Folke Bernadotte

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Folke Bernadotte
Folke Bernadotte

Le comte Folke Bernadotte af Wisborg, né le 2 janvier 1895 à Stockholm, et mort le 17 septembre 1948 à Jérusalem, était un diplomate suédois connu pour avoir négocié la libération de 15 000 prisonniers des camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale.

Sommaire

[modifier] Ascendance

Folke Bernadotte était le petit-fils de Oscar II de Suède, qui fut roi de Suède et de Norvège, et le neveu de Gustave V de Suède.

[modifier] Diplomate pendant la Seconde Guerre mondiale

Le comte Folke Bernadotte (à gauche) conversant avec des prisonniers de guerre australiens en Allemagne (1943)
Le comte Folke Bernadotte (à gauche) conversant avec des prisonniers de guerre australiens en Allemagne (1943)

En 1945, alors vice-président de la Croix-rouge suédoise, Bernadotte essaya de négocier un armistice entre l'Allemagne et les Alliés. À la toute fin de la guerre, il reçut l'offre faite par Heinrich Himmler d'une reddition complète de l'Allemagne vis-à-vis de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à la condition que l'Allemagne soit autorisée à poursuivre la résistance contre l'Union soviétique. Cette offre fut transmise à Winston Churchill et Harry S. Truman.

Peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, Bernadotte organisa une opération de sauvetage pour évacuer des déportés, notamment norvégiens et danois, dans des hôpitaux suédois, ainsi que des déportés francophones du Cap Arcona. Il libéra ainsi 15 000 personnes de l'enfer des camps de concentration, et acquit une immense popularité.

Cependant, des travaux historiques récents[1] indiquent que cette opération avait un coût moral, longtemps occulté : pour permettre la libération des prisonniers scandinaves, quelque 2 000 autres prisonniers, malades ou mourants, «principalement français, mais aussi russes et polonais», furent sortis du camp nazi de Neuengamme et… transférés vers d'autres camps nazis. Le transfert fut effectué dans les mêmes «bus blancs», conduits par des chauffeurs suédois, qui servirent à l'évacuation des Scandinaves. «La plupart des prisonniers moururent pendant le trajet, ou juste après.»

[modifier] Médiateur de l'ONU

Plan de partage de la Palestine de 1947
Plan de partage de la Palestine de 1947

À la suite du plan de partage de la Palestine de 1947, des affrontements éclatent entre juifs et arabes en Palestine. Bernadotte est nommé médiateur des Nations unies en Palestine le 20 juin 1948[2]. Il est ainsi le premier médiateur officiel de l'histoire de l'organisation. Sa mission est alors immense : faire cesser les combats et superviser la mise en application du partage territorial.

[modifier] Les causes derrière l'assassinat de Bernadotte

Très vite, la tension avec la partie israélienne grandit. Le 27 juin, le comte propose un premier plan, avec un État israélien sur 20% de la Palestine (au lieu des 55% prévus), qui plus est confédéré avec la Transjordanie. L'État palestinien disparaît et son territoire est attribué à la Transjordanie. Ce plan est rejeté par toutes les parties, y compris arabes. « Bernadotte devient la cible, en Israël, d'une virulente campagne de presse »[3]. « En juillet, les membres du Lehi avaient déjà menacé Bernadotte de mort, suite à une rencontre qu’il avait eue avec deux membres du Stern, le 24 juillet : "Nous avons l’intention de tuer Bernadotte et tout autre observateur des Nations unies en uniforme qui viendra à Jérusalem ". Lorsqu’il leur demanda pourquoi, "Ils répondirent que leur organisation était déterminée à ce que Jérusalem soit sous l’autorité de l’État d’Israël et qu’elle ne permettrait pas d’interférence de la part d’une organisation nationale ou internationale" »[4],[5]

Le 1er août, Israël Eldad, un des trois dirigeants du groupe Stern (ou Lehi, un groupe armé sioniste radical) déclare, lors d'une assemblée publique à Jérusalem : « Les combattants pour la liberté d'Israël adressent une mise en garde aux observateurs des Nations Unies [et] aux généraux de Bernadotte [...]. Nous emploierons contre les représentants d'un pouvoir étranger les mêmes méthodes que nous avons employées contre les Britanniques »[6].

