très bien mis à jour l'endroit où réside votre force."

Tchaïkovski remercie évidemment Balakirev des compliments qui lui sont faits, mais s'excuse de ne pouvoir pour le moment le rencontrer:

"En lisant ces mots, ne voudriez-vous pas me communiquer le fond du programme du sujet que vous me proposez dans votre lettre? Cela m'intéresse beaucoup. Je vous promets fermement que, si ma santé me le permet, je mènerai avec le plus grand empressement la tâche que vous me soumettez.

Balakirev lui répondit le 28 oct/ 9 novembre[2]:

"J'ai fait à l'origine cette proposition à Berlioz, qui l'a décliné car son âge et son état de santé le portaient à ne plus composer du tout. La partition de votre Francesca me donna l'idée que vous réussirez brillamment, à condition que vous vous exerciez, que vous critiquiez sévèrement votre oeuvre, que vous permettiez à votre imagination de mûrir et que vous ne vous pressiez pas pour terminer la chose. Je ne pourrais la réaliser moi-même car elle ne s'accorde pas à mon état d'esprit; en revanche, elle vous va comme un gant. C'est Manfred de Byron dont voici le programme."

Balakirev reproduit à nouveau le programme de Stasov, se permettant au passage quelques petites modifications. Surtout, il schématise entièrement la symphonie:

"1er mouvement: avant de vous donner le programme, je vous avertis qu'à l'exemple de 2 symphonies similaires de Berlioz (la Fantastique et Harold), votre future symphonie doit comporter son idée fixe [3], laquelle dépeindrait Manfred lui-même et apparaîtrait dans chaque mouvement. La tonalité du mouvement serait fa dièse mineur, le second thème serait en ré majeur. 2e mouvement: Adagio pastorale (la majeur) Bien sûr, au début du mouvement, vous aurez à écrire quelque chose suggérant une chasse, mais il faudra être très attentif à ne pas sombrer dans le banal. Dieu vous préserve des vulgarités dans le style des fanfares allemandes et de la Jägermusik. L'apparition d'Astarté devrait se faire en ré bémol majeur, précédemment en ré majeur dans le premier mouvement; il s'agit ici d'une pensée flottante, d'une sorte de réminiscence immédiatement effacée par la souffrance de Manfred. Cette musique doit être légère, transparente, aérienne, idéale et virginale. Ne convenez-vous pas qu'il s'agit là d'un fascinant programme? Et si vous vous exercez convenablement, je suis certain que cela sera votre chef-d'oeuvre."

Balakiriev conseille ensuite à Tchaïkovski d'écrire les deux parties de flûtes sur la même portée et de n'utiliser qu'une seule ligne pour les percussions au lieu d'une portée complète [4] car:

"Comme vous le voyez, je veux que votre futur chef-d'oeuvre soit parfait en tous points et que rien ne doit être perfectible. Ce sujet n'est pas seulement profond, mais aussi contemporain, car le malaise du genre humain est dû au fait que l'homme n'arrive pas à préserver ses idéaux. Ils sont brisés et il ne subsiste pour la consolation de l'âme que la seule amertume. En conséquence, voilà d'où proviennent toutes les tribulations de notre temps".

Le pessimisme de Balakirev n'est plus à prouver. Lui-même fortement désillusionné sur ses projets, tient à guider la musique contemporaine vers le but qu'il a fixé. En choisissant Tchaïkovski comme dépositaire de sa pensée, il ne s'est pas trompé. Un point très intéressant à remarquer dans ce courrier est la grande habileté de Balakirev à diriger les travaux des autres. L'impression de malaise qu'il évoque sera immédiatement perceptible dès les premières mesures de Manfred, dans les dissonances des cordes. Mais à ce moment-là, l’œuvre n’est encore qu'un très vague projet et la réponse de Tchaïkovski, datée du 12/24 novembre 1882 est tout sauf enthousiaste :

