Armand Tuffin de La Rouërie

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Armand Tuffin de La Rouërie
Surnom : Colonel Armand
Naissance : 13 avril 1751
Fougères
Décès : 30 janvier 1793 41 ans)
près de Lamballe
Origine : Breton, Français
Allégeance : Royaume de France Royaume de France
 États-Unis d'Amérique
Association bretonne
Arme : Cavalerie et infanterie
Grade : Général
Service : 1776 - 1793
Conflits : Guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique
Chouannerie
Commandement : Légion Pulaski,
Chef de l'Association bretonne
Faits d'armes : Bataille de Monmouth
Bataille de Brandywine
Bataille de Yorktown
Distinctions : Ordre de Saint-Louis
Ordre de Cincinnatus

Armand-Charles Tuffin, marquis de La Rouërie, gentilhomme breton, (13 avril 1751 à Fougères30 janvier 1793 près de Lamballe), est un héros de la guerre d’indépendance américaine et l’organisateur de la Conjuration Bretonne, un des premiers mouvements anti-républicains lors de la révolution française. Depuis la fin du règne de Louis XVI jusqu’à sa mort, il a également combattu pour préserver l’unité et les privilèges de la Bretagne, ce qui en fait parfois un symbole des indépendantistes bretons.

Sommaire

[modifier] Carrière militaire

Destiné à embrasser la carrière militaire dès son plus jeune âge, son tempérament impétueux le fait rapidement remarquer. Sa jeunesse fut orageuse. Officier dans les gardes françaises, il s’y montra frondeur de la cour, et son début dans le monde fut marqué par des désordres. Épris d'une actrice (Mademoiselle Fleury), qu'il voulait épouser, il ne put l'y résoudre, et, de dépit, se battit en duel avec le comte de Bourbon-Busset, son rival. Ces violences le mirent dans la disgrâce du roi : il fut renvoyé des gardes. Accablé de ce malheur, il s'empoisonna, fut secouru et alla s'ensevelir à la Trappe.

Arraché par ses amis à ce tombeau vivant, sa famille le fait revenir à Fougères. Il n’y reste pas longtemps.

[modifier] La guerre d’indépendance des États-Unis d'Amérique

Fin 1776, il s’embarque à Nantes pour rejoindre les Américains qui luttent pour leur indépendance. Le Morris, navire sur lequel il a traversé l’Atlantique, est attaqué par trois bâtiments britanniques lors de son arrivée. Il s’échoue dans la baie de Chesapeake (Delaware) mais La Rouërie réussit à gagner le sol américain.[1]

Sous les ordres de George Washington, il devient le « colonel Armand » et recrute des volontaires, payés sur ses propres deniers. La légion Pulaski, du nom de son commandant, deviendra la 1st Partisan Corps (ou Armand's Partisan Corps) après la mort de Pułaski fin 1779. Composé d’infanterie et de cavalerie, ce corps de volontaires étrangers voit ses effectifs varier de 3 à 5 compagnies.

Créé le 25 juin 1778, il est démantelé le 25 novembre 1783, après avoir participé aux batailles de New York, Monmouth, Short Hills, Brandywine, Whitemarsh, la guerre de mouvement en Virginie et la bataille de Yorktown.

En 1781, le colonel Armand fait un aller-retour en France pour rééquiper ses troupes. Il y est décoré chevalier de l’ordre de Saint-Louis, et le 26 mars 1783, on le nomme Brigadier General dans l’armée américaine.

[modifier] Le retour en France

Il rentre finalement en France pendant l’été 1784, couvert de gloire et gardant l’amitié de George Washington avec lequel il continue à correspondre.[2]

[modifier] La fin de la monarchie

En 1785 La Rouërie épouse Louise-Caroline Guérin, marquise de Saint-Brice, une riche aristocrate. Peu après sa femme perd la raison et elle est soignée par le docteur Valentin Chevetel. Les deux hommes se lient d’amitié, discutent de politique et partagent au départ les mêmes idées libérales.

Lors des troubles précurseurs de la révolution française, il se déclara le champion de la noblesse et du parlement de Bretagne, qui luttaient contre la cour. Il fut l'un des douze députés envoyés près du roi, en 1787, pour réclamer la conservation des privilèges de sa province.

La Rouërie renonce en 1788 à sa carrière militaire quand Louis XVI lui propose un poste de commandement. Il s’oppose au projet visant à supprimer les privilèges qui avaient été accordées par le royaume de France à la Bretagne lors de l'union, ce qui lui vaut d’être enfermé à la Bastille le 15 juillet 1788. Il est libéré un mois plus tard mais n’abandonne pas ses idées.

