Camp de concentration

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Entrée du camp de concentration de Struthof.
Entrée du camp de concentration de Struthof.

L'expression « camp de concentration » fut créée à la fin du XIXe siècle. En effet, l'innovation technique du fil de fer barbelé permit de clore de vastes espaces à peu de frais. La première utilisation de ce terme se fit à propos de la guerre des Boers, comme innovation britannique. Il était inspiré du terme espagnol « re-concentration », utilisé par les Espagnols pendant la guerre avec Cuba (1895-1898).

On nomme camp de concentration un centre de détention de grande taille créé pour des opposants politiques, des résidents d'un pays ennemi, des groupes ethniques ou religieux spécifiques, des civils d'une zone critique de combats, ou d'autres groupes humains, souvent pendant une guerre. Le terme se réfère à une situation où les détenus sont sélectionnés pour leur conformité à des critères généraux, sans procédure juridique, plutôt qu'en raison d'un jugement individuel. Bien que le régime nazi ait mis en place une confusion en utilisant le terme de camp de concentration pour désigner certains de ses camps d'extermination, il convient de les distinguer, même si les conditions de détention dans les camps de concentration peuvent mener à des niveaux de morbidité et de mortalité anormalement élevés.

Le narrateur du Temps retrouvé, Marcel Proust, mentionne l'existence en France de camps de concentration lors de la Première Guerre mondiale, où furent internés les civils allemands présents sur le sol français lors de la déclaration de guerre.

Bien qu'en France la plupart des camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale soient imputables à l'État français du régime de Vichy, celui de Gurs, destiné à regrouper les personnes de nationalité allemande (dont plusieurs se trouvèrent être des réfugiées du nazisme) fut l'œuvre de la Troisième République[1],[2].

Détail du monument anti-guerre Bittermark Mahnmal, Dortmund, Allemagne
Détail du monument anti-guerre Bittermark Mahnmal, Dortmund, Allemagne

Sommaire

[modifier] Camps de concentration pour civils ennemis

Le fichage et la numérotation des prisonniers font partie de la dépersonnalisation
Le fichage et la numérotation des prisonniers font partie de la dépersonnalisation
Lizzie Van Zyl, une enfant boer internée et morte dans le camp de concentration britannique de Bloemfontein en Afrique du Sud durant la guerre contre les Boers
Lizzie Van Zyl, une enfant boer internée et morte dans le camp de concentration britannique de Bloemfontein en Afrique du Sud durant la guerre contre les Boers

Le statut d'un camp de concentration, bien qu'il soit admis par le droit de la guerre pour l'internement des civils ennemis, est difficile à justifier en ce sens qu'alors, l'internement constitue une mesure collective et non individuelle, qui ne sanctionne pas des actes individuels, mais une situation indépendante de la volonté de la personne internée.

De tels camps sont utilisés en tant que mesure conservatoire militaire : Si des ressortissant du pays B vivent dans le pays A lors de la déclaration de guerre entre A et B, le pays A peut considérer que les ressortissant de B sur son territoire sont des ressortissants d'un pays ennemi, qu'il importe d'interner, pour éviter qu'ils rejoignent l'armée adverse ou se lancent dans des opérations d'espionnage. Ainsi, certains responsables des camps d'internement parleront de simples prisons élargies pour recevoir un plus grand nombre d'internés prisonniers, ou même — dans certains pays et hors temps de guerre — de « structures éducatives ».

La première apparition de la dénomination camp de concentration est due aux Britanniques en Afrique du Sud durant leur guerre contre les Boers  (Guerre du Transvaal, 1899-1902) ; ils y enfermaient les femmes, les vieillards et les enfants des Boers et des membre de tribus indigènes alliées.

L'idée elle-même avait été appliquée un peu plus tôt par les Espagnols à Cuba, pendant la guerre d'indépendance. Le général Valeriano Weyler y Nicolau eut l'idée en 1897 de « concentrer » les populations civiles dans des places contrôlées par l'armée pour enlever tout soutien à la rébellion, près de 300 000 personnes furent ainsi déplacés dans ces camps. Les civils étaient invités à rentrer dans ces camps, avec leur bétail, sous le délai de huit jours. Passés ce délai, ceux qui se trouvaient à l'extérieur étaient considérés comme rebelles donc tués. Malgré la défaite espagnole, le terme, « re-concentration », et son principe furent repris par les Anglais pour lutter contre les Boers.[réf. nécessaire]

Il y a eu également les camps de concentration construits dès 1904 en Namibie (pays d'Afrique) pour éliminer le peuple Herero opposé à la colonisation et aux armées du chancelier Von Bülow. Le désastre humanitaire fut effrayant : plus de 70 000 hereros morts avant ou dans les camps de concentrations (pour causes de malnutrition, mauvais traitements, exécutions sommaires des malades ainsi que des plus faibles). Il ne faut pas oublier les expériences anthropologiques, scientifiques et médicales transformant les prisonniers hereros en cobayes humains.

