Lucifer

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Statue de Lucifer dans la cathédrale St-Paul de Liège
Statue de Lucifer dans la cathédrale St-Paul de Liège
La chute de Lucifer, illustration de Gustave Doré pour Le Paradis perdu de John Milton
La chute de Lucifer, illustration de Gustave Doré pour Le Paradis perdu de John Milton

Lucifer est le nom donné à plusieurs personnages mythologiques, et évoque le diable de la tradition chrétienne.

Un mythe du Moyen Âge, celui de la chute des anges rebelles, fait de Lucifer un ange qui fut déchu pour s'être rebellé contre Dieu. Ce mythe relate son désir de puissance et sa lutte contre les anges fidèles à Dieu, qui précédèrent sa déchéance.

Lucifer est aussi un personnage des mythologies romaine et grecque, dieu de lumière et de connaissance.

Le sens de son nom, « astre brillant », le lie étroitement à Vénus, l'étoile du matin.

Dans le texte du prophète Isaïe, il représente l’hybris, le « péché d'orgueil », et la volonté du roi de Babylone de s'élever au-dessus de sa condition d'homme pour dépasser Dieu.

Dans l'anthroposophie de Rudolf Steiner, Lucifer est l'une des deux entités, avec Ahriman, qui s'opposent à l'évolution de l'humanité. Il cherche à ce que les hommes fuient la terre et leurs responsabilités.

Sommaire

[modifier] Origine et évolutions

[modifier] Dans la Bible, une question de transcription

Lucifer signifie en latin « porteur (fere) de lumière (lux) ».

Il apparaît uniquement dans le Livre d'Isaïe (14.12, dans la Vulgate). Il s'agit du roi de Babylone, dont on chante la complainte (Esaie 14.4) : « Tu commenceras ce chant sur le roi de Babylone, et tu diras : Comment a fini le tyran, comment a fini l'oppression? »

C'est Saint Jérôme qui utilise le terme pour traduire l'hébreu HYLL (HYLYL dans l'un des manuscrits de la mer morte) dans la Vulgate.

HYLL vient de la racine HLL (« briller »). Les auteurs Brown, Driver et Briggs, ainsi que Koehler et Baumgartner le traduisent en shining one (« celle qui brille »), qu'ils traduisent par « étoile du matin »[1].

Dans la Septante, on lit ὁ ἑωσφόρος ὁ πρωὶ ἀνατέλλων, qui signifie « le porteur d'aurore, celui qui se lève le matin ».

Ostervald traduit le passage ainsi (Esaie 14.12) : « Comment es-tu tombé du ciel, astre brillant (Lucifer), fils de l'aurore ? Comment as-tu été abattu à terre, toi qui foulais les nations ? »

Le nom Lucifer a donc comme origine une erreur d'interprétation du texte, on parle alors du roi de Babylone, puissance terrestre qui veut s'élever plus haut que Dieu.[2] Non pas d'un ange qui serait tombé du ciel[3].

[modifier] Le Messie, une autre étoile du matin ?

Transposé dans la tradition du christianisme, Lucifer est le nom attribué dans les premiers temps du christianisme à Jésus[4].

Dans le Nouveau Testament, il y a une occurrence de φωσφόρος, « porteur de lumière », en 2 Pierre 1.19, qui a une consonance positive.

Dans l'Apocalypse 22.16, Jésus se décrit comme ὁ ἀστὴρ ὁ λαμπρὸς ὁ πρωϊνός, « l'étoile du matin ».

Comme le « lion », terme qui peut aussi bien s'appliquer au Messie qu'à Satan, l'étoile du matin est une parabole qui peut s'appliquer différemment.

Dans le Coran, la sourate 86 Al Tariq parle également de l'étoile du matin, et pourrait évoquer le Messie[5], Al Tariq signifiant à la fois l'étoile du matin et celui qui vient dans la nuit[6].

[modifier] Dans les religions païennes

Chez les Romains, le dieu Lucifer (Phosphoros chez les Grecs) personnifiait la connaissance, à travers une figure qui mêlait des attributs d'Hermès et d'Apollon.[réf. nécessaire]

Lucifer est aussi utilisé dans la mythologie romaine pour désigner plusieurs déesses de la lumière comme Artémis, Aurore et Hécate.

Lucifer, celui qui apporte la clarté, les "lumières", la connaissance (et la révolte), a une parenté avec le titan Prométhée, qui a désobéi à Zeus et donné le feu aux hommes dans la mythologie grecque.

[modifier] Évolution vers un personnage à part entière

Ce n'est qu'au Moyen Âge que ce nom désignera le plus grand et le plus brillant de tous les anges. Mais ce dernier, selon le mythe de la chute des anges rebelles, fut poussé par son orgueil à se rebeller contre Dieu, car il voulait briller plus que son créateur. Il devint alors Satan (l'« Adversaire »), roi des « démons » — qui sont les anges qui, avec lui, se sont révoltés et ont chuté — et ennemi de l'humanité et de Dieu.

[modifier] Dans le satanisme

Dans le satanisme lucifer signifie l'air, l'est, la connaissance.[réf. nécessaire]

[modifier] Vénus

Vénus est le troisième objet le plus brillant du ciel avec une magnitude apparente de -4,6, après le Soleil (-26,73) et la Lune (-12,6). Comme Vénus est sur une orbite plus petite que celle de la Terre, elle ne semble jamais loin du soleil. D'où son nom d'étoile du matin quand elle précède de peu le levée du Soleil.