[modifier] Les débuts de la Révolution française

Rendu à la liberté, il vit d'abord avec joie tous les signes d'une prochaine révolution ; mais, à la convocation des états généraux de 1789, il s'indigna de voir la noblesse bretonne succomber sous les prétentions du tiers état, et, excitant son ordre à la résistance, il provoqua son refus d'envoyer des députés aux états, ne voulant pas, disait-il, que cette noblesse antique se courbât devant la double représentation du peuple. Enfin ce fut lui qui conseilla la protestation chevaleresque, signée du sang des nobles bretons, contre les innovations antimonarchiques du ministère.

[modifier] La conjuration bretonne

Statue érigée à Fougères, sculptée par Jean Fréour
Statue érigée à Fougères, sculptée par Jean Fréour

Bien qu’ayant participé à la guerre pour l’avènement de la république aux États-Unis, La Rouërie reste pourtant monarchiste et chrétien convaincu. Voyant plutôt d’un bon œil l’émergence d’idées libérales au début de la Révolution, il est rapidement choqué par les excès du nouveau pouvoir. Dès 1790, il devint l'espoir des mécontents de la Bretagne, qu'il rallia pour jeter les fondements d'une association royaliste.

La Bretagne perd d’ailleurs à cette époque ses libertés et son unité, avec la création des départements. C’est en particulier l’assermentation obligatoire des prêtres qui pousse La Rouërie à se radicaliser, et à entamer le combat plutôt que de s’exiler comme nombre d’autres nobles.

[modifier] L’Association bretonne

Il fonde l’Association bretonne en juin 1791, qui reçoit le soutien des frères du Roi émigrés et de la noblesse locale, dont le comte de Noyan, mais également du clergé, de commerçants et de marins de toute la région entre Fougères et Saint-Malo. Cette ligue se militarise rapidement et dispose de plusieurs milliers de fusils. Mais Valentin Chevetel, l’ami médecin, est également un proche de Danton. Il joue le rôle d’agent double, sous le nom de Latouche, et suit le mouvement pour le compte du gouvernement.

Il quitte son château, se rend à Coblentz, auprès du comte d'Artois, et lui présente son plan d'association, se réservant de régler quand il en sera temps l'organisation militaire. Tout fut approuvé et revêtu, le 5 décembre 1791, de la sanction des frères du roi.

La Rouërie fut dès lors comme l'âme et le chef de la confédération et chargé d'en assurer le succès. Il partit de Coblentz, où son plan resta secret, et, de retour en Bretagne, il le mit à exécution. Bientôt Saint-Malo, Rennes, Dol-de-Bretagne, Fougères eurent leurs comités royalistes. On y fit le recensement de tous ceux qui avaient perdu au nouvel ordre de choses, pour les exciter à se confédérer. Des émissaires se glissèrent dans les corps administratifs et judiciaires, dans les établissements publics et surtout dans les douanes, la garde des ports, les forts et les arsenaux.

Une multitude d'écrits sur les intentions des princes et sur une prochaine coalition des cabinets de l'Europe propagèrent la doctrine de la résistance politique. Des règlements militaires et civils, délibérés dans des réunions secrètes, furent envoyés au conseil des princes pour être approuvés. Chaque chef d'arrondissement eut sous lui des chefs secondaires, chargés d'organiser militairement les cantons qui leur étaient confiés.

La Rouërie, l'âme de ce vaste complot, y consacrait ses veilles, sa fortune et toutes ses facultés. Il épiait l'instant de donner les dernières instructions à son parti, afin d'être en mesure d'éclater au moment où la guerre du dehors, qui venait de s'allumer, présenterait des chances favorables.

Convoquant dans son château les principaux confédérés, il leur fit lecture de la commission, datée de Coblentz, le 2 mars 1792, par laquelle les princes frères du roi, après lui avoir donné, comme chef des royalistes bretons, les pouvoirs militaires, ordonnaient de lui obéir et l'autorisaient à joindre à l'association bretonne les parties limitrophes des autres provinces.

Devenu suspect aux nouvelles autorités, il fut surveillé, et l'on fit fouiller inopinément son habitation par un détachement de 400 gardes nationales de Saint-Malo et de Saint-Servan ; mais la Rouërie et ses affidés s'esquivèrent par des souterrains inconnus. Il se mit ensuite en état de défense, exerça sa petite troupe aux manœuvres militaires à pied et à cheval et fit monter la garde jour et nuit, comme dans une place menacée. Au dehors, il distribua de l'argent, se fit de nouvelles créatures, soudoya des émissaires, qui le prévenaient exactement de tout ce qui se passait dans les villes voisines, de sorte qu'instruit à l'avance des visites domiciliaires, il avait le temps de s'y disposer.

