Hector Berlioz

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Hector Berlioz
Hector Berlioz par Honoré Daumier.

Naissance 11 décembre 1803
La Côte-Saint-André, France
Décès 8 mars 1869
Paris, France
Profession(s) Compositeur de musique classique

Hector Berlioz est un compositeur, un écrivain et un critique français, né le 11 décembre 1803 à La Côte-Saint-André en Isère, mort le 8 mars 1869 à Paris, au 4 rue de Calais, dans le quartier de la Nouvelle Athènes.

Il est considéré comme l'un des plus grands représentants du romantisme européen, bien qu'il récusât le terme de « romantique » qui ne signifiait rien à ses yeux. Il se définissait en fait comme un compositeur classique. Sa musique eut la réputation de ne pas respecter les lois de l'harmonie, accusation qui ne résiste pas à une lecture approfondie de ses partitions. On y découvre, paradoxalement, que Berlioz respecte les fondements historiques de l'harmonie datant du XVIe siècle (règles régissant les mouvements contraires et conjoints), mais qu'il s'affranchit parfois des règles supplémentaires apparues plus tardivement et esthétiquement discutables (règles de modulation cadentielle entre autres).

Sommaire

[modifier] Biographie

Hector Berlioz est issu d'une vieille famille dauphinoise. Son père, Louis Berlioz, est médecin et sa mère, Antoinette-Joséphine Marmion, une catholique fervente. À l'âge de 6 ans, Hector est envoyé au séminaire pour suivre ses études. À la fermeture de l'établissement, en 1811, son père décide de se charger de l'éducation d'Hector, le destinant à une carrière de médecin. Ce qui ne l'empêchait pas de compléter sa formation avec un maître de musique qui lui enseignait le chant et la flûte. À l’âge de douze ans, il commence à composer[1].

Inscrit à l’école de médecine de Paris, il quitte sa famille et suit les cours pendant une année, avant d'écrire à son père qu'il préfère l’art à la médecine : « Je sentis ma passion pour la musique s’accroître et l’emporter sur mon désir de satisfaire mon père »[2]. Il se brouille avec sa famille, fréquente l'Opéra de Paris et suit les enseignements de Jean-François Lesueur puis d'Antoine Reicha.

[modifier] Les débuts

Portrait de Berlioz par Émile Signol, 1832
Portrait de Berlioz par Émile Signol, 1832

Alors que sa formation musicale est rudimentaire, il commence à jouer de la guitare et du flageolet. Il est très tôt attiré par la vie parisienne des années de la Restauration des Bourbons, période marquée d'un grand élan culturel et intellectuel [réf. nécessaire].

En 1823 il étudie la composition au Conservatoire de Paris.
Il écrit sa Messe solennelle en 1824, découvre Weber (il s'en souviendra pour la Symphonie fantastique) et malgré son échec au concours de Rome en 1826, il poursuit ses études au Conservatoire (dirigé alors par le grand maître de l'époque Luigi Cherubini) avec l'enseignement remarquable de Anton Reicha pour la fugue et le contrepoint mais aussi la composition avec Lesueur. Sa cantate La mort d'Orphée est jugée injouable par le jury. Au cours d'une représentation d'Hamlet il découvre Shakespeare et tombe amoureux de Harriet Smithson, l'actrice irlandaise de la pièce, qu'il épousera en 1833.

Il découvre aussi Goethe et son Faust : il va écrire sur la traduction de Gérard de Nerval tout d'abord Huit scènes de Faust (1828) et puis en 1846 la légende dramatique La damnation de Faust.

L'exécution en 1828 des symphonies de Beethoven par François-Antoine Habeneck va l'impressionner.

[modifier] La Symphonie fantastique

Dès 1830 ses études, ses influences et aussi son génie (ainsi que son amour dévorant pour Harriet Smithson) lui permettent d'écrire la Symphonie fantastique op. 14 qui enthousiasme Franz Liszt mais provoque un grand scandale auprès d'un public qui ne se rend pas compte de la portée de l'œuvre : elle va relancer la « musique à programme » ou « musique descriptive » et trouver des prolongements dans toute la musique allemande (Liszt, Richard Strauss) et française (Saint-Saëns, Dukas, Franck, d'Indy qui va suivre). Dès 1834, il se fait connaître comme critique dans la Gazette musicale puis dans le Journal des débats, et y soutient son système musical, qui subordonne l'harmonie à la recherche de l'expression.