"Je ne dispose d'aucune traduction de Manfred et je ne veux pas vous donner une réponse définitive concernant votre programme tant que je n'aurai pas lu le texte de Byron. Si je remarque une forte affinité avec ce texte, je changerai peut-être mon attitude envers la tâche que vous me proposez, mais j'en doute. Dans tous les cas, je doit vous faire part des sentiments que j'ai éprouvés à la lecture de votre lettre. Bien que vous considériez La Tempête et Francesca comme mon apogée personnelle (ce que je réfute totalement), j'avais pensé en quelque sorte que votre programme pourrait faire naître en moi le désir de le transposer en musique et j'ai attendu avec une grande impatience votre lettre. Mais lorsque je la reçus, je fus déçu. Votre programme n'est rien d'autre que le manuel du symphoniste désireux d'imiter Berlioz. Je reconnais, en le parcourant, que l'on pourrait construire une symphonie complète dans le style de ce compositeur, mais cela me laisse absolument froid et lorsque l'imagination et le coeur se refroidissent, cela ne vaut vraiment pas la peine de se mettre à composer. Afin de vous plaire, je pourrais toujours, pour reprendre votre expression, "m'exercer" et extraire du fond de ma pensée une pleine série d'épisodes plus ou moins intéressants, dans lesquels on retrouverait la lugubre et conventionnelle musique de la dépression de Manfred, une quantité de paillettes dans l'orchestration du scherzo de la Fée des Alpes, un levé de soleil enluminé par les cordes aigues des violons, et une mort de Manfred soulignée par des trombones jouant pianissimo; je pourrais à cette occasion enjoliver ces épisodes à l'aide d'harmonies curieuses et piquantes, et enfin présenter cette oeuvre au monde sous le titre élevé de "Manfred, une symphonie d'après etc.[5] Il se pourrait même que je reçoive des félicitations pour fruit de mon labeur, mais écrire de telles chose ne me tente vraiment pas."

Tchaïkovski continue sa lettre en critiquant vertement ses oeuvres précédentes, dont Francesca et la Tempête et la termine sur ces mots:

"Je n'ai jamais pensé que la musique à programme à la Berlioz fût généralement une fausse forme artistique, mais j'attire seulement votre attention sur le fait que je n'ai jamais rien produit de significatif dans ce domaine. Là-dessus, il faut certainement voir l'ombre de Schumann[6] comme cause de ma froideur à l'égard de votre programme. J'admire profondément son Manfred et je suis habitué à rattacher inconsciemment le Manfred de Byron avec celui de Schumann, que je ne sais comment approcher le sujet sans entendre en moi une autre musique que celle de Schumann... Mais tout compte fait, je lirai Manfred..."

En octobre 1884, Tchaïkovski rencontre Balakirev à l'occasion de la première d'Onéguine. Balakirev lui remet alors le programme original de Stasov dont le schéma musical a été considérablement revu par lui. La tonalité principale devrait être si bémol mineur; le second thème du premier mouvement devait être écrit en ré majeur (ré bémol majeur lors de la réexposition). Balakirev donne la tonalité de sol bémol majeur pour le larghetto et s'en tient à ré majeur pour le scherzo. Il voit le final écrit en si bémol mineur, l'ombre d'Astarté en ré bémol majeur (con sordini) et enfin le Requiem conclusif en si bémol majeur. Chose curieuse, il indique pour chaque mouvement des oeuvres d'autres compositeurs, destinées à aider Tchaïkovski à trouver l'inspiration: parmi elles, Hamlet de Liszt et les préludes de Chopin.

À cette époque, rien n'assure que Tchaïkovski va entreprendre le projet, mais les conversations théologiques et philosophiques qu'il a eues avec Balakirev ont commencé à le convaincre. En outre, il est décidé à rendre hommage au chef de file du Groupe des Cinq.

Le 31 oct/12 nov. 1884, Tchaïkovski écrit à nouveau à Balakirev. Il s'apprête alors à partir pour Davos car un de ses amis est en train d'y mourir:

"Je pars demain matin. Je vais me rendre aujourd'hui chez un libraire et j'achèterai Manfred. Cela m'irait tout à fait de me rendre dans les Alpes et cette circonstance pourrait être bénéfique à la transposition musicale de Manfred, si je m'y rendais pas pour voir un mourant. Dans tous les cas, je vous assure que j'emploierai tous mes pouvoirs, quel qu'en soit le prix, pour réaliser votre voeu."

De Davos, 17/29 novembre:

"J'ai lu Manfred et j'y pense sans arrêt, bien que je n'aie encore commencé à penser aux thèmes et à la forme. Je ne me presse pas davantage, mais je vous assure positivement que si je suis encore vivant à cette date, la symphonie sera achevée pas plus tard que cet été."

