Esclavage de la Renaissance aux Lumières

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Alors que l'esclavage recule en Europe du fait de l'extension du christianisme, sans toutefois disparaître, il prend son essor dans les colonies américaines. Dès la fin du XVe siècle, pour son deuxième voyage Christophe Colomb emporta en Amérique les premiers esclaves. Au XVIe siècle, la culture de la canne à sucre au Brésil entraîna les premières déportations massives. L'époque moderne est donc marquée par la traite transatlantique et le commerce triangulaire, en même temps que par l'ébauche du mouvement abolitionniste sous les Lumières.

Sommaire

[modifier] XVIe et XVIIe siècles

[modifier] Europe

Charles Quint, après avoir codifié l'esclavage, s'était ravisé et l'avait interdit sur ses terres dès 1526 sous peine de lourdes amendes. Mais sur toute l'Europe de très nombreux serfs vivaient en réalité comme des esclaves car ils étaient juridiquement attachés aux lopins de terre qu'ils cultivaient et sous tutelle totale d'un maître. De plus les Turcs ottomans et autres musulmans lançaient régulièrement des attaques sur les côtes européennes et sur les vaisseaux des pays chrétiens, pour ramener des esclaves. Pendant cette période un peu plus d'un million d'Européens furent réduits en esclavage.

[modifier] Afrique et Asie

Icône de détail Article détaillé : Traite arabe.

La colonie du Cap (Afrique du Sud actuelle) importait des esclaves venant de Madagascar et d’Indonésie à partir du XVIIe siècle[1]. Elle reçut environ 4 300 esclaves entre 1652 et 1795[2]. De 1795 à 1807, le trafic s’éleva à 200 ou 300 esclaves par an[3]. On estime au total que 20 000 à 50 000 esclaves ont été importés[4]. Ces esclaves étaient employés essentiellement dans les activités agricoles, mais aussi dans les bordels de la colonie du Cap[5]. Ils se révoltèrent par deux fois en 1808 et en 1825[6]. L’esclavage ne fut aboli qu’en 1834 dans la colonie du Cap.

La VOC organisait la traite pour les plantations de muscade dans les Célèbes et des mines d’or de Sumatra[7]

[modifier] Amériques

Au Paraguay, les Jésuites s'opposent aux esclavagistes espagnols et portugais par le système de missions appelées réductions. (cf. le film "Mission")

Les bulles pontificales Sublimus Dei (29 mai 1537) et Veritas ipsa du pape Paul III (2 juin 1537) condamnent l'esclavage des amérindiens ainsi que « toute mise en doute de la pleine humanité de ceux-ci ». Cela n'a pourtant pas été appliqué dans les Antilles sous domination des Espagnols.

1550 : Controverse de Valladolid opposant le dominicain Bartolomé de Las Casas qui défend la cause des "indiens" au philosophe Sepulveda qui conteste le caractère humain de leur âme.

Esclavage au Brésil
Esclavage au Brésil

Certains des esclaves indociles s'enfuient à l'occasion. Ceux qui arrivent à se regrouper hors d'atteinte du pouvoir colonial sont nommés « marrons » (de l’espagnol cimarrón « esclave en fuite »). Par endroit leur descendance a formé de vrais peuples tels les Bonis, Boschs, Djukas et Saramacas de Guyane, les Garifunas de l'île St.Vincent (Antilles).

[modifier] Le commerce triangulaire et le « bois d'ébène »

L'esclavage de type colonial apparait au milieu du XVème siècle, lorsque les portugais, sous la direction d'Henri le Navigateur, capturent ou achètent des captifs africains pour les déporter vers leurs colonies de Madère et du Cap Vert. Cette traite est autorisée en 1455 par le Pape Nicolas V.

