Bouddhisme en Occident

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Sommaire

[modifier] La fascination de l’Occident pour le bouddhisme

[modifier] « Bouddhisme » : un mot à la mode

Icône de détail Article détaillé : Bouddhisme.

"Bouddhisme" : un mot qu’on entend fréquemment depuis quelques années. Un mot que l’on rencontre un peu partout, que ce soit dans la presse où des articles paraissent régulièrement, à la télévision avec des émissions traitant des différentes façons de vivre le bouddhisme, ou encore dans les librairies où chaque maison d’édition s’efforce de publier son livre d’introduction au bouddhisme. Bien plus, des publicités nous montrent des tibétains qui mangent du fromage suisse ou se servent d’un insecticide. Des groupes de musique comme Buddha Bar s’inspirent de cette mouvance. Dans les bureaux de tabacs, on trouve des rosaires bouddhiques chinois entre les chewing-gums et les jeux à gratter.

[modifier] Un phénomène de société

Icône de détail Article détaillé : Bouddhisme en France.

Le bouddhisme est la quatrième religion en France et depuis 1997, il a droit à sa quote-part d’émissions religieuses à la télévision.

Il y a plusieurs milliers de centres bouddhiques en Europe et aux États-Unis : en France, en 2001, on dénombrait déjà plus de 200 centres de méditation.

  • Ces fondations concernent d’abord les réfugiés (400 000 personnes) du Sud-est asiatique (Cambodge, Laos, Viet Nam) : pagodes urbaines (comme à Fréjus, à Lyon, etc). Bouddhisme japonais, dans sa version Zen : centres urbains.
  • Les plus nombreux fidèles se réclament du Bouddhisme tibétain : on trouve surtout des monastères implantés en milieu rural (qui accueillent des retraitants), relayés par des centres de méditation urbains.

[Chiffres : 15 000 convertis pratiquants fidèles ; x5 pour les pratiquants occasionnels ; quelques millions pour les sympathisants, d’origine chrétienne]

Des films (Sept ans au Tibet, Little Bouddha) et des œuvres comme Tintin au Tibet (1960) soulignent bien cette fascination des Européens et des Américains pour le bouddhisme. Dans Tintin au Tibet cette fascination pour l’Orient est tout à fait perceptible dans la place faite aux phénomènes paranormaux (rêves prémonitoires et lévitations).

[modifier] Un paradoxe

Pourquoi une telle fascination ? Elle ne va pas sans poser quelques paradoxes entre une société de consommation profondément matérialiste et un bouddhisme voulant libérer l’homme de son « moi » afin qu’il n’y ait plus ni tristesse ni désir. Il s'agirait surement de se déculpabiliser de ce mot de vie matérialiste en pratiquant le bouddhisme. Mais c'est aussi tout simplement une mode, que beaucoup suivent sans vraiment en connaître le sens. Il est fréquent dans la publicité d'entendre parler de Zen, qui est en fait ici synonyme de bien-être uniquement.

[modifier] Le bouddhisme vu par les occidentaux : histoire d'une rencontre

Le bouddhisme n’est connu des Occidentaux que depuis un peu plus de 150 ans. Les voyageurs et missionnaires du Moyen Âge et de la Renaissance n’avaient pas encore mis au jour l’histoire de cette religion et son unité, à travers l’immense diversité de cultes et de doctrines, répandues dans la plupart des pays d’Asie.

Ce n’est que dans les années 1820 qu’apparaît le terme « bouddhisme » : Michel-Jean-François Oezray, Recherches sur Buddou ou Bouddou, instituteur religieux de l’Asie orientale, évoque le « bouddhisme » en 1817.

Ce terme « bouddhisme » est une invention des orientalistes européens : les Asiatiques parlent du dharma (sanscrit) ou dhamma (pâli, dialecte dérivé du sanscrit) pour qualifier les enseignements et la loi du Bouddha.

C'est avec la publication, en 1844, de l’ouvrage d’Eugène Burnouf, Introduction à l’histoire du buddhisme indien, que les Européens accèdent à une connaissance précise du phénomène. Ces travaux, ainsi que ceux d’autres pionniers des études bouddhistes, vont susciter en Europe un formidable engouement.

Depuis cette découverte savante du XIXe siècle, on peut souligner deux faits majeurs concernant la réception du bouddhisme :

  • Le bouddhisme est constamment perçu à travers des prismes culturels déformants et réinterprété à chaque moment fort de sa diffusion en fonction des préoccupations des Occidentaux qui l’utilisent ; Européens et Américains projettent sur le bouddhisme leurs propres préoccupations et leurs propres fantasmes.
  • Les Occidentaux ont toujours cherché à souligner le lien entre bouddhisme et modernité.

