États généraux de 1789

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

5 mai 1789Ouverture des États généraux de 1789 à Versailles
5 mai 1789
Ouverture des États généraux de 1789 à Versailles

Les États généraux de 1789 sont les derniers de l'Ancien Régime français.

Sommaire

[modifier] Le contexte

Début 1788, tout le monde souhaite la tenue des états généraux, mais pour des objectifs, le plus souvent, incompatibles entre eux.

[modifier] Les « privilégiés »

  • L'aristocratie souhaite en finir avec la monarchie absolue imposée par Louis XIV et incarnée par Louis XVI, et reprendre ainsi ses pouvoirs d'autrefois.
  • Le haut-clergé, qui profite globalement du système, désire (en majorité) le maintien du statu-quo. Aux états généraux la noblesse est représentée par 270 députés (dont 90 libéraux). Le clergé est représenté par 291 députés (dont 220 curés), la plupart acquis aux idées de réforme. Le clergé et la noblesse sont majoritaires en voix aux états généraux (2 contre 1), et toute décision a des chances de leur être favorable. Mais il existe déjà dans ces deux « États », d'ardents réformateurs qui ne sauraient tarder à devenir encore beaucoup plus engagés (cependant, à cette époque personne ne parle encore de révolution).

Le clergé et la noblesse ne forment pas des ordres totalement homogènes ; il faut noter la présence du bas-clergé, traditionnellement favorable au monde paysan, ainsi que l'existence d'une petite noblesse rurale -par exemple en Bretagne -, dont les perspectives sont bien différentes de celles de la Cour.

[modifier] Le Tiers

578 députés, (12 gentilshommes, 18 maires de grandes villes, 162 magistrats de baillages ou sénéchaussées, 110 avocats, 114 médecins, 162 négociants, propriétaires ou cultivateurs, et 110 commerçants, agriculteurs et industriels) forment le tiers état aux états généraux du 5 mai 1789. Concernant son « manque de représentation et de considération » (Beaumarchais), le Tiers est lui-même divisé sur nombre d'autres questions qui sont évoquées dans les cahiers de doléances :

  • La bourgeoisie, plutôt urbaine, enrichie par le commerce ou la finance, ouverte aux Lumières voit sa force économique naissante bloquée par ses origines roturières et réclame une égalité de traitement : les nobles seuls ont accès aux postes d'officiers ou de la haute fonction publique, et sont dispensés de taxes. Ces revendications sont à la fois sociales et économiques.
  • La paysannerie n'est pas représentée, mais s'appuie sur le tiers état. Elle vit de ses maigres récoltes en fonction des aléas du temps, et croule sous la pression fiscale qui lui est infligée : elle demande un rééquilibrage du système fiscal et son extension aux privilégiés mais aussi le droit de chasse… Tout cela pourrait se faire à l'occasion des états généraux, à condition que le tiers état y soit mieux représenté et que le vote s'y fasse par tête plutôt que par Ordre ;

[modifier] Le roi

Le roi lui-même, confronté à une dette de l'État sans précédent, doit trouver une solution pour faire rentrer rapidement de l'argent dans les caisses. Dans son idée, la délégation de cette décision aux états généraux lui permet de se dissocier d'une mesure qui sera à coup sûr impopulaire.

[modifier] Convocation des états généraux (janvier)

Le 8 août 1788, le marasme financier et la dégradation de la situation dans tout le pays amènent Louis XVI à convoquer les états généraux du royaume pour le 1er mai 1789. Le 27 décembre 1788, le Conseil d'État décide que le bailliage sera l'unité électorale de base, qu'il y aura au moins 1 000 députés en fonction de la population et du montant des contributions de chaque baillage, et surtout qu'il y aura doublement de la représentation du tiers état.

L'élection des représentants a lieu en janvier 1789 et suscite une participation très variable. Les représentants du tiers état sont désignés de façon indirecte. Seuls les hommes de plus de 25 ans et payant l'impôt ont le droit de voter. Le 24 janvier, le roi adresse la lettre de convocation suivante :

Lettre de convocation des états généraux à Versailles

« De par le Roi,
Notre aimé et féal.
Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l'état de Nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de Notre royaume. Ces grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l'Assemblée des États de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples, de manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l'État, que les abus de tous genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique et qui nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont Nous sommes privés depuis si longtemps.
Donné à Versailles, le 24 janvier 1789. »

[modifier] Ouverture des états généraux (mai)

Les états généraux s'ouvrent le 5 mai 1789 par une procession dans les rues de Versailles et une messe du Saint-Esprit, au cours de laquelle Mgr de La Fare prononce le sermon d'usage, honneur que briguait Talleyrand. Ce sermon a fait couler beaucoup d'encre, mais il est confondu par presque tous les historiens avec un texte apocryphe qui n'a aucun rapport avec l'original, et a seul été imprimé à l'époque. Après ces préliminaires, le lendemain, 5 mai, a lieu l'ouverture de la séance royale dans une salle aménagée dans l'hôtel des Menus-Plaisirs à Versailles et dénommée pour la circonstance salle des trois ordres. Cette date marque le début de la Révolution française.