La découverte du Nouveau Monde marque l'essor de l'esclavage et le coup d'envoi de la traite transatlantique. Les nations européennes, en particulier le Portugal, la France, la Hollande et l'Angleterre se lancent dans le commerce triangulaire entre des ports de l'Europe, le Golfe de Guinée et les Amériques (Brésil, Antilles). La motivation première des négriers est économique et l'esclave noir est considéré comme une marchandise.

Par ce système, les négriers européens viennent s'approvisionner en esclaves sur les côtes africaines. Ils s'assurent la collaboration des rois ou chefs locaux, à qui ils apportent d'Europe des verroteries, des alcools, des tissus, des outils et des armes. Rapidement ils obtiennent des concessions pour y bâtir des ports et des forts réservés à ce seul commerce. Ils transportent ensuite les cargaisons d'esclaves ainsi obtenues vers les Amériques, et avec le produit de leurs ventes, y achètent (ou échangent) tabac, indigo, coton, sucre, rhum et retournent en Europe. Ainsi recommencent-ils leur périple chaque année si les naufrages et les combats ne les empêchent.

Le commerce triangulaire fut la base économique de développement des plantations dans les colonies des Amériques, aux Caraïbes comme dans les États sudistes nord-américains. Le chemin des marchands d'esclaves partait des ports atlantiques; ils échangeaient des produits manufacturés contre le bois d'ébène et les revendait pour les plantations. Les nations principales le pratiquant étaient l'Angleterre, le Portugal, la Hollande, la France.
Le commerce triangulaire fut la base économique de développement des plantations dans les colonies des Amériques, aux Caraïbes comme dans les États sudistes nord-américains. Le chemin des marchands d'esclaves partait des ports atlantiques; ils échangeaient des produits manufacturés contre le bois d'ébène et les revendait pour les plantations. Les nations principales le pratiquant étaient l'Angleterre, le Portugal, la Hollande, la France.

La traite atlantique s'accompagne de la création d'un nouveau type d'esclave : c'est le statut de « bois d'ébène ». Le bois d'ébène est considéré comme un bien délicat. Comme tout bien, son propriétaire peut l'assurer afin d'être indemnisé en cas de décès. Comme un pater familias, un maître a droit de vie et de mort sur ses esclaves ce que lui autorise un ensemble de dispositif aussi bien religieux, juridique que moraux. Cette réification du bois d'ébène, autorise son propriétaire à lui infliger les pires sévices à tout prétexte de rébellion ou simple résistance.

[modifier] Une spécificité française : le Code Noir

Estampe représentant un soldat et son esclave, Afrique équatoriale, dans les années 1830
Estampe représentant un soldat et son esclave, Afrique équatoriale, dans les années 1830

En 1685, Louis XIV, roi de France, promulgue le « Code noir », réglementant le traitement des esclaves et des « marrons » dans les Antilles françaises. C'est le premier texte de ce type depuis les conciles chrétiens du VIe siècle, qui avaient vu une abolition de fait de l'esclavage.

Ce Code règle le statut de l'esclave. En particulier, il déclare « les esclaves être meubles » (article 44). Certains articles protègent partiellement l'esclave, par exemple en imposant le baptême chrétien, en interdisant le travail dominical et pendant les jours fériés à caractère religieux. Le texte prévoit également une formule d'affranchissement, sous conditions. Enfin, l'inconduite du "maître" (relation sexuelle notamment) entraîne obligation de réparation par le mariage, et passage de la victime à l'état de femme libre.

L'ensemble des articles réglemente les punitions en fixant un barème progressif des sévices selon la gravité de la "faute reprochée" (article 42) avec flagellations, amputation de oreille ou du « jarret », et peine de mort pour vol aggravé ou pour réunion. Il y est confirmé explicitement qu'un enfant d'esclaves naît avec sa condition d'esclave (article 9).

