Cathédrale Saint-Pierre de Genève
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La cathédrale Saint-Pierre de Genève est une cathédrale protestante située sur la cour de Saint-Pierre au cœur de la vieille-ville de Genève (Suisse). Elle constitue le principal édifice religieux de la ville.
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[modifier] Histoire
La présence d'une cathédrale et d'un ensemble religieux sur le site de Saint-Pierre est attestée depuis le IVe siècle. Genève est un évêché depuis environ 400 et son premier évêque connu se nomme Isaac.
Durant le Bas-Empire est construite une cathédrale double avec un baptistère (groupe cathédral). Elle est destinée, au VIe siècle, à recevoir les reliques de saint Pierre conservées à Rome. Elle serait finalement dédiée à Saint-Pierre-ès-Liens dès le XVe siècle. Jusqu'au XIe siècle, la structure évolue jusqu'à la création d'un bâtiment unique mais c'est au XIIe siècle que le premier prince-évêque de Genève, Arducius de Faucigny, entame la construction de l'actuelle cathédrale romano-gothique — combinant le style roman (remarquables chapiteaux historiés) dans les parties anciennes et le style gothique dans les parties les plus récentes — étape qui s'étend de 1150 à 1250.
Placée au cœur des conflits qui opposent les seigneurs locaux, la cathédrale devient une citadelle entre 1289 et 1300. L'office religieux cesse d'y être célébré et le bâtiment est endommagé par les pierres catapultées depuis le Bourg-de-Four et par les nombreux incendies qui ont lieu au XIVe siècle. Avec l'arrivée de la Réforme protestante, le destin de la cathédrale change brutalement : le 8 août 1535, Guillaume Farel y prêche pour la première fois. Par ailleurs, durant 23 ans, Jean Calvin y lit et explique les Saintes Écritures à Saint-Pierre.
Les grands travaux reprennent au XVIIIe siècle avec la réalisation — sur les plans de l'architecte Benedetto Alfieri — du portique gréco-romain entre 1752 et 1756, notamment en raison de la menace d'écroulement de la partie occidentale du bâtiment. Lors des révolutions de Genève, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Saint-Pierre est le théâtre de troubles importants et sert de dépôt de munitions. Un tribunal révolutionnaire — donnant à la cathédrale le nom de Temple des Lois — y est mis en place en 1794 et les cultes n'y sont plus célébrés jusqu'à l'occupation française de 1798.
[modifier] Architecture
Construite pour le rite catholique, l'avènement de la Réforme, au milieu du XVIe siècle, avec sa philosophie d'austérité bouleverse l'intérieur de l'édifice, le vidant de tout ornement et recouvrant les décors polychromes du Moyen Âge. Seuls les vitraux sont épargnés. Les dernières œuvres d'art qui ont orné cette cathédrale, à l'origine entièrement peinte à l'intérieur, incluent le premier tableau de paysage réaliste : le retable de Konrad Witz (1444) avec une représentation de la rade de Genève comme cadre de la pêche miraculeuse avec le Christ et saint Pierre (aujourd'hui déposé au Musée d'art et d'histoire).
La cathédrale subit de nombreuses modifications suite à des travaux de restauration et de reconstruction, des guerres et des incendies successifs. Au fil du temps, les ajouts et les rénovations ont modifié l'apparence intérieure et extérieure de la construction. À l'extérieur, les changements les plus visibles, sinon les plus importants, sont certainement la construction de la tour sud, l'ajout du portique, l'adjonction de la chapelle des Macchabées — expression du gothique flamboyant réalisée vers 1400-1405 à l'initiative du cardinal de Brogny — , la reconstruction de la tour nord et la mise en place de la flèche en cuivre. La façade néoclassique actuelle date du milieu du XVIIIe siècle, remplaçant la précédente de style gothique.
À l'intérieur, la cathédrale présente le plus vaste ensemble de chapiteaux romans et gothiques de Suisse (près de 300 éléments) tandis que les vitraux (identiques à ceux de la Renaissance qui sont au Musée d'art et d'histoire) remontent aux travaux de restauration du XIXe siècle.
[modifier] Cloches
La cathédrale n'abrite pas moins de 28 cloches réparties entre les deux tours et la flèche. C'est dans la Tour Nord que se trouvent la plus grosse, La Clémence, et La Bellerive. La Clémence est fondue par le magister campanarum genevois Guerri de Marclay (qui travaillera également au Château de Ripaille pour le compte du duc Amédée VIII de Savoie) et baptisée par l'évêque Jean de Lornai le 25 octobre 1407[1]. D'un poids de six tonnes, La Clémence protège Genève du démon et des fléaux par ces prières :
- Laudo Deum Plebem voco, convoco clerum,
- Defunctos ploro, pestem fugo, festa decoro,
- Vox mea cunctorum est terror doemoniorum.