[modifier] Les voyages, le critique-écrivain

Il remporte le prestigieux Prix de Rome en 1831 avec sa cantate La dernière nuit de Sardanapale, ce qui l'oblige à vivre à l'académie de France à Rome (Villa Médicis), il rencontre Mendelssohn mais l'Italie l'inspire et le déçoit tout à la fois. En 1831 et 1832, son séjour lui inspire Lélio ou le retour à la vie, Le roi Lear et il compose Harold en Italie (1834) pour alto et orchestre à la demande de Paganini sur un poème de Lord Byron, Childe Harold's Pilgrimage, cette œuvre est comme une « seconde Symphonie fantastique ».

Il est engagé en 1835 comme critique musical dans Le Journal des Débats où ses articles devaient faire date et lui valoir de nombreuses inimitiés. Il signe ses articles jusqu'en 1864.

[modifier] Le Requiem

Alors qu'à travers l'Europe, il était considéré comme un héros romantique, il demeurait un ennemi à Paris où la musique était avant tout affaire de politique et de pouvoir, d'alliances et de trahisons.

Ainsi, lorsqu'il obtint un contrat du ministère des beaux-arts pour une messe des morts, les partisans du directeur du Conservatoire, Cherubini, tentèrent (en vain) de faire échouer le contrat. Mais après qu'il eut fini l'œuvre (en l'espace de trois mois), que les arrangements eurent été pris pour sa création, le ministère annula, sans explication, le concert.

Le Requiem eut sa chance, toutefois, grâce au concours d'amis bien placés, en décembre 1837 en la Chapelle des Invalides, décorée de milliers de chandelles, de la famille royale, du corps diplomatique et de toute la société parisienne ; Berlioz avait obtenu 190 instrumentistes, 210 choristes, quatre ensembles de cuivres placés dans les coins de la chapelle, ainsi que seize timbales.

« Au moment de [l'entrée des quatre orchestres de cuivre], au début du Tuba mirum qui s’enchaîne sans interruption avec le Dies irae, le mouvement s’élargit du double; tous les instruments de cuivre éclatent d’abord à la fois dans le nouveau mouvement, puis s’interpellent et se répondent à distance, par des entrées successives, échafaudées à la tierce supérieure les unes des autres. Il est donc de la plus haute importance de clairement indiquer les quatre temps de la grande mesure à l’instant où elle intervient. Sans quoi ce terrible cataclysme musical, préparé de si longue main, où des moyens exceptionnels et formidables sont employés dans des proportions et des combinaisons que nul n’avait tentées alors et n’a essayées depuis, ce tableau musical du Jugement Dernier, qui restera, je l’espère, comme quelque chose de grand dans notre art, peut ne produire qu’une immense et effroyable cacophonie.
Par suite de ma méfiance habituelle, j’étais resté derrière Habeneck et, lui tournant le dos, je surveillais le groupe des timbaliers, qu’il ne pouvait pas voir, le moment approchant où ils allaient prendre part à la mêlée générale. Il y a peut-être mille mesures dans mon Requiem. Précisément sur celle dont je viens de parler, celle où le mouvement s’élargit, celle où les instruments de cuivre lancent leur terrible fanfare, sur la mesure unique enfin dans laquelle l’action du chef d’orchestre est absolument indispensable, Habeneck baisse son bâton, tire tranquillement sa tabatière et se met à prendre une prise de tabac. J’avais toujours l’œil de son côté ; à l’instant je pivote rapidement sur un talon, et m’élançant devant lui, j’étends mon bras et je marque les quatre grands temps du nouveau mouvement. Les orchestres me suivent, tout part en ordre, je conduis le morceau jusqu’à la fin, et l’effet que j’avais rêvé est produit. Quand, aux derniers mots du chœur, Habeneck vit le Tuba mirum sauvé: « Quelle sueur froide j’ai eue, me dit-il, sans vous nous étions perdus! — Oui, je le sais bien, répondis je en le regardant fixement. » Je n’ajoutai pas un mot … L’a-t-il fait exprès ? Serait-il possible que cet homme, d’accord avec M. XX., qui me détestait, et les amis de Cherubini ait osé méditer et tenter de commettre une aussi basse scélératesse ? Je n’y veux pas songer… Mais je n’en doute pas. Dieu me pardonne si je lui fais injure. »
    — Hector Berlioz, Mémoires, Ch.46

Le Requiem lui gagna une acclamation immense de la part des critiques ainsi que de la part du public.