En fait, il faut attendre avril 1885 pour que les premières esquisses soient achevées. Pendant tout l'été 1885, Tchaïkovski travaille avec ardeur sur le projet; le premier mouvement est terminé en juin, le scherzo lui prend un mois entier (juillet-août), la pastorale arrive à son terme le 11/23 septembre tandis qu'il ne lui faut qu'un seul jour pour mettre un terme au final (officiellement), c'est-à-dire qu'il l'achève le 12/24 septembre. Le 13/25, il écrit triomphalement à Balakirev:

"J'ai accompli votre voeu. Manfred est fini, et dans quelques jours, on débutera l'impression de la partition. Je pense que vous serez un peu fâché par la vitesse avec laquelle j'ai écrit. Je sais que vous auriez préféré que j'achève Manfred en prenant mon temps, en parallèle avec d'autres oeuvres. Vous avez probablement raison et j'aurais certainement suivi votre avis de ne pas me presser si je le pouvais. Le fait est que je ne le peux pas. Une fois que je suis absorbé par une tâche, je ne peux me reposer avant de l'avoir complètement achevée. Ainsi fonctionne mon enveloppe musicale; probablement cette manie de vouloir achever à tout prix ce que j'entreprends, pour ainsi dire en un seul jet, est le coeur de tous mes défauts, mais peut-être aussi celui de mes mérites. Dans tous les cas, je ne peux faire autrement. Je travaillé à la partition de Manfred sans décoller, pendant quatre mois (de la fin mai à aujourd'hui). Ce fut une tâche très difficile, mais aussi très plaisante, surtout lorsqu'après avoir débuté au prix de grands efforts, je commençai à être absorbé par elle. Bien entendu, je ne peux prédire si cette symphonie vous plaîra ou non, mais croyez-moi, jamais au cours de ma vie je ne me suis exercé de la sorte, ni autant épuisé au travail. La symphonie suit votre programme en quatre mouvements, mais je vous demande de m'excuser car je n'ai pu garder les tonalités et modulations que vous m'aviez indiquées, bien que j'aurais aimé le faire. La symphonie est écrite en si mineur [7]; seul le scherzo respecte la tonalité que vous m'aviez notifiée [8]. La chose est très difficile d'exécution et requiert un énorme orchestre, c'est-à-dire un grand nombre de cordes. Au fur et à mesure que les épreuves seront corrigées, je vous les enverrai. J'ai fait moi-même la réduction pour piano, mais avant de la graver, je vais beaucoup la jouer et la retraviller. Manfred vous est naturellemnt dédié."

En fait, la symphonie n'est pas encore achevée totalement, comme Tchaïkovski l'explique à son frère Modeste quelques jours après. Surtout, ses sentiments à l'égard de l'oeuvre ne cessent d'évoluer, allant de la franche hostilité à l'enthousiasme. Alors qu'il débutait la composition de Manfred, voici ce qu'il écrivait à Sergueï Taneiev, l'un de ses élèves préférés:

"Après beaucoup d'hésitation, j'ai décidé d'écrire Manfred, depuis que je me suis aperçu que je n'aurai pas de repos tant que je n'aurai pas tenu ma promesse donnée inconsidérément à Balakirev cet été. Je ne sais pas ce qui va en advenir, mais à présent, je ne cesse d'être déçu par moi-même. Il est mille fois plus plaisant d'écrire sans programme. Je me sens comme un charlatan abusant son public: je ne le paie non pas avec de l'argent sonnant mais avec du papier-monnaie sans valeur."

On retiendra la métaphore. On se souvient également des propos de Debussy sur la musique à programme: sur ce sujet, il rejoignait les désillusions de Tchaïkovski. Néanmoins, il faut se demander si ces propos ne relèvent pas de l'affectation. Tchaïkovski ne s'est jamais plaint autant à propos d'une œuvre, mais ces plaintes finissent par le convaincre du bien-fondé de la réalisation.

En juillet 1885, alors qu'il en est encore qu'au 2e mouvement, il écrit à Emiliya Pavlovskaïa:

"La symphonie s'est révélée vaste, sérieuse, difficile, chronophage, parfois épuisante. Mais une voix intérieure me dit que je ne travaille pas en vain et que cette oeuvre sera l'une de mes meilleures symphonies."

A sa cousine Anna Merkling, septembre 1885:

"J'achève en ce moment l'oeuvre qui m'a pris tout mon été. Cela m'a coûté un effort inhabituel, car ce fut un problème très complexe. Finalement, je suis en train de l'achever et petit à petit, à mesure que le mot fin approche, mon esprit se fait de plus en plus léger et respire plus librement. Je fus nerveux et déprimé pendant tout l'été: la faute en revient au sujet sinistre de cette symphonie, le Manfred de Byron.

