Désamortissement en Espagne

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Le désamortissement (desamortización en espagnol) fut un long processus historico-économique entamé en Espagne à la fin du XVIIIe siècle (1798) par Manuel Godoy et qui ne s'est terminé qu'au XXe siècle (le 16 décembre 1924). Dans d'autres pays un phénomène aux caractéristiques similaires s'est également déroulé.

Le désamortissement consista à mettre aux enchères publiques des terres et des biens non productifs détenus par les dénommées «mainmortes», dans l'immense majorité des cas l'Église catholique ou les ordres religieux, ainsi que des territoires appartenant à la noblesse, qui les avaient accumulés, étant fréquemment bénéficiaires de donations ou de testaments.

L'objectif était l'augmentation de la richesse nationale et la création d'une bourgeoisie et d'une classe moyenne de travailleurs propriétaires. De plus, le Trésor public obtenait ainsi des revenus très importants, grâce auxquels il prétendait amortir les titres de dette publique.

Le désamortissement devint la principale arme politique avec laquelle les libéraux s'attaquèrent au régime de propriété de l'Ancien Régime, pour implanter le nouvel État bourgeois durant la première moitié du XIXe siècle.

Sommaire

[modifier] Chronologie

[modifier] Premier désamortissement: Charles III et Charles IV

La première étape du désamortissement en Espagne fut menée entre 1766 et 1808. Entre 1800 et 1808, c'est Manuel Godoy qui contrôla le processus, au cours duquel furent vendus les biens de la Compagnie de Jésus, d'hôpitaux, d'hospices ainsi que de diverses œuvres de bienfaisance et École supérieures

[modifier] Second désamortissement: Joseph Ier

Joseph Ier d'Espagne réalisa également un petit désamortissement qui n'impliqua la suppression de la possession mais uniquement la confiscation de ses rentes pour le ravitaillement et les dépenses de guerre des troupes françaises, si bien qu'en 1814 la situation revint à son état antérieur.

[modifier] Troisième désamortissement: Mendizábal

Au cours du Triennat libéral (1820-1823) furent menés d'autres désamortissements tout aussi peu ambitieux et qui furent de même annulés suite à la chute du régime libéral.

Celui lancé par Mendizábal, ministre de la régente Marie-Christine de Bourbon-Siciles, en 1836, eut cependant d'importantes conséquences dans l'histoire sociale d'Espagne. Il convient de remarquer que ses résultats ne furent pas gérés par Mendizábal mais par ses successeurs, étant donné qu'il ne fut plus ministre à partir de mai 1836.

La division des terrains mis en vente fut confiée à des comissions municipales qui s'arrangèrent pour que seuls des membres de la riche oligarchie puissent acquérir la plus grande partie d'entre eux, privant les petits propriétaires des bénéfices du désamortissement et empêchant la création d'une véritable bourgeoisie ou classe moyenne, qui auraient pu sortir le pays de son marasme économique.

Les terrains sujets à désamortissement par le gouvernement furent uniquement des propriétés des ecclésiastiques, essentiellement ceux qui n'étaient plus cultivés. En dépit du fait qu'une grande partie du patrimoine de l'Église fut alors réquisitionné, celle-ci ne reçut rien en échange. Pour cette raison, l'Église prit la décision d'excmommunier aussi bien les expropriateurs que les acheteurs des terres, ce qui dissuada en grande partie les gens d'en faire l'acquisition et obligea à baisser fortement leur prix, rabaissant par la-même le bénéfice escompté par l'État.

[modifier] Quatrième désamortissement: Espartero

Le 2 septembre 1841, le régent nouvellement nommé, le progrssiste Baldomero Espartero, imposa le désamortissement des biens du clergé séculier. La loi ne fut maintenue que trois petites années et, à la chute du parti progresssiste, la loi fut dérogée.

en 1845, durant la décennie modérée, le gouvernement tenta de rennouer les liens avec l'Église, ce qui amena à la signature du Concordat de 1851.

[modifier] Cinquième désamortissement: Madoz

En 1855, au cours du second gouvernement d'Espartero, son ministre des Finances, Pascual Mendoz, réalisa un nouveau désamortissement, qui fut mieux contrôlé que celui de Mendizábal. Le 1er mai 1955, le processus était annoncé dans la Gaceta de Madrid, et le 31 était donnée les instructions de mise en œuvre.

Une grande partie des propriétés de l'État, du clergé, des ordres militaires (Ordre de Santiago, d'Alcántara, de Calatrava de Montesa et de Malte), des confréries, des œuvres pieuses, des sanctuaires, de l'ex-infant Don Carlos, des municipalités et de l'Instruction publique étaient mises en vente.

Ce fut de très loin le désamortissement le plus important, aussi bien en terme de volume de ventes que de durée et de changements dans le régime propriétaire. Cependant les historiens se sont beaucoup plus intéressés à celui de Mendizábal.

Après avoir été le motif d'affrontements entre conservateurs et libéraux, on reconnaît aujourd'hui unanimement la nécessité d'en finir avec les biens de main morte pour favoriser le développement économique du pays.