Mais les revers des royalistes du Finistère et de l'Ardèche, qui avaient agi précipitamment et sans ensemble, le forcèrent de se renfermer dans le système d'une prudente circonspection. La catastrophe du 10 août vint encore suspendre l'explosion qu'il avait préparée. Ne se laissant point abattre, il disposa les esprits à un soulèvement général, en faisant répandre secrètement une proclamation émanée de lui, comme chef royaliste.

[modifier] La chouannerie

Il organisait en Bretagne la conjuration qui a donné directement naissance à la chouannerie.[3] Quand le marquis vint chez son cousin de Farcy, à Launay-Villiers, où il passa trois mois (mai, juin, juillet 1792), il trouva dans les cantons limitrophes de la Bretagne en Mayenne les esprits préparés pour l'action.

Le moment choisi fut celui du tirage au sort, qui devait avoir lieu le 15 août 1792. Sur l'ensemble de la lisière de la frontière entre la Bretagne, et la Mayenne, ce fut le concert unanime des protestations populaires suivant le même mot d'ordre.[4]

Ainsi, en août 1792, à Saint-Ouën-des-Toits, non loin de Laval, Jean Chouan ameute les paysans lors d’une tentative d’enrôlement de volontaires, bouscule les gendarmes et constitue une bande. [5]

Depuis ce temps, les insurgés sont des Chouans ; leurs combats avec les escortes, avec les postes républicains, avec les gardes nationaux d'Andouillé, de la Baconnière, avec les forgerons de Port-Brillet, se renouvellent par intervalles. Entre temps, Jean Chouan va en Bretagne pour rencontrer La Rouërie ou établir la correspondance avec les émigrés et s'abouche avec les autres chefs reconnus.

[modifier] La fin de la conjuration

Tombeau du marquis de la Rouërie dans le bois du château de la Guyomarais.
Tombeau du marquis de la Rouërie dans le bois du château de la Guyomarais.
Epitaphe du tombeau du marquis de la Rouërie.
Epitaphe du tombeau du marquis de la Rouërie.
Mémorial du marquis de la Rouërie situé devant le château de La Guyomarais sur l'actuelle commune de Saint-Denoual (22).
Mémorial du marquis de la Rouërie situé devant le château de La Guyomarais sur l'actuelle commune de Saint-Denoual (22).

Le 2 septembre 1792, Chévetel dit « Latouche » trahit La Rouërie, qui est pourchassé. La conjuration ayant été divulguée[6] aux révolutionnaires de Paris, des émissaires furent envoyés en Bretagne pour arrêter la Rouërie et pour faire échouer son entreprise.

On le serre de près : en vain ses amis le pressent de quitter momentanément la Bretagne et de se retirer vers les princes pour connaître leur volonté. Dédaignant tout projet de retraite, il court de château en château, de comité en comité pour réveiller les esprits abattus, pour ranimer les espérances, errant dans lès forêts, armé de toutes pièces, ne suivant jamais les sentiers battus, passant îes nuits dans des grottes inaccessibles, tantôt au pied d'un chêne, tantôt dans le fond d'un ravin, ne s'arrêtant jamais au même endroit.

L'un de ses émissaires, envoyé à Londres, revint, à la fin de janvier 1793, apportant la nouvelle que tous les plans étaient repris pour le mois de mars suivant ; qu'à cette époque, une descente d'émigrés sur la côte de Bretagne et la levée de boucliers dans les départements voisins auraient lieu simultanément, de même que l'invasion de la France par les puissances coalisées ; mais tout ce plan est révélé à Paris, et le conseil exécutif, de concert avec le comité de sûreté générale, fait partir Laligant-Morillon avec des pouvoirs illimités, à l'effet de s'assurer des principaux chefs de la ligue.

Errant et fugitif, la Rouërie, vivement poursuivi, signalé dans le Journal de Rennes, dénoncé à la société populaire, forcé par les revers de la coalition de passer l'hiver sans rien entreprendre, n'en est que plus impatient d'atteindre le mois de mars. Il veut braver l'inclémence d'une saison rigoureuse : sa santé s'altère, et le besoin de repos lui fait chercher un toit hospitalier, où il puisse, à l'abri des perquisitions, préparer le succès de son entreprise.

