Guerre gréco-turque (1919-1922)

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La Guerre gréco-turque (1919-1922) est une guerre qui opposa la Turquie en construction sur les ruines de l'Empire ottoman, pays faisant partie des vaincus de la Première Guerre mondiale à la Grèce, faisant partie des vainqueurs.

Sommaire

[modifier] Causes

Cette guerre provient du refus de signer le Traité de Sèvres par Mustafa Kemal. En effet, le gouvernement ottoman, qui avait conclu ce traité, n'avait plus aucune légitimité, et la plupart des turcs ne reconnaissait que l'autorité du gouvernement d'Ankara dirigé par Mustafa Kemal. Ce traité humiliant pour la Turquie vaincue rendait à la Grèce des territoires peuplés en majorité de grecs : la Thrace orientale, l'ensemble des îles de la mer Égée ainsi que la ville de Smyrne (aujourd'hui Izmir) et sa région. La Grèce souhaitait reconstituer un empire (voir la Grande Idée)

[modifier] La Guerre

L'un des premiers actes de cette guerre fut le débarquement à Smyrne de l'armée grecque, en mai 1919, en application de la décision du Conseil supérieur de la Conférence de la paix sous la protection des marine française, britannique et américaine.

Les Grecs d'Asie mineure (Anatolie) et du Pont (nord-est de la Turquie), avaient déjà commencé à fuir soit vers la Grèce, soit vers le causase russo-soviétique. Mustafa Kemal, qui avait créé un gouvernement nationaliste turc le 23 avril 1920, rejeta le Traité de Sèvres et prépara la guerre contre la Grèce.

À partir d'octobre 1920, les Alliés commencèrent à accentuer la pression sur le tout nouveau gouvernement kémaliste, pour faire accepter le Traité de Sèvres à la Turquie, alors déchirée par une guerre civile. Le même mois, la Grèce lança une offensive à l'est, en Anatolie, pour renverser le gouvernement de Mustafa Kemal et protéger Smyrne. Le 12 octobre 1920, Alexandre Ier de Grèce meurt, en laissant le trône à Constantin Ier de Grèce, qui aussitôt sur le trône remplaça au poste de premier ministre son rival libéral Eleftherios Venizelos par Dimitrios Gounaris, un conservateur royaliste, qui nomna des officiers monarchistes inexpérimentés aux commandes. Ainsi le roi Constantin Ier prit personnellement en charge le commandement de l'armée de Smyrne.

[modifier] Défaites grecques

Les Grecs obtinrent d'importantes victoires en juin et juillet 1920 (prise de Philadélphie, Bali Keser, Brousse, Andrinople).

Selon l'historiographie turque les Grecs subirent une défaite importante le 21 janvier 1921 face à l'armée turque à la première bataille d'Inonu. Les Alliés proposèrent alors d'annuler le Traité de Sèvres. Une conférence fut tenue à Londres, où les réprésentants des gouvernements ottomans et turcs étaient présents. Malgré la signature d'accords à l'issue de cette conférence entre la France, la Royaume-Uni et l'Italie d'une part, et la Turquie d'autre part, les Grecs décidèrent de continuer la guerre et lancèrent une offensive le 27 mars 1921, qui se solda par une nouvelle défaite de leurs troupes , à la seconde bataille d'Inonu.

Les Alliés retirèrent finalement leur soutien à la Grèce, après la mort imprévisible d'Alexandre Ier et son remplacement par Constantin Ier, qui avait eu des positions pro-allemandes pendant la Première Guerre mondiale. Celui-ci abandonna la politique de renforcement des fortifications commencée par son prédécesseur et décida une nouvelle offensive sur Ankara. Les Grecs tentèrent de détruire l'armée de Kémal stationnée à Ankara avant que celle-ci ne soit renforcée par les Italiens et les Français qui, pour ne pas permettre aux Soviétiques d'étendre leur influence par une alliance avec Kémal, commençaient à s'allier à lui. Les Italiens et les Soviétiques fournissaient déjà Kémal en armes.

Dans les combats de mars et juillet 1921, les pertes grecques et turques furent équivalentes, mais les Turcs profitaient de la profondeur stratégique du territoire anatolien pour reconstituer leur force; c'est en ce sens que l'on peut parler de victoire turque.