Sur 1139 députés, 291 appartiennent au clergé et 270 à la noblesse. La première séance, le 5 mai, est présidée par Louis XVI en personne, le clergé s'assied à la droite du trône, la noblesse à gauche, le tiers état en face. Les orateurs sont le roi, le garde des sceaux, Barentin, et le ministre des finances, Jacques Necker.

Sous les applaudissements du clergé et de la majorité du tiers, Anne Louis Henri de La Fare, l'évêque de Nancy, prononce le sermon de la messe d'ouverture des états généraux. Mais l'opininion publique impressionée par les assertions calomnieuses de Mirabeau évoluera rapidement.

Après un discours concis et généralement bien accueilli du roi, Barentin, le garde des Sceaux, fait ensuite l'éloge du roi. Necker prononce enfin un discours qui dure deux heures et demie et durant lequel le roi lui-même s'endort. Ce discours fait prendre conscience aux députés que la situation financière du royaume est désastreuse. Il fait apparaître que la situation générale en France est beaucoup plus confuse qu'on ne le pensait ; le gouvernement est totalement désorienté.

Seul le contrôleur des finances aborde les raisons pour lesquelles les États généraux sont réunis : le déficit du budget. Mais il affirme qu'il sera aisé d'y remédier. Il ne parle pas du problème qui préoccupe le plus les députés : le vote par ordre, ou par tête, à l'issue de la séance solennelle, qui conditionne toute réforme.

[modifier] Les dissensions

Jacques-Louis David, le Serment du Jeu de paume (Musée du château de Versailles)
Jacques-Louis David, le Serment du Jeu de paume (Musée du château de Versailles)

Des dissensions éclatent très rapidement sur la manière de voter. Le clergé et la noblesse souhaitent que le vote ait lieu par ordre, ce qui leur assure la majorité ; le tiers-état réclame le vote par tête, ce qui lui assurerait l'égalité et que les débats aient lieu en commun. Le tiers fait valoir qu'il représente à lui seul la Nation, et refuse ainsi de quitter la place. Le 10 juin, le tiers état, à l'initiative de Sieyès, invite les députés des deux autres ordres à les rejoindre. Certains d'entre eux, des nobles libéraux (Lafayette) et des clercs proches du peuple, s'unissent au troisième ordre. On assiste ainsi à une révolution à caractère juridique : la suppression des ordres face au roi, auxquels se substitue une représentation nationale en une seule assemblée. Le groupe ainsi constitué se proclame donc Assemblée nationale, sur la motion de l'abbé Sieyès. Devant ce premier acte révolutionnaire, Louis XVI, contre l'avis de Necker, fait fermer la salle des états que préside Bailly.

Mirabeau
Mirabeau

La nouvelle Assemblée nationale trouve un autre lieu de réunion à Versailles, une salle de jeu de paume, sur la proposition du Dr Guillotin. Lors de la séance dite du Serment du Jeu de Paume, le 20 juin 1789, les députés promettent de ne pas se séparer avant d'avoir rédigé une constitution pour le pays : l'Assemblée nationale constituante siègera ainsi jusqu'au 3 septembre 1791 et exercera en même temps le pouvoir législatif. Lors de la séance royale du 23 juin 1789, le roi ordonna la dispersion de l'Assemblée. Le grand maître des cérémonies alla porter l'ordre à Bailly, doyen du Tiers. Mirabeau aurait alors, selon la légende, prononcé cette phrase célèbre : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes. »

Des citoyens français appelèrent aussi à la convocation d'un « quatrième ordre : celui des pauvres journaliers, des infirmes, des indigents », etc., ou l'ordre sacré des infortunés, ce qui, à l'époque, était constitué d'un nombre important de personnes.

Une révolution bourgeoise et pacifique venait ainsi de s'accomplir, une monarchie constitutionnelle se substituant à l'absolutisme royal de l'Ancien Régime.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Edna Hindie-Lemay, La Vie quotidienne des députés aux états généraux, 1789, Hachette, coll. « La Vie quotidienne », 1989.

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources

  • Jean Sylvain Bailly, Mémoires d'un témoin de la Révolution, ou journal des faits qui se sont passés sous ses yeux, et qui ont préparé et fixé la constitution française, éd. Levrault-Schoell et Cie, Paris, an XII-1804 ;
  • Jacques-Antoine Creuzé-Latouche, Journal des états généraux et du début de l'Assemblée nationale, Didier, Paris, 1946 ;
  • Adrien Duquesnoy, Journal sur l'Assemblée constituante, Alphonse Picard & fils, Paris, 1894 ;
  • Goubert (Pierre) et Denis (Michel), 1789 : les Français ont la parole. Cahiers de doléances des états généraux, Gallimard, coll. « Archives », 1973.d. .
  • Lefebvre (Georges) et Terroine (Anne), Recueil de documents relatifs aux séances des Etats généraux, I, éd. du C.N.R.S., Paris, 1953.
  • Lemay, Edna H.: Dictionnaire des constituants 1789-1791, Universitas, 2 vol., Paris, 1991