C'est L'Éveil, L'Espérance, La Collavine, La Bellerive et L'Accord qui forment la volée qui se fait entendre le samedi soir et le dimanche matin pour annoncer le culte. Lors des grandes fêtes religieuses et civiles, elles sont complétées par La Clémence.
Nom | Version d'origine | Version actuelle | Poids [kg] | Hauteur [m] | Diamètre [m] | Emplacement | Note |
---|---|---|---|---|---|---|---|
La Clémence [2] | 1407 | 1902 | 6238 | 2,14 | 2,19 | Tour Nord | Sol2 |
L'Accord [3] | 1481 | 1845 | 2080 | 1,48 | 1,56 | Tour Sud | Ut3 |
La Bellerive [4] | 1459 | 1473 | 1500 | 1,4 | 1,4 | Tour Nord | Mi3 |
La Cloche des Heures [5] | 1460 | 1460 | 1610 | 1,37 | 1,29 | Flèche | Mi3 |
La Collavine [6] | 1609 | 1609 | 1012 | 1,17 | 1,14 | Tour Sud | Sol3 |
L'Espérance [7] | 2002 | 2002 | 475 | 0,92 | 0,93 | Tour Sud | La3 |
L'Éveil [8] | 1528 | 1845 | 261,5 | 0,78 | 0,75 | Tour Sud | Ut4 |
Le Tocsin [9] | 1509 | 1509 | 270 | 0,78 | 0,76 | Tour Sud | Ut#4 |
Le Rappel [10] | 2e moitié du XVe s. | 2e moitié du XVe s. | 133 | 0,6 | 0,59 | Tour Sud | Mi4 |
Le premier carillon de la cathédrale date de 1749. Il comporte huit timbres et joue sept airs différents, un pour chaque jour de la semaine. Restauré en 1850 et en 1897, il cesse définitivement de fonctionner en 1930. Le carillon actuel de Saint-Pierre est construit en 1931 en collaboration par la Fonderie Rüetschi d'Aarau et la Maison Paccard d'Annecy-le-Vieux. Il est composé de 19 cloches (la3 puis chromatique de si3 à mi5) auxquelles s'ajoute la Cloche des Heures (mi3) qui peuvent être jouées soit par le carillon automatique de l'horloge, soit par un carillonneur.
[modifier] Grandes orgues
L'orgue de la cathédrale a été construit en 1965[réf. nécessaire] par les facteurs Metzler & fils de Dietikon. Le buffet en a été conçu par l'architecte Poul-Gerhard Andersen de Copenhague[réf. nécessaire].
La composition sonore de cet instrument s'inspire de l'orgue nord-allemand de la fin du XVIIe siècle, de style néo-baroque[réf. nécessaire]. Il comprend également quelques registres d'inspiration française (Cornet et Cromorne) et quelques jeux d'anches de l'époque romantique (1907)[réf. nécessaire].
En 1972, l'organiste Louis Thiry a enregistré sur cet instrument l'œuvre d'orgue d'Olivier Messiaen pour la maison d'édition Calliope. Cet enregistrement a été couronné par le grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros en 1973[11] et demeure à l'heure actuel une référence pour l'interprétation du grand compositeur français du XXe siècle. Messiaen écrivit à propos de cet enregistrement[12] :
« Louis Thiry est un extraordinaire organiste, virtuose accompli, musicien total, d'une mémoire et d'une adresse sans égale : on peut le classer parmi les héros de la musique ! Il a donné plusieurs exécutions prestigieuses de mes œuvres d'orgue les plus difficiles — notamment de ma Messe de la Pentecôte. Tous ceux qui ont entendu et tous ceux qui entendront Louis Thiry ne peuvent que l'admirer. »
[modifier] Fonctions
À travers les siècles, la cathédrale est toutefois davantage qu'un lieu de culte. Elle remplit notamment des fonctions civiles et accueille encore tous les quatre ans l'assermentation du Conseil d'État, du pouvoir judiciaire et des magistrats communaux. Mais la cathédrale est surtout l'illustration vivante de l'influence que Genève a eue sur le monde protestant comme lieu du refuge aussi bien que comme académie formant les pasteurs de toute l'Europe.
[modifier] Site archéologique
Un site archéologique est installé dans le sous-sol du sanctuaire à la suite du chantier de fouilles, ouvert en 1976 par l'archéologue cantonal Charles Bonnet, qui a marqué le début des recherches de grande ampleur menées sous la cathédrale et ses abords.
Plusieurs espaces ont été spécialement aménagés et présentent, avec des techniques muséographiques renouvelées en novembre 2006, l'un des plus importants sites archéologiques du nord des Alpes. Le parcours commence ainsi au IIIe siècle av. J.-C. et s'achève avec l'édification de l'actuelle cathédrale entreprise au XIIe siècle.
Sous la cathédrale se cachent les vestiges des églises qui l'ont précédée et qui constituent un témoignage de la Genève paléochrétienne. Mais le sous-sol de Saint-Pierre abrite aussi des traces préchrétiennes de l'occupation de la colline : puits, aire de traitement du blé, bâtiment à probable vocation cultuelle, tombe allobroge, etc. C'est sur ces lieux que les évêques, après avoir repris certaines charges de l'autorité civile romaine, ont fait construire plusieurs édifices de culte.
