Maurice Ravel

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Maurice Ravel
Maurice Ravel assis au piano en 1912,
dans son appartement de l'avenue Carnot à Paris.

Nom Joseph Maurice Ravel
Naissance 7 mars 1875
Ciboure, France
Pays d’origine France France
Décès 28 décembre 1937
Paris, France
Profession(s) Compositeur
Genre(s) Musique classique

Joseph Maurice Ravel (Ciboure, Pyrénées-Atlantiques, 7 mars 1875Paris, 28 décembre 1937) était un compositeur français de l’époque moderne. Son œuvre, fruit d'une recherche obstinée de perfection et d'un héritage s'étendant de Rameau aux pionniers du jazz, dénote un style original qui, après avoir participé au début du siècle du mouvement impressionniste, s'orienta vers un néoclassicisme plus dépouillé. Reconnu comme un maître de l’orchestration et un artisan méticuleux, cet homme à la personnalité complexe ne s'est jamais départi d'une sensibilité et d'une expressivité qui, selon Le Robert, lui firent évoquer dans son œuvre à la fois « les jeux les plus subtils de l’intelligence » et « les épanchements les plus secrets du cœur ».

Assez peu prolifique (quatre-vingt-six œuvres originales, vingt-cinq œuvres orchestrées ou arrangées), la production musicale de Ravel présente une proportion élevée d'œuvres reconnues comme majeures. Parmi celles-ci le ballet symphonique Daphnis et Chloé (1912), le Boléro (1928), les deux concertos pour piano et orchestre (pour la main gauche, 1929-31 ; en sol majeur, 1930-31) et l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski (1922) sont celles qui ont le plus contribué, depuis des décennies, à la renommée internationale du musicien.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] 1875–1900 : l’apprentissage

[modifier] Enfance heureuse

Joseph Ravel et Marie Delouart, parents de Maurice Ravel. Détails des portraits exposés à Montfort-l’Amaury.
Joseph Ravel et Marie Delouart, parents de Maurice Ravel. Détails des portraits exposés à Montfort-l’Amaury.

Maurice Ravel naquit le 7 mars 1875 quai de la Nivelle à Ciboure, dans les Pyrénées-Atlantiques. Son père, Joseph Ravel (18321908), d'ascendance suisse et savoyarde (Ravex),[1] était un ingénieur renommé qui travailla notamment pour l'industrie automobile et étendit les recherches de Lenoir sur les moteurs à explosion. Sa mère, Marie Delouart-Ravel (18401917), était une basque, descendante d’une vieille famille espagnole (Deluarte). Il eut un frère, Édouard Ravel (18781960) avec lequel il eut toute sa vie de forts liens affectifs.[2]

En juin 1875, la famille Ravel se fixa définitivement à Paris. La légende qui veut que l’influence de l’Espagne sur l’imaginaire musical de Maurice Ravel soit liée à ses « origines basques » est donc exagérée, d’autant que le musicien ne retourna pas au Pays basque avant l’âge de vingt-cinq ans. En revanche, il revint régulièrement par la suite séjourner à Saint-Jean-de-Luz et dans ses environs pour y passer des vacances ou pour travailler.

L’enfance de Ravel fut heureuse. Ses parents, attentionnés et cultivés, familiers des milieux artistiques, surent très tôt éveiller son don musical et encourager ses premiers pas. Le petit Maurice commença l’étude du piano à l’âge de six ans sous la férule d’Henry Ghys et reçut ses premiers cours de composition de Charles René (harmonie et contrepoint). Le climat artistique et musical prodigieusement fécond de Paris à la fin du XIXe siècle ne pouvait que convenir à l’épanouissement de l'enfant Ravel qui cependant, au désespoir de ses parents et de ses professeurs, reconnut plus tard avoir joint à ses nombreuses dispositions « la plus extrême paresse. » [3]

« Tout enfant, j’étais sensible à la musique — à toute espèce de musique. Mon père, beaucoup plus instruit dans cet art que ne le sont la plupart des amateurs, sut développer mes goûts et de bonne heure stimuler mon zèle. » (Ravel, Esquisse autobiographique, 1928).[4]

[modifier] Avenir prometteur

Gabriel Fauré (1845–1924) fut le professeur de Ravel qui lui dédia ses Jeux d'eau et son Quatuor.
Gabriel Fauré (1845–1924) fut le professeur de Ravel qui lui dédia ses Jeux d'eau et son Quatuor.

Entré au Conservatoire de Paris en 1889, Ravel fut l’élève de Charles de Bériot et se lia d’amitié avec le pianiste espagnol Ricardo Viñes, qui devint l’interprète attitré de ses meilleures œuvres et avec qui il rejoignit plus tard la Société des Apaches. Enthousiasmé par la musique de Chabrier et de Satie, admirateur de Mozart,[5] Saint-Saëns, Debussy et du groupe des Cinq, influencé par la lecture de Baudelaire, Poe, Condillac, Villiers de L’Isle-Adam et surtout de Mallarmé, Ravel manifesta précocement un caractère affirmé et un esprit musical très indépendant. Ses premières compositions en témoignèrent : elles étaient déjà empreintes d’une personnalité et d’une maîtrise telles que son style ne devait guère connaître d’évolution par la suite : Ballade de la reine morte d’aimer (1894), Sérénade grotesque (1894), Menuet antique (1895) et les deux Sites auriculaires pour deux pianos (Habanera, 1895 et Entre cloches, 1897).

1897 vit entrer Ravel dans la classe de contrepoint d’André Gedalge et Gabriel Fauré devenir son professeur de composition ; deux maîtres dont il reçut l'enseignement avec comme condisciple Georges Enesco. Fauré jugea le compositeur avec bienveillance, saluant « un très bon élève, laborieux et ponctuel » et une « nature musicale très éprise de nouveauté, avec une sincérité désarmante ».[6] Les deux artistes devaient se vouer leur vie durant une grande estime réciproque. À la fin de ses études, Ravel composa une ouverture symphonique pour un projet d'opéra baptisé Shéhérazade (ouverture créée en mai 1899 sous les sifflets du public, à ne pas confondre avec les trois poèmes de Shéhérazade pour voix de femme et orchestre datés de 1903), et la célèbre Pavane pour une infante défunte qui reste son œuvre pour piano la plus jouée par les mélomanes amateurs, même si son auteur ne l’estimait pas beaucoup.[7]

À la veille du XXe siècle, le jeune Ravel était déjà un compositeur reconnu, et ses œuvres discutées. Pourtant son accession à la célébrité n’allait pas être chose aisée. L’audace de ses compositions et son admiration proclamée pour les « affranchis » Chabrier et Satie allaient lui valoir bien des inimitiés parmi le cercle des traditionalistes.

[modifier] 1900–1918 : la grande période

[modifier] Prix de Rome : « l'affaire Ravel »

Les cinq échecs du compositeur au Prix de Rome (1900, 1901, 1902, 1903, 1905) se dessinèrent ainsi sur fond de querelle entre conservateurs et tenants du modernisme. Éliminé aux épreuves préparatoires en 1900, Ravel n'obtint qu'un Deuxième Second Grand prix en 1901 [8] (derrière André Caplet et Gabriel Dupont) pour sa cantate Myrrha inspirée du Sardanapale de Lord Byron, malgré les éloges de Saint-Saëns auquel le compositeur paraissait « appelé à un sérieux avenir ».[9] Ce fut la seule récompense obtenue par Ravel, qui échoua de nouveau en 1902 (cantate Alcyone d'après Les Métamorphoses d'Ovide) et 1903 (cantate Alyssa sur un texte de Marguerite Coiffier) avant d'être exclu en plein concours en 1905 pour avoir dépassé de quelques semaines la limite d’âge.[10] Largement relayée par la presse, cette dernière affaire provoqua un scandale qui suscita, par-delà le monde musical, un courant de sympathie pour le compositeur, et contraignit à la démission le directeur du Conservatoire de Paris, Théodore Dubois, qui fut remplacé par Fauré. Au-delà du tapage médiatique, ce qu'on appela « l’affaire Ravel » contribua à faire connaître le nom du musicien.