En juin 1921, l'armée grecque, qui avait été renforcée à hauteur de 120 000 hommes, lança donc une nouvelle offensive. Elle atteint la rivière Sakarya, située à 100 kilomètres d'Ankara. Fin août, Mustafa Kemal Atatürk contre-attaque, dans ce qu'on appelle la Bataille de la Sakarya, coupant les ravitaillements des troupes grecques et remportant une nouvelle victoire. Les Grecs reculèrent, espérant encore pouvoir défendre Smyrne. Ils firent appel aux Alliés, qui décidèrent que le Traité de Sèvres était innaplicable et devait être révisé. Suite à cette décision, toutes les troupes françaises, britanniques et italiennes quittèrent leurs positions en Anatolie.

Le 7 octobre 1921 un accord conclu entre Kémal et la France mettait fin à la présence militaire française en Cilicie. La France céda gratuitement aux armées de Kémal 10.000 uniformes, 10.000 fusils mauser, 2.000 chevaux, 10 avions Bréguet ainsi que le centre télégraphique d'Adana et les ports de Méditerranée et construisit une usine de munitions à Adana pour fournir l'armée de Kémal en munitions.

La Grèce se retrouvait lâchée par ses alliés qui l'avaient poussée à opérer en territoire anatolien.

En mars 1922, les Alliés proposèrent un cessez-le-feu, mais Mustafa Kemal refusait toute paix tant que les Grecs n'avaient pas quitté l'Anatolie. En août 1922, les Turcs lancèrent une offensive et vainquirent les Grecs à la Bataille de Dumlupinar près d'Afyon (victoire du 30 août 1922, célèbrée comme fête nationale en Turquie). Le 19 septembre, les Turcs entrèrent dans Smyrne qui fut renomnée İzmir. En position de force, après la reconnaissance des frontières turques de l'est et du sud, Mustafa Kemal insista sur le fait que la Grèce devait évacuer et rendre à la Turquie la Thrace orientale, les îles d'Imbros et de Ténédos en mer Égée majoritairement peuplées de Grecs et il demanda le retour de la frontière gréco-turque de 1914, sur la rivière Maritza.

La France, la Grande-Bretagne et l'Italie demandèrent à Mustafa Kemal d'entamer des négociations. Celui-ci accepta, à condition que la Thrace orientale soit immédiatement rendue à la Turquie. Des négociations eurent lieu à Mudanya, en Turquie, le 3 octobre 1922. Les Turcs étaient représentés par İsmet İnönü et les Grecs par les Alliés. L'armistice de Mudanya fut signé le 11 octobre.

[modifier] Traité de Lausanne et conséquences

En juillet 1923, le Traité de Lausanne mit fin à la guerre gréco-turque. La Grèce rendait à la Turquie la Thrace orientale, Smyrne ainsi que quelques petites îles en mer Égée. La frontière gréco-turque fut celle de 1914. Le traité assurait la souveraineté de l'Italie sur les Dodécanèses, archipel italien depuis 1912 suite à la Guerre italo-turque. Il garantissait aussi les droits des populations non-musulmanes en Turquie. Atatürk souhaitait aussi revendiquer la Thrace occidentale, peuplée de turcs, mais il ne le fit pas car cette région avait été perdue avant la Première Guerre mondiale.

Ce traité eut pour conséquence d'importants déplacements forcés de populations : 1 500 000 grecs quittèrent la Turquie et 500 000 turcs quittèrent la Grèce. En fait les recherches d'historiens comme Dimitris Kitsikis montrent que la majorité des Grecs avaient fui avant l'échange de population, ce qui remet en cause la version simplifiée et officielle d'un "échange" organisé. Les grecs d'Istanbul et les turcs de la Thrace grecque furent exemptés de ce déplacement. Selon des historiens grecs, ce déplacement des populations grecques marque l'abandon de régions historiques de peuplement grec, comme l'Ionie ou encore le pourtour de la mer Noire (voir les Pontiques). La réaction politique en Grèce fut très violente, le roi Constantin Ier dut abdiquer, et de nombreux ministres et officiers furent exécutés pour trahison.

La défaite grecque enterra la « Grande Idée » de recréer un grand état hellénique avec Constantinople (nom encore utilisé en Grèce) pour capitale, regroupant les régions peuplées de grecs afin de libérer ces populations du joug étranger.

[modifier] Liste des Batailles