Enfin, en mars 1886, Max Erdmannsdörfer dirige la première avec brio. Tchaïkovski est enthousiaste, tout comme le public qui lui a fait bon accueil. A cette occasion, il écrit à sa protectrice, Nadezhda Von Meck que cette oeuvre est la meilleure de toutes les symphonies qu'il a écrites. Ce jugement ne dure qu'un temps. Comme tous les grands génies, le compositeur russe traverse des moments d'abattement et une profonde crise d'inspiration au cours des années 1888-1890.

En 1888, il écrit cette lettre au grand-duc Constantin:

"Sans vouloir me montrer plus modeste que je ne le suis, je peux dire que cette production est abominable et que je la hais profondément, à l'exception du premier mouvement. Ainsi, si j'avais l'accord de l'éditeur, je détruirai les trois autres mouvements, absolument insignifiants sur le plan musical (le final est mortel) et à partir de cette symphonie lourdement dessinée, je créerais un "Symphonische Dichtung". Alors, j'en suis convaincu, mon Manfred serait en mesure d'être agréable à entendre et c'est ainsi que cela devrait être. J'écrivis le 1er mouvement avec plaisir - le reste du matériel est le résultat d'un effort continu, qui, je me rappelle, me fut vraiment désagréable."

Ainsi, Tchaïkovski enterra-t-il Manfred, sans fleurs ni couronnes. La partition est restée heureusement telle qu'elle était à sa création, l'auteur ayant été absorbé par de nouveaux projets, dont la 5e symphonie et La Dame de Pique.

La conception de Manfred est intéressante, surtout grâce aux archives que Piotr Ilitch a laissées derrière lui. On y voit se dessiner plusieurs thématiques: - la relation amour-haine qu'il noue avec Balakirev, grand maître d'une confrérie des compositeurs russes auquel l'on a du mal à résister, créateur lui aussi d'une musique à programme avec le poème symphonique "Tamara". - la conception platonicienne de la création, émanation d'une puissance supérieure (la voix intérieure) - l'affirmation d'un nouvel orchestre: Manfred est la seule symphonie de Tchaïkovski a requérir un orchestre élargi, c'est à dire avec cor anglais, clarinette basse, 2 cornets en plus des trompettes et deux harpes. En cela, l'on retrouve l'instrumentation des ballets ou des derniers opéras (le prélude de Iolanta débute avec la même combinaison de bois graves). Enfin, Manfred peut être considérée comme une oeuvre vraiment contemporaine pour son époque: les dissonances de l'introduction mettent mal à l'aise dès le début: ce n'est pas le Tchaïkovski que l'on a l'habitude d'entendre ou que l'on voudrait entendre. Tout en détestant le programme de Balakirev, Tchaïkovski s'est soumis au jeu proposé par son mentor, en mettant en scène ses propres sentiments déguisés et en s'obligeant à aller bien plus loin qu'il n'était allé dans sa 4e symphonie. A ce titre, les fanfares de Manfred sont bien plus glaçantes (de simples accords mineurs de cuivres, très lourds) que celles de sa 4e symphonie. Enfin, quoiqu'il en dise, le final est particulièrement percutant: non seulement son orgie rivalise avec celle des brigands de Harold, mais son traitement de l'orchestre est ébouriffant, y compris dans les passages stagnants, vite assimilables à des couloirs si le chef d'orchestre se trompe. Ne nous trompons pas, quant à nous: Manfred est bel et bien un chef-d'oeuvre symphonique.

  1. La première date est celle du calendrier ortodoxe russe qui avait quelques jours d'avances sur notre calendrier grégorien (seconde date citée)
  2. La première date est celle du calendrier ortodoxe russe qui avait quelques jours d'avances sur notre calendrier grégorien (seconde date citée)
  3. En français dans le texte
  4. Ce que fait d'ailleurs toujours Tchaïkovski. De plus, ses partitions sont très souvent plus lisibles que celles de Balakirev.
  5. En français dans le texte
  6. Schumann avait composé en 1848-1849 une musique de scène pour le texte de Byron.
  7. Et non en si bémol mineur comme prévu à l'origine
  8. Ce qui est faux, lui aussi est en si bémol mineur et non en ré majeur