Candidature de Coluche lors de l'élection présidentielle française de 1981

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L'humoriste et acteur Coluche a présenté sa candidature lors de l’élection présidentielle française de 1981.

Sommaire

[modifier] Circonstances

À la suite de son renvoi de RMC après les nombreuses lettres de protestations envoyées par certains auditeurs, son ami Romain Goupil lui suggère de se présenter à l'élection présidentielle de 1981. De cette manière, personne ne pourra le censurer.

[modifier] La déclaration de candidature

Pendant plusieurs mois, avec Romain Goupil et Jean-Michel Vaguelsy il prépare son programme et fait convoquer la presse le 30 octobre 1980 dans le théâtre du Gymnase. Fidèle à lui même, sa déclaration de candidature ne manque pas de saveur :

« J'appelle les fainéants, les crasseux, les drogués, les alcooliques, les pédés, les femmes, les parasites, les jeunes, les vieux, les artistes, les taulards, les gouines, les apprentis, les Noirs, les piétons, les Arabes, les Français, les chevelus, les fous, les travestis, les anciens communistes, les abstentionnistes convaincus, tous ceux qui ne comptent pas pour les hommes politiques à voter pour moi, à s'inscrire dans leurs mairies et à colporter la nouvelle.
TOUS ENSEMBLE POUR LEUR FOUTRE AU CUL AVEC COLUCHE.
Le seul candidat qui n'a aucune raison de vous mentir ! »

Il lance également son slogan de campagne : « Jusqu’à présent la France est coupée en deux, avec moi elle sera pliée en quatre ! ».

[modifier] La campagne

Il s'y jette avec ardeur, bientôt soutenu par Paul Lederman sous la bannière de la dérision et patronné par l'équipe d'Hara-Kiri et Cavanna en tête[1]. Coluche est depuis longtemps un compagnon de route des romans-photos et des bouclages du journal « bête et méchant ». Il sera le « candidat nul », avec pour tout programme « d'emmerder la droite jusqu’à la gauche[2] ».

Au début, tout le monde croit au canular et au coup médiatique, mais le 14 décembre, un sondage publié par le Journal du dimanche le crédite de 16 % d'intentions de vote. C'est la panique chez les principaux candidats. Coluche reconsidère alors le sérieux de sa candidature et décide de s'y engager véritablement. Plusieurs sondages le placent quasiment en troisième position, avec 10 à 12% d'intentions de vote.

[modifier] Les soutiens

Des ralliements hétéroclites soutiennent le candidat Coluche de Gérard Nicoud, leader poujadiste de la CIDUNATI, au comité d'intellectuels conduit par Félix Guattari, avec parmi eux Pierre Bourdieu, Gilles Deleuze[3].

Brice Lalonde déclare que ce Michel Colucci est peut-être « l'un des meilleurs candidats de gauche ». Le Nouvel Obs consacre sa une au phénomène Coluche (la même semaine de l'annonce de la candidature de François Mitterrand).

[modifier] La censure

Pour Mitterrand, le candidat du Parti socialiste, Coluche risque sérieusement de lui prendre de nombreuses voix qui peuvent le faire échouer au second tour. François Mitterrand envoie alors Gérard Colé et Jean Glavany persuader Coluche d'abandonner sa candidature pour rejoindre le Parti socialiste. Il se méfie et refuse l'offre.

Valéry Giscard d'Estaing est depuis plusieurs années la cible de Coluche. Et pour déstabiliser l'actuel président, Coluche pourrait ressortir l'Affaire des diamants révélée par Le Canard enchaîné en 1979, ce qui explique le fait que Coluche l'avait surnommé à une période "Le bijoutier". Pour ne pas prendre de risque, une consigne passe sur les trois chaînes de télévision française et le réseau de Radio France (qui sont publiques et dont les directeurs sont nommés par l'exécutif) : Coluche n'a pas droit de cité. Tandis qu'au Gymnase, le public le rappelle sur l'air de « Coluche président », le boycott des médias s'organise.

Mais il persiste et sa popularité ne se dément pas, des méthodes plus radicales et illégales auraient alors été employées. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Christian Bonnet aurait donné l'ordre aux Renseignements généraux au sein du groupe Dauvé d'espionner et de rechercher tous faits pouvant discréditer Coluche. C'est ainsi que L'Express reçoit des informations qu'il publie le 27 décembre 1980, où l'on apprend que Coluche a été condamné à 3000 francs d'amende pour outrages à agent de la force publique.