Il choisit le château de La Guyomarais (sur l'actuelle commune de Saint-Denoual), à une lieue de Lamballe ; mais bientôt il y est atteint d'une maladie mortelle. Il veut sortir pour ne pas compromettre ses hôtes ; mais il est forcé de rentrer par la gravité de sa maladie. Alors il apprend que Louis XVI vient de périr sur l'échafaud. Le 30 janvier, il expire dans des accès de délire et de désespoir, et meurt d’une fluxion de poitrine. Son cadavre, enlevé mystérieusement, est enfoui dans un bois voisin. Aujourd'hui encore il est possible de se rendre sur les lieux de sa sépulture, signalée par des panneaux à fleur de lys. Une plaque sur sa sépulture porte cette inscription : « Le mal qui l'emporta fut sa fidélité ».

Les chefs de l'association, inconsolables de la perte d'un homme dont le caractère et les talents faisaient l'espoir du parti, gardent sur sa mort le plus profond silence ; mais Lalligand dit Morillon, l'agent des révolutionnaires, survient : à l'aide des indications de l'espion Latouche, il fait déterrer et décapiter le cadavre et saisit les papiers de la conjuration, enfouis, dans un bocal, à six pieds de profondeur. Il s'assure en même temps des deux familles La Guyomarais et Desilles et de quelques affidés ; mais la plupart des autres restent inconnus, leur liste ayant été anéantie.

Sur vingt-sept accusés, douze furent condamnés à mort. La découverte des papiers de la Rouërie eut lieu le 3 mars 1793, et sept jours après, une grande partie de la Bretagne, de l'Anjou, du Maine et du Poitou était en insurrection pour la royauté.

On ne peut pas douter que la Rouërie n'ait attaché le premier anneau de la confédération royaliste des provinces de l'Ouest de la France, qui renaquit tant de fois de ses cendres, jusqu'en 1815. Le mouvement de la chouannerie continuera encore plusieurs années, notamment sous l’impulsion du comte Joseph de Puisaye.

[modifier] Divers

Son nom se prononce « La Rouarie » et non « La Rouérie ».

[modifier] Bibliographie

  • Charles-Armand Tuffin, Marquis de la Rouërie, Chef de la conjuration bretonne. Généalogie, Notes, Documents et papiers inédits. Une Famille bretonne du XIIIe au XIXe siècle. J.Pilhon et L. Hervé, Libraires - Rennes - 1899. Par P.Delarue.
  • Le Marquis de la Rouërie et la Conjuration bretonne. G. Lenôtre. Librairie Académique Perrin, 1927
  • Le marquis de la Rouerie "Colonel Armand " de la guerre américaine à la conjuration bretonne Christian Bazin. Perrin .1990
  • Le Colonel Armand Marquis de la Rouerie . Job de Roincé .Éditions Fernand Lanore . 1974.
  • Colonel Armand, Marquis de la Rouërie Hervé Le Bévillon. Éditions Yoran Embanner.2006.

[modifier] Notes et références

  1. Pour la petite histoire, il arrive entièrement nu ainsi que ses trois domestiques, sur le sol américain.
  2. Pourtant, en ce qui concerne la participation des Français à la guerre d’indépendance, l’histoire se souvient beaucoup moins de lui que de Lafayette. En marge de ses faits d’armes, il rapporte de son voyage des plants de tulipiers de Virginie (offerts par Washington). Ce sont les premiers à être importés en Europe, et ils sont encore visibles au château de Saint-Ouen-la-Rouërie.
  3. Les Tuffin de la Rouairie étaient alliés avec la famille de Farcy, dont les deux frères habitaient l'un le château de Mué, en Parcé, l'autre le château de Launay-Villiers. M. de Mué avait encouragé un royaliste sûr de sa paroisse de Parcé, Jean-Louis Gavard à prendre les fonctions de maire. Il le mit plus tard en rapport avec le conspirateur, qui le chargea spécialement d'organiser la coalition sur la lisière de la Bretagne.
  4. Qu'on nous rende nos prêtres ; nous ne partirons point pour faire la guerre au roi et à la religion ; que les acquéreurs de biens nationaux aillent défendre le gouvernement
  5. Le 26 septembre, les patriotes d'Andouillé et de la Baconnière étant allés piller le château de Villiers, ce fut le signal. Jean Chouan déjà reconnu pour chef, et tous les chefs de paroisses du canton vinrent assaillir les Bleus rentrés le soir au Bourgneuf. Le 27, la force armée de Laval venait pour réprimer l'insurrection, elle fut reçue à l'étang de la Chaîne par une fusillade dont Jean Chouan avait donné le signal. Il prenait les ordres de Gavard, connu seulement de quelques-uns des chefs.
  6. Latouche G.,Voir dans le tome 1er de l'Histoire de la guerre de la Vendée, liv. 2, 4e édit., tous les détails de cette conjuration.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Source partielle

« Armand Tuffin de La Rouërie », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail édition]

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