Heinrich Friedrich Karl vom Stein

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Heinrich Friedrich Karl vom Stein
Heinrich Friedrich Karl vom Stein
Baron Carl vom und zum Stein
Nationalité baron du Saint Empire romain germanique
Naissance 25 octobre 1757
Nassau (Lahn)
Décès 29 juin 1831
Cappenberg en Westphalie
Profession conseiller d'état
Carrière conseiller d'état du Saint Empire (1773-80) ; inspecteur des mines de Prusse (1780-1793) ; président du conseil régional de Hamm (1793-1803).
Parti(s) libéral
Plus haut poste (Royaume de Prusse) Secrétaire d'état de l'industrie et du commerce
1804
Plus haut poste en Prusse chancelier
1807-1809
Prédécesseur Karl August von Hardenberg
Successeur Altenstein

Le baron Heinrich Friedrich Karl vom und zum Stein (né le 25 octobre 1757 à Nassau; † le 29 juin 1831 à Cappenberg en Westphalie) est un homme politique et réformateur prussien. Il est passé à la postérité pour les réformes administratives, économiques et culturelles qu'il mit en œuvre avec von Hardenberg après la paix de Tilsit (1807).

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Le haut fonctionnaire

Neuvième enfant issu de l'union de l'électeur mayençais Karl Philipp, baron vom und zum Stein et d'Henriette Caroline Langwerth von Simmern, vœuve Löw von und zu Steinfurth, il passa son enfance dans le château familial, le Stein'sche Hof. Ce château, situé au centre-ville de Nassau (Lahn), est toujours propriété de la lignée des comtes von Kanitz, descendants des vom Stein par les femmes. Sa sœur Marianne, qui vivait à Homberg (Efze) fut compromise lors des émeutes de 1809 menées par Wilhelm von Dörnberg. Sa sépulture est toujours visible au vieux cimetière de Homberg.

Il étudia le droit, l'histoire et l'administration (c'est ainsi qu'on appelait alors les sciences économiques) à l'université de Göttingen à partir de 1773, puis fit son apprentissage au tribunal impérial de Wetzlar et dans les chambres régionales de Ratisbonne, Mayence et Clèves ainsi qu'à Münster et Paderborn. En 1780 il entra au service du roi de Prusse et fut nommé à Berlin au service des Mines et de la Construction. Inspecteur des Mines de 1784 à 1793, il fut ensuite promu Directeur général des Mines à Wetter (dans la Ruhr) puis président du conseil régional de la Guerre et des Domaines à Hamm. Vom Stein joua un rôle décisif dans le mouvement de sécularisation (1803) des domaines ecclésiastiques récemment rattachés à la Prusse, la paroisse de Paderborn et le diocèse de Münster.

[modifier] Ministre de Prusse

Il fut rappelé à Berlin en 1804 en tant que secrétaire d'état auprès du ministre de l'Économie et des Finances, en charge de l'Octroi, des Douanes, de l'Industrie et du Commerce. Son bureau ainsi que le ministère des Finances de Prusse se trouvaient alors dans le « Palais Donner » (l'actuel Palais am Festungsgraben toujours intact), juste derrière la Neue Wache. À ce poste, l'une de ses mesures les plus importantes fut la suppression des droits de douanes à l'intérieur du royaume. Il pensait, par une série de mesures énergiques, permettre à la Prusse de se dresser contre Napoléon Bonaparte, mais ne parvint pas à obtenir la nomination d'un gouvernement aux idées plus modernes.

Vers 1805, Heinrich Friedrich vom Stein rejoignit le cercle d'idéologues qui s'était formé autour de la reine Louise, lequel militait pour une opposition à Napoléon Bonaparte. Avec l'appui du prince Louis Ferdinand de Prusse, ils tâchaient de convaincre le roi Frédéric Guillaume III de rompre la neutralité prussienne. Le 10 mai 1805, vom Stein publiait un manifeste en ce sens. Le roi en repoussa d'abord les propositions, puis céda à la ferveur de son entourage et décréta la mobilisation.

Effigie en pied du conseiller vom Stein sur la façade de l'hôtel de ville de Wetter (Ruhr).
Effigie en pied du conseiller vom Stein sur la façade de l'hôtel de ville de Wetter (Ruhr).