[modifier] L'opéra

En 1838, pour son entrée à l'Opéra avec Benvenuto Cellini l'atmosphère de cabale organisée par ses adversaires conduit à un échec des représentations.
Mais son engagement à la bibliothèque du Conservatoire et l'estime que lui porte Paganini lui permettent d'écrire Roméo et Juliette (1839) qui enthousiasme Richard Wagner.

La période 1840-1841 voit la composition de la Symphonie funèbre et triomphale, le cycle des Nuits d'été (sur six poèmes de Théophile Gautier: Villanelle, Le spectre de la rose, Absence, Sur les lagunes, Au cimetière, l'île inconnue) pour voix et piano qu'il orchestrera par la suite.

En ces années son prestige comme chef d'orchestre est plus important qu'en tant que compositeur, et plus à l'étranger qu'en France ; il joue ses œuvres mais aussi celles de ses confrères en Belgique, Allemagne, Angleterre, Hongrie ou en Russie avec sa nouvelle compagne la cantatrice Marie Recio. La création de L'enfance du Christ est un triomphe (1864). La période anglaise 1847-1848 est particulièrement fertile en aventures. Berlioz dirige l'orchestre de Drury Lane à Londres, dirigé par le chef d'orchestre et compositeur Louis-Antoine Jullien, le roi des concerts promenades et des concerts monstres qui a sollicité Berlioz...qui, après l'avoir encensé le maudira. Louis-Antoine Jullien est un fou à plus d'un titre[3].

[modifier] Les Troyens

En 1856 il débute la composition de son « opus magnum » les Troyens, en écrit le livret inspiré par le poème épique œuvre de Virgile L'Énéide. La genèse de son ouvrage remonte à sa plus tendre enfance, l'influence de Virgile et de Shakespeare est récurrente dans son œuvre. Les Troyens est achevé deux ans plus tard mais il ne peut le faire jouer en intégralité, les administrateurs sont effrayés par la durée et les moyens exigés par l'œuvre.

Il va encore composer l'opéra-comique Béatrice et Bénédict sur Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare ; après la mort de Marie, puis de son fils Louis, il tombe malade. Après une tournée triomphale en Russie, au cours de laquelle il va influencer les jeunes Moussorgski, Rimsky-Korsakoff et Borodine, il décède le 8 mars 1869. Il est enterré au cimetière de Montmartre avec ses deux épouses, Harriet Smithson et Marie Recio.

[modifier] Son œuvre

[modifier] Analyse

L'influence des thèmes beethoveniens et shakespeariens qui s'entrecroisent dans toute sa production marquent son oeuvre, ainsi que son attachement à la musique de la période révolutionnaire et de l'Empire, comme le prouve son admiration pour Gluck ou Spontini.
Il est une grande figure romantique, à l'humour ravageur, mais très rigoureux dans l'écriture, et très exalté dans l'exécution. Son œuvre va peu à peu se dégager de la forme musicale académique de son temps vers des orchestrations d'une grande richesse de timbres et de couleurs, à l'écriture contrapunctique toute personnelle, et vers son goût pour les très grandes formations orchestrales. Ses velléités de liberté le conduiront à s'affranchir des textes qu'il met en musique au point de les écrire lui-même comme le fit aussi Richard Wagner.

[modifier] L'orchestrateur de génie

Sans tomber dans l'exagération qui prévalait à l'époque, Berlioz s'intéressa énormément à la nature des timbres. Il fut également l'ami d'Adolphe Sax dont il encourageait fortement les travaux, notamment ceux concernant la famille des Saxophones.

[modifier] Une œuvre parfois mal aimée en France

Irréductible à toute école, la musique de Berlioz est d'une grande originalité. Cependant, en dépit des succès considérables remportés à l'étranger, son œuvre est restée longtemps méconnue, voire mésestimée, dans son propre pays, mis à part certains extraits de la Damnation de Faust et bien sûr la Symphonie Fantastique (superbe et indémodable enregistrement de Charles Münch à la tête de l'Orchestre de Paris).