On peut ainsi dégager quatre grands moments dans l'histoire de cette rencontre : 1. Le rationalisme bouddhique (milieu du XIXe siècle) 2. Le bouddhisme ésotérique (fin du XIXe siècle) 3. Le pragmatisme bouddhique (années 1960) 4. L’humanisme bouddhique (fin du XXe siècle)

[modifier] Le bouddhisme vu par les occidentaux : l'exemple français

[modifier] Le rationalisme bouddhique (milieu du XIXe siècle)

Pour les contemporains de Baudelaire et de Victor Hugo, le bouddhisme apparaît comme :

  • Une doctrine athée qui prétend ne s’appuyer que sur la raison
  • Une doctrine qui place l’expérience individuelle au centre de sa pratique
  • Une doctrine qui ne semble reposer sur aucun dogme
  • Une doctrine qui propose une morale humaniste sans référence à une révélation divine
  • ...

On se plaît donc à comparer le « moralisme » ou le « dogmatisme » chrétiens jugés archaïques avec le système philosophique bouddhique, purement rationnel, et donc compatible avec la modernité.

Le bouddhisme se répand en France, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, comme un formidable argument contre le christianisme. Beaucoup de savants et d’intellectuels athées, comme Renan, Michelet, Nietzsche, exaltent le rationalisme, l’athéisme bouddhique contre un christianisme qu’Auguste Comte présente comme un stade infantile de l’humanité.

Mais cette instrumentalisation à des fins polémiques ne durera que peu de temps :

  • Contre-offensive chrétienne qui présente le Bouddhisme comme une épouvantable doctrine du néant ;
  • Les ouvrages savants soulignent de nombreux traits du bouddhisme proches du catholicisme : foisonnement des rituels, importance de la hiérarchie, croyances en des déités, des esprits démoniaques, des paradis et des enfers, etc.

[modifier] Le bouddhisme ésotérique (fin du XIXe siècle)

Parallèlement à ce déclin du rationalisme bouddhique, on assiste à une nouvelle diffusion du Bouddhisme par le biais des cercles occultes, qui tentent de renouer avec une pensée symbolique opposée au matérialisme occidental.

C'est une fascination toute particulière qui est portée au Bouddhisme tibétain : mythe des lamas aux pouvoirs psychiques extraordinaires (cf. récits de voyage Marco Polo ou Guillaume de Rubrouck). L’interdiction du Tibet aux Occidentaux par les Chinois pour des questions politiques et commerciales n’a fait qu’amplifier ces phantasmes.

[modifier] Le pragmatisme bouddhique (années 1960)

L’exploratrice française Alexandra David-Néel, initié au bouddhisme ésotérique, marque un tournant : c'est une nouvelle vague bouddhiste en Occident marqué au sceau de l’expérience et du pragmatisme. En 1911, elle part en Orient pour un voyage d’agrément qui se transforme en expédition scientifique qui durera plus de treize ans.

Elle va découvrir, auprès des moines tibétains, la méditation, c'est-à-dire l'absence de distraction et la quiétude mentale. En 1921, elle écrira :

« La méditation est la base profonde de la vie du bouddhiste, la base de la doctrine bouddhiste, elle-même issue de la méditation de son fondateur, Sidattha Gotoma, le Bouddha. De même que l'on ne peut logiquement dénommer chrétien un homme qui ne prie pas, celui qui ne médite point n'a aucun véritable droit de s'intituler bouddhiste »

Cette exploratrice n’a fait qu’anticiper ce qui sera, à partir des années 1960, la marque dominante de l’intérêt pour le bouddhisme : une voie spirituelle permettant un travail sur soi, une connaissance de soi. La méditation, qui favorise l’expérience intérieure, devient essentielle : d’où les nombreux contacts avec les maîtres asiatiques, favorisé par le drame du Tibet.

La méditation est d’ailleurs la pratique la mieux connue du Bouddhisme, répandue notamment par l’imagerie populaire du Bouddha, assis sous l’arbre de l’Eveil (posture du lotus, jambes croisées, yeux clos ou mi-clos; posture censée avoir certains avantages physiologique, comme la conservation de l’énergie corporelle).

[modifier] L’humanisme bouddhique (fin du XXe siècle)

En marge de ce phénomène de conversion et d’engagement fort, on assiste, depuis une dizaine d’année, à une effervescence médiatique autour du Bouddhisme et plus particulièrement autour de la figure du dalaï-lama, XIVe, Tendzin Gyatso, qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 1989.