Au cours de la Quatrième coalition, vom Stein fit évacuer le Trésor de Stettin à Königsberg, permettant à la cour de rester solvable à ce moment particulièrement critique. Les défaites d'Iéna et Auerstædt (1806) ayant mis en évidence la sclérose funeste de son administration et de son armée, l'état prussien dut se résoudre à une modernisation forcée. Depuis Königsberg, Stein appelait à poursuivre la guerre contre Napoléon avec toutes les forces encore valides, et à entreprendre des réformes fondamentales de l'administration, afin de disposer d'une infrastructure stable pour soutenir victorieusement l'effort de guerre ; Frédéric Guillaume ne lui en sut aucun gré : il demanda à vom Stein de prendre plutôt en charge le ministère des Affaires Étrangères et d'entamer des pourparlers de paix avec les Français. Le ministre déclina la proposition, ce qui déchaîna la fureur du monarque. Il fut renvoyé le 3 janvier 1807:

« <... considérant> que malheureusement, dès le début je ne me suis pas mépris sur votre compte, mais qu'il faut bien plutôt voir en vous un contradicteur têtu et opiniâtre, un fonctionnaire indocile et bravache qui, loin de consacrer son génie et ses talents au profit de l'Etat, n'agit que par caprices, passion, haine personnelle et rancœur (...) Puisque vous vous targuez de franchise, je vous ai dit votre fait en bon allemand, et j'ajoute encore ceci : qu'à moins que vous ne corrigiez votre comportement irrespectueux et indécent, l'État n'a que faire de vos futures offres de service.[1] »

Friedrich August von der Marwitz, qui devait plus tard s'avérer l'un des plus acharnés adversaires des réformes libérales, assistait aux événements de Königsberg. Il nota le lendemain dans son journal :

Le dernier appui de l'État en matière civile, le ministre Stein, vient de donner sa démission. Je m'en vais le cœur lourd, moi qui ne vois ni possibilité pour l'état de s'en sortir, ni occasion en ce qui me concerne de pouvoir lui être utile[2].

[modifier] Le père des réformes libérales en Prusse

Au mois d'octobre 1807, le roi dut ravaler sa fierté devant son ministre intraitable mais compétent, et lui abandonna la direction des affaires intérieures de Prusse. Cette même année, Stein fit paraître un essai intitulé Nassauer Denkschrift, où il recommande l'administration décentralisée des provinces, des districts et des communes. Il voulait refaçonner la Prusse en associant tous les citoyens à la vie de l'État.

Le monument du baron vom Stein à Berlin (quartier de Spandau).
Le monument du baron vom Stein à Berlin (quartier de Spandau).

Lors de la Paix de Tilsit, Frédéric Guillaume dut faire d'importantes concessions territoriales, le pays étant occupé militairement par les Français. Le 10 juillet, à la demande expresse de Napoléon, il dut encore écarter Karl August von Hardenberg des affaires et rappeler vom Stein : ce dernier s'attela immédiatement à la réforme de l'État.

Le décret du 9 octobre 1807 proclama la liberté individuelle et le droit de propriété, mettant un terme au servage héréditaire. La décentralisation des villes et communes, que Stein avait appelée de ses vœux dans ses écrits, devint réalité par la réforme du 19 novembre 1808, et le 24 novembre, le gouvernement était confié à cinq ministres spécialisés : Intérieur, Finances, Affaires étrangères, Guerre et Justice.

[modifier] Un rebelle fugitif

Ses projets de soulèvement populaire en Allemagne contre l'occupant furent interceptés dans une lettre et publiés in extenso dans Le Moniteur. Depuis l'Espagne, Napoléon publia – chose inhabituelle chez lui – une proclamation aux armées, par laquelle il présentait vom Stein comme un ennemi de la France. Napoléon ordonna par écrit à son ministre des affaires étrangères de saisir les biens du baron vom Stein et, au cas où l'homme lui-même serait arrêté, de le passer par les armes. Frédéric Guillaume fut ainsi contraint de démettre son ministre, et par là-même de se séparer du plus ardent partisan de la Modernisation. Le baron s'enfuit en Bohême, fit halte à Brünn, à Troppau puis Prague, et devint à partir de 1812 conseiller du tsar Alexandre Ier de Russie. En tant que représentant du Tsar, il appela en 1813 à Königsberg les villes de Prusse-Orientale à se soulever contre Napoléon et peu après il forma depuis Breslau la ligue russo-prussienne de Kalisz. Son émule, von Hardenberg, s'éloigna du libéralisme de vom Stein et évolua vers un étatisme qui rappelait l'ancien système du Conseil du Roi. Stein critiqua son attitude trop conciliante, son indolence, ses nominations malheureuses et ses compromissions avec des femmes indignes[3].

[modifier] Observateur politique et historien

Après l'abdication de Napoléon, vom Stein, simple conseiller du Tsar, n'assistait au Congrès de Vienne (1815) qu'en simple spectateur, et n'eut aucune influence : opposé au retour aux frontières de 89 proposé par Metternich, partisan d'un fédéralisme allemand, il ne put se faire entendre.