Les camps de concentration ne sont apparus qu'après l'invention du fil de fer barbelé, qui permet de clôturer de grandes surfaces pour un coût sans commune mesure avec les moyens de détention classiques tels que les prisons.

Il faut souligner le caractère moderne de cette pratique, le traitement historiquement ordinaire pour résoudre le même type de conflit étant plutôt la réduction en esclavage ou la simple mise à mort immédiate (voir génocide).

[modifier] Exemples historiques

La France a utilisé des camps de concentration dès la Première Guerre mondiale, dont celui de Pontmain, pour y enfermer les ressortissants allemands, austro-hongrois et ottomans présents sur son territoire à l'ouverture des hostilités. De nombreuses îles françaises de la Manche, de l'Atlantique et de la Méditerranée ont été utilisées pour implanter de tels camps. Marcel Proust a évoqué ces camps dans «Le temps retrouvé». La France a aussi eu à nouveau recours à des camps de concentration à la fin de la guerre d'Espagne pour regrouper les réfugiés républicains fuyant le régime franquiste à Rivesaltes, Argelès-sur-Mer et Agde, bien que beaucoup de ces réfugiés n'aient pas été des ennemis. On ne peut néanmoins accepter le terme de "concentration" dans ce cadre ( pas de travail forcé, libre déplacement à l'extérieur de ces camps (d'ailleurs très peu étaient fermés). Il faut rappeler qu'environ 450 000 réfugiés espagnols arrivèrent en France en moins de 1 mois soit le premier plus grand déplacement de population du XXe siècle. Si au départ la situation de ces camps fut déplorable très rapidement les choses se sont améliorées. Ajouter le qualificatif de concentration à ces camps est un parfait non sens historique[3]. Selon Geneviève Dreyfus-Armand, éminente spécialiste de l'exil républicain espagnol : « Le terme camp de concentration peut choquer ; il est couramment utilisé dans les documents administratifs de l’époque, et le ministre de l’Intérieur, Albert Sarraut, l’emploie dans un sens “ lénifiant ” lors de sa conférence de presse au début de février 1939 : Le camp d’Argelès-sur-Mer ne sera pas un lieu pénitentiaire, mais un camp de concentration. Ce n’est pas la même chose. »

Lors de la Seconde Guerre mondiale, de nouveau, le procédé a été employé pour interner les ressortissants des pays ennemis, mais dans ce cas la police française n'a pas fait de différence entre les Allemands et Autrichiens réfugiés en France et les partisans d'Hitler dont certains avaient organisé en France, dès le temps de paix, la fameuse « Cinquième Colonne ».

Les Britanniques aussi ont organisé des camps de concentration de civils de l'Axe. C'est ainsi que des civils allemands et britanniques du sexe masculin résidant aux Indes se sont retrouvés en 1940, internés au camp de Deraa Doun, sur les contreforts de l'Himalaya.

D'autres camps de concentration ont été ouverts aux États-Unis, notamment ceux destinés aux Japonais et aux citoyens états-uniens d'origine japonaise, après l'attaque de Pearl Harbor.[réf. nécessaire] Bien des années après le souvenir de ces rafles de civils japonais et Nippo-Américains a refait surface. Le président Bush s'est excusé au nom des États-Unis à ce sujet.[réf. nécessaire]

D'autre camps de concentration ont été instaurés ailleurs, entre 1940 et 1945, comme ceux du Canada destinés aux Nippo-Canadiens et entre autres aux Témoins de Jéhovah pacifistes et aux Franco-Québécois refusant la conscription.