« Ravel n’est pas seulement un élève qui donne des promesses; il est dès à présent un des jeunes maîtres les plus en vue de notre école, qui n’en compte pas beaucoup. [...] Un tel musicien fait honneur au concours. [...] C’est le devoir de chacun de protester contre un jugement qui, même s’il est conforme à la justice littérale, blesse la justice réelle de l’art. » (Romain Rolland, mai 1905).[11]

[modifier] Premiers chefs-d’œuvre

C’est avec les Jeux d’eau pour piano, datés de 1901, que s’affirma pour de bon la personnalité musicale de Ravel, qui allait rester profondément indépendante dans la richesse du patrimoine musical de l’époque. Bien qu'ayant longtemps porté l’étiquette de « debussyste »,[12] il s'avéra que Ravel lui-même avait eu une influence sur Debussy, visible notamment dans les Estampes pour piano (1903). Les critiques musicaux aidant (en particulier Pierre Lalo du Temps, l'un des plus farouches adversaires de la musique de Ravel), cette influence mutuelle fut assez vite vécue comme une dualité par Debussy ; les deux hommes ne furent pas amis et n'eurent jamais que des relations strictement professionnelles.

Dès cette époque s'affirmèrent les traits ravéliens les plus caractéristiques. Réserve, pudeur, raffinement mélodique, goût pour les sonorités hispaniques et orientales, pour l’exotisme et le fantastique, recherche de la perfection formelle irradièrent l'œuvre du compositeur au cours de la période qui s’étendit de 1901 à 1908, à laquelle appartiennent notamment le Quatuor à cordes en fa majeur (1902), les mélodies de Shéhérazade sur des poèmes de Tristan Klingsor (1904), les Miroirs et la Sonatine pour piano (1905), l'Introduction et allegro pour harpe (1906), la Rapsodie espagnole (1908) et la suite Ma Mère l'Oye (1908) qu'il dédia aux enfants de ses amis Ida et Cipa Godebski,[13] puis son grand chef-d’œuvre pianistique, Gaspard de la nuit (1908), inspiré du poème éponyme d’Aloysius Bertrand.

[modifier] Succès et déceptions

Évocation symphonique de la Grèce antique, le ballet Daphnis et Chloé est l’œuvre la plus longue écrite par Ravel. Dans de grandioses décors conçus par Léon Bakst, l'œuvre fut créée le 8 juin 1912 avec un accueil d'abord mitigé.
Évocation symphonique de la Grèce antique, le ballet Daphnis et Chloé est l’œuvre la plus longue écrite par Ravel. Dans de grandioses décors conçus par Léon Bakst, l'œuvre fut créée le 8 juin 1912 avec un accueil d'abord mitigé.

Avril 1909 trouva Ravel à Londres, chez Ralph Vaughan Williams, pour sa première tournée de concerts à l’étranger. Il put à cette occasion découvrir qu’il était déjà connu et apprécié outre-Manche. Il fut en 1910 (avec Charles Koechlin et Florent Schmitt notamment) l’un des fondateurs de la Société Musicale Indépendante (S.M.I.) créée pour promouvoir la musique contemporaine, par opposition à la Société nationale de musique, plus conservatrice, alors présidée par Vincent d’Indy et liée à la Schola Cantorum. La S.M.I., très active jusqu'au milieu des années 1930, donna en première audition un grand nombre des œuvres de Ravel et contribua à faire connaître la musique de la jeune école française (Aubert, Caplet, Delage, Huré, Koechlin, Schmitt, etc.) et celle de compositeurs d'avant-garde alors peu diffusés en France (Ravel y invita notamment le jeune Béla Bartók).

Au début des années 1910, deux œuvres majeures donnèrent à Ravel des difficultés. L'Heure espagnole, premier ouvrage lyrique du compositeur, écrit sur un livret de Franc-Nohain, fut achevé en 1907 et créé en 1911. L'opéra fut mal accueilli par le public et surtout par la critique (le mot pornographie fut lâché). Ni l’humour savoureux du livret ni les hardiesses orchestrales de Ravel n’ont été compris. Parallèlement, pour répondre à une commande de Serge de Diaghilev dont les Ballets russes triomphaient à Paris, Ravel composa à partir de 1909 le ballet Daphnis et Chloé. Cette symphonie chorégraphique, qui utilise des chœurs sans paroles, est une vision de la Grèce antique que Ravel voulait proche de celle que les peintres français du XVIIIe siècle avaient donnée. L’argument de l’œuvre fut co-rédigé par Michel Fokine et Ravel lui-même. Il s’agit de l’œuvre la plus longue du compositeur, et celle dont la composition fut la plus laborieuse. Là encore l’accueil fut inégal après la création en juin 1912, deux ans après le triomphe du révolutionnaire Oiseau de feu de Stravinsky. Ce semi-échec provoqua pour longtemps l'amertume de Ravel.

1913. Homme engagé, Ravel soutint sans conditions son ami Stravinski lors de la création tumultueuse du Sacre du printemps à Paris.[14] Cette période qui précédait la guerre, Ravel la décrivit plus tard comme la plus heureuse de sa vie. Il habitait alors un appartement de la prestigieuse avenue Carnot, près de la place de l’Étoile.

[modifier] La guerre

Maurice Ravel en 1912, « l'année des ballets » (création de Daphnis et Chloé, orchestrations de Ma Mère l'Oye et des Valses nobles et sentimentales).
Maurice Ravel en 1912, « l'année des ballets » (création de Daphnis et Chloé, orchestrations de Ma Mère l'Oye et des Valses nobles et sentimentales).

Août 1914. La Première Guerre mondiale surprit Ravel en pleine composition de son Trio en la majeur qui fut finalement créé en 1915. Dès le début du conflit, le compositeur chercha à se faire engager, mais, déjà exempté de service militaire en raison de sa petite taille, il fut refusé pour être « trop léger de deux kilos ».[15] Dès lors, l’inaction devint une torture pour Ravel. À force de démarches, il finit par se faire engager comme conducteur de camion (mars 1916) et fut envoyé près de Verdun. Depuis le front, tandis que Debussy tombait dans les travers du nationalisme,[16] Ravel fit une démonstration éclatante de sa probité artistique en refusant, au risque de voir sa propre musique bannie des concerts, de prendre part à la Ligue nationale pour la défense de la musique française, organisation créée en 1916 qui faisait de la musique un outil de propagande nationaliste et interdisait entre autres la diffusion en France des œuvres allemandes et austro-hongroises.

« [...] Je ne crois pas que « pour la sauvegarde de notre patrimoine artistique national » il faille « interdire d'exécuter publiquement en France des œuvres allemandes et autrichiennes contemporaines non tombées dans le domaine public ». [...] Il serait même dangereux pour les compositeurs français d'ignorer systématiquement les productions de leurs confrères étrangers et de former ainsi une sorte de coterie nationale : notre art musical, si riche à l'heure actuelle, ne tarderait pas à dégénérer, à s'enfermer en des formules poncives. Il m'importe peu que M. Schönberg, par exemple, soit de nationalité autrichienne. Il n'en est pas moins un musicien de haute valeur, dont les recherches pleines d'intérêt ont eu une influence heureuse sur certains compositeurs alliés, et jusque chez nous. Bien plus, je suis ravi que MM. Bartók, Kodály et leurs disciples soient hongrois et le manifestent dans leurs œuvres avec tant de saveur. [...] D'autre part je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire prédominer en France, et de propager à l'étranger toute musique française, quelle qu'en soit la valeur. Vous voyez, Messieurs, que sur bien des points mon opinion diffère suffisamment de la vôtre pour ne pas me permettre l'honneur de figurer parmi vous. » (Ravel, 7 juin 1916) [17]

Victime selon toute vraisemblance d’une péritonite à la fin de 1916, Ravel fut opéré avant d’être démobilisé.[18] La mort de sa mère, en janvier 1917, le plongea dans un tourment sans comparaison avec celui causé par la guerre — il ne devait jamais vraiment s’en remettre.[19] Mais son activité créatrice, bien que ralentie, résista à ces épreuves accumulées. Il acheva cette année-là six pièces pour piano regroupées sous le titre du Tombeau de Couperin, suite dans un style néoclassique français qu’il dédia à des amis morts à la guerre.[20]

Jusqu’à 1919, traumatisé par le conflit autant que par la perte de sa mère, Ravel traversa une période de silence et de doute que vinrent seulement interrompre deux commandes cruciales, qui allaient aboutir plus tard à La Valse et à L'Enfant et les Sortilèges. Ainsi prenait fin la période la plus féconde de la vie créatrice du musicien, époque de laquelle date son image communément admise de dandy, homme volontiers froid, réservé, masqué derrière une affectation et une élégance soigneusement calculées. Mais rien mieux que ses chefs-d’œuvre de l’après-1918 n'allait laisser entrevoir sa vraie nature.