Le dalaï-lama, Océan de sagesse, est avant tout un moine respecté pour son érudition et sa pratique, et son autorité spirituelle se limite au bouddhisme tibétain où elle prend davantage la forme de conseils avisés que de décrets formels.

On voit donc aujourd’hui plusieurs millions d’Occidentaux touché par l’enseignement du Bouddha (le dharma) :

  • Pratique ponctuelle de la méditation
  • Croyance au karma et à la réincarnation (affirmée par 24% des Européens)
  • Forte sensibilité aux valeurs de tolérance religieuse, de compassion et de respect de la vie, de responsabilité personnelle et universelle, etc.

La modernité du Bouddhisme est donc à nouveau soulignée, mais à travers sa dimension éthique, apparemment bien adaptée aux grands défis auxquels l’humanité est aujourd’hui confrontée comme le fanatisme religieux et les menaces écologiques.

[modifier] Le bouddhisme face à la nouvelle religiosité occidentale

Aujourd'hui, face aux vieilles religions qui prospèrent encore, pullulent des quêtes religieuses, communautaires ou individuelles, qui ont rompu (officiellement ou silencieusement, en partie ou totalement) avec ces affiliations traditionnelles.

Quelques aspects communs aux individus religieux peuvent être avancés ici :

  • L'individualisme
  • La demande du corps

Ces aspects essentiels d'une nouvelle religiosité occidentale permettent de mieux comprendre l'engouement des Occidentaux pour le bouddhisme.

[modifier] L'individualisme

Avec la naissance de l'individu, les forces religieuses ont longtemps résisté aux excès et aux dérives de l'individualisme. Mais aujourd'hui, cet individualisme a gagné les appartenances et les quêtes religieuses.

  • L'individualisme explique ainsi la fluidité des appartenances et la mobilité des adhésions: une certaine "réussite" humaine, un bénéfice (psychologique et moral) semblent nécessaires pour continuer de participer à une quelconque religion. Ce point est bien sensible en France où nombreux sont ceux qui sont bouddhistes pour un temps ; ils y renoncent vite quand ils s'aperçoivent qu'ils n'obtiennent pas les avantages escomptés.
  • L'individualisme explique également la pratique à la carte dans les grandes confessions religieuses, engendrant une multi-appartenance : c'est le cas, par exemple, des chrétiens bouddhistes qui alimentent leur foi chrétienne à l'aide de pratiques bouddhiques (la méditation en particulier). L'analogie avec la société de consommation et des supermarchés s'impose donc ici.
  • Besoin viscéral d'innover et de changer pour devenir "soi".

[modifier] La demande du corps

Les sociologues ont parlé de la dimension souvent "émotionnelle" des nouvelles mouvances religieuses. Ces dernières expriment le primat des relations de personne à personne. Le Bouddhisme tibétain, avec l'importance de la relation maître/disciple, répond donc bien à cette demande.

L'accent est mis sur l'expérience personnelle et sur les manifestations sensibles de cette expérience. On recherche souvent un engagement total du corps et des sens dans l'expression religieuse. Bien plus, dans une société où le souci de la santé et de la "forme" est central, beaucoup de retours ou d'arrivées dans le religieux sont dus à une demande de guérison et plus encore de mieux-être ou de bien-être pysco-corporel. Certains nouveaux adeptes du bouddhiste semblent en demande de santé, de bonheur et d'harmonie immédiats.

[modifier] Notes et Références

  • Lubac, Henri de : La rencontre du bouddhisme et de l'Occident (Coll. Théologie, 24); Paris, Aubier, Éditions Montaigne, 1952. Rééd. avec une présentation par Jean-Noël Robert, glossaire, etc. : Œuvres complètes, t. XXII; Paris, Cerf, 2000.
  • Hindouisme, bouddhisme, Taoïsme. Les textes fondamentaux des grandes religions d'Asie, Le Point, Hors-série n°6/ Janv.-Fév. 2006.
  • Le Bouddhisme : une religion à la conquête du monde, L'histoire, n° 250, janv. 2001
  • Jésus/Bouddha : ce qui les rapproche, ce qui les sépare, Le Monde des religions, n° 18, juilllet-août 2006.
  • Atlas des religions, coll. Atlas-Monde, Paris, Ed. Autrement, 2002, p. 30-31.
  • Un trappiste à la rencontre des moines du Tibet , Bernard de Give http://www.scourmont.be/degive/tibet/tibet2.htm.


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