Des camps de concentration ont été constitués par le gouvernement de Vichy en zone non occupée et en Afrique du Nord entre 1941 et 1944 pour interner des juifs, des patriotes français récalcitrants et des antifascistes d'Europe centrale qui avaient trouvé refuge en France.[réf. nécessaire] Ceux du Sud-Algérien où ont été regroupés des engagés allemands de la Légion étrangère, sous la direction d'officiers et sous-officiers vichystes, ont été soumis à un régime tellement atroce, que plusieurs internés ont demandé, pour y échapper, à être rapatriés en Allemagne nazie.[réf. nécessaire]

Il faut signaler ici le cas du camp de concentration de Jasenovac, un camp de l'État indépendant de Croatie d'Ante Pavelić. Dans ce camp dirigé par des Oustachis, furent tués de 45 000 à 80 000 Serbes, Croates, Juifs, tziganes et opposants.

Certains camps nazis ont été « réutilisés » après la libération pour les prisonniers de guerre ou des civils français et allemands[4], comme par exemple le camp de Zgoda.

Des camps de regroupement ont été créés pendant la guerre d'Algérie pour permettre le contrôle des populations algériennes[5],[6].

Par contre, les camps de regroupement de harkis après les accords d'Évian ne sont pas des camps de concentration : ils n'en n'avaient pas le caractère (les harkis, loin d'être des ennemis de la France, l'avaient au contraire servie, ils étaient de plein droit citoyens français, et ces camps ne comportaient ni régime carcéral, ni brimades), mais constituaient tout de même des camps de regroupement de la population. Leur durée d'existence, supérieure à dix ans, est allée bien au-delà de celle des simples camps de réfugiés, car les autorités françaises n'ont pratiquement rien fait pour assurer leur intégration.

[modifier] Camps de concentration nazis

Icône de détail Article détaillé : Camps de concentration nazis.

Au temps de l'Europe nazie des camps de concentration (Konzentrationslager ou KL) ont été instaurés dans des buts non défensifs, mais ultra-punitifs. (modification: l'Allemagne nazie utilisa des camps de concentration pour éloigner les opposants au régime puis ensuite pour y exterminer immédiatement ou par épuisement au travail et par mauvais traitements les juifs, les tziganes, les Témoins de Jéhovah, les homosexuels, les handicapés, les asociaux... qualifiés d'« impurs » et qui pourraient « souiller » les Aryens... En 1939, Hitler imputa aux juifs la responsabilité de la guerre et transforma certains de ces camps de concentration en camps d'extermination, mais même Auschwitz, le principal de ces camps d'extermination, servit de camp de travail pour les détenus valides autant que d'extermination)

L'exemple le plus connu (et sans doute le plus meurtrier) de camps de concentration est celui des camps nazis utilisés à partir de 1933[7] et en particulier durant la Seconde Guerre mondiale. Dans ces camps, comme Dachau ou Buchenwald, les anti-nazis allemands (en premier lieu les communistes), puis les opposants politiques et les résistants de toute l'Europe qui n'ont pas été immédiatement exécutés, y ont été déportés, avec peu d'espoir d'en sortir vivants. Mais l'objectif principal de ces camps répressifs était l'esclavage des internés, leur grande mortalité n'en étant que l'accessoire.

Les camps ci-dessus ne doivent pas être confondus avec d'autres camps nazis, tels celui d'Auschwitz-Birkenau, qui étaient des camp d'extermination, dont le but principal était la liquidation industrielle de populations entières déportées, enfants d'abord, la fonction temporaire de travailleurs esclaves de quelques-uns d'entre eux n'étant que secondaire.

[modifier] Buts des camps de concentration nazis

L'objectif d'un camp de concentration peut être par exemple (et sans que ces différents objectifs soient exclusifs) de :

  • vider un pays de sa population, pour l'empêcher de soutenir des combattants à l'occasion d'une guerre;
  • purger la population des personnes considérées comme nuisibles ;
  • exploiter un grand nombre de travailleurs forcés (on parle alors de camp de travail).

Les personnes incarcérées dans de tels camps le sont souvent pour des motifs politiques, religieux, raciaux, d'une façon générale en raison d'une discrimination ou d'un soupçon à leur encontre.

Les prisonniers y sont souvent : séparés de leurs proches, gardés dans des conditions précaires et difficiles, mal nourris, forcés à travailler et maltraités par les gardiens. La mortalité y est donc élevée.