William Smith’s Smaller Classical Dictionary note que Lucifer (Latin) et Phosphoros (Grec) sont deux épithètes donnés à la planète Vénus dans l'Antiquité, parmi d'autres désignations comme Hesperus, Vesperugo, Vesper, Noctifer et Nocturnus quand elle apparaît dans le ciel du soir plutôt que celui du matin, elle introduit alors l'obscurité plutôt que la lumière du jour.

[modifier] Interprétations ésotériques

Il existe plusieurs visions métaphysiques de la figure de Lucifer (qui est le « porteur de la lumière », métaphoriquement « de la connaissance » et donc « de l'hybris ») : il peut être assimilé à Satan (qui est l'« adversaire », l'antithèse de Dieu) par certains alors que d'autres l'en distinguent.

Pour les premiers en effet, Lucifer reste un être créé par Dieu et donc ne peut en aucun cas être son opposé. Il ne peut donc, dans cette optique, être assimilé à la figure de Satan. Il est alors plutôt opposé à Michaël, chef des anges fidèles à Dieu.

Pour quelques uns de ceux qui partagent cette vision, c'est par une mauvaise interprétation de Isaïe 14.12 que Lucifer a été relié a Satan. Ce passage de la Bible parle effectivement de la chute de Lucifer et d'un « adversaire », et deux interprétations sont possibles à partir de là : soit le texte fait référence au roi qui règnait sur Babylone à l'époque, soit à Samaël qui descendit en Enfer (non déchu, il descendit par choix). Il est en outre à plusieurs reprises désigné, et par Jésus lui même, « le Seigneur de la Terre ».

[réf. nécessaire]

[modifier] En alchimie

L'alchimie assimile Lucifer au diable, non sous la forme populaire et maléfique, mais au contraire sous sa forme rédemptrice : il représente la Pierre brute, matière initiale de l'œuvre, qui, sous son aspect vil et repoussant, n'en demeure pas moins le pilier de toute l'Œuvre, car recelant en son sein la lumière à suivre, l'étoile que suivirent les mages pour parvenir à l'enfant philosophal.

[modifier] Interprétation roumaine

En roumain, Luceafăr représente la planète Vénus (et Lucifer veut dire diable). Les paysans l'associent aussi à un certain nombre d'étoiles. Il y a aussi une allusion au géant Hypérion. Souvent le Luceafăr anime les démons, mais il ne représente pas le mal absolu ou le diable (Dracul en roumain).

Son origine étymologique vient du verbe luci et de l'adjectif luciu. Ce verbe ne se traduit pas en français, mais on peut l'approximer par « lustre » comme dans l'expression « cet objet a retrouvé son lustre d’antan ».

En langue courante, on dit cependant qu'un objet est lucios lorsque celui-ci est assez propre pour réfléchir la lumière ambiante. L'exemple type d'un tel objet est la carrosserie d'une belle voiture. Au contraire, « l'éclat du soleil » se dit strălucirea soarelui et en général strălucire veut dire « brillance ». Cependant la lune et le luceafăr ne font que luci, car ils émettent moins de lumière. stră provient du latin extra et est un élément de composition qui marque en roumain l'origine éloignée et l'ancienneté.

À ne pas confondre avec le verbe lumina qui veut dire « illuminer », « éclairer » ou « faire en sorte que la lumière se répande », par exemple en ouvrant la fenêtre comme dans s-a luminat camera qui veut dire « la chambre s'est éclaircie/illuminée ».

En roumain, plusieurs astres ont un nom qui commence par Luceafărul : Luceafărul-de-Dimineaţă (Vénus de Matin), Luceafărul-de-Seară (Vénus de Soir), Luceafărul-cel-Mare-de-Miezul-Nopţii (l'étoile Véga de la constellation de la Lyre, de nuit), etc.

Mihai Eminescu a écrit un poème avec ce nom qui est parmi les plus célèbres de ses œuvres. Une jeune femme, Catalina, tombe amoureuse de Luceafărul, étoile qui va se métamorphoser en prince pour la visiter dans ses songes. D'abord jugé d'une beauté "d'ange",trop froide puis d'une beauté de démon "trop brulante" par Catalina, il affirme alors son désir de devenir humain, cédant "pour une heure d'amour" son immortalité. Remontant le temps jusqu'au principe créateur de toute chose, il demande au démiurge de le délivrer de son statut d'immortel mais celui-ci refuse. Luceafărul retournant alors sur terre trouve Catalina dans les bras d'un serviteur de sa maison : Catalin, et déçu, invective la jeune femme avant d'affirmer son indifférence.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

Thèmes concordants
Thèmes à pertinence réduite

[modifier] Sources

  1. (en) Doug Kutilek, Notes on “Lucifer” (Isaiah 14:12, KJV)
  2. Esaie 14.13 : Tu disais en ton cœur: Je monterai aux cieux, j'élèverai mon trône par-dessus les étoiles de Dieu; je siègerai sur la montagne de l'assemblée, aux régions lointaines de l'Aquilon.
  3. Lucifer - where did the word come from and what is its true meaning?
  4. Laurent Vissière, Le Diable - Mon nom est légion, Historia
  5. Christ et le Coran
  6. English Translation and Commentary of Chapter 86 of the Holy Quran (by Maulana Muhammad Ali)