[modifier] 1918–1928 : Dépouillement

[modifier] L'héritage de Debussy

La mort de Claude Debussy (1862-1918), en qui Ravel voyait « un artiste incomparable, un individu au génie des plus phénoménaux », laissait au musicien la lourde tâche de conduire la musique française.
La mort de Claude Debussy (1862-1918), en qui Ravel voyait « un artiste incomparable, un individu au génie des plus phénoménaux »[21], laissait au musicien la lourde tâche de conduire la musique française.

La guerre, terminée, avait bouleversé la société et remis en cause les canons esthétiques hérités de ce qu'on appellerait bientôt la « Belle Époque » : les années d'après-guerre virent ainsi tout un pan de la musique européenne, de Sergueï Prokofiev (Symphonie classique) à Stravinski (Pulcinella), prendre un virage néoclassique auquel Ravel allait contribuer à sa manière. Pour les quelques douze années d’activité qui lui restaient, la production du musicien se ralentit considérablement (une œuvre par an en moyenne, en excluant les orchestrations) et son style évolua selon ses propres mots dans le sens d’un « dépouillement poussé à l'extrême ». Son art allait s’ouvrir dans le même temps aux innovations rythmiques et techniques venues de l’étranger, en particulier d’Amérique du Nord.

Les années passant, et après la mort de Claude Debussy en 1918, Ravel était désormais considéré comme le plus grand compositeur français vivant. La façon dont s'accommoda de ce nouveau statut celui qui déclara en 1928, à propos du public qui l'acclamait, « Ce n'est pas moi qu'ils veulent voir, c'est Maurice Ravel », dérouta plus d'un observateur. Ce fut d'abord, en 1920, la réaction désinvolte à sa promotion au rang de chevalier de la Légion d’Honneur : pour une raison qu'il ne précisa jamais, il ne prit même pas la peine de répondre à cette annonce.[22] Satie, brouillé avec lui depuis 1913, s’en amusa dans une boutade célèbre : « Ravel refuse la Légion d’Honneur mais toute sa musique l’accepte » [23]

Le premier chef-d’œuvre de l’après-guerre fut La Valse, poème symphonique dramatique commandé pour le ballet par Serge de Diaghilev et joué en première audition en avril 1920 en présence de Stravinski et Poulenc.[24] Ravel y défigurait sciemment la valse viennoise en dépeignant un « tourbillon fantastique et fatal », évocation musicale de l'anéantissement de la civilisation par la guerre récemment achevée. Mû désormais par un désir de dépouillement, se tournant vers une réaction en faveur de la mélodie, c’est à la mémoire de Debussy qu'il composa sa vaste Sonate pour violon et violoncelle que créa sa violoniste fétiche, Hélène Jourdan-Morhange (1922).

[modifier] Montfort-l’Amaury

En 1921, désireux de se fixer, Ravel acheta une maison à Montfort-l’Amaury dans les Yvelines, voulant acquérir « une bicoque à trente kilomètres au moins de Paris » : le “Belvédère”.[25] C’est dans cette maison, aujourd’hui un musée, qu’il devait composer la majeure partie de ses dernières œuvres. Cette époque vit la naissance des sensuelles Chansons madécasses, sur des poèmes d’Évariste de Parny (1923), dans lesquelles le musicien exprimait au passage son anticolonialisme (Aoua), et de la rhapsodie virtuose Tzigane (1924). Le Belvédère s’imprégna vite de la personnalité du musicien qui en fit, de son vivant même, un véritable musée (collection de porcelaines asiatiques, jouets mécaniques, horloges).

Ravel se fixa à Montfort-l'Amaury en 1921. Sa maison, le Belvédère, devint rapidement le point de ralliement du cercle ravélien.
Ravel se fixa à Montfort-l'Amaury en 1921. Sa maison, le Belvédère, devint rapidement le point de ralliement du cercle ravélien.

Bien que solitaire et pudique, Ravel eut une riche vie sociale. Le Belvédère de Montfort-l'Amaury devint rapidement le repaire incontournable du cénacle ravélien (entre autres l’écrivain Léon-Paul Fargue, les compositeurs Maurice Delage, Arthur Honegger, Jacques Ibert, Florent Schmitt, Germaine Tailleferre, les interprètes Marguerite Long, Robert Casadesus, Jacques Février, Madeleine Grey, Hélène Jourdan-Morhange, Vlado Perlemuter, le sculpteur Léon Leyritz, et les deux fidèles élèves de Ravel, Roland-Manuel et Manuel Rosenthal). Mais bien que tous les témoignages convergent pour louer chez lui une générosité et une loyauté indéfectibles, les apparences ne pouvaient entièrement cacher la solitude et la tristesse de cet homme,[26] qui trouva une échappatoire dans l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski, 1922, et dans une série de tournées à l’étranger (Pays-Bas, Italie, Angleterre, Espagne). La question de la sexualité du compositeur a souvent fait l'objet de gloses, sans qu'une réponse précise lui soit apportée. Ravel ne se maria jamais et aucune relation sentimentale, féminine ou masculine, ne lui est connue.[27]

[modifier] Lyrisme et blues

Ravel avait connu Colette dans les années 1900, quand ils fréquentaient les mêmes salons artistiques autour notamment de Cocteau et Debussy. C'est en 1925 qu'aboutit le projet commun des deux artistes d'une fantaisie lyrique baptisée L'Enfant et les Sortilèges. La genèse de cette œuvre avait débuté en 1919, quand Colette s'était vu proposer par Jacques Rouché, alors directeur de l’Opéra de Paris, la collaboration de Ravel pour mettre en musique un poème de sa main, intitulé au départ Divertissement pour ma fille. Accaparé par d'autres projets, Ravel n'y travailla vraiment qu'à partir de 1924, pour en tirer un opéra proche des actuelles comédies musicales, mêlant des genres aussi riches que variés, exprimant plus qu'il ne l'avait encore fait son penchant pour le monde de l'enfance et du fantastique. La création à Monte-Carlo en mars 1925 fut un succès, mais les représentations parisiennes de cette œuvre atypique donnèrent lieu à un accueil perplexe (le duo des chats notamment fit scandale). Colette a rapporté avec humour la relation purement professionnelle et distante dans laquelle Ravel la tint au cours de l’élaboration de ce projet.[28] Tandis qu’en 1927 était achevée la Sonate pour violon et piano (dont le second mouvement est intitulé Blues), Ravel s'apprêtait à devenir une des personnalités musicales les plus reconnues de son époque.

[modifier] 1928–1932 : la consécration

[modifier] La tournée américaine

Maurice Ravel au piano, accompagné par la cantatrice canadienne Éva Gauthier le 7 mars 1928, lors de sa tournée américaine. George Gershwin se tient debout, le plus à droite.
Maurice Ravel au piano, accompagné par la cantatrice canadienne Éva Gauthier le 7 mars 1928, lors de sa tournée américaine. George Gershwin se tient debout, le plus à droite.[29]

1928 fut pour Ravel une année particulièrement faste. De janvier à avril il effectua une gigantesque tournée de concerts aux États-Unis et au Canada [30] qui lui valut, dans chaque ville visitée, un immense succès.[31] Il se produisit comme pianiste dans sa Sonatine, accompagna sa Sonate pour violon et certaines de ses mélodies, dirigea l’orchestre, prononça des discours sur la musique dont aucun enregistrement direct ne nous est parvenu.[32] À New York il fréquenta les clubs de jazz de Harlem et se fascina pour les improvisations du jeune George Gershwin, auteur quatre ans plus tôt d'une retentissante Rhapsody in Blue et dont il appréciait particulièrement la musique. À celui-ci lui réclamant des leçons, Ravel répondit par la négative, argumentant : « Vous perdriez la grande spontanéité de votre mélodie pour écrire du mauvais Ravel. »[33] Dans cet esprit Ravel exhorta à plusieurs reprises les Américains à cultiver la spécificité de leur musique nationale.[34]

« Vous, les Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu'à mes yeux, c'est lui qui donnera naissance à la musique nationale des États-Unis. » (Ravel, 1928).[35]

[modifier] Boléro

Icône de détail Article détaillé : Boléro (Ravel)

De retour en France, Ravel s'attela à ce qui devait devenir son œuvre la plus célèbre et, malgré lui, l'instrument de sa consécration internationale. Après quelques tergiversations, le « ballet de caractère espagnol » que lui avait commandé son amie Ida Rubinstein en 1927 adopta le rythme d'un boléro andalou. Le Boléro fut créé à Paris le 22 novembre 1928 devant un parterre quelque peu stupéfié. Cette œuvre singulière, qui tient le pari de durer plus d’un quart d’heure avec seulement deux thèmes et une ritournelle inlassablement répétés, était considérée par son auteur comme une expérience d’orchestration « dans une direction très spéciale et limitée »,[36] et Ravel lui-même fut vite exaspéré par le succès de cette partition qu’il disait « vide de musique ». À propos d’une dame criant: « Au fou, au fou ! » après avoir entendu l’œuvre, le compositeur aurait confié à son frère : « Celle-là, elle a compris ! »[37]

La danseuse et riche mécène russe Ida Rubinstein (1885–1960), proche amie de Ravel, fut l’inspiratrice et la dédicataire du Boléro. Portrait de Valentin Serov.
La danseuse et riche mécène russe Ida Rubinstein (1885–1960), proche amie de Ravel, fut l’inspiratrice et la dédicataire du Boléro. Portrait de Valentin Serov.