Parmi les camps de concentration nazis, la plupart étaient des camps de travail dans lesquels la mortalité était très forte. Le travail était épuisant, la nourriture insuffisante, les soins pratiquement inexistants, les mauvais traitements réguliers. La mortalité forte n'était pas un problème puisque de nouveaux "travailleurs" arrivaient par trains entiers. Certains camps devinrent des camps d'extermination immédiate.

[modifier] Bagne et Katorga

Contrairement aux camps de concentration, les bagnes faisaient partie du système judiciaire ordinaire de la France et les katorgas de celui de la Russie impériale, mais en partagent les autres mêmes caractéristiques :

  • confinement ;
  • installations sommaires et étendues contrairement aux prisons ;
  • travail forcé, en général dur (beaucoup de prisonniers en mouraient) et sans qualification.


Les bagnes furent installés dans les ports comme Toulon, après la suppression de la peine des galères, puis dans des territoires comme la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.

Les katorgas furent installés en Sibérie et dans les zones peu peuplées de l'Extrême-Orient russe donnant à ces contrées une réputation de punition.

[modifier] Relégation (en France)

La relégation a été créée par la loi du 27 mai 1885 et a fonctionné en Guyane jusqu'en 1939, puis l'île de Ré a pris la relève. Elle était automatique pour les multirécidivistes jusqu’à la loi du 3 juillet 1954, mais a subsisté — comme facultative — jusqu'en 1970, où elle a été remplacée par la tutelle pénale jusqu'en 1981. C'est cette relégation qui a inspiré la chanson de Léo Ferré et Pierre Seghers, Merde à Vauban.

[modifier] Actuellement

Certaines personnes[Qui ?] affirment qu'actuellement, la base militaire américaine de Guantanamo est le dernier camp de concentration connu à fonctionner. En décembre 2003, l'Assemblée nationale cubaine a également qualifié publiquement cette base comme étant un camp de concentration[8].

[modifier] Notes et références

  1. (en) .ushmm.org, United States Holocaust Memorial museum, (Mémorial de l'Holocauste des États-Unis), Holocaust Encyclopedia, « Gurs »
  2. Le camp de Gurs est construit par le gouvernement d'Édouard Daladier entre le 15 mars et le 25 avril 1939 pour accueillir des anciens combattants de la Guerre civile espagnole après la prise de pouvoir du général Franco
  3. Bartolomé Bennassar, La Guerre d'Espagne et ses suites, coll. Tempus.
  4. Voir le cas du camp de Margueritte près de Rennes : [1] et [2]
  5. La visite de Pierre Macaigne à Bessombourg sert de référence aux articles qu’il a publiés le 22 juillet 1959 , puis le 6 et le 7 octobre suivant [3]
  6. La triste affaire du camp de Zitouna ex Bessombourg : « Il s' agit d'enfants... Sous des conditions inhumaines, des parties entières des huit millions que comptait la population algérienne étaient tenues dans les camps de l'armée française. ... En 1957, pour des raisons de stratégie militaire le village de Ziabra s'est retrouvé en Zone interdite : Résultat de ce découpage, 2774 habitants de ce village vont être rassemblés à Bessombourg (Zitouna), dans la presqu'île de Collo, un ancien centre d'exploitation forestière au milieu de la montagne. » [4]
  7. Le camp de Dachau est mis en service le 31 mars 1933.
  8. « La base de Guantanamo est un "camp de concentration" », Associated Press, La Havane, in El Correo, 26 décembre 2003.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

Sur les différents camps dans différents pays :

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Antoine Blanchet, Le camp de concentration de Pontmain, 1914-1920, mémoire de maîtrise, Université du Maine.
  • Jean-Claude Farcy, Les camps de concentration de la Première Guerre mondiale (1914-1918), Les cahiers de la sécurité intérieure, n°17, 1994, p. 54-64.
  • Jean-Claude Farcy, Les camps de concentration français de la Première Guerre mondiale (1914-1920), Paris, Anthropos, 1995.
  • Florent Brayard, La "solution finale de la question juive". La technique, le temps et les catégories de la décision, Fayard, 2004.
  • Joël Kotek, Pierre Rigoulot, Le Siècle des Camps: emprisonnement, détention, extermination, cent ans de mal absolu , J.-C. Lattès, 2001. (ISBN 2709618842)
  • Primo Levi, Si c'est un homme, 1947.
  • Jean Léger, Petite Chronique de l'Horreur ordinaire, 1999.