Guillaume de Saint-Calais

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Guillaume de Saint-Calais[1] († 1er janvier 1096[2]), fut un proche conseiller des deux premiers rois normands d'Angleterre. Il reçut l'évêché de Durham de Guillaume le Conquérant en 1080, et fut donc prince-évêque du comté palatin de Durham.

Sommaire

[modifier] Biographie

Cathédrale de Durham (XIe siècle)
Cathédrale de Durham (XIe siècle)

Guillaume de Saint-Calais fut éduqué par Odon de Bayeux au chapitre de Bayeux[3]. Contrairement à la majorité des évêques anglo-normands, il commença sa carrière dans les ordres en étant moine. Il tint son premier office religieux à Saint-Calais dans le comté du Maine, où il fut prieur. Il devint ensuite abbé de Saint-Vincent du Mans.

Après le meurtre de l'évêque de Durham Guillaume Walcher[4], Guillaume le Conquérant choisit de nommer à la tête de cet évêché un homme plus diplomate, qui avait l'expérience des régions de marches. Cet évêché avait une importance particulière dans le Royaume d'Angleterre, car quinze ans après la conquête normande, le nord du royaume était toujours plus ou moins hors du contrôle royal. En 1069-1070, le Conquérant avait mené une campagne sanglante et dévastatrice dans le nord afin de le soumettre, mais les rébellions anti-normandes continuaient.

Quand Guillaume reçut l'évêché, aux alentours du 3 janvier 1081[5], il obtint en même temps les pouvoirs d'un comte palatin sur le territoire de la Northumbrie au sud des rivières Tyne et Derwhent. Les comtes de Northumbrie avaient les mêmes pouvoirs au nord de ces rivières. Les évêques de Durham furent donc des princes-évêques du comté palatin de Durham.

Les annales de Durham décrivent un homme consciencieux et compétent dans sa fonction, se souvenant de lui pour avoir tracé les plans de la cathédrale de Durham. Celle-ci, inaugurée en 1093, est considérée comme l'un des plus beaux exemples d'architecture normande qui nous soit parvenus. En 1083, il fonda un prieuré près de la cathédrale qui demeura un centre d'études jusqu'à la réforme anglaise. Impliqué dans son évêché, il n'en demeurait pas moins ambitieux, et vers la fin du règne du Conquérant, il était devenu l'un de ses principaux serviteurs.

[modifier] Domesday Book

L'enquête conduisant à la réalisation du Domesday Book fut menée entre Noël 1085 et août 1086. Il a été suggéré, en se basant sur les nombreuses preuves qui associent les scribes du rapport et le scriptorium de Durham, que Guillaume de Saint-Calais fut en charge de la supervision de l'opération. Il est aussi significatif que sous le règne de Guillaume le Roux (1087-1100), il soit le témoin de chaque acte du roi se référant au Domesday Book[6].

Après l'accession au trône de Guillaume le Roux, son influence ne fit que s'accroître. D'après la Chronique anglo-saxonne, « le roi traita si bien l'évêque que tout le royaume suivit ses conseils et fit exactement ce qu'il voulait[7] ». Florence de Worcester précise : « le roi comptait sur son jugement de conseiller dévoué, [Saint-Calais] étant un homme de grande sagacité, et tout l'État d'Angleterre était sous son administration.[8] »

S'il avait le Domesday Book à disposition, c'est peu surprenant : « le savoir est le pouvoir ».

[modifier] Rébellion de 1088

À la mort du Conquérant, le duché de Normandie et le Royaume d'Angleterre se retrouvent dirigés par deux maîtres différents. Cette situation pose problème aux barons normands qui ont des possessions des deux côtés de la Manche. Une rébellion finit par éclater, afin de placer sur le trône d'Angleterre le frère aîné du roi, Robert Courteheuse, le duc de Normandie. D'après la Chronique anglo-saxonne, Guillaume de Saint-Calais est l'un des initiateurs du complot. D'après la pétition qu'il adresse au roi, c'est lui qui l'informe du complot dont il connaissait les détails pour avoir été approché et avoir été impliqué malgré lui. Il affirme aussi que c'est grâce à lui que les villes de Douvres, Hastings et Londres restent fidèles au roi alors qu'elles s'étaient déjà rebellées.