Bas-relief représentant le baron vom Stein (hôtel de ville de Berlin-Schöneberg.
Bas-relief représentant le baron vom Stein (hôtel de ville de Berlin-Schöneberg.

En 1816, il se retira sur ses terres à Cappenberg (Westphalie) et se consacra désormais à la recherche historique. En 1819 il fondait la Société historique allemande (qui édite depuis les Monumenta Germaniæ Historica). Ce n'est qu'en 1826 qu'il reprit une activité politique, siégeant en tant que président lors des trois premières sessions du Parlement régional de Westphalie.

Il repose dans le caveau familial qu'il fit lui-même aménager à Frücht près de Bad Ems. Sa fille aînée, la comtesse Giech, autorisa sur les conseils artistiques de Sulpice Boisserée l'érection entre 1836 et 1843 d'une chapelle néo-gothique à cet emplacement, œuvre de l'architecte munichois Joseph Daniel Ohlmüller. Les bas-reliefs de marbre de la pierre tombale de vom Stein furent exécutés entre 1837 et 1840 par Ludwig Schwanthaler.

Heinrich Friedrich vom Stein est en outre citoyen d'honneur de la ville de Francfort-sur-le-Main. Tous les trois ans, en Rhénanie-Palatinat, la plaque commémorative offerte au baron vom Stein en remerciement de « son action soutenue en faveur des droits communaux » est exposée au public.

[modifier] Prussien ou Rhénan?

Stein n'était pas un baron prussien, mais rhénan : sa famille, qui détenait depuis le XIVe siècle (resp. le XVIe siècle) les droits féodaux sur les villages de Schweighausen et Frücht, non loin de Nassau, était vassale directe de l'Empereur des Romains. C'est sans doute là qu'il faut voir l'origine des idées de Stein sur la possibilité pour tout particulier de pouvoir en appeler directement au roi, sans intermédiaire. La famille des Stein possédait en outre plusieurs terres le long du Rhin et de la Lahn ce qui assurait son autonomie financière. En tant que baron d'Empire, vom Stein était juridiquement indépendant du roi de Prusse, puisqu'il pouvait saisir à tout moment le tribunal impérial. Aussi peut-on dire qu'il se sentait davantage allemand que prussien. Dans une lettre adressée à son ami le comte Ernst von Münster, il écrit à ce sujet : « Cela me fait de la peine, chaque fois que votre Excellence voit en moi le Prussien (...) Je n'ai qu'une patrie, son nom est : Allemagne, et de même que depuis longtemps je n'appartiens qu'à elle, et non à l'une quelconque de ses provinces, de même je ne me consacre corps et âme qu'à elle, non à une province.[4] »

[modifier] Postérité

Une Association Baron-vom-Stein a été créée en 1952 : elle propose l'étude scientifique et la publication des idées et des écrits de ce penseur politique.

[modifier] Notes et références

  1. Cf. les mémoires du baron vom Stein: Briefe und amtliche Schriften, éd. en 10 vol. par W. Hubatsch, Stuttgart (1957-1974), vol. II, pp. 329 sq.
  2. Gordon A. Craig, op. cit.
  3. Baron vom Stein, op. cit., p. 324
  4. Gordon A. Craig, p. 36; cité d'après vom Stein, vol. III, p. 818

[modifier] Œuvres

  • baron vom Stein: Briefe und amtliche Schriften, éd. par Walther Hubatsch, 10 vol., Stuttgart (1957-1974)
  • baron vom Stein: Denkwürdigkeiten und Briefe, éd. par L. Lorenz, Berlin (1919)

[modifier] Sources

  • (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Heinrich Friedrich Karl vom Stein ».
  • John Robert Seeley, The Life and Times of Stein, or Germany and Prussia in the Napoleonic Age, Kessinger Publishing, Cambridge, 1878 (réimpr. 2006), 3 vol., 588 p. (ISBN 1-42862-099-0)
  • Gordon A. Craig: Das Ende Preußens. Acht Porträts. München: Verlag C.H.Beck, 2. Aufl. 2001. ISBN 3-406-45964-1
  • Walther Hubatsch: Der Reichsfreiherr Karl vom Stein und Immanuel Kant. In: Otto Büsch und Wolfgang Neugebauer (Hg.): Moderne Preußische Geschichte 1648-1947. Eine Anthologie, Band 3, Berlin, New York: Walter de Gruyter, 1981, Seite 1328-1345. ISBN 3-11-008324-8

[modifier] Liens externes

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