Hugues de Grandmesnil

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Hugues de Grandmesnil (v. 1025 – 22 février 1098), seigneur de Grandmesnil, est l'un des vingt compagnons connus de Guillaume le Conquérant à la bataille de Hastings. Il participa à la conquête de l'Angleterre en 1066, et fut appointé shérif du Leicestershire, et constable de Leicester.

Il était le fils de Robert de Grandmesnil († vers 1036), seigneur de Grandmesnil, et d'Hawise, fille de Giroie. Avant 1060, il épousa Alice (Adelize) de Beaumont († 1091), fille d'Yves, comte de Beaumont-sur-Oise, femme d'une grande beauté d'après Orderic Vital[1]. Ils eurent 10 enfants (voir plus bas).

[modifier] Biographie

[modifier] Avant la conquête

Son père, de concert avec Roger de Tosny combat Roger de Beaumont vers 1035-1040, dans le cadre des troubles qui agitent la minorité du jeune duc de Normandie, Guillaume le Bâtard (plus tard Le Conquérant). Robert reçoit une blessure aux entrailles qui le fait mourir 3 semaines plus tard. Il distribue ses terres à part égales à ses fils Robert et Hugues[2], puis se fait moine au couvent d'Ouche pour y finir ses jours. Son fils Robert marqué par l'événement décide de se faire moine à Ouche. Vers 1050, leur oncle Guillaume Giroie, seigneur de Montreuil et d'Échauffour, castré par Guillaume II Talvas, les convainc de restaurer le monastère de Saint-Évroult d'Ouche[3]. Robert en deviendra l'abbé en 1059[4].

En 1048, Hugues vient à l'aide d'Yves de Bellême, l'évêque de Sées, car la cathédrale de Sées a été envahie par une bande de pillards qui y ont établi leur quartier général. Avec quelques autres, ils assaillent les intrus, et décident de mettre le feu à la tour dans laquelle ils se sont retranchés. Malheureusement, le feu se propage, et la cathédrale se consume. Quand en 1049, le prélat assiste au concile de Reims, le pape Léon IX s'en prend violemment à lui pour avoir incendié la cathédrale. En pénitence, Yves est contraint de la restaurer[5].

Après la bataille de Mortemer en 1054, le duc Guillaume le Bâtard reprend pied dans le pays de Bray. Il expulse Geoffroy, l'héritier du château de Neuf-Marché pour le confier conjointement à Hugues de Grandmesnil et à Gérold, son sénéchal[6]. Ce fort est situé au bord de l'Epte, frontière du duché de Normandie, et est donc une marche du Beauvaisis. Hugues est installé ici pour combattre les raids des chevaliers du Beauvaisis qui ravagent cette frontière du duché, après l'échec d'autres barons normands. Il réussit en une année à capturer les deux principaux seigneurs de Beauvaisis et à rétablir l'ordre dans la région[7].

Au début des années 1060, le duc, excédé par les incessants conflits entre certains barons, le dépouille arbitrairement et le force à s'exiler avec d'autres[8]. Orderic Vital accuse le couple Roger II de Montgommery et Mabile de Bellême d'être les instigateurs de cette réaction du duc[9].

Au printemps 1062, sollicité par les seigneurs de Montfort et de Breteuil[10], le duc se résout à rappeler les bannis, un conflit contre les Bretons et les Manceaux ayant débuté. Il leur restitue leurs patrimoines[11], notamment Neuf-Marché à Hugues.

[modifier] Après la conquête

Il participe à la conquête de l'Angleterre en 1066, et combat à la bataille de Hastings[12]. Dans le Domesday Book, il apparaît comme le plus grand propriétaire terrien du Leicestershire, et il a un nombre considérable d'autres terres dans d'autres comtés[13]. Il est mentionné comme conseiller des co-régents du Royaume d'Angleterre, Odon de Bayeux et Guillaume FitzOsbern, pendant le retour du roi Guillaume en Normandie en 1067[14].

À cette époque, les barons sont confrontés à un problème domestique qui influe sur l'équilibre du royaume. Les épouses des guerriers, restées en Normandie et délaissées depuis deux ans, se plaignent auprès de leurs maris de leur solitude et du vide affectif. Orderic Vital résume ainsi le dilemme de ces chevaliers : « Que feraient ces honorables athlètes si leurs femmes, entraînées par le libertinage, allaient souiller par l'adultère le lit conjugal et marquer leur lignée de la tache ineffaçable de l'infamie ? ». Ainsi, Hugues, qui est responsable de Winchester et de sa région[15], et son beau-frère Onfroi du Tilleul, tenant du rape d'Hastings, délaissent leurs possessions anglaises pour faire le voyage du retour. Orderic Vital écrit que les chevaliers qui désertèrent perdirent leurs biens anglais[16], mais cela ne semble pas être le cas d'Hugues.