En octobre 1928, Ravel fut fait docteur en musique honoris causa à l’Université d’Oxford.[38] Dans sa ville natale, il inaugura, en août 1930, le quai qui porte son nom.[39]

[modifier] Derniers chefs-d’œuvre

De 1929 à 1931, Ravel conçut ses deux derniers grands chefs-d’œuvre. Composés simultanément et créés à quelques jours d’intervalle en janvier 1932, les deux concertos pour piano et orchestre apparaissent comme la synthèse de l’art ravélien, combinant forme classique et style moderne empruntant au jazz. Mais ces deux œuvres frappent par leur contraste. Au Concerto pour la main gauche, œuvre grandiose baignée d’une sombre lumière et empreinte de fatalisme qu’il dédia au pianiste manchot Paul Wittgenstein, répondit l’éclatant Concerto en sol dont le mouvement lent constitue l’une des plus intimes méditations musicales du compositeur. Avec les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée, composées en 1932 sur un poème de Paul Morand, les concertos mirent un point final à la production musicale de Maurice Ravel.

Le temps d’une tournée triomphale en 1932 en compagnie de la pianiste Marguerite Long, qui diffusa le Concerto en sol dans toute l’Europe, Ravel prit une dernière fois la mesure de sa renommée. De retour en France, après avoir enregistré ce même concerto sous sa propre direction, il n’avait plus que des projets : notamment un ballet-oratorio, Morgiane, inspiré des Mille et Une Nuits, et un grand opéra, Jeanne d’Arc, d’après le roman éponyme de Joseph Delteil.

[modifier] 1933–1937 : une fin tragique

Jeanne d’Arc ou le grand rêve irréalisé du musicien frappé par la maladie.
Jeanne d’Arc ou le grand rêve irréalisé du musicien frappé par la maladie.[40]

À partir de l’été 1933, Ravel commença à présenter les signes d’une maladie neurologique qui allait le condamner au silence pour les quatre dernières années de sa vie. Troubles de l’écriture, de la motricité et du langage en furent les principales manifestations,[41] tandis que son intelligence était parfaitement préservée et qu’il continuait de penser sa musique, sans plus pouvoir bientôt l'écrire ni la jouer. L’opéra Jeanne d’Arc, auquel le compositeur attachait tant d’importance, ne devait jamais voir le jour. On pense qu’un traumatisme crânien consécutif à un accident de taxi dont il fut victime en octobre 1932 [42] précipita les choses, mais Ravel, qui souffrait depuis longtemps d'insomnies récurrentes, semblait conscient du trouble depuis le milieu des années 1920 (la thèse d’une démence de Pick est discutée).[43] Le public resta longtemps dans l’ignorance de la maladie. Chacune des rares apparitions publiques de Ravel lui valait un triomphe, ce qui rendit d’autant plus douloureuse son inaction.[44]

En 1935, sur proposition d’Ida Rubinstein, Ravel entreprit un ultime voyage en Espagne et au Maroc qui lui apporta un réconfort salutaire, mais vain. Le musicien se retira définitivement à Montfort-l’Amaury où, jusqu’à sa mort, il put compter sur la fidélité et le soutien de ses amis et de sa fidèle gouvernante, Madame Révelot. Le mal continua de progresser. Le 19 décembre 1937, malgré les réticences du musicien, le professeur Clovis Vincent tenta à Paris une intervention chirurgicale sur son cerveau dans l'hypothèse d'une atteinte tumorale. Ravel se réveilla un court moment après l’intervention, puis plongea définitivement dans le coma.[45] Il s'éteignit le 28 décembre 1937, à l’âge de 62 ans. Sa mort provoqua dans le monde une grande émotion, que la presse relaya dans un hommage unanime.[46] Le discours officiel de la République française fut prononcé à son enterrement par Jean Zay, alors ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts.[47] Le compositeur repose au cimetière de Levallois-Perret près de ses parents et de son frère.

Avec Ravel disparaissait le dernier représentant d’une lignée de musiciens qui avaient su renouveler l’écriture musicale sans jamais renoncer aux principes hérités du classicisme. Par-là même, le dernier compositeur dont l’œuvre dans sa totalité, toujours novatrice et jamais rétrograde, soit « entièrement accessible à une oreille profane » (Marcel Marnat).

« Je n’ai jamais éprouvé le besoin de formuler, soit pour autrui soit pour moi-même, les principes de mon esthétique. Si j’étais tenu de le faire, je demanderais la permission de reprendre à mon compte les simples déclarations que Mozart a faites à ce sujet. Il se bornait à dire que la musique peut tout entreprendre, tout oser et tout peindre, pourvu qu’elle charme et reste enfin et toujours la musique. » (Ravel, Esquisse autobiographique, 1928)

[modifier] Ravel et son art

[modifier] Les influences

Ravel reconnaissait en Emmanuel Chabrier (1841–1894) l’un de ses principaux inspirateurs.
Ravel reconnaissait en Emmanuel Chabrier (1841–1894) l’un de ses principaux inspirateurs.

Né à une époque plus que propice à l’éclosion des arts, Ravel bénéficia d’influences très diverses. Mais comme le souligne Vladimir Jankélévitch dans sa biographie, « aucune influence ne peut se flatter de l’avoir conquis tout entier […]. Ravel demeure jalousement insaisissable derrière tous ces masques que lui prêtent les snobismes du siècle. »[48]

Aussi la musique de Ravel apparaît-elle d’emblée, comme celle de Debussy, profondément originale, voire inclassable selon l’esthétique traditionnelle. Ni absolument moderniste ni simplement impressionniste (comme Debussy, Ravel refusait catégoriquement ce qualificatif qu'il estimait réservé à la peinture),[49] elle s’inscrit bien davantage dans la lignée du classicisme français initié au XVIIIe siècle par Couperin et Rameau et dont elle fut l’ultime prolongement. Ravel par exemple (à l’inverse de son contemporain Stravinski) ne devait jamais renoncer à la musique tonale et n'usa qu'avec parcimonie de la dissonance, ce qui ne l’empêcha pas par ses recherches de trouver de nouvelles solutions aux problèmes posés par l’harmonie et l’orchestration, et de donner à l’écriture pianistique de nouvelles directions.

[modifier] De Chabrier au jazz

De Fauré et Chabrier (Sérénade grotesque, Pavane pour une infante défunte, Menuet antique) à la Musique noire américaine (L’Enfant et les sortilèges, Sonate pour violon, Concerto en sol) en passant par l’école russe (À la manière de… Borodine, orchestration des Tableaux d’une exposition), Satie, Debussy (Jeux d’eau, Quatuor à cordes), Couperin et Rameau (Le Tombeau de Couperin), Chopin et Liszt (Gaspard de la nuit, Concerto pour la main gauche), Schubert (Valses nobles et sentimentales), Schönberg (Trois poèmes de Mallarmé), et enfin Saint-Saëns et Mozart (Concerto en sol), Ravel a su faire la synthèse de courants extrêmement variés et imposer son style dès ses premières œuvres. Ce style ne devait d’ailleurs que très peu évoluer au cours de sa carrière, sinon comme il le disait lui-même dans le sens d’un « dépouillement poussé à l’extrême » (Sonate pour violon et violoncelle, Chansons madécasses).