À l'exception d'une mise en suspens entre le 14 octobre 1956 et le 2 octobre 1858, pendant le gouvernement de Leopoldo O'Donnell, les ventes se poursuivirent jusqu'à la fin du XXe siècle.

En 1867 un total de 198 523 propriétés rurales et 27 442 propriétés urbaines avaient été mises en vente. L'État avait engrangé 7 856 000 000 réaux entre 1855 et 1895, pratiquement le double de ce qui avait été obtenu avec le désamortissement de Mendizábal. L'argent servit fondamentalement à combler le déficit dans le budget de l'État, à amortir la dette publique et financer des travaux publics, 30 millions de réaux étant réservés à la rénovation des églises du pays.

Ce processus a été traditionnellement dénommé désamortissement civil (desamortización civil), terme inexact car, bien qu'un grand nombre des ventes concernât des terrains qui avaient fait la propriété communale des localités, ce qui constituait en soi une nouveauté, de nombreux biens appartenenant à l'Église, en particulier le clergé séculier, furent également mis en vente.

Les calculs attestent qu'au total, 30% des biens soumis à désamortissement appartenaient à l'Église, 20 % à des œuvres de bienfaisance, et 50% aux municipalités, essentiellement des villages.

Le statut municipal de José Calvo Sotelo de 1924 dérogea définitivement les lois de désamortissement des biens des villages, et par là-même le désamortissement de Madoz.

[modifier] Conséquences

[modifier] Sociales

Les déséquiblibres dans la mise en œuvres des différents processus de désamortissement eurent pour répercussions l'accentuation de certains traits caractéristiques de la répartition de la propriété terrienne en Espagne: le nord caractérisé par la présence majoritaire d'exploitations rurales de taille modeste ou moyenne, le sud étant au contraire dominé par le Latifundium. Selon les travaux de l'historien Richard Herr, le désamortissement ne fit rien de plus que concentrer la propriété dans chaque région, et en proportion du degré existant auparavant; il n'y eut par conséquent pas de changement radical dans la structure de la propriété.

les parcelles de taille réduite qui furent mises en vente furent achetées par les habitants des localités avoisinantes, tandis que les plus grandes furent acquises par des personnes plus riches, qui vivaient généralement dans des villes relativement éloignées de la propriété.

Dans la zone méridionale du pays, où dominait le latifundium, il n'y avait pas de petits agrictuleurs ayant les moyens financier d'enchérir au cours des mises en vente des grands propriétés, ce qui renforça la concentration terrienne. Cependant ce phénomène ne se produisit pas au nord du pays.

Un autre problème fut celui soulevé par la privatisation des biens des municipalités. De nombreux paysans se virent affectés par le processus, en se voyant privés de certaines ressources importantes pour eux (bois de chauffage, pâturages etc.), ce qui accentua la tendance à l'exode rural, pour se rendre vers les zones industrialisées du pays ou émigrer en Amérique. Ce phénomène migratoire atteignit des niveaux très élevés à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.

[modifier] Économiques

  • Assainiseement du Trésor Public, qui collecta plus de 14 milliards de réaux grâce aux enchéres.
  • Augmentation des surfaces cultivées, de la productivité agricole et de la monoculture, grâce aux nouveaux investissements effectués par les propriétaires. En Andalousie par exemple, la culture de l'olivier et de la vigne s'étendirent considérablement. le désamortissement eut cependant des conséquences environnementales négatives, notamment en accélérant le phénomène de déforestation.

[modifier] Culturelles

De nombreux tableaux et livres appartenant aux monastères furent vendus à prix réduits et se retrouvèrent dans d'autres pays; une grande partie d'entre eux furent cependant acquis par les bibliothèques publiques ou les universités. De nombreux édifices présentant un intérêt artistique furent laissés à l'abandon et tombèrent en ruine; d'autres en revanche devinrent des édifices publics et furent conservés pour des musées ou d'autres institutions.

[modifier] Politiques et idéologiques

Le désamortissement permit la consolidation du régime politique libéral, étant donné que tous ceux qui faisaient l'acquisition de nouvelles terres se trouvaient de fait liés et d'une certaine manière redevables envers nouvel État libéral.

[modifier] Autres

Le désamortissement des couvents contribua à la transformation du schéma urbain, en favorisant le passage de bon nombre des grandes villes d'un modèle de ville conventuel, avec de grands édifices religieux, à la ville bourgeoise, avec des constructions plus aériennes; les anciens édifices religieux connurent de nouvelles utilisations; nombre d'entre eux devinrent des édifices publics (musées, casernes, hôpitaux etc.), d'autres furent détruits afin d'ouvrir de nouvelles rues ou de permettre l'élargissement de celles déjà existantes; quelques uns devinrent des lieux de rassemblement paroissiaux ou furent mis aux enchéres et passèrent dans des mains privées.

[modifier] Bibliographie

  • Antonio Escudero, J,. Curso de Historia del Derecho, Madrid, 1985, p.851 et suivantes et autres œuvres.
  • Francisco Martí, Gilabert, La desamortización española,Ediciones Rialp S.A, (2003) (ISBN 84-321-3450-3)
  • Cuadernos historia 16. Jose Maria Moro. "La desamortización"

[modifier] Source

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