Robert II de Bellême

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Robert II de Bellême (1050/1060 – château de Wareham, après 1130), fut comte de Ponthieu, vicomte d'Hiémois, seigneur de Bellême en France, et 3e comte de Shrewsbury en Angleterre. Il fut l'un des principaux protagonistes de l'anarchie qui succéda à la mort de Guillaume le Conquérant, duc de Normandie et roi d'Angleterre.

Sommaire

[modifier] Robert le Diable ?

Dans son Historia ecclesisatica, le chroniqueur anglo-normand Orderic Vital parle abondamment de Robert de Bellême. Il en dresse un portrait noir : « C'était un homme fin et rempli d'astuce ; il était grand et fort, courageux et puissant sous les armes, éloquent, mais très cruel, insatiable dans son avarice et son libertinage, plein d'habileté pour les affaires épineuses et dans les exercices du monde, supportant les plus rudes fatigues, [...] inexorable bourreau lorsqu'il s'agissait de tourmenter les hommes »[1]. Nul personnage dans l'oeuvre de Vital ne cumule autant les vices : « C'était un seigneur puissant, rusé, avare et cruel à l'excès, oppresseur implacable de l'Eglise de Dieu et des pauvres ; et s'il est permis de s'exprimer ainsi, ne pouvant être comparé, pour sa perversité, à aucun tyran de l'histoire chrétienne »[2]. Toujours selon la même source, Robert de Bellême aurait retenu sa femme Agnès de Ponthieu prisonnière dans le château de Bellême avant qu'elle ne réussisse à s'enfuir.

À la lecture d'Orderic Vital, quelques historiens ont supposé que la vie de Robert de Bellême avait inspiré l'histoire du légendaire Robert le Diable. Cependant, cette hypothèse est difficilement vérifiable.

Aujourd'hui, les historiens de la Normandie analyse avec prudence le récit d'Orderic Vital et soupçonne le chroniqueur d'avoir noirci le portrait. Il avait en effet de bonnes raisons pour lui en vouloir. Robert de Bellême s'est à plusieurs reprises attaqué aux biens et aux paysans de l'abbaye d'Ouche, où Vital était moine. Qui plus est, le lignage de Bellême entretenait une haine farouche contre les Grandmesnil et les Giroie, familles fondatrices du monastère.

[modifier] Au dessus des autres barons

Robert II de Bellême est le fils de Mabile de Bellême et de Roger II de Montgommery, compagnon de Guillaume le Conquérant. La mort de ses parents (respectivement en 1077 et 1094) lui offre un héritage important - un ensemble de territoires sur les marches sud de la Normandie, défendu par 34 châteaux[3]. Citons parmi ces forteresses : Bellême bien sûr, Alençon, Domfront, Ceton, Lurson, Fourches, Boitron, Almenêches - ce qui lui assure une place de toute première importance dans le duché[4]. Mais pas seulement. Puisqu'en 1099, il succède à son frère cadet Hugues de Montgommery à la tête du comté de Shrewsbury en Angleterre. Enfin, grâce à son mariage avec Agnès de Ponthieu, il devient vers 1100/1109, le nouveau comte de Ponthieu au décès de son beau-père.

Non content de ses vastes terres, Robert de Bellême mène une politique expansionniste en Normandie. Orderic Vital raconte comment Robert usurpait des terres en construisant des châteaux au milieu de ses nouvelles acquisitions. Cette expansion engendre des conflits avec le comte du Maine Élie de la Flèche et les barons voisins : les sires de Courcy, de Mortagne-au-Perche, de l'Aigle, et la famille Giroie. Le futur roi d'Angleterre Henri Beauclerc parvient à lui enlever Domfront en 1092. Mais en 1101, le duc de Normandie Robert Courteheuse compense largement cette amputation en confiant à Robert de Bellême Argentan et la forêt voisine de Gouffern. Plus scandaleux, en 1103, le duc lui abandonne les revenus de l'évêché de Sées.

[modifier] Le seigneur de tous les complots

Le premier coup d'éclat de Robert de Bellême se situe en 1077 quand il décide de soutenir la rébellion du fils aîné de Guillaume le Conquérant, Robert Courteheuse, contre son père. Ensemble, ils quittent la Normandie et trouvent refuge chez le comte de Flandres Robert le Frison puis à la cour du roi de France Philippe Ier. Robert Courteheuse finit par faire la paix avec son père vers 1080.

Mais quand en 1087, Robert de Bellême apprend sur la route de Rouen la mort du duc, il rebrousse chemin, revient sur ses terres et y chasse toutes les garnisons ducales de ses châteaux, notamment Alençon et Bellême. Le turbulent seigneur entend être le seul maître en son domaine. Mais l'anarchie qui règne en Normandie après Guillaume le Conquérant lui laisse espérer plus. Le duché est miné par la rivalité entre les trois fils du défunt duc, Robert Courteheuse, Guillaume le Roux et Henri Beauclerc. Robert de Bellême va tenter de tirer profit de la confusion. Orderic Vital explique : « durant quinze ans [...], Robert de Bellême ne cessa de manifester sa fureur et troubla en cent façons le territoire de son maître [Robert Courteheuse]. Par d'adroites machinations, il détourna beaucoup de seigneurs de l'obéissance et de l'assistance qu'ils devaient au duc »[5].

