Clément Rosset

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Clément Rosset, né le 12 octobre 1939 à Carteret, est un philosophe français.

Entré à l’École normale supérieure en 1961, Clément Rosset devient agrégé de philosophie en 1965. Il enseigne la philosophie à Montréal de 1965 à 1967, puis à Nice jusqu’en 1998. Depuis il se consacre à son œuvre. Il vit à Paris.

Son style se caractérise par un refus du jargon, et sa pensée est centrée sur une vision tragique de l’existence humaine, où il met en évidence l’utopie vécue par les hommes comme le « double » de la réalité : « pour échapper au sentiment de mourir, les hommes regardent ailleurs, et préfèrent fuir ce qui est pour adorer ce qui n’est pas » (interview dans Le Point).

Ses premiers essais, consacrés à Schopenhauer, donnent le ton d’un philosophe qui tente de concilier désespoir et savoir-vivre.

Ses premiers essais personnels (La logique du pire, l’anti-nature), tentent de déduire une philosophie joyeuse et approbatrice d’un monde où le pire est la seule chose certaine. Le pire, est ce qui existe, la réalité antérieure aux idées de sens, d’ordre ou de nature. Dans la trilogie qui suit (Le réel et son double ; le réel, traité de l’idiotie ; l’objet singulier), Rosset tente de préciser les attributs de cette réalité indéterminable et « in-signifiante ». La thèse essentielle de Rosset est celle-ci : la difficulté de penser le réel tient a ce qu’il ne manque de rien, qu’il se suffit à lui-même, qu’il se passe de tout fondement (car au fond, il n’y a rien à expliquer, rien à comprendre). D’où la thèse majeure du Réel et son double : le réel est ce qui est sans double et le fantasme du double trahit toujours le refus du réel. L’ontologie du réel sur laquelle débouche cette réflexion a la particularité de ne pas reposer sur la pensée de son être ou de son unité, mais de s’en tenir à sa seule singularité, ce qui n’est possible que par la grâce d’une joie sans raison. Le réel auquel j’ai accès, aussi infime soit-il, en rapport de l’immensité qui m’échappe, doit être tenu pour le bon. Tout le reste est chimères et balivernes.

Les influences principales – Schopenhauer mis à part – de Rosset sont affirmées dès ses premiers livres. Elles correspondent à ses premières lectures. S’il a pu s’éloigner quelque peu, à partir du Réel et son double, de sa philosophie dite tragique, ces influences restent, explicitement ou implicitement, prégnantes dans tous ses ouvrages. Le philosophe cardinal de Rosset est Nietzsche, matrice de son premier ouvrage. Il lui est, pour ainsi dire, toujours resté fidèle et le cite dans pratiquement tous ses livres. L’un des livres essentiels de Rosset, La Force majeure, consacre un long chapitre décisif à Nietzsche, dans lequel Rosset développe des analyses brillantes et originales du philosophe allemand, en rupture avec les interprétations qui faisaient autorité dans les années 60-70 chez les philosophes français. Rupture plus ou moins prononcée avec Foucault, Derrida, Deleuze, Blanchot, Bataille, Klossowski, et d’autres, pour mettre en lumière un Nietzsche foncièrement affirmateur et joyeux, et en outre, musicien, aspect trop méconnu des commentateurs. Ces "Notes sur Nietzsche" constituent un apport crucial au développement de la pensée de Rosset en ce que chaque point remarquable de la philosophie de Nietzsche, toujours lumineusement exposé, apparaît conciliable avec la philosophie de Rosset lui-même. On trouvera des analyses du rapport entre Nietzsche et Rosset sur l’Atelier Clément Rosset[1].

Outre l’influence déterminante de Nietzsche, on peut souligner celles de Lucrèce, Montaigne, Pascal, Spinoza et Hume - et, à certains égards, Deleuze, voire Lacan. Plus tard, revenant sur une condamnation trop hâtive, Rosset verra en Parménide la voix puissante de l’idiotie du réel (Principes de sagesse et de folie) contre l’interprétation métaphysique qui en fut faite par toute une lignée de philosophe de Platon à Heidegger. Enfin, reste à noter les sources littéraires, musicales et autres, innombrables, qui irriguent constamment ses ouvrages. N’en citons que quelques uns, en vrac : Aristophane, Shakespeare, Sophocle, Balzac, Marivaux, Cervantes, Proust, Faulkner, Mozart, Ravel, de Falla, Cioran, etc.