En 1090, la Normandie est en proie à des troubles depuis plusieurs années déjà. Les habitants de Rouen, soutenus par le nouveau roi d'Angleterre Guillaume II le Roux, se soulèvent contre son frère Robert Courteheuse, le duc de Normandie. Robert II de Bellême, un soutien du duc, entreprend une politique expansionniste en construisant des forteresses sur des terrres usurpées (Fourches, près d'Argentan et Château-Gonthier dans le Canton d'Écouché, sur l'Orne). Les seigneurs voisins s'inquiètent, en premier lieu, Hugues de Grandmesnil et Richard de Courcy son allié. Ils entreprennent la guerre contre le seigneur de Bellême, avec leurs fils et leurs alliés afin de résister à sa tyrannie. De son côté, Robert II de Bellême, aidé par ses frères Roger et Arnauld, cherche à les anéantir et à dévaster leurs possessions. Les Grandmesnil sont bientôt rejoints par Matthieu, comte de Beaumont-sur-Oise, Guillaume II de Warenne et d'autres. Bellême, voyant qu'il ne pourrait les vaincre force le duc de Normandie à l'aider. En janvier 1091, le duc met le siège devant Courcy. Malgré l'appui militaire du duc, Robert de Bellême est repoussé dans toutes ses tentatives. Hugues de Grandmesnil envoie un message au duc lui demandant pourquoi il combat contre lui alors qu'il lui a toujours été fidèle, et qu'il a servi son père avec autant de fidélité. Il lui offre 200 livres, lui demandant de s'éloigner une journée afin qu'il puisse en découdre avec le seigneur de Bellême. Mais, le 23 janvier, suite au débarquement de Guillaume le Roux dans l'est de la Normandie, le duc épouvanté doit lever le siège et se retirer aussitôt. Les barons rentrent alors chez eux, le conflit est terminé[17]. Le duc et son frère règlent leurs différents par le traité de Caen.

Au début de l'année 1098, Hugues, déjà très âgé, tombe malade en Angleterre. Il prend la robe monacale et meurt six jours plus tard. Deux prêtres ramènent en Normandie son corps conservé dans du sel et enfermé dans un linceul de cuir. Il est inhumé dans le chapitre de l'abbaye de Saint-Évroult[18]. Hugues était l'un des derniers compagnons survivants de Guillaume le Conquérant.

Son fils Robert († 1126) hérite de ses possessions normandes, et son fils Yves († 1102) de ses possessions anglaises. Yves engage ses terres auprès de son voisin Robert Ier de Meulan, comte de Meulan, pour partir deux fois en Terre sainte, dont une fois pour la première croisade[19]. Il meurt lors de son deuxième voyage, et le comte Robert, de la famille de Beaumont, possède alors les trois-quarts du comté de Leicester, ce qui lui permet d'être considéré comte de Leicester en 1107. Les terres normandes des Grandmesnil reviendront aux Beaumont par mariage de Robert III de Beaumont avec Pernelle, l'héritière des Grandmesnil, vers 1155.

[modifier] Mariage et descendance

Avant 1060, il épousa Alice (Adelize) de Beaumont († 1091), fille d'Yves, comte de Beaumont-sur-Oise, et de Judée. Ils eurent dix enfants[20] :

  1. Robert († 1126[21] ou 1136), hérita des possessions normandes de son père. Il survécut à tous ses frères et sœurs. Il épousa :
    Agnès, fille de Ranulf III le Meschin, comte de Chester ;
    puis Emma d'Estouteville, veuve d'Errand, seigneur d'Harcourt ;
    enfin Lucy, fille de Savari Fitz Canu de Beaumont-sur-Sarthe;
  2. Guillaume († avant 1114), épousa Mabile, fille de Robert Guiscard, duc d'Apulie. Guillaume le Conquérant lui avait promis sa nièce, fille de Robert de Mortain, mais il partit pour l'Apulie où il eut une carrière particulièrement réussie. Il fit partie de ceux qui lors de la première croisade s'échappèrent d'Antioche de crainte que les Turcs ne la reprennent, se couvrant de honte ;
  3. Hugues, mort jeune ;
  4. Yves († peu après 1102), épousa une fille de Gilbert de Ghent ;
  5. Aubrey (Albéric) († peu après 1097), abandonna la vie cléricale pour se faire chevalier. Il accompagna son frère Guillaume à la première croisade, et avec lui, s'échappa d'Antioch e;
  6. Adeline († vers 1110), épousa Roger, seigneur d'Ivry ;
  7. Hawise, décéda avant d'être mariée ;
  8. Rohaise, épousa Robert de Courcy, fils de Richard de Courcy ;
  9. Mathilde, épousa Hugues de Montpinçon, puis épousa un certain Matthieu avec lequel elle mourut en Terre sainte ;
  10. Agnès, épousa Guillaume de Say ;

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Orderic Vital, éd. Guizot, tome 3, p. 315
  2. Guillaume de Jumièges, p. 170.
  3. Orderic Vital, tome 2, p. 34-35.
  4. Philippe Maurice, p. 226.
  5. Philippe Maurice, p. 55-56.
  6. Pierre Bauduin, La Première Normandie, Xe-XIe siècle, Presses Universitaires de Caen, 2004, p. 274-276.
  7. Orderic Vital, tome 2, p. 107.
  8. Raoul III de Tosny, et Arnaud d'Échaufour entre autres subissent le même sort.
  9. Orderic Vital, tome 2, p. 76.
  10. Paul Zumthor, Guillaume le Conquérant, Paris, Tallandier, 2003, (ISBN 2847340653).
  11. Orderic Vital, tome 2, p. 87
  12. Guillaume de Poitiers, Vie de Guillaume le Conquérant, éd. Guizot, 1826, p. 406.
  13. 91 manors dans le Leicestershire (37 en domaine, 55 à des sous-tenants), ainsi que des terres dans le Warwickshire, Nottinghamshire, Northamptonshire, Hertfordshire. Levi Fox, « The Honor and Earldom of Leicester: Origin and Descent, 1066-1399 », in The English Historical Review, vol. 54, n°215 (1939), p. 385-402.
  14. Philippe Maurice, p. 157.
  15. Paul Zumthor, ibid.
  16. Orderic Vital, tome 2, p. 177.
  17. Orderic Vital, tome 3, p. 315.
  18. Orderic Vital, tome 3, p. 400.
  19. Orderic Vital, tome 3, p. 402.
  20. Orderic Vital, tome 3, p. 315
  21. Orderic Vital, tome 3, p. 401, écrit qu'il meurt 28 ans après son père.

[modifier] Sources

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