Au cœur de la cité de Genève, la cathédrale s'inscrit désormais dans un espace spirituel et culturel : outre la cathédrale, on trouve désormais à proximité le Musée international de la Réforme situé au rez-de-chaussée de la maison Mallet construite à l'emplacement de l'ancien cloître de la cathédrale. Légèrement en retrait, l'Auditoire de Calvin, autrefois lieu d'enseignement du réformateur Jean Calvin, complète cet ensemble.
La Fondation de Saint-Pierre, présidée par Guillaume Fatio, joue un rôle essentiel dans la mise en valeur et la conservation du monument.
[modifier] Anecdotes
Depuis le 22 février 1536, la tradition veut qu'une cloche de la cathédrale, L'Accord, sonne pour appeler les députés en séance. Ainsi, la loi portant règlement du Grand Conseil, dans ses dispositions figurant aux alinéas 1 et 2 de l'article 11, indique qu'« une cloche de Saint-Pierre annonce la séance deux heures avant son ouverture ». C'est pourquoi une trentaine de coups — un par minute — retentissent le jour des séances entre 15h00 et 15h30.
157 marches mènent au sommet de la tour nord de la cathédrale et au panorama à 360° sur la ville et le lac Léman alors que la tour sud compte 150 marches.
[modifier] Notes et références
- ↑ Comme l'indique l'inscription moulée sur sa face (source : Archives royales des États de Savoie) : Ego vocor Clementia... Fusa die 25 mensis octobris anno Domini 1407 M. Guerri de Marclai fecit
- ↑ Il s'agit de la troisième cloche portant ce nom qui lui vient de l'antipape Clément VII à qui Genève doit son évêché. Mort en 1394, il laisse les fonds nécessaires pour la couler. En 1407, elle est fondue au pied même de l'église. Le 14 octobre 1866, elle se fêle. Une souscription est organisée et la grosse cloche refondue à Lyon en 1867. En 1901, elle se fêle à nouveau et des expertises concluent à l'impossibilité de refondre une seconde fois le métal d'origine. La Fonderie Rüetschi à Aarau se charge donc de couler le nouveau bourdon qui se fait entendre pour la première fois le 3 décembre 1902. L'actuelle cloche porte donc cette inscription : « Deux fois brisée, je veux vivre encore et toujours rappeler la voix de la vieille Clémence aux enfants des enfants de Genève. »
- ↑ Elle est fabriquée pour la première fois en 1481 puis refondue en 1845 avec le métal d'une ancienne cloche nommée La Rebat suite à une fissure qui en altère le timbre. On l'entend résonner à plus d'un kilomètre à la ronde.
- ↑ Son vrai nom est Colette (tel que figurant dans une de ses inscriptions) mais, située à l'origine dans un couvent du quartier de Rive avant son installation à la cathédrale en 1546 à la démolition de celui-ci, elle fut surnommée Bellerive.
- ↑ Elle se trouvait initialement dans le clocheton qui surmontait la nef et qu'on appelait « tour de l'horloge ». C'est dans la partie inférieure de la flèche que se trouve cette cloche, sans doute la plus belle de Saint-Pierre tant par sa forme que par sa riche décoration.
- ↑ Elle est ainsi nommée du nom de son fondeur : Noé Collavin. Elle servait de réveille-matin et de couvre-feu.
- ↑ Elle a été offerte par souscription publique sur l'initiative des Amis de la Cathédrale pour marquer le centenaire de La Clémence, le bourdon de la cathédrale.
- ↑ Elle est coulée avec le métal de La Retraite datant de 1528 et offerte à la cathédrale par Pierre de La Baume, dernier évêque de Genève.
- ↑ La cathédrale est pourvue de cette cloche d'alarme en 1509. Suspendue dans l'angle nord-est, au niveau de la chambre des veilleurs, elle retentissait pour appeler les habitants à leur poste de combat ou lutter contre le feu.
- ↑ Selon certaines sources elle daterait de 1370 et serait ainsi la plus ancienne cloche de la cathédrale. Elle n'est plus utilisée mais peut compléter une volée dans l'aigu.
- ↑ Biographie de Louis Thiry (Académie de l'orgue de Saint-Dié-des-Vosges)
- ↑ Citation trouvée dans le livret de l'enregistrement du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach par Louis Thiry (éd. Arion en 1975)
[modifier] Liens externes
- Brève histoire de la cathédrale sur le site de la paroisse de Saint-Pierre
- La cathédrale Saint-Pierre en quelques dates et huit cloches dans la FAO du 15 septembre 2006
- Depuis 1536, Saint-Pierre appelle les députés en séance dans la FAO du 28 février 1996
- Site archéologique de la cathédrale
- Site de l'Église protestante de Genève