En 1088, le seigneur de Bellême trempe dans le complot ourdi par les plus hauts barons anglo-normands contre Guillaume le Roux, roi d'Angleterre. Le but était d'obtenir la déposition de ce dernier et d'offrir la couronne à son frère aîné Robert Courteheuse, duc de Normandie. Cependant, Guillaume triomphe des rebelles enfermés dans le château de Rochester. Il pardonne tout de même à Robert de Bellême. Ce dernier quitte l'Angleterre pour rejoindre la Normandie. À peine débarqué sur le sol normand, il est arrêté en compagnie d'Henri Beauclerc car Robert Courteheuse les soupçonne de conspirer. L'arrestation provoque la colère du vieux Roger II de Montgommery, le père de Robert de Bellême. Il rejoint à son tour la Normandie et soulève la seigneurie de Bellême et l'Hiémois. Le duc de Normandie lance une campagne contre le rebelle puis finit par s'accorder avec lui : Robert de Bellême est libéré.

Après cette année 1088, Robert de Bellême figure parmi les principaux conseillers de Robert Courteheuse. Pendant une dizaine d'années, il se montre fidèle même quand Guillaume le Roux remplace à la tête du duché son frère parti à la Croisade. Le roi d'Angleterre en fait en 1097 son chef des armées (sénéchal). Ses talents d'ingénieur militaire sont appréciés. Il sait aussi bien construire des engins de siège que des châteaux. Guillaume le Roux lui confie l'édification de celui de Gisors, sur la frontière orientale du duché. En 1098, Robert de Bellême réalise un bel exploit en capturant le comte du Maine, Élie de la Flèche.

La fidélité de Robert de Bellême est remise en cause par la mort de Guillaume le Roux et son remplacement sur le trône d'Angleterre par son frère cadet, Henri Beauclerc (1100). Robert Courteheuse revient trop tard de la croisade pour contrer ce dernier. Dès 1101, Robert de Bellême qui vient de recevoir le comté de Shrewsbury, se révolte contre le nouveau roi d'Angleterre. Après l'avoir assigné à comparaître à la cour, Henri Ier Beauclerc assiège les forteresses comtales (Shrewsbury, Bridgnorth) qui tombent une à une. Robert de Bellême est contraint de négocier. Il n'obtient la liberté qu'à condition de renoncer à tous ses biens anglais. Robert de Bellême doit donc se réfugier en Normandie où la situation n'est pas meilleure car Henri Ier a réussi à convaincre Robert Courteheuse de punir le vassal rebelle. Ce dernier est aux abois. En 1102, il est même contraint pour s'en sortir d'incendier l'abbaye familiale d'Almenêches où l'armée ducale était rassemblée. Finalement, les deux anciens amis se réconcilient. Robert de Bellême retrouve la faveur ducale.

[modifier] La chute de Robert de Bellême

En 1105, à l'appel de plusieurs barons normands, le roi d'Angleterre Henri Ier Beauclerc débarque en Normandie afin de renverser Robert Courteheuse. La bataille décisive a lieu à Tinchebray en 1106. Aux côtés du duc de Normandie, figure Robert de Bellême. Constatant la déconfiture de son maître, il s'enfuit au cours du combat. Henri Ier remporte la victoire, capture son frère et lui succède comme duc de Normandie. C'est peut-être pour consolider cette nouvelle position qu'en 1107 le vainqueur fait la paix avec Robert de Bellême en dépit de sa vieille haine envers lui (on se rappelle qu'en 1092, Henri avait enlevé Domfront à Robert). Il est confirmé vicomte d'Hiémois tandis qu'en échange, il rend toutes les terres qu'il a usurpé.

La soumission de Robert de Bellême est toute relative. Il ne présente pas régulièrement ses comptes à l'autorité ducale comme un vicomte doit le faire. Surtout, il s'abouche avec le comte d'Anjou Foulque V et le roi de France Louis VI pour mettre sur pied une nouvelle rébellion contre Henri. Ce dernier réagit de la même manière qu'en 1101-1102. En novembre 1112, il cite le rebelle à comparaître devant sa cour à Bonneville-la-Louvet. Cette fois, Robert de Bellême ne se dérobe pas. Rassuré par son statut d'ambassadeur du roi de France, qui lui assure l'immunité, il se présente. Henri Ier n'est pas impressionné et l'emprisonne. Robert est envoyé captif en Angleterre au château royal de Wareham. Le dernier des Bellême y finit ses jours, une quinzaine d'années plus tard.

[modifier] Famille et descendance

Il était le fils de Roger II de Montgommery, vicomte d'Hiémois, comte de Shrewsbury, et Mabile de Bellême.

Il épousa Agnès de Ponthieu, fille du comte Guy Ier de Ponthieu. Ils eurent pour descendance connue :

[modifier] Notes et références

  1. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Tome 3, livre VIII, éd. Guizot, 1826, p.261
  2. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Tome 4, livre XI, éd. Guizot, 1826, p.265
  3. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Tome 3, livre VIII, éd. Guizot, 1826, p.371
  4. Orderic Vital met dans la bouche d'un baron normand ce discours : « Quant à Robert de Bellême [...], il possède maintenant une grande partie de la Normandie et, puissant, par les châteaux les mieux fortifiés, il tient le premier rang entre tous ses voisins et les seigneurs neustriens » Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Tome 3, livre VIII, éd. Guizot, 1826, p.238
  5. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Tome 3, livre VIII, éd. Guizot, 1826, p. 260

[modifier] Voir aussi

[modifier] Autres articles

[modifier] Bibliographie

  • Gérard Louise, « la seigneurie de Bellême (Xe-XIIe siècle) », le Pays Bas-Normand, n°199 à 202, 1990-1991, 2 volumes, 429 et 351 p.
  • François Neveux, la Normandie, des ducs aux rois (Xe-XIIe siècle), Rennes, Ouest-France, 1998