Les études rossétiennes sont peu développées. Mis à part quelques rares thèses méconnues, deux petits livres d’introduction de R. del Hierro et un article de P. Mengue dans Critique, il n’est pas exagéré de dire que Rosset n’a pas (encore) fait école et que ces études n’en sont qu’à leurs balbutiements. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir produit une pensée réellement originale, forte et féconde. Seulement, l’aspect très littéraire, désinvolte et le caractère succinct et accessible de ses livres font que ni l’université ni le public philosophique français n’ont estimé à sa juste valeur une philosophie qui mérite qu’on s’y attarde. Mentionnons le site, fourni, de l’Atelier Clément Rosset ([1]), sur lequel on trouvera de nombreux articles et notes, ainsi que quelques discussions, des liens et une bibliographie (presque) complète.

[modifier] Notes

[modifier] Œuvres

  • La Philosophie tragique, Paris, Presses Universitaires de France, 1961 ISBN 213054066X
  • Le Monde et ses remèdes, Paris, Presses universitaires de France, Paris, 1964 ISBN 213050941X
  • Lettre sur les chimpanzés : plaidoyer pour une humanité totale, Paris, Gallimard, 1965, rééd. 1999 ISBN 2070755282
  • Schopenhauer, philosophe de l’absurde, Paris, Presses universitaires de France, 1967 ISBN 213042130X
  • L’Esthétique de Schopenhauer, Paris, Presses universitaires de France, 1969 ISBN 2130421296
  • (sous le pseudonyme de Roger Crémant) Les matinées structuralistes, suivies d’un Discours sur l’écrithure (sic), Paris, R. Laffont, 1969
  • Logique du pire : éléments pour une philosophie tragique, Paris, Quadrige, 1971 ISBN 2130450563
  • L’Anti-nature : éléments pour une philosophie tragique, Paris, Presses Universitaires de France, 1973 ISBN 2130539572
  • Le réel et son double : essai sur l’illusion, Paris, Gallimard, 1976 ISBN 2070327515
  • Le Réel : Traité de l’idiotie, Paris, Éditions de Minuit, 1977 ISBN 2707318647
  • Propos sur le cinéma, Paris, Presses universitaires de France, 1977 ISBN 2130520219
  • L’Objet singulier, Paris, Éditions de Minuit, 1979, ISBN 2707302856
  • La Force majeure, Paris, Éditions de Minuit, 1983 ISBN 2707306584
  • Le Philosophe et les sortilèges, Paris, Éditions de minuit, 1985 ISBN 2707310115
  • Le Principe de cruauté, Paris, Éditions de Minuit, 1988, ISBN 2707311804
  • Principes de sagesse et de folie, Paris, Éditions de Minuit, 1991, ISBN 2707314021
  • Le Démon de la tautologie, Paris, Éditions de Minuit, 1997 ISBN 2707316156
  • Route de nuit : épisodes cliniques, Paris, Gallimard, 1999 ISBN 2070756181
  • Le Réel, l’imaginaire et l’illusoire, Biarritz, Distance, 2000 ISBN 2908960125
  • Loin de moi : étude sur l’identité, Paris, Éditions de Minuit, 2001, ISBN 2707316911
  • Le Régime des passions, Paris, Éditions de Minuit, 2001 ISBN 2707317640
  • Impressions fugitives : L’ombre, le reflet, l’écho, Paris, Éditions de Minuit, 2004 ISBN 2707318531
  • Fantasmagories, Paris, Éditions de Minuit, 2005 ISBN 2707319384
  • L’Ecole du réel, Paris, Éditions de Minuit, 2008 ISBN 2707320193
  • Nuit de mai, Paris, Éditions de Minuit, 2008 ISBN 2707320209
  • Une passion homicide, Paris, Presses universitaires de France, 2008 ISBN 2130565406

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

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