Le Code Noir confirme l'interdiction de toute pratique esclavagiste en France continentale en se référant à une « vieille loi » qui transforme en homme libre tout esclave foulant la terre de France. Cette loi sera scrupuleusement respectée comme en attestent toutes les décisions de justice de l'Ancien Régime. Il est ainsi de facto interdit aux marchands d'esclaves de faire débarquer leur « marchandise » en France, sous peine d'en perdre la propriété.[8]

[modifier] Au siècle des Lumières

[modifier] Méditerranée

Les victimes européennes sont également nombreuses.Des ordres monastiques, comme les Mathurins et les pères de Notre-Dame de la Mercy, encore actifs au XVIIIe siècle, sont chargés d'acheter la liberté des chrétiens capturés par les pirates et réduits en esclavage en Afrique du Nord. Par exemple, le 17 octobre 1785, une procession d'esclaves libérés par ces ordres est organisée à Paris jusqu'à la cathédrale Notre-Dame.

[modifier] Amérique

Icône de détail Article détaillé : Esclavage aux États-Unis.

Pendant cette période, le système esclavagiste atteint son apogée: 6 300 000 africains sont transportés aux colonies américaines. Ce trafic profite grandement aux ports de Londres, Liverpool, Bristol, Nantes, la Rochelle, Bordeaux, entre autres.

Le nombre d'esclaves déportés d'un continent à l'autre ne prend pas en compte tous ceux morts entre leur capture dans leurs villages africains et la montée sur les bateaux. Certains chercheurs ont estimé que sur dix personnes capturées, une seule embarquait vers le continent américain[9]

Dans les colonies, des missionnaires travaillent également à l'amélioration du traitement des esclaves. Eux-mêmes ont l'autorisation de faire exploiter des terres par des esclaves en quantité limitée et à des fins non lucratives. En 1771, Émilien Petit écrivait dans Droit public ou gouvernement des colonies françaises que les missionnaires ne pouvaient pas « étendre leur habitation au-delà de ce qu'il faut de terre pour employer cent nègres[10] » ; « Le produit du travail de cent nègres a dû et doit suffire à l'entretien des hospices de chaque mission[11] ». D'après Émilien Petit, les biens des missionnaires dépassaient néanmoins les prescriptions :

« Les dominicains ont à la Martinique une sucrerie et cinq cents esclaves (...) à Saint-Domingue, une sucrerie et plus de deux cents Noirs ; (...) Les jésuites avaient à Cayenne et dans le Continent (la Guyane) deux belles sucreries, une cacaotière considérable, une vaste ménagerie ; et sur ces différentes possessions, au moins neuf cents Noirs[12] »

Le 4 mars 1789, la Constitution américaine entre en vigueur et ne remet pas en cause l'esclavage pratiqué dans le sud des États-Unis. L'une de ses dispositions permet aux propriétaires d'esclaves de calculer le nombre de suffrages à partir de l'équation : 1 noir = 3/5 d'un blanc[réf. nécessaire].

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Ouvrages historiques

[modifier] Témoignages

[modifier] Notes et références

  1. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.54 et 144
  2. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.146
  3. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.147
  4. F.-X. Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, 2006, p.147
  5. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.215
  6. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.149
  7. François-Xavier Fauvelle-Aymar, Histoire de l'Afrique du Sud, Paris, Seuil, 2006, (ISBN 2020480034), p.145
  8. Voir par ex. le procès perdu par Isaac Mendès France, trafiquant du XVIIIe siècle, contre la Couronne de France, pour « importation » des esclaves congolais Gabriel Pampy et Amynte Julienne, et qui purent donc reprendre leur liberté.
  9. Par ailleurs, il a été démontré que la mortalité était plus importante chez les marins que chez les esclaves transportés, cela venant du fait que le trajet triangulaire était plus long pour eux, jusqu'à deux ans, et qu'ils étaient particulièrement vulnérables aux maladies contractées sur la côte africaine.
  10. Op. cit., p.502
  11. Op. cit., p.503
  12. Op.cit., p. 497 (cité par Sala-Molins)