[modifier] L’éclectique

Épris de sonorités nouvelles, Ravel s’enthousiasma pour la musique tzigane qui lui inspira sa Rhapsodie de concert pour violon et orchestre (1924). Tableau de Bouguereau.
Épris de sonorités nouvelles, Ravel s’enthousiasma pour la musique tzigane qui lui inspira sa Rhapsodie de concert pour violon et orchestre (1924). Tableau de Bouguereau.

Éclectique par excellence tout en s'inscrivant dans une esthétique indiscutablement française, Ravel sut tirer profit de son intérêt pour les musiques de toutes origines. L’influence notoire jouée sur son imaginaire musical par le Pays basque (Trio en la majeur) et surtout l’Espagne (Habanera, Pavane pour une infante défunte, Rapsodie espagnole, Boléro, Don Quichotte à Dulcinée) participe beaucoup à sa popularité internationale, mais conforte aussi l’image d’un musicien toujours épris de rythme et de musiques folkloriques. L’Orient (Shéhérazade, Introduction et Allegro, Ma mère l’Oye), la Grèce (Daphnis et Chloé, Chansons populaires grecques) et les sonorités Tziganes (Tzigane) l’inspirèrent également.

La musique noire américaine, que lui fit mieux découvrir Gershwin au cours de la tournée américaine de 1928, fascina Ravel. Il en introduisit de nombreuses touches dans les chefs-d’œuvre de sa dernière période créatrice (ragtime dans l'Enfant et les sortilèges, blues dans le second mouvement de la Sonate pour violon, jazz dans le Concerto en sol et le Concerto pour la main gauche).

Enfin, il est nécessaire de souligner la fascination qu’exerça le monde de l’enfance sur Ravel. Que ce soit dans sa propre vie (attachement absolu, quasi-infantile, à sa mère, collection de jouets mécaniques…) ou dans son œuvre (de Ma mère l’Oye à l'Enfant et les sortilèges), Ravel exprima régulièrement une extrême sensibilité et un goût prononcé pour le fantastique et le domaine du rêve.

[modifier] L’orfèvre du son

« Je me refuse simplement mais absolument à confondre la conscience de l’artiste, qui est une chose, avec sa sincérité, qui en est une autre [...]. Cette conscience exige que nous développions en nous le bon ouvrier. Mon objectif est donc la perfection technique. Je puis y tendre sans cesse, puisque je suis assuré de ne jamais l’atteindre. L’important est d’en approcher toujours davantage. L’art, sans doute, a d’autres effets, mais l’artiste, à mon gré, ne doit pas avoir d’autre but. » (Ravel, Esquisse autobiographique, 1928).

La recherche de la perfection formelle fit autant pour le succès de Maurice Ravel auprès du public que pour sa défaveur auprès de certains critiques. Tandis que Stravinski raillait sa méticulosité en le qualifiant d’ « horloger suisse », certains ne virent dans sa musique que sécheresse, froideur ou artifice. Ravel, qui ne reniait rien de son amour pour les artifices et les mécanismes mais cherchait toujours, en citant Edgar Allan Poe, « le point à égale distance de la sensibilité et de l’intelligence »,[50] répliqua avec une formule lapidaire : « Mais est-ce qu’il ne vient jamais à l’esprit de ces gens-là que je peux être artificiel par nature ? » [51]

Composer semble n’avoir jamais été chose facile pour Ravel. Son refus de céder à cette « haïssable sincérité de l’artiste, mère de tant d'œuvres bavardes et imparfaites » lui donna le goût de la contrainte auto-imposée, et plus encore de la difficulté vaincue. C’est en partie ce qui explique la faible abondance de ses œuvres (et notamment d'œuvres « de second plan »), dans une période créatrice pourtant longue de près de quarante ans, et l'état d'inachèvement dans lequel il laissa plusieurs projets, notamment Shéhérazade (opéra, 1898), La Cloche engloutie (opéra, 1906), et Zazpiak Bat (concerto, 1914). Par ailleurs, Ravel ne nous a laissé presque aucune esquisse. Pleinement conscient de son caractère, le compositeur pouvait confier à Manuel Rosenthal : « Oui, mon génie, c’est vrai, j’en ai. Mais qu’est-ce que c’est ? Eh bien, si tout le monde savait travailler comme je sais travailler, tout le monde ferait des œuvres aussi géniales que les miennes. »[52]

Quoi qu’il en soit, de l’ouverture de L'Heure espagnole aux onomatopées de L'Enfant et les Sortilèges, de la pédale obstinée de si bémol du Gibet dans Gaspard de la nuit à la rigidité rythmique du Boléro, cet entêtement dans la quête de la perfection et ce goût de la gageure sont un des traits ravéliens les plus caractéristiques.

Dans Scarbo, troisième mouvement du tryptique Gaspard de la nuit (1908), Ravel touche au plus haut niveau de la virtuosité pianistique. Mesures 110 à 113.
Dans Scarbo, troisième mouvement du tryptique Gaspard de la nuit (1908), Ravel touche au plus haut niveau de la virtuosité pianistique.[53] Mesures 110 à 113.

[modifier] L’orchestrateur

Ravel fut selon Marcel Marnat « le plus grand orchestrateur français » et de l’avis de nombreux mélomanes l’un des meilleurs orchestrateurs de l’histoire de la musique occidentale. Son œuvre la plus célèbre, le Boléro, ne doit-elle pas sa tenue à la seule variation des timbres et à un immense crescendo de l’orchestre ?

Bâti sur seulement deux thèmes inlassablement répétés, le célèbre Boléro révèle la maîtrise de l'orchestre ravélien.
Bâti sur seulement deux thèmes inlassablement répétés, le célèbre Boléro révèle la maîtrise de l'orchestre ravélien.

Passé maître dans le maniement des timbres (quoique n’étant pas lui-même adepte de nombreux instruments), sachant trouver l’équilibre harmonieux le plus subtil, Ravel sut transcender de nombreuses œuvres originales (le plus souvent écrites pour le piano) et leur donner une dimension nouvelle, que ces pages fussent de lui (Ma mère l’Oye, 1912, Valses nobles et sentimentales, 1912, Alborada del gracioso, 1918, Le Tombeau de Couperin, 1919…) ou de ses éminents confrères : Moussorgski (Khovantchina, 1913), Schumann (Carnaval, 1914), Chabrier (Menuet pompeux, 1918), Debussy (Sarabande et Danse, 1923) ou encore Chopin (Étude, Nocturne et Valse, 1923).

Mais ce fut l’orchestration des célèbres Tableaux d’une exposition de Moussorgski, commande de Serge Koussevitzky achevée en 1922 à Lyons-la-Forêt chez son ami Roland-Manuel, qui assit définitivement la réputation internationale de Ravel en la matière. Sa version reste la référence et éclipse celle des autres compositeurs qui s’y sont essayés, même si certains regrettent que ce travail ait diminué la simplicité et la naïveté de la page originale. Les Tableaux orchestrés par Ravel font partie, avec le Boléro, des œuvres françaises les plus représentées à l’étranger.

[modifier] L’interprète

Maurice Ravel au piano (1930).
Maurice Ravel au piano (1930).

Faute d'un entraînement assidu, Ravel fut bon pianiste sans être un virtuose (certaines de ses propres œuvres, notamment le Concerto en sol qu’il rêvait de présenter lui-même,[54] lui restèrent inaccessibles). Il fut propriétaire de plusieurs pianos droits, le dernier étant encore exposé à Montfort-l'Amaury.[55] Au piano le compositeur assura la création, entre autres, de ses Histoires naturelles (1907), des Mélodies hébraïques (1914), de La Valse (1920), de la Berceuse sur le nom de Fauré (1922) et, avec Georges Enesco, de la Sonate pour violon et piano (1927). Au cours de sa tournée américaine en 1928, il joua sa Sonatine, accompagna sa Sonate pour violon et certaines de ses mélodies.

En tant que chef d’orchestre, Ravel créa l'ouverture de Shéhérazade (1899) et la version de concert du Boléro (1930). À la baguette il n’égala jamais, même de loin, ses qualités d’orchestrateur. Le seul enregistrement [56] qu’il a laissé (un Boléro daté de 1930) et les témoignages de l’époque confirment que Ravel n’était pas un virtuose au pupitre. Il dirigea pourtant avec un immense succès son Concerto en sol au cours de sa dernière tournée, en 1932.