Elle fut cependant reçue en Allemagne, depuis les premières représentations des Troyens par Félix Mottl à la fin du XIXe siècle jusqu’à Rafael Kubelík qui fut l’artisan de leur résurrection dans les années 1960. Depuis lors, les Allemands ont su organiser chez eux des congrès Berlioz, par exemple à Essen-Werden en juin 2003, sous l’initiative d’Hermann Hofer et Matthias Brzoska. Ces toutes dernières années, Les Troyens et Benvenuto Cellini sont passés au répertoire habituel de Dresde, Leipzig, Mannheim, Hambourg, Dortmund, Düsseldorf et Gelsenkirchen.

En France, sous la direction de Serge Baudo, Lyon accueillit pendant quelque dix ans le festival international Hector-Berlioz. On notera également que Les Troyens fut l'ouvrage lyrique représenté lors de l'inauguration de l'Opéra-Bastille à Paris en mars 1990.

[modifier] Écrits

s:Accueil

Voir sur Wikisource : Hector Berlioz.

Il était membre de l'Académie des beaux-arts et a laissé plusieurs ouvrages :

  • Grand traité d'instrumentation et d'orchestration moderne 1844, 1860 ;
  • Études sur Beethoven, Gluck et Weber, 1844 ;
  • Mémoires, éditions Fayard ;
  • Correspondance générale, éditions Fayard ;
  • Les soirées de l'orchestre, (1852) ;
  • Le voyage musical en Allemagne et en Italie ;
  • À travers champs ;
  • Les Grotesques de la musique, 1859 ;

Son œuvre critique est regroupée et rééditée depuis trente ans en France : les Mémoires, puis la Correspondance générale en huit tomes chez Flammarion, publiés sous les auspices de l’association nationale Hector-Berlioz ; la Critique musicale en dix tomes, en cours chez Buchet-Chastel sous la direction d’Yves Gérard et Marie-Hélène Coudroy.

[modifier] Compositions

La liste complète en a été établie par D. Kern Holoman dans son catalogue thématique.

[modifier] Œuvres orchestrales

[modifier] Opéras

[modifier] Œuvres chorales

[modifier] Discographie

Dans les années 1960 et 1970 alors que Berlioz était surtout connu pour la Symphonie fantastique, Colin Davis va œuvrer, après son compatriote, sir Thomas Beecham, pour la réhabilitation de Berlioz en enregistrant une grande partie de ses compositions.

Par la suite, de nombreux musiciens français ont également consacré des enregistrements à Berlioz. Depuis André Cluytens – qui fut le premier à avoir l’idée dès 1965 d’enregistrer tout Berlioz –, Charles Munch et Jean Fournet, Berlioz a notamment été enregistré par Georges Prêtre, Serge Baudo, Jean-Claude Casadesus, Jean-Paul Penin et Michel Plasson.

[modifier] Sélection d'enregistrements

[modifier] Notes

  1. Hector Berlioz, Correspondance générale, tome V, Flammarion
  2. op. cit.
  3. Michel Faul, Louis Jullien, musique, spectacle et folie au XIXe siècle, Atlantica, 2006 (ISBN 2351650387), spécialement le chapitre 6 (cf. http://louisjullien.site.voila.fr).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Dallas Kern Holoman, Catalogue of the Works of Hector Berlioz, Bärenreiter, Kassel, 1987
  • Hector Berlioz, Mémoires, Flammarion; (première édition: 1991) (ISBN 2082125394)
  • David Cairns, Berlioz, éditions Fayard (1991) ;
  • Claude Ballif, Berlioz, collection "Solfèges" au Seuil ;
  • Pierre-Jean Remy, de l'Académie française, Berlioz Editions Albin Michel, 2002 (ISBN 2-253-11349-2)
  • Dictionnaire Berlioz, sous la dir. de Pierre Citron et de Cécile Reynaud, Paris, Fayard, 2003 ;
  • Berlioz, la voix du romantisme, catalogue d'exposition à la Bibliothèque nationale de France, 2003-2004, Paris, BnF / Fayard, 2003.

[modifier] Liens externes

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