Les choses commencent à mal tourner : le journal Minute exhume un procès-verbal relatant un larcin de Coluche à l'âge de 19 ans. René Gorlin, régisseur de Coluche, est retrouvé par la police, abattu de deux balles dans la nuque. Mais il semblerait que la police se garde de dire que c'est un crime passionnel, ce qui laisse Coluche supposer que ce meurtre est lié à sa candidature.

Il reçoit alors lettres anonymes (comme « COLUCHE : ATTENTION A LA MORT ! » dont les lettres sont découpés dans un journal) et coups de téléphone menaçant sur les risques à conduire en moto… Il reçoit une menace de mort d'un groupe d'extrême droite [réf. nécessaire] Honneur de la Police fustigeant son rôle dans Inspecteur la Bavure.

Le 9 février, Coluche avertit la presse anglo-saxonne qu'il a recueilli 632 promesses de signatures de maire (pour se présenter, il lui faut recueillir 500 signatures), il en obtiendra en réalité 11[réf. nécessaire].

[modifier] L'abandon

Le 2 mars, il affronte la presse, dans le simple appareil d'un clown défroqué. Sous la pression, il annonce le 16 avril 1981 qu'il se retire, sans plus d'explication que « Je préfère que ma candidature s'arrête parce qu'elle commence à me gonfler[4]. » Il proclame alors son intention d'entamer une grève de la faim jusqu’à ce que cesse la censure qui le frappe à la télévision et à la radio (le carême commence le lendemain du Mardi Gras).

Il fête la victoire de François Mitterrand, premier président socialiste de la Ve République. [réf. nécessaire]

[modifier] Source partielle

  • Certains éléments de l'article sont issus du reportage télévisé de M6 Coluche : un candidat à abattre de l'émission Secrets d'actualité.

[modifier] Notes et références

  1. Promu « organe officiel du futur gouvernement », Charlie-Hebdo titra en couverture : « Le fils de Gaulle soutient Coluche : vous me rappelez Papa. »
  2. Dans Le Matin de Paris, Catherine Clément évoque « un dieu dangereux et comique : comique parce qu'il utilise le rire ; dangereux parce que cette force sacrilège contient en germe les puissances d'opposition qui, dans un système fermé, ne trouvent pas à se dire autrement »
  3. Pierre Bourdieu dit ainsi : « Sur l'usage que certains hommes politiques font de l'accusation d'irresponsabilité lancée contre les profanes qui veulent se mêler de la politique : supportant mal l'intrusion des profanes dans le cercle sacré des politiques, ils se rappellent à l'ordre comme les clercs rappelaient les laïcs à leur illégitimité. Par exemple, au moment de la Réforme, un des problèmes venait de ce que les femmes voulaient dire la messe ou donner l'extrême-onction. Les clercs défendaient ce que Max Weber appelle leur "monopole de la manipulation légitime des biens de salut" et dénonçaient l'exercice illégal de la religion. Quand on dit à un simple citoyen qu'il est irresponsable politiquement, on l'accuse d'exercice illégal de la politique. Une des vertus de ces irresponsables - dont je suis - est de faire apparaître un présupposé tacite de l'ordre politique, à savoir que les profanes en sont exclus. La candidature de Coluche fut l'un de ces actes irresponsables. Je rappelle que Coluche n'était pas vraiment candidat mais se disait candidat à la candidature pour rappeler que n'importe qui pouvait être candidat. Tout le champ médiatico-politique s'était mobilisé, par-delà toutes les différences, pour condamner cette barbarie radicale qui consistait à mettre en question le présupposé fondamental, à savoir que seuls les politiques peuvent parler politique. Seuls les politiques ont compétence (c'est un mot très important, à la fois technique et juridique) pour parler de politique. Il leur appartient de parler de politique. La politique leur appartient. Voilà une proposition tacite qui est inscrite dans l'existence du champ politique. »
  4. Il précise « Si Giscard est réélu, je demande l'asile politique en Belgique. »

[modifier] Voir aussi