[modifier] Œuvres principales

L'œuvre de Ravel se caractérise d'une façon générale par sa diversité (tous les genres musicaux ayant été abordés à l'exception de la musique religieuse) et sa proportion notable d'œuvres reconnues comme majeures, parmi une production d'un volume relativement modeste. Le catalogue complet [57] établi par Arbie Orenstein et complété par Marcel Marnat compte cent onze œuvres achevées par le compositeur entre 1887 et 1933, soit quatre-vingt six œuvres originales et vingt-cinq œuvres adaptées. Les quelque soixante œuvres principales sont sous-citées.

[modifier] Œuvres originales

Période Titre Instrumentation Parties / Indications
ŒUVRES POUR PIANO
1892 - 93 Sérénade grotesque
Piano 2 mains
Très rude
1895 Menuet antique
Piano 2 mains
Maestoso
1895 - 97 Sites auriculaires
2 pianos
I. Habanera (En demi-teinte et d'un rythme las) - II. Entre cloches (Allègrement)
1899 Pavane pour une infante défunte
Piano 2 mains
Assez doux, mais d'une sonorité large
1901 Jeux d'eau
Piano 2 mains
Très doux
1903 - 05 Sonatine
Piano 2 mains
I. Modéré - II. Mouvement de menuet - III. Animé
1904 - 05 Miroirs
Piano 2 mains
I. Noctuelles - II. Oiseaux tristes - III. Une barque sur l'océan

IV. Alborada del gracioso - V. La vallée des cloches

1908 Gaspard de la nuit
Piano 2 mains
I. Ondine - II. Le gibet - III. Scarbo
1908 - 10 Ma Mère l'Oye
Piano 4 mains
I. Pavane de la Belle au bois dormant - II. Petit Poucet - III. Laideronnette, impératrice des

pagodes - IV. Les entretiens de la Belle et de la Bête - V. Le jardin féerique

1909 Menuet sur le nom de Haydn
Piano 2 mains
Mouvement de menuet
1911 Valses nobles et sentimentales
Piano 2 mains
I. Modéré. Très franc - II. Assez lent - III. Modéré - IV. Assez animé - V. Presque lent

VI. Vif - VII. Moins vif - VIII. Épilogue. Lent

1912 À la manière de... Chabrier
Piano 2 mains
Allegretto
1912 À la manière de... Borodine
Piano 2 mains
Valse. Allegro giusto
1914 - 17 Le Tombeau de Couperin
Piano 2 mains
I. Prélude - II. Fugue - III. Forlane - IV. Rigaudon - V. Menuet - VI. Toccata
1918 Frontispice
2 pianos 5 mains
Pas d'indication
ŒUVRES ORCHESTRALES
1898 Ouverture de Shéhérazade
Orchestre
Ouverture de féerie
1907 Rapsodie espagnole
Orchestre
I. Prélude à la nuit - II. Malagueña - III. Habanera - IV. Feria
1909 - 12 Daphnis et Chloé
Orchestre et chœurs
Symphonie chorégraphique en trois parties
1919 - 20 La Valse
Orchestre
Mouvement de valse viennoise - Un peu plus modéré - 1er Mouvement - Assez animé
1922 - 24 Tzigane
Violon et orchestre
Lento - Moderato - Allegro
1928 Boléro
Orchestre
Tempo di Bolero moderato assai
1929 - 30 Concerto pour la main gauche
Piano et orchestre
Lento - Allegro - Tempo I
1929 - 31 Concerto en sol majeur
Piano et orchestre
I. Allegramente - II. Adagio assai - III. Presto
MUSIQUE DE CHAMBRE
1897 Sonate posthume
Violon, piano
Allegro moderato
1902 - 03 Quatuor à cordes
2 violons, alto, violoncelle
I. Allegro moderato - II. Assez vif, très rythmé III. Très lent - IV. Vif et agité
1905 Introduction et Allegro
Harpe, flûte, clarinette,

2 violons, alto, violoncelle

Introduction - Allegro
1914 Trio avec piano
Piano, violon, violoncelle
I. Modéré - II. Pantoum. Assez vif - III. Passacaille. Très large - IV. Finale. Animé
1920 - 22 Sonate pour violon et violoncelle
Violon, violoncelle
I. Allegro - II. Très vif - III. Lent - IV. Vif, avec entrain
1924 Tzigane
Violon, piano ou luthéal
Lento - Moderato - Allegro
1924 - 27 Sonate pour violon et piano
Violon, piano
I. Allegretto - II. Blues. Moderato - III. Perpetuum mobile
MUSIQUE VOCALE
1897 - 99 Deux épigrammes
Soprano et piano
I. D'Anne jouant de l'espinette - II. D'Anne qui me jecta de la neige - (Clément Marot)
1901 Myrrha
Soprano, ténor, baryt., orch.
Cantate pour le Prix de Rome - (Lord Byron)
1902 Alcyone
Soprano, ténor, baryt., orch.
Cantate pour le Prix de Rome - (Ovide)
1903 Alyssa
Soprano, ténor, baryt., orch.
Cantate pour le Prix de Rome - (Marguerite Coiffier)
1903 Shéhérazade
Soprano et orchestre
I. Asie - II. La flûte enchantée - III. L'indifférent - (Tristan Klingsor)
1906 Histoires naturelles
Voix et piano
I. Le paon - II.Le grillon - III. Le cygne - IV. Le martin-pêcheur - V. La pintade - (Jules Renard)
1907 Chansons populaires grecques
Soprano et piano
I. Chanson de la mariée - II. Là-bas, vers l'église - III. Quel galant m'est comparable

IV. Chanson des cueilleuses de lentisques - V. Tout gai ! - (Grèce)

1913 Trois poèmes de Mallarmé
Voix et orch. de chambre
I. Soupir - II. Placet futile - III. Surgi de la croupe et du bond - (Stéphane Mallarmé)
1914 Mélodies hébraïques
Voix et piano
I. Kaddich - II. L'énigme éternelle - (Israël)
1914 - 15 Trois chansons pour chœur
Chœur mixte a cappella
I. Nicolette - II. Trois beaux oiseaux du paradis - III. Ronde - (Maurice Ravel)
1922 Chansons madécasses
Soprano/baryton, piano,

flûte et violoncelle

I. Nahandove - II. Aoua - III. Il est doux - (Évariste de Parny)
1923 - 24 Ronsard à son âme
Voix et piano
Amelette Ronsardelette - (Pierre de Ronsard)
1927 Rêves
Voix et piano
Un enfant court - (Léon-Paul Fargue)
1932 - 33 Don Quichotte à Dulcinée
Baryton et piano/orch.
I. Chanson romanesque - II. Chanson épique - III. Chanson à boire - (Paul Morand)
ŒUVRES LYRIQUES
1907 - 11 L'Heure espagnole Opéra pour cinq voix solistes avec orchestre sur un livret de Franc-Nohain
1919 - 25 L'Enfant et les Sortilèges Fantaisie lyrique en deux parties pour solistes et chœurs avec orchestre sur un livret de Colette

[modifier] Orchestrations et arrangements

ARRANGEMENTS DE SES PROPRES ŒUVRES
Période Titre Arrangement Parties / Indications
1906 Une barque sur l'océan
Orchestration
D'un rythme souple
1910 Pavane pour une infante défunte
Orchestration
Lent
1911 - 12 Ma Mère l'Oye
Orchestration
I. Prélude - II. Danse du rouet et scène - III. Pavane de la Belle au bois dormant

IV. Les entretiens de la Belle et de la Bête - V. Petit Poucet - VI. Laideronnette, impératrice

des pagodes - VII. Le jardin féerique

1912 Valses nobles et sentimentales
(Adélaïde ou le langage des fleurs)
Orchestration
I. Modéré. Très franc - II. Assez lent - III. Modéré - IV. Assez animé - V. Presque lent - VI. Vif