D'après Israël Eldad, la décision de tuer Bernadotte est prise en août par les trois dirigeants du Lehi[7].

Le 16 Septembre, Folke Bernadotte propose un nouveau plan de partage de la Palestine, dans lequel la Transjordanie annexerait le Néguev et la Cisjordanie. La confédération entre Israël et la Transjordanie disparaît. Ce plan prévoit également un État juif occupant l'entière Galilée, le passage de Jérusalem sous contrôle international et le rapatriement (ou dédommagement) des réfugiés. Concernant ce dernier sujet, le Comte Bernadotte écrivait « Ce serait offenser les principes élémentaires que d'empêcher ces innocentes victimes du conflit de retourner à leur foyer, alors que les immigrants juifs affluent en Palestine et de plus menacent de façon permanente de remplacer les réfugiés arabes enracinés dans cette terre depuis des siècles. » Il critique « le pillage sioniste à grande échelle et la destruction de villages sans nécessité militaire apparente. »[8]

Ce second plan est de nouveau refusé par les Israéliens et les pays arabes (la Transjordanie, grande gagnante du projet de Bernadotte, n'ose pas accepter, compte tenu de l'ambiance générale).

[modifier] L'assassinat de Bernadotte

Après l’atterrissage à Kalandia - Jérusalem, Bernadotte et ses accompagnateurs se rendent en voiture à Jérusalem. Au programme du jour, deux choses : rencontrer les Observateurs de la trêve et faire un choix pour l'emplacement d’un nouveau quartier général, car jusque-là Bernadotte et son équipe opéraient depuis l’Hôtel des Roses, situé sur l’île grecque de Rhodes, laquelle était à ses yeux beaucoup trop loin de la zone de guerre.

Après avoir rencontré les observateurs de la trêve et visité quelques emplacements possibles pour le bâtiment du quartier général, le convoi de Bernadotte, composé de trois voitures, entra dans le quartier Katamon de Jérusalem. Chaque voiture arborait les drapeaux des Nations Unies et de la Croix Rouge, et personne, dans ce convoi, n’était armé. Bernadotte, quant à lui, avait refusé à plusieurs reprises le gilet pare-balles qu’on lui proposait.

Dans la voiture du Médiateur, sur la banquette arrière, avaient pris place : Bernadotte, le colonel français André Sérot, chef des observateurs des Nations Unies à Jérusalem, et le général suédois Aage Lundstrom, chef de la supervision de la trêve en Palestine, et représentant personnel de Bernadotte.

Le quartier de Katamon, sous contrôle de l’armée israélienne, était presque désert. Les habitants chrétiens de cette partie de Jérusalem naguère encore aisée avaient été expulsés à la pointe des baïonnettes par les forces armées sionistes, fin avril.

Peu après avoir franchi un check-point de l’armée israélienne, le convoi est arrêté par une jeep qui lui barre le passage. Trois hommes armés, revêtus de l’uniforme de l’armée israélienne, surgissent de cette jeep tandis que le conducteur reste au volant. Les trois voitures sont arrosées de balles. Bernadotte est abattu à bout portant de six rafales de mitraillette Schmeisser.

Dans leur déclaration dactylographiée, reconnaissant leur responsabilité dans le double assassinat, les tueurs demandent qu’on veuille bien les excuser d’avoir abattu Sérot « par erreur ».[9].

On sait aujourd'hui que « Le meurtre a été planifié par Zettler, le commandant de la section de Jérusalem (la dernière en activité et la plus dure), qu'il a été décidé en août au plus haut niveau par les trois responsables du centre [10] et que l'exécution en a été confiée à un vétéran du Lehi, Yéhochua Cohen.[11]. Les deux autres tireurs étaient Yitzhak Ben-Moshe et « Gingi » Zinger, et le conducteur de la jeep s'appelait Meshulam Makover[12].

[modifier] Les suites de l'assassinat de Bernadotte

L’assassinat de Bernadotte suscita une condamnation universelle.