Ensuite, quand le roi lui demande de l'accompagner, il s'enfuit de sa cour soudainement avec ses hommes. Il est réfugié dans le château de Durham quand la rébellion est réprimée. Le roi envoit alors une armée menée par Roger le Poitevin pour l'assiéger dans sa ville. Il finit par se rendre, et est ramené par Roger durant l'automne 1088[9], et est accusé de désertion.

Il est traduit devant la cour royale le 2 novembre 1088 à Salisbury. L'archevêque de Cantorbéry Lanfranc, représentant le roi, insiste sur le fait que Saint-Calais est jugé en tant que seigneur séculier, et que sa position ecclésiastique n'est pas remise en question. Saint-Calais invoque l'immunité canonique, arguant que suite à la réforme grégorienne (du nom du pape Grégoire VII), il ne peut pas être jugé par un tribunal séculier, mais uniquement par ses pairs et le pape. Lanfranc rejette cet argumentaire, le déclarant non recevable, mais Saint-Calais fait alors appel au pape. Le roi ne veut pas se hasarder dans une querelle sur le droit de faire appel au pape ou pas. Il déclare donc qu'en tant que vassal royal, Saint-Calais ne peut pas faire appel de la perte de ses possessions temporelles. Elles lui sont donc confisquées définitivement, et l'évêque, banni du royaume, part en exil, probablement en Normandie.

[modifier] Fin de vie

En 1091, Saint-Calais était de retour en faveur auprès du roi, et avait repris sa place de proche conseiller. C'était là la preuve de son habilité ou de la mansuétude du roi, déjà démontré avec l'amnistie partielle qui suivit la rébellion.

En février 1095, au Concile de Rockingham, il menait la charge des évêques contre Anselme de Cantorbéry, accusant (situation cocasse) le primat d'avoir violé son vœu de fidélité au roi. Ensuite Saint-Calais perdit la confiance des barons du royaume, peut-être effrayés par la violence de son attaque contre Anselme. Il mourut le 1er janvier 1096 à la cour du roi tenue à Windsor, ce qui était plutôt approprié pour un homme qui avait été si étroitement lié au gouvernement de deux rois normands.

Il peut revendiquer d'avoir été à l'origine des deux plus somptueux monuments qui nous soit parvenus de cette époque : le Domesday Book et la cathédrale de Durham.

[modifier] Notes et références

  1. William de St. Calais ou St. Carileph en anglais
  2. Probabalement dans la nuit du 1er au 2 janvier. Florence de Worcester, Chronique de Florence de Worcester, p. 201, précise le mercredi des calendes de janvier, donc le 1er janvier.
  3. Franck Barlow, William Rufus, Yale University Press, 2000, p. 60-61. (ISBN 0300082916)
  4. Qui était aussi comte de Northumbrie, poste auquel il fut remplacé par Aubrey de Coucy.
  5. 5 janvier pour Florence de Worcester, ibid, p. 183; 2 janvier pour Symeon de Durham, Historia regum Anglorum et Dacorum; 3 janvier pour le traité De Iniusta Vexacione Willelmi Episcopi Primi, qui relate le procés de Guillaume de Saint-Calais en novembre 1088.
  6. Sauf évidemment durant son exil.
  7. Dans la traduction de James Ingram (Londres, 1823), avec des annotations supplémentaires du Dr J.A. Giles (Londres, 1847), c'est Odon de Conteville, évêque de Bayeux, oncle du roi, qui est annoté comme étant l'évêque en question. Il s'agit d'une erreur d'interprétation d'une phrase ambiguë. Florence de Worcester dans sa Chronique (p. 187), s'appuyant sur la Chronique anglo-saxonne, attribue bien ce passage à Saint-Calais.
  8. Florence de Worcester, ibid, p. 187.
  9. C. P. Lewis, The King and Eye : A Study in Anglo-Norman Politics, dans The English Historical Review , vol. 104, n° 412 (1989), p. 569-589.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Sources

  • Christopher Teyerman, William of St Calais dans Who's who in early medieval England, 1066-1272, Éd. Shepheard-Walwyn, 1996, p. 41-44. (ISBN 0856831328). Article basé sur :
    • J. C. Holt, Domesday Studies, Woodbridge, 1987.
  • La Chronique anglo-saxonne, traduction en anglais par le révérend James Ingram (1843). [(en) en ligne sur le projet Gutenberg.]

[modifier] Bibliographie

  • H. S. Offler, The Tractate De Iniusta Vexacione Willelmi Episcopi Primi, dans The English Historical Review, vol. 66, n°260, 1951, p. 321-341.