VII. Moins vif - VIII. Epilogue. Lent

1918 Alborada del gracioso
Orchestration
Assez vif
1919 Le Tombeau de Couperin
Orchestration
I. Prélude - II. Forlane - III. Menuet - IV. Rigaudon
1920 La Valse
Réductions pour 2 pianos
Mouvement de valse viennoise
1929 Boléro
Réduction pour piano
Tempo di Bolero moderato assai
1929 Menuet antique
Orchestration
Maestoso
1932 Concerto en sol majeur
Réduction pour 2 pianos
I. Allegramente - II. Adagio assai - III. Presto
ARRANGEMENTS D'AUTRES ŒUVRES
Période Titre Auteur original Arrangement Parties / Indications
1909 Trois Nocturnes
Claude Debussy
Réduction pour 2 pianos
I. Nuages - II. Fêtes - III. Sirènes
1910 Prélude à l'après-midi d'un faune
Claude Debussy
Réduction pour piano à 4 mains
Très modéré
1913 La Khovanchtchina
Modeste Moussorgski
Orchestration
Orchestration complétée avec Igor Stravinski
1914 Carnaval
Robert Schumann
Orchestration
1914 Les Sylphides
Frédéric Chopin
Orchestration
I. Prélude - II. Nocturne - III. Valse
1917 - 1918 Menuet pompeux
Emmanuel Chabrier
Orchestration
Extrait des Dix Pièces pittoresques
1922 Les Tableaux d'une exposition
Modeste Moussorgski
Orchestration
10 tableaux et 5 promenades
1923 Sarabande et Danse
Claude Debussy
Orchestration
I. Sarabande - II. Danse ou Tarentelle styrienne

[modifier] Œuvres les plus jouées

D’après le Portail de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique,[58] Ravel est le musicien français non tombé dans le domaine public qui s’exporte le mieux depuis des décennies. Le Boléro est ainsi resté en tête du classement mondial des droits SACEM jusqu’en 1993,[59] suivi de près par l’orchestration des Tableaux d’une exposition de Moussorgski. En 1994 et 1995, sur les dix œuvres de la SACEM les plus exportées, cinq étaient de Ravel : le Boléro, les Tableaux d’une exposition, Daphnis et Chloé, le Concerto en sol et Ma mère l’Oye.[60] En 2005, le Boléro pointait encore à la cinquième place.[61]

[modifier] Droits d'auteur

  • Au Canada et dans les pays observant un délai de 50 ans post mortem, les œuvres de Ravel sont tombées dans le domaine public le 1er janvier 1988.
  • Aux États-Unis, les œuvres de Ravel publiées avant 1923 sont tombées dans le domaine public ; celles publiées à partir de 1923 (et jusqu'en 1977) sont (très probablement) protégées durant 95 ans après leur date de publication.[62]
  • Dans l'Union européenne (à l'exception de la France) et dans les pays observant un délai de 70 ans post mortem, les œuvres de Ravel sont tombées dans le domaine public le 1er janvier 2008.[63]
  • Cependant en France, du fait des prorogations de guerre,[64] les œuvres de Ravel publiées avant 1921 resteront protégées jusqu'en octobre 2022 ; celles publiées de 1921 à 1947 le seront jusqu'en mai 2016.

Ces indications valent pour les œuvres dont Ravel est le seul auteur ; pour la musique vocale il convient de vérifier aussi le statut de l'auteur du texte.

[modifier] Médiathèque

[[Image:Montfort-l'Amaury_Commémo._Ravel.jpg|thumb|right|200px|Plaque commémorative pour Ravel à Montfort-l'Amaury, où il travailla notamment à l'orchestration des Tableaux d'une exposition.