Le Lehi est immédiatement suspecté. « En 24 heures, plus de 250 membres du Lehi sont interpellés dans tout le pays. Le gouvernement en profite pour dissoudre les unités de l'IZL[13] à Jérusalem, bien qu'il sache qu'elles n'ont pas été mêlées au crime. Le surlendemain, le Lehi est officiellement dissous au titre d'une loi “pour la prévention du terrorisme”. »[14] « Zettler affirmera avoir reçu une promesse explicite du ministre de l'intérieur Yitzhak Grünbaum : “vous serez condamnés pour satisfaire l'opinion mondiale. Après quoi, vous serez amnistiés”. » De fait, « Yalin Mor et son adjoint Mattiyahu Shmulovitz, condamnés le 2 février 1949 à plusieurs années de prison, non pour meurtre mais pour appartenance à une organisation terroriste, seront relâchés deux semaines après [...] tous les autres détenus du Lehi bénéficieront d'une amnistie générale »[15].

Nathan Yalin Mor fut élu à la Knesset en janvier 1949 et le tireur Yeoshua Cohen devint le garde du corps personnel de Ben Gourion dans les années 1950. Yitzhak Shamir, le chef des opérations du Lehi, deviendra quant à lui premier ministre d'Israël à deux reprises.

[modifier] Ses propositions pour la paix

Trois jours après son décès, fut publié un rapport décrivant les efforts proposés par Bernadotte pour aboutir à la paix. Il contenait les propositions suivantes :

  • Transformer la première accalmie dans les combats en une paix permanente, ou au moins en un cessez-le-feu, et déterminer les frontières définitives des États juif et arabe en Palestine ;
  • Accorder le désert du Néguev à l'État arabe et la Galilée à l'État juif ;
  • Internationaliser Jérusalem ;
  • Donner le contrôle des parties arabes de la Palestine aux États arabes (en fait à la Transjordanie) ;
  • S'assurer que le port d'Haïfa et l'aéroport de Lod desservent à la fois les parties arabes et juives de la région, ainsi que les États arabes du voisinage ;
  • Organiser le rapatriement des réfugiés palestiniens ou, à défaut, leur dédommagement ;
  • Établir un comité de réconciliation, première étape devant mener à une paix durable dans la région.

Le gouvernement israélien rejeta ces propositions. Bernadotte fut remplacé par le médiateur états-unien Ralph Bunche, qui négociera finalement un cessez-le-feu signé sur l'île grecque de Rhodes.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Voir «Le prestige terni des bus blancs suédois», Libération 30 juin 2005 [1]
  2. D'après le site en Français de l'ONU [2]
  3. Histoire de la droite Israélienne, P. 250
  4. Le chroniqueur du New York Times, C.L. Sulzberger
  5. Confirmé par Neff, Washington Report on Middle East Affairs
  6. Susan O'Person, Mediation & assasinations : count Bernadotte's Mission to Palestine, 1948, Londres, Ithaca Press, 1979.
  7. Interview de Israël Eldad à la radio israélienne le 9 septembre 1988, rapportée par Yediot Aharonot du 11 septembre 1988.
  8. U.N. Document A. 648, p. 14, déposé le 16 septembre 1948.
  9. Sur l'assassinat du Comte Bernadotte, voir le rapport du Général A. Lundstrom (qui se trouvait assis dans la voiture de Bernadotte), rapport adressé, le jour même de l'attentat (17 septembre 1948) aux Nations Unies. Puis le livre publié par ce général pour le 20e anniversaire du crime : L'assassinat du Comte Bernadotte, imprimé à Rome (éd. East. A. Fanelli) en 1970, sous le titre : Un tributo alla memoria del Comte Folke Bernadotte. Voir aussi le livre de Ralph Hewins : Count Bernadotte, his life and work (Hutchinson, 1948). Voir enfin, dans l'hebdomadaire milanais Europa, les aveux de Baruch Nadel (cités dans Le Monde du 4 et 5 juillet 1971).
  10. Le « Centre » est le nom donné à la direction du Lehi : Nathan Yalin Mor, Yitzhak Shamir et Israël Eldad
  11. Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne, Editions complexe, 1991. P.253
  12. Kati Marton, A Death in Jerusalem
  13. IZL = Irgoun, un autre groupe armé sioniste.
  14. Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne, Éditions complexe, 1991. P. 253
  15. Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne, Éditions complexe, 1991. P. 254

[modifier] Bibliographie

  • Marius Schattner, Histoire de la droite israélienne de Jabotinsky à Shamir, Complexe, 1991.