[modifier] Références, notes et citations

  1. Note : Français de nationalité, Joseph Ravel était né à Versoix dans le canton de Genève où son père, Aimé Ravel, né à Collonges-sous-Salève en 1800, exerçait la profession de boulanger. Voir Association patrimoine versoisien
  2. Source : Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, pp. 19-22.
  3. Source : Jankélévitch V, Ravel, Seuil, 1995, p. 127.
  4. Note : la courte Esquisse autobiographique de Maurice Ravel, dictée par le musicien à son élève et ami Roland-Manuel en oct. 1928, a paru pour la première fois dans la Revue musicale de déc. 1938. Elle est reprise intégralement dans les ouvrages d’Arbie Orenstein (Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, pp. 43-47) et Vladimir Jankélévitch (Ravel, Seuil, 1995, pp. 197-204).
  5. Citation : « Mon maître préféré ? En ai-je un ?... En tout cas, j’estime que Mozart demeure au plus parfait de tous. (...) Il n’était que musique. » — Ravel cité par Nino Franck dans le journal Candide, mai 1932.
  6. Source : rapport scolaire de Fauré sur Ravel, juin 1900.
  7. Citation : « J’en perçois fort bien les défauts : l’influence de Chabrier, trop flagrante, et la forme assez pauvre. L’interprétation remarquable de cette œuvre incomplète et sans audace a contribué beaucoup, je pense, à son succès » — Ravel cité dans la revue musicale de la S.I.M., fév. 1912, in : Orenstein A, Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, p. 295.
  8. Source : Institut de France.
  9. Source : lettre de Camille Saint-Saëns à Charles Lecoq, 4 juillet 1901.
  10. Citation : « Monsieur Ravel peut bien nous considérer comme des pompiers, il ne nous prendra pas impunément pour des imbéciles » — Un membre de la section musicale de l’Institut apprenant la candidature de Ravel en 1905, In: Jankélévitch V, Ravel, Seuil, 1995, p. 183.
  11. Source : lettre de Romain Rolland à Paul Léon, directeur de l’Académie des Beaux-Arts, mai 1905. In: Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 162.
  12. Citation : « J’ai trouvé plus debussyste que Debussy : Ravel » — Romain Rolland, 1901.
  13. Note : Xavier-Cyprien (dit Cipa) et Ida Godebski, famille d'origine polonaise installée à Paris, comptèrent parmi les plus fidèles amis de Ravel qui dédia Ma mère l’Oye à leurs enfants Jean et Mimie. Cipa était le fils du sculpteur Cyprian Godebski et le frère de Misia Sert, la future dédicataire de La Valse.
  14. Citation : « Le soir du Sacre, j’avais vu un Ravel coléreux, insolent, cramoisi, défendant l’œuvre qu’il aimait avec une indignation tonitruante » — Valentine Hugo, In: Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 363.
  15. Source : Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 407.
  16. Citation : « Trente millions de boches ne peuvent pas détruire la pensée française » proclamait Debussy en signant sa Sonate pour violon et piano, In: cite-musique.fr
  17. Source : lettre de Ravel au Comité de la Ligue nationale pour la défense de la musique française, In: Orenstein A, Maurice Ravel : Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, p. 157
  18. Source : Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 420-21.
  19. Citation : « Je songe qu’il y aura bientôt trois ans qu’elle est partie (...) J’y songe encore plus depuis que je me suis remis au travail, que je n’ai plus cette chère présence silencieuse m’enveloppant de sa tendresse infinie, ce qui était, je le vois plus que jamais, ma seule raison de vivre. » — Lettre à Ida Godebska, déc. 1919, In: Orenstein, Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, lettre 163.
  20. Image : Dessin de Ravel pour la couverture de la partition de son Tombeau de Couperin, 1917.
  21. Note : les deux hommes ne furent pas amis, leurs relations restant toujours professionnelles avec même une certaine rivalité. Mais Ravel ne manqua jamais de rappeler combien Debussy comptait dans son estime — Entretien accordé au New York Times, 7 août 1929.
  22. Note : le refus fit scandale à l’époque. Hélène Jourdan-Morhange rapporta que « les distinctions honorifiques lui paraissaient vaines autant que les paroles creuses des discours » (Ravel et nous, Genève, 1945). Ravel accepta pourtant d’être fait Chevalier de l’Ordre de Léopold, à Bruxelles en mars 1926 et fut décoré plusieurs fois dans d’autres pays.
  23. Source : cité dans le journal Le Coq, mai 1920.
  24. Note : Diaghilev accueillit l’œuvre avec réserve, arguant que ce n’était pas un ballet, mais « la peinture d’un ballet ». Stravinski ne dit pas un mot pour défendre son ami, ce que Ravel ne lui pardonna jamais. Scène rapportée par Francis Poulenc dans Moi et mes amis, Paris, 1963.
  25. Source : Les musées des Yvelines – Le Belvédère de Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury.
  26. Citation : « Nous ne sommes pas faits pour nous marier, nous autres artistes. Nous sommes rarement normaux, et notre vie l’est encore moins. » — Lettre à H. Casella, jan. 1919, In: Orenstein A, Lettres, écrits et entretiens, 1989, lettre 150
  27. Note : Dans un entretien accordé à France Culture en 1985, Manuel Rosenthal rapporta toutefois que Ravel fréquentait des prostituées à l'occasion, In: Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 464
  28. Source : Forum Opéra
  29. Source : Bibliothèque et Archives Canada.
  30. Note : au total, 25 villes visitées à travers tout le continent. « Il se laissa fasciner par le dynamisme de la vie américaine, ses immenses villes, ses gratte-ciel (...) et fut impressionné par le jazz, les negro spirituals et l’excellence des orchestres américains ». Orenstein A, Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, p. 24.
  31. Note : lors d’un programme qui lui était entièrement consacré au Carnegie Hall à New York, sous la direction de Serge Koussevitzky, il reçut une ovation de dix minutes lorsqu’il entra prendre sa place. Profondément ému, il confia à Alexandre Tansman : « Vous savez, jamais une chose pareille ne pourrait arriver à Paris. » In: Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 604.
  32. Note : un grand discours de Ravel sur la musique contemporaine, prononcé à Houston le 6 avril 1928, a été reproduit d’après sténographie directe dans les ouvrages de Marcel Marnat (Maurice Ravel, Fayard, 1986, pp. 612-22) et Arbie Orenstein (Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, pp. 48-57).
  33. Source : Jankélévitch V, Ravel, 1995, p. 193.
  34. Source : bisbigliando.com
  35. Note : Interview accordée par Ravel au Musical Digest, avril 1928.
  36. Source: Entretien accordé par Maurice Ravel au London’s Daily Telegraph, 1931, repris dans Ravel 1989, p. 365
  37. Source : Marnat M, Maurice Ravel, Fayard, 1986, p. 634.
  38. Image : Ravel docteur en musique honoris causa à Oxford, oct. 1928
  39. Image : Inauguration du quai Maurice-Ravel à Ciboure en présence des pelotari, août 1930.
  40. Citation : Je ne ferai jamais ma Jeanne d’Arc, cet opéra est là, dans ma tête, je l’entends mais je ne l’écrirai plus jamais, c’est fini, je ne peux plus écrire ma musique.» – Ravel en nov. 1933, cité par Valentine Hugo dans la Revue musicale, janv. 1952.
  41. Note : la description sémiologique que fit Théophile Alajouanine de la maladie de Ravel est reproduite dans : De Recondo J, Sémiologie du système nerveux, Flammarion Médecine, 2004
  42. Citation : « Il a suffi de ce stupide accident pour m’anéantir pendant trois mois. Ce n’est que depuis quelques jours que j’ai pu me remettre au travail, et assez difficilement. » — Lettre à Alfred Perrin, fev. 1933, In: Orenstein A, Lettres, écrits et entretiens, 1989, lettre 328.
  43. Source : (en) The exceptional brain of Maurice Ravel, A Otte, P De Bondt1, C Van de Wiele1, K Audenaert, Med Sci Monit, 2003; 9(6): RA154-159.
  44. Citation : « Nous n'avons pas pu ignorer que Ravel se vit dépouillé du don de mémoire, perdit la parole, le geste d'écrire, mourut jugulé et conscient alors qu'en lui se débattaient encore tant d'harmonies, tant d'oiseaux, de guitares, de danses et de nuits mélodieuses. » – Colette, citée dans Jourdan-Morhange H, Ravel et nous, Éditions du milieu du monde, 1945, p. 11
  45. Source : Jourdan-Morhange H, Ravel et nous, Éditions du milieu du monde, 1945, p. 252
  46. Note : Pour le premier anniversaire de la mort du compositeur, la Revue musicale publia un numéro spécial dans lequel près d'une centaine d'articles, signés de la main de compositeurs, de critiques musicaux et d'artistes du monde entier, rendaient hommage à la mémoire de Ravel.
  47. Source : info-levallois.com
  48. Source : Jankélévitch V, Ravel, Seuil, 1995, p. 7-8.
  49. Citation : « Si vous me demandez si nous avons une école impressionniste en musique, je dois dire que je n'ai jamais associé ce terme à la musique. La peinture, ah, ça, c'est autre chose ! Monet et son école étaient impressionnistes. Mais dans l'art sœur, il n'y a pas d'équivalent à cela. » — Extrait d'un entretien accordé au Musical Digest, mars 1928, In: Orenstein A, Maurice Ravel : Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, p. 327
  50. Source : www.ville-montfort-l-amaury.fr
  51. Source : cité par Calvocoressi dans Galerie de Musiciens, Londres, Faber, 1933.
  52. Source : Orenstein A, Maurice Ravel : Lettres, écrits et entretiens, Flammarion, 1989, p. 39.
  53. Citation : « Cet éblouissant morceau pianistique est moins une œuvre à prétentions expressives qu'un compendium de la technique moderne de clavier et des possibilités du virtuose actuel » – van Ackère J, Maurice Ravel, 1957
  54. Citation : « À maintes reprises, il s’épuisa à essayer d’accéder au niveau de virtuosité indispensable. Les longues heures passées à briser ses doigts sur les Études de Chopin et de Liszt le fatiguèrent beaucoup et privèrent le génial compositeur d’autant de moments d’inspiration fructueuse. » — Marguerite Long, Au piano avec Maurice Ravel, Éd. Billaudot, 1971.
  55. Image de Ravel devant son piano à Montfort-l'Amaury vers 1930
  56. Note : un Concerto en sol daté de 1932 publié sous son nom était en fait dirigé par Pedro de Freitas Branco
  57. Source : Université du Québec
  58. Source : Portail Sacem.
  59. Source : Sacem – Palmarès 1993
  60. Source : Sacem – Palmarès 1994
  61. Source : Sacem - Palmarès 2005
  62. Voir Loi américaine d'extension du terme des droits d'auteur et (en) Cornell Univ. Copyright Protection Chart
  63. Directive européenne sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information
  64. Art. 123-8 et 123-9 du Code de la propriété intellectuelle

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Roland-Manuel, À la gloire de Ravel, éditions de la Nouvelle Revue Critique, Paris, 1938, 285 p.
    Première biographie de Maurice Ravel.
  • Colette, etc., Maurice Ravel par quelques-uns de ses familiers, éditions du Tambourinaire, Paris, 1939, 187 p.
    Hommage à Ravel coécrit par M. Delage, L.-P. Fargue, H. Jourdan-Morhange, T. Klingsor, Roland-Manuel, D. Sordet, É. Vuillermoz et J. de Zogheb.
  • Hélène Jourdan-Morhange, Ravel et nous, éditions du Milieu du monde, 1945 ;
    Recueil des souvenirs d'une proche de Ravel, préfacé par Colette et illustré par Luc-Albert Moreau.
  • Marguerite Long, Au piano avec Maurice Ravel, éd. Gérard Billaudot, 1971 ;
    Témoignages éclairés d’une grande pianiste proche du compositeur.
  • Marcel Marnat, Maurice Ravel, Fayard, coll. « Indispensables de la musique », 1986, 828 p. (ISBN 2-213596255) ;
    Biographie quasi exhaustive, d’une formidable richesse documentaire. La vie de Ravel replacée en permanence dans le contexte de son temps. Catalogue complet des œuvres.
  • Marcel Marnat, Maurice Ravel. Qui êtes-vous ? : l'hommage de la Revue Musicale, décembre 1938, Éditions de la Manufacture, Lyon, 1987, 487p. (ISBN 2-7377-0052-3)
    Réédition du numéro spécial de la Revue Musicale paru en décembre 1938 pour l'anniversaire de la mort de Ravel, présenté et annoté par Marcel Marnat.
  • Maurice Ravel, Lettres, écrits et entretiens, présentés et annotés par Arbie Orenstein, Flammarion, collection Harmoniques, 1989, 632 p. (ISBN 2-080661035) ;
    Recueil de la correspondance et des principaux documents écrits de Ravel.
  • Vladimir Jankélévitch, Ravel, Le Seuil, coll. « Solfèges », 1995, 224 p. (ISBN 2-020234904) ;
    Seconde édition, augmentée d’un catalogue exhaustif de l’œuvre musicale et d’un index, comporte aussi une nouvelle discographie et une bibliographie mise à jour.
  • Étienne Rousseau-Plotto, Ravel, portraits basques, Séguier, 2004, 308 p. (ISBN 2-840493600).
    Cet ouvrage présente les liens du compositeur avec le pays (origines maternelles, séjours, amis), la langue et la musique basques ; 150 photographies, 26 planches couleurs ; index.
  • Jean Echenoz, Ravel, Minuit, 2006, 123 p. (ISBN 2-707319309).
    Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur.

[modifier] Liens externes

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